L'Ami du Miroir

Chapitre 2 : Chapitre 2 : Confusion.

1977 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:20

Lorsque tu te lèves le matin, la première pensée qui traverse ton esprit, c’est le fait que tu aies finalement pu t’endormir. Quand ? Tu n’en as pas la moindre idée.

Tu te lèves, plus heureux que jamais de quitter ce lit. Et puis tu te prépares rapidement pour aller à l’école.

Tu détestes l’école.

Là-bas, il n’y a que des enfants gâtés et stupides qui évoquent leurs parents chaque deux minutes, qui n’aiment pas leurs frères et sœurs juste parce qu’ils sont « fatigants », qui rient, s’amusent, étudient un peu, font des bêtises, et ont la vie que tu rêverais avoir.

Mais tu sais que tu dois y aller. Si tu n’étudies pas, tu ne pourras jamais être assez fort pour sauver tes parents. Tu sais très bien que la vie ne te fera pas de cadeaux, et que tu n’as pas d’autres choix.

C’est pour cela que tu chasses vite l’idée de rester à la maison aujourd’hui, et que tu descends vite à la cuisine pour manger quelque chose avant de partir.

Tu ne prends pas grand-chose. Tu sais très bien que désormais, seules les quelques réserves d’argent que ton père a laissées te restent pour vivre avec. Tu ne travailles pas ; tu n’as aucun revenu. Ce serait bien bête de gaspiller le peu que tu possèdes.

Les quelques gens qui ont cherché à savoir où était ta famille, tu leur avais expliqué que tes parents voyageaient souvent pour leur travail, et que tu étais assez responsable pour rester seul. Quand tu savais que la personne devant toi n’avait pas les moyens de vérifier, tu n’hésitais même pas à lui mentir à propos de ton âge, te vieillissant de deux ou trois ans. Et ainsi, avec des petits mensonges et certaines adaptations, les gens te laissaient tranquille. Certaines situations avaient été vraiment délicates, mais tu t’en sortais toujours pour une simple raison.

Au fond, les gens ne se soucient pas le moins du monde de ton état.

Oui, ils demandent, font semblant de s’inquiéter pour cet enfant qui est tout le temps seul. Mais si c’était vraiment le cas, quelqu’un aurait fini par découvrir que tu vivais vraiment seul et que tu n’avais personne. Le fait que tu puisses continuer ta vie comme si de rien n’était prouve que ces gens ne sont que des hypocrites.

Mais tu te dis que c’est mieux comme ça.

Tu prends ton manteau et passes par le hall pour sortir. Tu lèves instinctivement la tête vers le plafond. La peinture commence à se dessécher. Tu te demandes si tu peux arranger cela tout seul. Peut-être en montant sur une échelle… non, laisse tomber. Ça ne dérange pas.

Tu sors, prenant soin de fermer la porte à clé. Alors que tu longes l’allée menant à ton école, tu croises une femme qui marche dans le sens opposé, vers toi.

Tu la reconnais. Il s’agit de Becky Eildren, la voisine la plus proche dont la maison se situe à une centaine de mètres de chez toi. Elle a emménagé il y a environ deux ans, et fait partie de ces gens qui aiment faire semblant de s’inquiéter pour toi.

« Ah ! Hershel », elle t’appelle en s’arrêtant devant toi. Tu avais donné ce nom à ton frère, mais tu ne pouvais pas prendre le risque de te faire appeler autrement. Certaines personnes, notamment à l’école, te connaissaient déjà sous le nom d’Hershel Bronev.

« Bonjour Mme. Eildren », tu lui réponds en t’arrêtant à ton tour, espérant qu’elle ne va pas trop te retenir avec ces discussions inutiles.

« Bonjour », dit-elle à son tour en passant son écharpe de laine violette derrière son dos. « J’espère que tes parents sont rentrés de leur dernier voyage. »

Voilà ! Elle fait semblant de s’inquiéter.

« Non, pas encore. Mais ils devraient être bientôt de retour. »

Mme. Elidren t’offre un sourire compatissant, et enchaîne.

« Me voilà rassurée. Mais tu ne peux pas attendre leur retour, tu dois absolument régler le problème au plus vite. Surtout qu’il pleut souvent ces derniers temps. »

Tu fronces les sourcils.

« Un problème ? Quel problème ? 

-Voyons, Hershel », dit-elle avec une certaine surprise. « Tu ne peux pas ne pas avoir remarqué !

-Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez…

-Regarde. »

Elle pointe du doigt quelque chose derrière toi. Tu te retournes pour voir de quoi il s’agit, et c’est là que la surprise s’empare de toi.

Une bonne partie du coté droit du toit de ta maison est complètement détruite !

« Que… qu’est-ce que c’est ?

-Je suppose que c’est la foudre », conclut ta voisine. « Avec l’énorme orage d’hier soir, c’est la seule explication que je trouve. »

Tu es surpris. Hier avait été une nuit horrible, et ce matin, en te réveillant, tu avais été heureux que ce soit fini. Tu ne t’attendais pas à ce que ces effets s’étendent plus loin…

Et puis tu baisses la tête. Pourquoi ce genre de choses devrait t’arriver à toi seulement ? Tu sais bien que tu n’as aucun moyen de réparer ça ; et qu’un toit à moitié cassé n’est pas une chose insignifiante qu’on pourrait ignorer comme de la peinture desséchée.

Ce n’est vraiment pas juste…

Becky Eildren pose une main sur ton épaule, remarquant son doute ton état.

« Si tu as besoin d’aide, n’oublie pas que je suis là. »

Mais tu sais très bien qu’elle ne le dit que par politesse. Si elle avait vraiment voulu aider, elle l’aurait fait sans attendre que tu le lui demandes.

« Merci, Mme. Eildren, mais mes parents ne vont pas tarder à revenir. 

-Tu es sûr ? » Elle insiste seulement car elle sait que tu vas refuser.

Tu hoches simplement la tête, puis continue rapidement ton chemin en lui disant que tu vas être en retard pour l’école. À son tour, elle continue de marcher dans sa direction, oubliant déjà ton problème.

Dans ce monde, tu es absolument seul. Les seules personnes pour qui tu comptes ne sont déjà plus là.

Tu marches doucement, le regard fixé sur le sol, les larmes commençant à brouiller ta vision. Qu’est-ce que tu vas faire ? Si tu appelles un réparateur, il va chercher à savoir où sont tes parents. Si tu essaies toi-même, tu n’y arriveras jamais car c’est trop haut et car tu ne sais même pas comment t’y prendre. Si tu le laisses comme ça, à chaque fois qu’il pleuvra, ta maison sera transformée en bassin.

Pourquoi est-ce si dur d’être un enfant ?

Tu continues à marcher pendant une minute, puis soudain, tu t’arrêtes net. Une pensée qui saute aux yeux vient de frapper ton esprit.

Si tu le laisses comme ça, à chaque fois qu’il pleuvra, ta maison sera transformée en bassin.

Le toit a été endommagé hier, et hier, il pleuvait des cordes. Pourtant, en sortant ce matin, tu n’avais pas vu une goutte d’eau par terre. Le plafond n’était même pas endommagé, et même la peinture desséchée était comme ça depuis plusieurs semaines.

Comment est-ce possible ?

Tu hésites, regardes devant toi. L’inquiétude s’empare de toi. Tu l’as bien vu ; la fissure sur le toit est assez grande pour qu’une énorme quantité d’eau passe à travers. Pourtant il n’y avait rien du tout. C’est impossible que tout ait séché aussi rapidement. Et puis le toit, vu de l’intérieur, pourquoi semble-t-il en parfait état ?

Pourquoi ne peut-on voir le toit cassé que de l’extérieur ?

Tu te retournes, comme pour t’assurer que tu as bien regardé. Au loin, tu peux voir une bonne partie du toit en tuiles rouges complètement cassée. Tu regardes à nouveau ton chemin, à nouveau ta maison, puis te retourne et cours vers chez toi.

Tu dois absolument comprendre ce qui est en train de se passer.

Ton regard ne se détache pas du toit. Peut-être que seules les tuiles ont été abimées, mais que la construction en elle-même est restée intacte.

Mais tu sais bien que c’est une théorie purement ridicule.

En t’approchant, tu as bien vu qu’il n’y avait que deux morceaux de tuile rouge par terre. Où avait disparu tout le reste ? Si le toit était resté intact, elles seraient toutes tombées à l’extérieur, mais puisqu’elles n’y sont pas, c’est qu’elles sont tombées à l’intérieur, et que le toit a donc bel et bien été endommagé. Le problème, c’est que tout, tout comme pour la pluie, tu n’as pas vu un morceau de tuile chez toi le matin. Pourtant, la partie endommagée couvre bien le hall par lequel tu es passé ce matin.

Pourquoi est-ce que ton toit semble absorber les choses ?

Tu ouvres la porte, et ton regard se dirige immédiatement vers le sol, puis le plafond. Tout est intact, propre, rien à voir avec le spectacle vu de l’extérieur.

Pourquoi, bon sang ? Pourquoi ?

Tu jettes ton cartable, montes à l’étage et vérifies chaque chambre l’une après l’autre. Mais tu ne trouves rien.

Et là, tu commences vraiment à te sentir confus. La vie t’a habitué, toi comme tous les autres, à expliquer tout, d’une manière ou d’une autre. Et puis quand il n’y en a pas, tu dis qu’il doit quand même y en avoir.

Là, tu aurais parfaitement pu te lever et partir à l’école, laissant ce problème derrière. En courant un peu, tu serais arrivé à temps. Tu aurais pu ignorer cette étrange incohérence et te soucier seulement de la manière dont tu allais réparer le toit.

Mais pour une raison que j’ignore encore, tu as choisi d’agir autrement.

Tu sors de chez toi, vas au jardin, et ramènes la grande échelle qui n’a servi à rien depuis que tes parents sont partis. Tu la cales contre le mur de la maison et te prépares à monter.

Tu vas inspecter le toit de l’extérieur, et voir ce qui s’est passé.

C’est dangereux. Le toit est penché, et une chute de si haut peut être fatale. Mais à l’instant, tu n’y penses pas. Tu montes vite, ne pensant à rien d’autre qu’à ton désir d’avoir une explication.


Pourquoi as-tu agi ainsi ? Aujourd’hui, je me pose encore la question.

Peut-être était-ce juste de la curiosité. Peut-être que ton esprit humain ne pouvait pas supporter une chose aussi illogique. Peut-être était-ce juste un excès d’audace de la part d’un enfant immature. Peut-être était-ce juste une autre excuse pour manquer l’école.


Ou peut-être était-ce simplement cette personne qui a compris que ta vie ne pouvait plus continuer sur ce train-là, et qui a donc décidé de t’attirer vers elle. 

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