La Fin Infinie

Chapitre 10 : Chapitre VII : Le maître du jeu.

2408 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 14/11/2017 12:36

« Je dois vous parler. »

Elle leva les yeux larmoyants vers l’homme qui était debout en face d’elle.

« Les choses ne vont pas très bien. »

« Que voulez-vous dire ? »

« Nous avons quelques complications. Il semblerait qu’il… ne coopère pas vraiment.Si ça continue comme ça, il va finir par lâcher prise. »

Les deux mains serrées contre son cœur, elle secoua la tête.

« Je savais que c’était une énorme erreur. Nous n’aurions jamais dû faire ça. »

« Tout n’est pas encore perdu. »

« Ce n’est pas la peine de me mentir. »

Les larmes commencèrent à couler le long de ses joues, et elle le regarda avec une colère qui semblait vouloir sortir de ses yeux pour le poignarder.

« Assassin ! »

**************

Sean l’avait compris. La tâche qui l’attendait n’allait pas être des plus simples.

Il n’arrivait juste pas à y croire. Entrer dans l’univers d’un jeu, a-t-on jamais entendu parler d’une mascarade pareille ? Pourquoi a-t-il fallu que ça tombe sur lui ?

Mais Corvus avait raison sur un point, ça ne servait à rien de sombrer dans la panique. Sean devait se faire une raison. Il était peut-être le pion de quelqu’un comme les autres personnages étaient ses pions à lui, mais il n’avait d’autre choix que d’obéir.

Tout comme Corvus avait accepté de l’aider dans ce jeu parce qu’il n’avait pas d’autre option, Sean aussi devait se plier aux ordres de ce « quelqu’un », simplement car il était le seul à pouvoir lui dire comment il était venu là, et comment il pourrait rentrer chez lui.

Rentrer chez lui…

Sean n’était pas sûr qu’il y ait jamais eu un endroit portant ce nom. Il n’était même pas certain qu’il voulait rentrer. Après tout, qu’avait-il dans l’autre monde, le vrai ?

Rien de spécial.

Ici, il était dans un monde fictif. Même son statut était assuré par le rôle qu’il avait prit à Corvus. Ici, il était respecté et aimé, sans même l’avoir cherché. Ici, il ne serait jamais traite de la même manière.

En fin de compte, est-ce que cette histoire valait la peine d’être écrite ? Est-ce que la Fin marquait simplement la fin de son ancienne vie, le début d’une autre ? Est-ce qu’il fallait abdiquer sans même essayer ?

Il regarda le cahier vide qu’il avait entre les mains. Un mot, juste un. S’il l’écrivait, son sort serait sellé pour toujours.

Le pion dans le jeu de quelqu’un…

Ce quelqu’un n’était pas stupide. Pourquoi lui aurait-il proposé un jeu dont l’enjeu est si futile pour lui ? Cette personne savait que Sean ne tenait pas particulièrement à son ancienne vie, pourtant.

"Je sais que tu n'aimes pas ta vie d'antan, mais je ne pense pas que tu préfères passer le restant de tes jours dans un jeu vidéo, entouré d'inconnus, et pas un seul objet électronique en vue, et sans plus personne sur qui exercer ton « pouvoir absolu »."

Sean n’était pourtant pas féru d’électronique, et les personnages du jeu n’étaient pas de parfaits inconnus pour lui. Ce n’était pas comme si les gens de son monde à lui étaient tous ses amis. Quand au pouvoir absolu, rien ne l’empêchait de créer de nouvelles histoires qui n’impliquent pas les personnages de professeur Layton, et continuer à écrire autant qu’il voudrait.

Mieux encore, il pouvait ne jamais finir son histoire. Il pouvait utiliser le pouvoir qu’il avait pour forcer les gens qui l’entouraient à le traiter comme un roi. Certes, il ne quitterait jamais le jeu puisque ceci n’est pas très logique, mais qui voudrait quitter un monde dont il est le maître ?

La personne qui l’avait envoyé là était soit extrêmement stupide, soit très gentille, soit un menteur qui ne tiendra pas ses promesses.

Un petit sourire se dessina sur le coin de ses lèvres. Un sourire qui n’avait rien d’adorable.

Il était un génie. Peu importe combien il était défavorisé sur le plan physique, son intelligence restait inébranlable.


Lorsque Corvus rentra, il trouva Sean assis sur le bord du lit, tenant le cahier et le stylo à la main.

« Je t’avais pourtant dit de ne rien écrire avant que je ne sois de retour », fit-il remarquer d’un ton réprobateur.

Sean ne lui répondit pas, occupé à choisir ses mots.

« Et tu ne t’es pas encore changé ? Qu’est-ce que tu as fait pendant tout ce temps ? »

Sean ne dit rien et Corvus, énervé, s’avança vers lui et lui arracha le cahier.

« Tu connais la signification du mot répondre ? » S’écria-t-il en constatant avec quelque soulagement qu’il n’avait encore rien écrit.

Sean le regarda, se leva très calmement et lui ordonna d’une voix toujours aussi calme, sans avoir la prestance d’une voix qu’on pourrait qualifier de telle, cependant.

« Rend-le-moi. »

« Qu’est-ce que tu allais écrire ? »

« Ça ne te concerne pas. »

« Bien sûr que si ! Je suis tout autant impliqué dans cette histoire. »

Sean esquissa un sourire en coin.

« Je suis navré, mais j’ai déjà pris ma décision. »

« Quelle décision ? » Demanda Corvus, intrigué.

« Je ne veux pas quitter cet endroit. »

« Pardon ? »

« C’est simple. Je peux vivre dans un monde où j’ai le contrôle de tout. Pourquoi voudrais-je partir ? »

Les yeux de Corvus s’arrondirent.

« Et moi ? »

« Tu te débrouilles. »

La bouche entrouverte, Corvus regarda l’autre garçon qui semblait on ne peut plus satisfait. Il avait trouvé la solution facile pour lui, et ça s’arrêtait là.

Sean, lui, savait que l’autre aller éclater d’un moment à l’autre. Il avait un peu peur, mais une crise de colère n’était qu’un petit prix pour son projet.

Sauf que, à sa grande surprise, Corvus ne s’énerva pas. Au contraire, il afficha un sourire à son tour.

« C’est un génie. »

« Qui ça ? » Demanda Sean, ne comprenant plus.

« Surement pas toi », rit-il alors qu’il sortait un morceau de papier froissé de sa poche.

Sean le regarda en clignant des yeux.

« On a jeté ça sur moi alors que je marchais dehors », expliqua-t-il en donnant le papier à Sean. « J’ai regardé autour de moi mais il n’y avait personne. Lis un peu ce qui est écrit. »

Sean défroissa le papier en appréhendant déjà ce qu’il allait voir.


« Je m’adresse à toi, Corvus, le vrai.

Je trouve que tu es tout de même assez désavantagé, dans ce jeu. C’est vrai… tu as perdu tout ce que tu avais, et ton sort dépend de quelqu’un qui ne se soucie pas le moins du monde de toi. Je trouve que c’est injuste, pas toi ?

Sean est un imbécile qui se croit intelligent alors qu’en fait, il est incroyablement bête.

Il va surement décider de jouer le malin, contourner mes règles pour vivre dans un monde qui est sien. L’imbécile ! Ne s’est-il jamais demandé quel était ton rôle à toi exactement ? Ne s’est-il pas demandé pourquoi tu étais le seul qu’il ne pouvait pas contrôler ?

Eh oui, tu ne sers pas qu’à subir et à te taire, ce serait trop facile.

Je te donne une carte maîtresse. Si Sean a le pouvoir sur tout le monde, toi, tu as le pouvoir sur Sean.

C’est très simple, tu peux, à n’importe quel instant, par écrit le faire disparaître de ce monde, comme de l’autre.

Intéressant, n’est-ce pas ?

Fais attention, cependant, le faire disparaître signifie faire disparaître tes chances de retrouver ton existence normale également. Si j’étais toi, j’y réfléchirais à deux coups avant d’écrire que Sean Hayden va disparaître. Mais si le petit Sean veut jouer son égoïste et ne se soucier que de lui-même, tu sais que faire désormais.

Voilà, Sean, tous tes plans tombent à l’eau en quelques mots. Est-ce à moi que tu voulais jouer des tours ?

Je m’amuse. En fait, ce n’est pas par pitié envers Corvus que je fais ça. Tout est question de contrôle. Nos personnages ne sont que des marionnettes, n’est-ce pas, S ?

Qui est le véritable maître du jeu ?

Cordialement,

Quelqu’un. »


Sean arrêta de lire et resta muet.

« Cet homme… » Commença Corvus. « Ou cette femme. Bref, cette personne… »

Sean regardait la lettre, ne disant rien. Cette personne, son pouvoir était-il vraiment absolu ? Comment elle avait pu savoir ? Comment elle avait prévu la façon dont il allait réfléchir ?!

Ce n’est pas possible…

« Désormais », lui fit remarquer Corvus. « Nous sommes à armes égales. Et crois-moi, si tu veux me sacrifier pour mener la belle vie, je n’hésiterais pas à te supprimer. Quitte à finir mes jours comme ça, je préfère que tu en souffres autant ! »

Sa voix montrait qu’il pensait chaque mot qu’il disait.

« Alors ? » Demanda-t-il avec un ton presque triomphal.

« Je n’ai pas le choix », dit simplement Sean d’une voix basse. « Le pouvoir absolu appartient aux temps révolus. »

Corvus secoua la tête, laissant ses cheveux bouger à droite et à gauche avec son mouvement.

« L’espoir appartient aux temps révolus », dit-il d’une voix claire. « On sait désormais que la personne à qui on a affaire est vraiment dangereuse. »

Sean se rappela de ce qu’il avait écrit lui-même. « La vérité est dangereuse… »

« Le véritable maître du jeu… » Commença-t-il en fixant l’étagère derrière Corvus d’un regard vide.

« Ce n’est ni toi, ni moi », termina l’autre jeune homme. « C’est lui. »

Sean hocha la tête.

Après un bref instant de silence, Corvus parla à nouveau.

« Bien. J’imagine que nous devons donc l’écrire, cette histoire. »

« Je dois l’écrire », aurait voulu dire Sean, mais sa langue le trahit encore une fois.

Alors il prit le cahier que Corvus ne tenait plus aussi fermement qu’au début, et s’approcha en courant vers la porte.

« Qu’est-ce qui te prend ? »

« C’est mon histoire » dit-il d’une voix peu affirmée. « Je vais l’écrire tout seul. »

« Je ne te fais pas confiance. »

« Fais-moi disparaître, si tu vois que je ne fais pas ce que je devrais faire. »

Passant sa capuche sur la tête, il sortit laissant l’autre seul à l’intérieur. Il ne savait pas qu’est-ce qui lui avait donné autant de cran, mais ne regrettait pas vraiment. Désormais, il pouvait rester seul, y penser seul, construire son scénario seul comme il l’avait fait auparavant.

Il n’avait besoin de personne, surement pas d’un pseudo allié qui pourrait le faire disparaître en deux mots.


Il s’assit sur de l’herbe, dans un petit recoin d’une rue complètement vide, et se mit à réfléchir. Bien sûr, avant qu’il n’échoue ici, il avait des plans pour son troisième tome. Ce n’était pourtant pas bien compliqué de suivre ce qu’il avait prévu et d’en faire une histoire digne de ce nom.

Escrime... c’était le point de départ. Il y avait encore quelques points à expliquer. Emmy, mais aussi le fils de Nigel, Roderrick, travaillaient pour quelqu’un, et il fallait expliquer pourquoi ils faisaient ça.

Il fallait trouver un moyen pour que Luke mène l’enquête.

Ensuite, il y avait Penelope. L’histoire de cette fille était bouclée, mais les questions qu’elle avait posées à Descole étaient parfaitement justifiées. Bon, pour ça, il avait déjà la réponse.

Par contre, il y avait des questions qu’il avait laissées des premiers tomes, comme la deuxième question que Layton se posait dans son journal dans La Princesse d’Axerik. Pour ça aussi, il avait une idée.

Mais il y avait une certaine question à qui il ne trouvait toujours pas de réponse, et qui datait de l’ultime énigme…

Cette lettre que Layton a envoyée, à qui était-elle destinée, et que contenait-elle ?

Au début, quand il avait écrit ça, il pensait que Layton manquait de pistes et allait contacter quelqu’un de Londres pour des renseignements, mais il avait vite renoncé à cette idée. Déjà que le professeur avait tous les indices dont il avait besoin, mais en plus, il ne voyait pas à qui elle pourrait s’adresser. De plus, la lettre ne pouvait pas être trop explicite car elle serait vérifiée, donc Layton avait parlé d’un certain code secret. Ceci impliquait que le destinataire était assez proche de Layton pour lui parler en code, et assez intelligent aussi.

Sean ne voyait pas de qui il pouvait s’agir.

Il aurait pu juste supprimer cette partie, mais il était trop entêté pour ça, trop fier aussi. Il avait préféré laisser ce passage, et penser à l’utiliser plus tard à son avantage. Seulement, il n’avait pas pu trouver d’explications et l’avait traîné tout le long des deux tomes. Et désormais, c’était trop tard pour l’enlever, et comme il arrivait au dernier tome, il ne pouvait plus le laisser de côté. Ne pas l’expliquer reviendrait à une histoire incomplète, et une histoire incomplète lui coûterait désormais son existence. Il était sûr, Corvus allait se venger s’il ne le sortait pas de cet état.

S’allongeant sur l’herbe, il ferma les yeux et commença à tisser son scénario. Il avait l’habitude d’écrire à l’instinct, mais il valait mieux ne pas prendre de risques.

Mais il savait que tenter une nouvelle méthode maintenant n’était pas une bonne idée.

Alors, comme il voyait qu’il manquait d’inspiration sur ce qui allait se passer à long terme, il prit son cahier et commença à écrire…


C’est ainsi que commença la fin.


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