Une nouvelle vie pour Sarah

Chapitre 6 : Lottie

2377 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 18/04/2017 21:05

Il était 7h30 lorsque le réveil retentit de sa sonnerie stridente, réveillant en sursaut Sarah. La jeune fille eut du mal à se lever et elle aurait aimé rester plus longtemps dans son lit si douillet, mais il n’était pas question de trainer. Le train pour Manchester partait à 10h00, et l’idée de pouvoir retrouver Lottie la submergea d’une grande énergie. Cependant elle appréhendait les retrouvailles. Elle avait un mauvais pressentiment et son estomac était noué. La pensée que Lottie ne lui ait pas pardonnée à cause de son manquement à sa promesse, la rendait malade.

Elle fit sa toilette et se rendit dans le salon pour rejoindre Becky et Ram Dass déjà installés autour de la table. L’indien se précipita aussitôt pour tirer la chaise à Sarah et lui servir le thé.

« Voyons Ram Dass, ne faites pas tant de manières, dit alors Sarah.

— Excusez-moi Mademoiselle ? demanda l’indien surpris.

— Je ne voudrais pas vous froisser, mais je n’ai pas besoin de vous en tant que serviteur. J’y ai bien réfléchi depuis notre départ, j’aimerais plutôt que nous nous considérions comme deux amis.

— Sauf votre respect, Mademoiselle, j’ai promis à mon maître, Mr Crisford, de veiller sur vous.

— Oui je comprends et vous le faites admirablement bien. Mais peut-être que vous pourriez veillez sur moi en tant qu’ami ? C’est grâce à vous si je suis encore de ce monde aujourd’hui. C’est vous qui m’avez soignée lorsque je suis tombée gravement malade au pensionnat, et je ne vous remercierai jamais assez pour cela. C’est pourquoi je ne veux pas vous considérer comme mon serviteur, mais plutôt comme mon ami.

— Et bien, j’en serais honoré Mademoiselle, répondit-il dans une révérence.

— Parfait ! dit Sarah satisfaite. Alors commencez par vous assoir avec nous et prenez une tasse de thé. »

Il s’exécuta et s’empara d’une chaise à côté de Becky où il s’assit.

« Combien de temps mettrons-nous pour aller jusqu’à Manchester ? demanda Becky.

— 2h15, répondit Ram Dass.

— Nous allons encore voir de jolis paysages ! J’adore voyager en train ! s’exclama-t-elle, ravie.

— Oui j’aime bien moi aussi. Même si le bateau a un certain charme », intervint alors Sarah.

Il était désormais l’heure de partir. Le groupe arriva juste à temps à la gare de Middlesbrough pour prendre le train qui les amènera à destination de Manchester.


La révolution industrielle avait pleinement pris possession de cette grande ville. Les premières voitures étaient déjà en service, les industries textiles régnaient en maître de part et d’autre de la ville, rendue vivante par divers commerces, pubs et théâtres, et les rues étaient bondées de monde. Le groupe était fasciné par tant de dynamisme.

«Oh la la ! Qu’est ce que c’est bruyant ! dit aussitôt Becky.

— Oui c’est vrai, et c’est aussi immense ! s’exclama à son tour Sarah.

— Qu’est-ce que c’est impressionnant ! Comment allons-nous trouver Lottie ?

— Le mieux est de nous rendre à l’hôtel de ville », répondit calmement Ram Dass.

Ce fut ce qu’ils firent. La dame de l’accueil leur donna l’adresse de Mr Eric Gordon, le père de Lottie. L’adresse indiquée donnait sur une grande propriété reculée de la ville où trônait en son centre une énorme maison sur deux étages. Le groupe frappa à la porte. Ce fut une dame plutôt jeune qui ouvrit.

« Bonjour Madame. Nous sommes bien chez Mr Gordon ?

— Oui tout à fait, mais il n’est pas là pour le moment, répondit aimablement la jeune femme.

— Je me présente. Je suis Sarah Crewe et voici mes amis Becky Williams et Ram Dass.

— Enchantée. Je suis madame Gordon.

— Enchantée Madame, répondit Sarah sans montrer son étonnement au quant à l’âge de la jeune femme. Est-ce que Lottie est là ? se risqua-t-elle à demander.

— Lottie ? la dame, surprise, réfléchit un instant puis reprit. Ah ! Vous voulez parler de Charlotte la fille de Mr Gordon !

— Oui c’est cela.

— Je suis désolé mais elle ne vit plus ici… dit-elle alors, gênée.

— Ah… répondit Sarah déçue… Et vous ne savez pas où nous pourrions la trouver ? Je suis une vieille amie, j’étais avec elle au pensionnat pour filles de Londres et j’aimerais beaucoup la revoir.

— Et bien, pour tout vous avouer, elle a quitté la maison il y a plusieurs mois et vit en ville. Elle travaille comme serveuse dans un pub appelé « The May Flower » mais je ne sais pas où elle habite.

— Très bien. Excusez-nous pour le dérangement et merci de votre accueil.

— Mais je vous en prie. Au revoir.

— Au revoir », dit chaque membre du groupe.

Ils marchèrent alors vers la sortie de la propriété.

« Nous n’avons plus qu’à retourner en ville, dit Ram Dass.

— Oui. Nous devons trouver ce pub, comment s’appelle-t-il déjà ? interrogea Becky.

— Le « May Flower », répondit Sarah.

— Alors ne perdons pas de temps ! dit son amie enjouée.

— Oui, rétorqua Sarah avec beaucoup moins d’enthousiasme.

— Qu’y a-t-il Sarah ? demanda alors Becky, inquiète.

— A vrai dire, j’ai un mauvais pressentiment.

— Comment ça ?

— Je ne saurais pas le définir, je ne sais pas, c’est juste une impression.

— Oh non ! Ca va aller ! Tu vas voir. Où est passé ton optimisme ?

— Oui tu as raison, se reprit-elle. Allons-y. »

Ils retournèrent donc en direction du centre ville à la recherche du fameux pub. Elle et Becky n’étaient jamais allées dans ce genre d’endroit et elles n’avaient aucune idée de ce à quoi cela pouvait ressembler. Sarah demanda alors à Ram Dass :

« Vous êtes déjà allé dans un pub Mr Ram Dass ?

— Oui cela m’est arrivé. Et tout ce que j’en sais, c’est que ce n’est pas un endroit très approprié pour les dames de hauts rangs.

— Ah oui ? Et pourquoi cela ? demanda alors Sarah.

— Les pubs sont en général fréquentés par des gens très peu recommandables. Il y a également beaucoup de bagarres. Mais j’imagine qu’ils ne sont pas tous comme ça.

— Je l’espère, répondit Becky, inquiète. Mais je sais qu’avec vous on ne risquera rien, poursuivit-elle.

— Oui je suis d’accord avec elle », rajouta Sarah.

Ram Dass se contenta de leur adresser un sourire rassurant.


Une fois revenu dans la ville, le groupe entreprit d’interroger les gens et c’était ainsi qu’ils finirent par trouver le pub. Il se situait dans le quartier pauvre de la ville, loin des magasins et des théâtres. Les appartements étaient en mauvais état, des gens faisaient la manche dans les rues, des enfants jouaient en guenille et des groupes de jeunes hommes discutaient entre eux avec un air mauvais.

Le groupe ne passait pas inaperçu étant donné leurs toilettes impeccables et les filles n’étaient pas rassurées. En effet, elles sentaient des regards insistants et elles craignaient de se faire voler ou agresser. Ram Dass marchait derrière elle, à l’affût du moindre faux pas. Ils arrivèrent enfin devant le pub, mais la porte s’ouvrit avec perte et fracas, laissant deux hommes qui étaient en train de se battre s’effondrer droit sur eux. Becky manqua de se faire bousculer mais Ram Dass l’attira vers lui pour éviter la collision. Elle était désormais collée à lui, sa tête contre son torse et resta immobile un instant, savourant ce contact très agréable. Mais elle se reprit aussitôt et s’éloigna doucement de lui, rouge comme une tomate.

« Merci, articula-t-elle reconnaissante. 

— Il n’y a pas de quoi Mademoiselle », répondit Ram Dass avec assurance.

L’atmosphère du May Flower était très bruyante, la musique était forte, les hommes, des marins pour la plupart, braillaient et brandissaient leur chope de bière à tout va. Certains descendaient d’une traite des verres de whisky. La décoration était plutôt rustique. Les seules femmes présentent dans ce pub étaient des serveuses et des filles de joie. Ca riait, criait et gesticulait de toutes parts.

 Une atmosphère plutôt déplaisante pour Sarah et Becky, qui étaient choquées d’une telle tenue. Sarah s’empressa de regarder chaque serveuse en espérant reconnaître Lottie, mais c’était peine perdue car la dernière fois qu’elle l’avait vu, elle avait tout juste 6 ans donc aujourd’hui, c’était une jeune fille de 16 ans qu’elle recherchait. Et toutes les filles paraissaient tellement jeunes. Tout à coup une femme s’approcha de Ram Dass :

« Hey ! Beau brun ! Tu as besoin de te détendre ? dit une fille en lui faisant un clin d’œil. Tu m’as l’air tellement rigide ! »

Elle finit sa phrase par une main sur l’épaule de l’indien et son visage se rapprocha dangereusement de ce dernier.

« Non merci mademoiselle, répondit Ram Dass d’un ton neutre.

— Oh la la ! Quel sérieux ! Et quel dommage, on aurait pu grandement s’amuser tout les deux. »

La femme se détourna dans un mouvement de hanches qui fit virevolter ses cheveux et se dirigea vers un groupe d’hommes un peu plus loin. Becky et Sarah restèrent interloquées. Becky regardait cependant la fille de joie avec insistance en se demandant si c’était ce genre de femmes qui plaisait aux hommes. En tout cas la réaction de Ram Dass la satisfaisait et la rassurait.

« Venez ! dit Ram Dass en prenant les choses en main. Nous allons nous adresser au bar. »

Le groupe essaya alors de se frayer un chemin dans la foule, sous les sifflements des hommes devant lesquels Becky et Sarah passaient. Elles se tinrent la main, inquiètes, lorsque Becky croisa le regard d’un homme rondouillard et au visage rouge et boursoufflé qui la regardait intensément en passant sa langue sur ses lèvres. Elle détourna aussitôt la tête écœurée.

« Ne les regarde pas Becky », lui chuchota alors Sarah en lui prenant la main.

Ram Dass s’occupa de se renseigner auprès du barman, qui avait l’air lui plutôt sympathique. Il montra alors une jeune fille du doigt. Celle-ci était assise sur les genoux d’un homme aux mains baladeuses et qui l’embrassait langoureusement. L’indien en informa aussitôt Sarah qui ne savait comment réagir. Elle prit son courage à deux mains, et alla d’un pas pressé vers le couple. Elle glissa timidement :

« Excusez-moi ? »

L’homme fut le premier à la regarder.

« Chacun son tour ma petite », rétorqua-t-il avec dédain.

C’est à ce moment là, que la jeune fille se tourna vers Sarah. Elle sursauta et s’enleva aussitôt des genoux de l’homme, clairement frustré. Sarah lui sourit mais la jeune fille s’enfuit aussitôt se heurtant à Ram Dass.

« Lottie ? dit alors Sarah profitant de son immobilisation.

— Laisse-moi tranquille ! », cria alors Lottie en bousculant l’indien sans ménagement.

Cette phrase eu l’effet d’une gifle. Elle la regarda s’échapper dans la foule, sans bouger, choquée et triste, jusqu’à la perdre de vue. L’homme l’attrapa soudain par le bras.

« Hey ! Tu te prends pour qui pour nous interrompre comme ça ? J’ai payé je te signale donc si ma poule est partie tu vas la remplacer ! 

— Laissez-moi ! », cria Sarah inquiète.

En deux temps trois mouvements, Ram Dass lui décocha un coup de poing.

« Tu vas me le payer ! », cria alors l’homme fou de rage.

Il se jeta sur Ram Dass qui amortit le choc puis ils tombèrent au sol tous les deux, renversant les tables sur leur passage. Une bagarre s’ensuivit jusqu’à ce que deux hommes les séparent. Ram Dass était plutôt calme tandis que l’autre était un vrai démon. Lottie intervint pour calmer le forcené tandis que Becky se précipita vers l’indien.

Il avait l’œil quasiment fermé, une bosse commençant à naître sur son arcade et sa lèvre ouverte laissait couler une trainer de sang sur son menton. Elle sortit alors un mouchoir qu’elle posa sur sa lèvre. Après avoir un peu calmé l’homme, Lottie se tourna alors vers Sarah :

« Comment oses-tu venir ici et me déranger dans mon travail ? cria-t-elle hors d’elle.

— Lottie ! S’il te plaît ! Qu’es tu en train de faire ?

— Quoi ? Tu es outrée par mon comportement ? Toi qui es partie vivre ta vie de princesse sans te retourner !

— Lottie, excuse-moi, laisse-moi t’expliquer !

— Ne m’appelle plus comme ça ! Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. Je t’ai attendue Sarah ! Je t’ai attendue longtemps et tu n’es jamais revenue !

— Je sais Lottie, essaya de s’exprimer Sarah, et j’en suis vraiment navrée…

— Va-t-en ! », lui dit-elle sans la laisser finir sa phrase.

Elle se détourna ensuite pour retrouver l’homme et partit avec lui dans une des chambres. Sarah était prête à lui courir après mais Ram Dass l’attrapa par le bras et lui intima de partir sur le champ. Tous les hommes autour regardaient l’indien d’un mauvais œil, et il était vraiment temps pour eux de quitter le pub.


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