L'Ami du Miroir

Chapitre 7 : Chapitre 5 : Qui ?

1649 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/11/2016 19:54


Tu jettes ton torchon trempé nonchalamment sur la bordure du vieux seau rempli d’eau que tu as ramené avec toi.

« Ouf ! Qui aurait cru que nettoyer le sol et les murs allait prendre autant de temps ! »

Essoufflé, tu t’assoies par terre et admire le résultat de ton travail ardent. Ça a pris des heures, mais tu te dis que ça en a valu la peine.

« Bon... il ne me manque plus que ce miroir. Comparé au reste, ça devrait être un jeu d’enfant. »

Mais après avoir travaillé d’arrache-pieds durant toute l’après-midi, tu te sens complètement essoufflé. De plus, la nuit commence à tomber, et le temps c’est drôlement rafraîchi.

« Je crois que je vais laisser ça pour demain. »

Tu te relèves, ramasses le seau et les quelques objets que tu avais ramenés avec toi, et t’en vas. Tu ne passeras pas la nuit ici, et tu as choisi de repousser d’un jour encore notre rencontre.

Pourquoi ?

Je pose les deux mais sur le mur que constitue pour moi ce miroir. Je suis là, et je veux sortir. Je veux sortir.

Alors pourquoi dois-je rester enfermé encore une nuit ici ?

Tu n’es désormais plus là, mais je suis toujours avec toi. Je suis toujours avec toi, mais ça ne suffit pas. Il me faut te parler. Tu dois me voir. Et la seule manière pour ce faire… c’est ce miroir.

Alors, pitié, ne tarde pas et reviens.


Tu descends l’échelle. À la longue, tu t’es habitué à la hauteur et tu n’as plus vraiment peur. Tu réfléchis déjà à ce que tu vas faire une fois en bas.

« D’abord, je dois me changer. Ensuite, je fais mes devoirs. Et s’il me reste un peu de temps… je vais me préparer quelque chose à manger avant de dormir. »

Une pensée très brève parcourt ton esprit. Tu te dis que si ton frère avait été là, vous auriez pu jouer ensemble à cache-cache. Tu te serais caché dans la salle de bains. Là, il ne te trouverait jamais. Et puis lui, il se cacherait sans doute dans un endroit tout simple, sous un lit ou une table ; et tu passerais devant lui, et tu le verrais, et tu ferais semblant de n’avoir rien vu pour prolonger le jeu…

Et tu…

Tu secoues la tête. Arrête de penser à ça. Tu descends une autre marche, et une autre, puis t’arrêtes soudain au milieu de l’échelle.

« Pourquoi… ai-je l’impression que je suis en train de faire une bêtise ? »

Tu regardes autour de toi. Aux alentours, il n’y a personne. Il faut dire que c’est une ruelle bien vide, et puis tu fais toujours attention à ce que personne ne te voit. Tu relèves le regard vers le toit aux tuiles rouges.

« Pourquoi… ai-je cet étrange désir de remonter ? »

Le seau dans ta main commence à peser. Tu peux le lâcher, bien sûr, mais le bruit pourrait attirer l’attention. Tu compares la distance parcourue à celle qui te reste pour atteindre le sol. Encore six marches et tu es arrivé.

« Alors, pitié, ne tarde pas et reviens. »

Ton cœur fait un bond. Qu’est-ce que c’était ? Tu secoues la tête. Maintenant tu as des hallucinations auditives…

Un autre enfant aurait pris peur. Il aurait descendu les marches qui restaient aussi vite que possible et serait allé s’enfermer dans sa maison. Tu n’as absolument aucune raison de faire exception, pourtant, pour une certaine raison, ton choix semble déjà fait.

Prenant un souffle, tu remontes.


La petite pièce est là, comme tu l’as laissée. Il n’y a personne.

Oui, c’était surement une hallucination.

Tu poses ton seau par terre, et ton regard se dirige immédiatement vers le miroir encore couvert de poussière sur laquelle la trace d’une petite main est dessinée. La main que tu as posée l’autre jour.

Tu avances. Ton regard, mais aussi tous tes sens, semblent subjugués par quelque chose dans ce miroir. Comme un voyageur dans le désert serait attiré vers le mirage d’une oasis. Tu avances encore.

Plus vite.

Et plus vite.

Le bout de ton nez touche sa surface.

« Ceci… est juste un miroir, n’est-ce pas ? 

-Ça dépend de ce qu’il reflète. »

Tu sursautes. La voix qui vient de parler, là, c’est bien celle que tu as entendu plus tôt, non ? En posant une question, tu ne t’attendais évidemment pas à recevoir une réponse !

« Qui est là ? » Tu hurles d’une voix paniquée tout en déplaçant le regard à travers la pièce. Il n’y a personne. Personne à part toi.

« Il faut franchement tout t’expliquer ? »

Tu sursautes.

« Qui êtes-vous ? Où êtes-vous caché ? »

Oui, c’est ça. Il doit bien y avoir une cachette quelque part. Mais qui est-ce qui est en train de parler ? C’est une mauvaise blague, c’est ça ? Non ! Un cauchemar.

« Sortez immédiatement ou j’appelle la police ! »

Tu as vraiment peur. Comme je m’y attendais…

« Oh ! Crois-moi, si je pouvais sortir, je ne me serais pas fait prier. 

-Mais qui êtes-vous à la fin ? Et où êtes-vous ? »

C’est surement à cause du froid, mais tu as l’impression que tes jambes ont commencé à trembler.

« Écoute-moi très bien, je ne suis pas là pour te faire du mal, d’accord ?

-Comme si j’allais vous croire. Je suis peut-être un enfant mais je ne suis pas naïf.

-Tu vois ce miroir, je vais te prier de bien vouloir l’essuyer pour moi.

-Hein ? »

La demande te surprend. En même temps, ça n’a rien d’anormal. Bon, il va falloir insister, j’imagine…

« Fais ce que je te dis.

-Mais…

-Tu comprendras plus tard. »

Tu hésites encore un instant, puis prends le torchon que tu avais ramené avec toi, le rinces dans le seau et le porte vers le fameux miroir. La demande te semble étrange, mais pas dangereuse. C’est pour cela que tu t’exécutes.

Tu commences à écarter toute cette poussière. Il y en a tellement qu’un seul coup ne suffit pas. Tu dois rincer plusieurs fois ton torchon et reprendre. Et à chaque fois que tu nettoies une petite surface, tu voies des traits se former dans la glace.

À plusieurs reprises, tu poses des questions tout en continuant ta tâche. Tu ne reçois aucune réponse. Lorsque tu as enfin fini, tu lâches le torchon et recules de trois pas, admirant la figure spectaculaire qui se tenait devant toi.

C’est un homme d’âge adulte. Comment le décrire ? « Effrayant ? » Non, ce n’est pas le mot. « Étrange ? » Toujours pas ça. Le premier mot qui te saute à l’esprit, et auquel tu ne vois aucun sens, c’est… « Moi ».

Il est si étrangement habillé. Un masque, une cape, un chapeau, même une épée. On aurait cru un personnage fantastique. La seule chose qu’on peut voir de lui, ce sont ses mains, et une partie de son visage sur laquelle était dessiné un sourire…

Un sourire… identique au mien.

Tu le scrutes pendant un bon bout de temps, avant de réaliser quelque chose. Cette personne… elle était… derrière le miroir ?

« Qui êtes-vous ? »

Il arrange son masque blanc, et te regarde sans que tu puisses déchiffrer le sens de son regard.

« Tu es enfin venu, Hershel ? »

Ton cœur fait un second bond. Il connaît ton nom, ça c’est une chose. Mais ce qui te surprend le plus… c’est la façon dont il le prononce. Il ne le prononce pas comme tes camarades de classe, ou comme Becky Eildren, même pas comme le faisaient ton frère ou tes parents. Il a une manière si… spéciale de le dire.

« Eh bien, mieux vaut tard que jamais », termine-t-il en riant doucement.

Tu le regardes. Ça y est, tu n’as plus la force de poser la moindre question. Tu t’effondres contre le sol en bois, un geste que tu as pris l’habitude d’effectuer à chaque fois que tu te sentais confus. Et puis tu le regardes, encore et encore.

« Qui je suis ? » Il reprend en imitant ton geste derrière le miroir. « Je ne peux pas te le dire en deux mots, mais tu l’apprendras avec le temps. »


Ceci est ta vie.

Tu étais seul. Tu souffrais. Et puis un jour tu as découvert une pièce cachée entre le toit et le plafond. Dans cette pièce il y a un miroir, et dans ce miroir vit une personne qui ne sait même pas se présenter.

Cette rencontre que tu as faite ce jour-là et qu’aucune logique ne pourrait expliquer, tu aurais très bien pu refuser d’y croire. Pourtant, d’une certaine manière, les choses semblèrent aller très naturellement pour toi. Tu ne voulais pas avoir d’explication, ni en savoir plus sur l’identité de cette personne. Tu n’avais qu’une seule et unique requête.


« Pourrais-tu… dire mon nom encore une fois ? »


Laisser un commentaire ?