La Fin Infinie
Chapitre 11 : Chapitre VIII : La ville du brouillard.
2005 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 15/12/2017 19:49
Des lettres, des lettres. Ça devait toujours commencer par des lettres.
Quelle ne fut la surprise de Flora lorsque, remettant sa lettre pour Luke au majordome de la famille pour qu’il la délivre à la poste, celui-ci lui annonça qu’elle en avait reçu une elle aussi.
Flora savait que les lettres n’étaient jamais bon signe. Cependant, séparée de ses amis dans ce petit village où elle était l’unique âme vivante, les lettres restaient son unique contact avec d’autres humains. Ce qui la rendait un peu perplexe, c’était qu’elle se demandait de qui pouvait provenir cette lettre.
Luke n’allait pas lui envoyer une autre alors qu’il n’avait pas encore reçu sa réponse. Et à part lui, elle ne voyait pas d’autre destinateur possible. Sauf peut-être…
Elle regarda le dos de l’enveloppe et ses soupçons furent confirmés. La lettre venait bel et bien de Penelope.
Le vieux majordome vit le visage de la jeune fille changer en une fraction de seconde. L’aura morose qui flottait autour d’elle se dissipa et un large sourire se dessina sur son visage, une petite marque en forme de pomme apparraissant dans le bas de son cou.
« Elle a enfin décidé de m’écrire… » Murmura-t-elle en tenant la missive de ses deux mains.
Remontant dans sa chambre, Flora eut peine à se contenir pour ne pas déchirer l’enveloppe sur place, mais elle se rappela des quelques commandements que sa mère lui donnait, et cette simple mémoire suffit à la calmer.
Enfin arrivée à sa chambre, elle coupa soigneusement l’enveloppe avec une paire de ciseau et retira l’unique feuille qu’il y avait à l’intérieur. Elle fut quelque peu déçue de voir qu’elle n’avait pas écrit grand-chose, mais ça ne l’étonnait pas de la part de Penelope.
« Chère Flora,
Je suis vraiment navrée de t’avoir laissée sans nouvelles. J’ai eu peine à retrouver ton adresse exacte. Il m’a fallu fouiller dans mes quelques affaires pour trouver les coordonnées du manoir de Saint-Mystère.
Pour ma part, tout va bien, ou du moins, il ne s’est rien passé qui ne soit pas supportable.
J‘aimerais te raconter beaucoup de choses, mais je n’ai aucune envie de m’étaler sur des lignes et des lignes d’écriture. Est-ce qu’on pourrait se voir ?
Je sais que nous n’avons pas vraiment eu le temps de discuter ensemble depuis que nous nous sommes revues, le cours des événements n’y en pas été favorable, et j’espérais rattraper, même un petit peu, tout cela.
Néanmoins, je ne pense pas que je pourrais venir à Saint-Mystère. J’ai pensé que l’endroit idéal pour se revoir serait Londres, en mémoire du professeur, mais aussi en mémoire de ma propre maman. Et parce que Londres… c’est un peu cet endroit qui nous unis tous.
Je te donne rendez-vous… disons le 9 octobre. Retrouvons-nous prêt de l’ancien appartement du professeur.
J’ai hâte de te revoir.
Ton amie, Lopy. »
Flora regarda la lettre. Elle était heureuse, heureuse que son amie d’enfance veuille la revoir, ait pensé à elle. Mais plus qu’être heureuse, elle était intriguée.
Cette lettre était trop gentille, trop douce, ça ne ressemblait pas du tout à Lopy. « J’ai hâte de te revoir », « Ton amie, Lopy », « j’espérais rattraper, même un petit, peu tout cela. » C’étaient des phrases qu’elle ne voyait pas Penelope dire. Jamais. Avait-elle changé… ou s’était-il juste passé quelque chose qui l’avait bouleversée au point de laisser tomber sa carapace de glaçon…
Son écriture aussi. D’habitude, Penelope avait une très belle écriture, la plus belle que Flora ait jamais vue, mais là, c’était tout le contraire. Comme si la lettre avait été écrite à l’arrache… sa longueur en témoignait...
« Je deviens paranoïaque… » se dit Flora en repliant la feuille. « Mais qu’elle veuille me voir si soudainement… et si elle ne voulais pas juste discuter mais qu’elle a vraiment quelque chose d’important à me dire ? »
Elle soupira.
« Pitié, pas une autre mauvaise nouvelle ! »
Elle regarda le calendrier accroché au mur de sa chambre. Il indiquait la date de ce jour-là, le 2 octobre. Elle avait encore une semaine pour se rendre à Londres.
*************
« Pourquoi partir demain ? » Demanda Brenda. « Nous avons encore une semaine. »
« Londres ne t’a pas manqué ? »
« Si, mais… »
Luke était assis à table, secouant sa cuillère dans sa soupe en regardant ses parents débattre encore une fois. C’était devenu si fréquent ces derniers temps qu’il s’y était presque habitué.
« Tu sais bien que ça n’inspire rien de bon », chuchota-t-elle bien que Luke fut clairement assez près pour l’entendre.
« Brenda, ce n’est pas le moment », l’arrêta son mari tout en lui lançant un regard entendu. « Allez, mange. »
Elle soupira. « Je n’ai pas faim. »
Et elle se leva, quittant la cuisine pour monter dans sa cambre. Luke la suivit du regard avant de se retourner vers son père.
« Elle est un peu stressée, récemment… » expliqua Clarck qui semblait lui-même confus.
« Pourquoi ? » Demanda Luke.
« Eh bien… ça arrive à tout le monde. Des fois on va mal sans raison particulière. »
Luke se demanda pour qui son père devait le prendre. Il n’était plus un enfant stupide ; il avait quinze ans et de lourdes expériences derrière lui.
« Qu’est-ce que vous me cachez ? » Questionna-t-il. Autant être direct.
« Mais rien du tout ! »
Quel mensonge !
« Papa, vous décidez du jour au lendemain d’aller à Londres sans raison particulière, sans parler de cette histoire d’escrime et… »
« Je t’ai expliqué ce que cela voulais dire », l’interrompit Clarck.
« Mais ton explication était totalement insensée. »
Clarck se leva à son tour.
« Luke, ne te mêle pas des affaires d’adultes. Occupe-toi juste de tes études et obéis à tes parents. Le reste ne relève pas de ta responsabilité. »
Il avança vers la porte.
« Et prépare tes affaires. Nous partons demain matin. »
Quittant la pièce, il laissa seul le jeune garçon devant son bol auquel il n’avait toujours pas touché. À cet instant, même Luke qui était un grand mangeur, eut le sentiment qu’il n’avait pas faim.
Alors il se leva et sortit à son tour. Ce n’était pas comme s’il ne voulait pas aller à Londres, au contraire, il aimait énormément cette ville. S’il avait su plus tôt, il en aurait parlé dans sa lettre à Flora. Peut-être qu’ils auraient pu se revoir.
S’occuper de ses affaires et obéir à ses parents. Son père avait raison, il devait arrêter d’essayer de tout analyser et comprendre. Il n’était pas, et ne serait jamais, le professeur. Il était juste un enfant. Oui, il fallait qu’il arrête. Il avait besoin de repos après cette horrible histoire d’Axerik.
Mais il se surprit tout de même à se creuser le cerveau pour essayer de comprendre ce qui se passait et comprit que c’était perdu d’avance. L’habitude.
Et il pria pour qu’il n’ait jamais à devoir reconstituer une autre vérité par lui-même.
****************
Desmond Sycamore était debout en face de sa bibliothèque, défilant le regard à travers les livres à la recherche d’un titre en particulier. Il fut cependant interrompu par des coups à la porte et ne fut même plu surpris de voir la fille de Claire entrer dès qu’il en a donné la permission.
« Penelope », commença-t-il en dissimulant un soupir. « Qu’est-ce qui te ramène ? »
La jeune fille leva le regard vers lui.
« Je vais à Londres. »
« Pardon ? »
« Je vais à Londres. »
Il plissa le front et se retourna complètement vers elle.
« D’où vient une décision si subite ? »
« Je veux juste y aller. Je partirai demain et serai de retour… je ne sais pas, dans une semaine ? »
« Attends ! » Il leva la main lui faisant signe de se calmer un peu. « Penelope, j’espère que tu n’es pas sérieuse. »
« Je ne vois pas pourquoi je vous mentirez, et vous aussi, je suis sure. »
Il soupira. Claire avait une fille vraiment entêtée, bien plus que ce qu’il aurait pu imaginer. Mais c’était une enfant qui avait été livrée à elle-même, qui avait vécu avec plusieurs personnes, ça expliquait en partie son comportement.
« Tu devrais écouter plus souvent l’avis des personnes qui en savent plus que toi », répondit-il en gardant son calme.
« Et que voulez-vous que je fasse si vous refusez de me donner des explications ? »
« Je t’ai déjà dit d’abandonner cette histoire. »
Voyant son regard peu convaincu, il ajouta.
« Si je t’ai recueilli chez moi, c’est avant tout en raison du souhait de ta mère de voir son enfant avoir une vie normale, sure, et sans encombre. Tu tiens tant à elle, alors ne crois-tu pas que tu lui dois au moins cela ? »
Penelope écarta une mèche de cheveux qui lui couvraient partiellement le regard et lui répondit, d’un ton froid.
« Vous n’êtes ni mon père ni mon tuteur légal, je n’ai point besoin de votre permission. Et je dois y aller. »
Tournant les talons, elle quitta la pièce.
Quelle enfant ingrate… une partie de lui aurait voulu penser, mais autre chose l’inquiétait bien plus. Pourquoi voulait-elle fourrer son nez à tout prix dans cette histoire ? Pourquoi voulait-elle savoir des choses qu’elle n’était pas censé savoir.
C’était dangereux. Il était le mieux placé pour le savoir.
Mais à cet âge-là, on est encore beaucoup trop immature. On se croit détective, où alors on est juste aveuglé par un désir insatiable de connaître une pseudo vérité. Et peu importe les avertissements qu’on reçoit, on demeure sourd et aveugle.
Une visite soudaine pour Londres… Intérressant. Très intérressant.
Auraient-ils enfin lancé la première offensive ? Espéraient-ils une contre-attaque ? Était-il prêt ?
Il s’approcha de la porte, l’ouvrtit et s’écria.
« Raymond ! »
Quelques minutes plus tard, le vieux majordome apparut.
« Monsieur m’a appelé ? »
Descole hésita encore un instant.
« Préparez mes affaires. Nous partons demain pour Londres. »
Avec un faible hochement de tête, le majordome remonta le grand escalier sans poser la moindre question.
*************
Londres. La ville du brouillard. Y a-t-il meilleur lieu pour commencer la fin ?
Flora. Penelope. Luke. Clark. Brenda. Descole. Raymond. Déjà sept personnes allaient s’y rendre. Pur hasard ? Coïncidence ? Les coïncidences ne peuvent pas arranger tout le monde, n’est-ce pas ?
Sept personnes, peut-être plus. Parmi elles un ennemi, peut-être plus. Qui était-il ? Que voulait-il ? Il était trop tôt pour le savoir.
Il sourit en cherchant dans sa tête une bonne métaphore pour décrire la situation.
« Les premiers pions ont déjà rejoint le plateau, et bientôt la partie pourra commencer… »