Que le meilleur gagne, non?
« Hiyoshi-sama!! » firent deux voix dans le cadre de la porte.
L’interpellé leva la tête vers la source des paroles. C’étaient les deux jumeaux Shimizu qui l’observaient au loin. Les deux petits démons étaient vêtus des habits de dojo.
« Tu te rappelles, tu nous avais promis… » dit Fumiharu.
Hiyoshi ferma le livre qu’il était en train de lire.
« Attendez-moi dehors. J’arrive. » leur fit-il avant d’entendre les cris de joie des deux garçons de onze ans.
Les garnements déboulèrent les escaliers et obéirent à leur idole. Pour sa part, le deuxième année de l’école de Hyoutei ferma la porte et se changea également dans une tenue appropriée. En effet, il devait leur enseigner quelques mouvements d’enbu même s’il n’en avait pas réellement envie. C’était la base de ses conflits familiaux, mais en même temps, il leur avait donné sa parole. C’était la moindre des choses de la respecter. Et si dans le même temps, il pouvait se rendre utile durant son séjour dans cette maison, il en serait ravi. La famille Shimizu lui avait donné leur accord dès le début, mais ça lui faisait tout de même bizarre d’être là.
Il ouvrit la porte menant dans la cour arrière de la demeure des Shimizu. Son regard brun était sur les jumeaux qui avaient déjà commencé à s’étirer. Avec le temps, ils avaient compris qu’il était primordial de faire l’échauffement et les étirements avant toute séance. Il se remémora lorsque les jeunes garçons avaient mis pour la première fois les pieds dans le dojo Hiyoshi. Ils avaient obstinément refusé de prendre part à cette première partie. Ils l’avaient amèrement regretté le lendemain. Avec le temps, ils ont appris à être un peu plus dociles envers les consignes même s’ils restaient deux petits monstres en permanence.
« Vous êtes prêts à débuter? » lança l’invité d’honneur.
« Oui! » répondirent en cœur les jumeaux.
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Shimizu avait réussi à garder le plus discret que possible le fait qu’Hiyoshi logeait chez elle. Non pas qu’elle en avait honte, mais plutôt elle ne voulait pas soulever des soupçons de la part de ses camarades de classe.
Elle était dans sa chambre à faire les devoirs que ses professeurs lui avaient donnés. Les problèmes de mathématiques lui posaient beaucoup de difficultés depuis plusieurs minutes déjà. Elle fronça ses sourcils en essayant encore de résoudre le même exercice, mais en vain. Elle n’utilisait probablement pas les bonnes formules. Elle soupira avant de laisser sa tête tomber sur son bureau.
« Je suis vraiment nulle… » s’apitoya-t-elle. « Je pourrais toujours demander à Hiyoshi. Il est doué en maths! »
Elle se leva de sa chaise, prit ses cahiers de cette matière qui n’était pas sa tasse de thé et alla à la rencontre de son ami dans la chambre voisine. Lorsqu’elle y mit les pieds, elle constata que cette pièce était vide de présence humaine.
« Il est dehors avec nos deux démons. » fit une voix en arrière de la jeune fille.
« Grand-frère! » sursauta l’étudiante et se retournant.
« Oula, calme-toi. Je ne fais pas si peur que ça quand même! » plaisanta-t-il.
« Ça reste à prouver! » taquina la plus jeune.
Elle se dirigea vers la fenêtre de la chambre d’amis qui donnait sur la cour arrière de la maison. En effet, il y avait bien Hiyoshi et les deux jumeaux. Shimizu sourit face à cette scène qui se déroulait sous ses yeux. Son grand-frère la laissa alors faire et disparut dans sa propre chambre.
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« Chiharu. Chiharu. Chiharu!! »
Une voix appelait la jeune étudiante, mais celle-ci ne semblait pas du tout l’entende.
« Bon sang… »
Malgré les précédents appels qui furent plus imposants, l’élève de deuxième année semblait toujours profondément endormie. La personne resta alors debout immobile. Téléphone à la main, l’individu le déposa proche des oreilles de la belle au bois dormant et lança la sonnerie.
« Ah mais?! » cria la jeune fille.
« Il était temps. »
La respiration quelque peu saccadée, Shimizu regarda la personne qui l’avait si brusquement tirée de son sommeil.
« Eisaku… »
« Tu vas être en retard, lève-toi. » dit-il avant de tourner les talons.
Elle s’étira tout en retirant les couvertures. Elle attrapa le téléphone portable sur son oreiller. ‘’Bah, il viendra le chercher…’’, se dit-elle dans ses pensées. Elle commençait peu à peu à se réveiller et regarda l’heure. Il n’était que six heures et demie, elle avait encore bien du temps devant elle, pourquoi son grand-frère avait pris la peine de la réveiller si tôt…
Malgré tout, elle se leva de son lit et se prépara lentement. Elle descendit les escaliers et se dirigea vers la cuisine pour prendre son petit déjeuner que sa mère avait déjà préparé.
« Hiyoshi-kun est déjà parti vers l’école. » l’informa sa génitrice.
« Wah, il est rapide! Il aurait pu au moins m’attendre… » marmona la jeune fille. « Merci pour le repas! »
« Passe une bonne journée, ma chérie. »
Shimizu empoigna à la fois son sac à dos et son sac de tennis. La porte claqua derrière elle. Malgré le retard qu’elle avait sur son ami d’enfance, elle essaya de le rattraper.
« Ah, Shimizu! » appela une voix.
L’interpellée tourna la tête.
« Ootori-kun? »
« Bonjour! En fait, j’aurais quelque chose à te demander. » fit le deuxième année à la chevelure argentée.
« Qu’est-ce qu’il y a? » demanda-t-elle.
« Est-ce que tu es au courant de ce qui se passe avec Hiyoshi? »
La jeune fille sentit alors une pression monter en elle. Elle n’aimait pas mentir en face de quelqu’un. Elle resta silencieuse un moment avant de se lancer.
« Rien de spécial… » répondit-elle d’une voix hésitante.
Le jeune homme la dévisagea. Ce n’était pourtant pas sa manière de répondre. Habituellement elle s’affirmait haut et fort dans ses propos.
« Shimizu-chan… Je sais qu’on se voit beaucoup moins depuis qu’on est à Hyoutei Gakuen, mais s’il y a quelque chose, tu peux toujours me le dire. Pareil en ce qui concerne Hiyoshi-kun. » dit-il d’une voix douce.
Shimizu détourna son regard vert. C’était vrai qu’à l’école primaire, ils avaient été tous les trois camarades de classe et passèrent quasi la totalité de leur temps ensemble. Ootori et Hiyoshi étaient devenus meilleurs amis. Malheureusement pour Shimizu, il était quand même facile pour ce deuxième année de deviner lorsqu’une chose n’allait pas. Finalement les choses n’auront pas été secrètes bien longtemps.
« Hiyoshi a quelques problèmes c’est vrai. » admit-elle.
Ensuite, elle expliqua grossièrement la situation dans laquelle leur ami se trouvait. Après tout ça, Shimizu se rendit à l’école en compagnie d’Ootori. Ils s’amusèrent à se remémorer quelques moments cocasses d’avant qu’ils ne rentrent dans cette école. Shimizu comme Ootori, ils regrettèrent de s’être éloignés comme ça avec le temps. Ils s’entendaient pourtant à merveille, mais le temps en avait décidé ainsi. Mais il n’était pas trop tard pour rectifier le tir. Ils allaient encore à la même école, donc ils avaient seulement besoin d’y mettre un peu d’effort.
La journée se passa plus ou moins normalement. Shimizu n’était pas tout aussi sociable qu’à son habitude, mais elle mit la faute sur le fait qu’elle n’avait pas assez dormi. C’était un mensonge, mais elle n’avait pas envie de devoir s’expliquer auprès des autres. Elle pensa chaque instant comment elle pourrait aider Hiyoshi dans cette délicate situation. Ootori lui avait très bien offert son aide, mais si Hiyoshi venait à l’apprendre, il refusera catégoriquement. Elle devait plutôt y arriver seule. Seulement comment faire?
Le dernier son de cloche résonna dans les classes de l’établissement scolaire. Une personne se présenta devant Shimizu.
« J’aurais un service à te demander, Shimizu. Est-ce que tu pourrais emmener les boîtes qui sont en arrière de la classe dans la salle du conseil des élèves. Je dois aller directement en réunion des délégués de classes. » informa une de ses camarades de classe.
« D’accord. » fit la jeune fille à la chevelure argentée teintée de violet.
La déléguée la remercia. Transporter une boîte ou deux n’allait pas être bien long, mais plus vite elle allait le faire et plus vite qu’elle pourra aller aux activités de son club. Le tournoi régional était dans à peine deux jours. Par contre, ses pensées étaient pour tout autre chose.
Arrivée devant les boîtes en carton, son expression faciale changea au désespoir. Ce n’était que quelques cartons qu’elle devait emmener, mais bien six. Heureusement, ils n’étaient pas volumineux, mais la jeune fille n’avait nullement envie de faire plusieurs voyages entre sa salle de classe et la salle du comité des élèves. Il était également hors de question de demander de l’aide, elle y arrivera bien à elle seule.
Elle prit quelques instants à empiler les boîtes l’une par-dessus l’autre et elle les souleva. Quelques secondes s’écoulèrent le temps qu’elle trouve son équilibre et commença à marcher en direction de la sortie de la classe. Elle marchait à pas de tortue puisque sa vision était totalement obstruée par les boîtes. Finalement, faire plusieurs voyages aurait été plus rapide, mais elle allait se contenter de faire à sa manière.
Maintenant devant la porte de la salle qu’elle devait déposer les boîtes, elle réussit à l’ouvrir par l’entremise de son pied.
« Désolée de vous dérangez. » s’annonça-t-elle tout en rentrant dans la salle. « Où je dois déposer ses cartons? »
« À ta gauche au fond. » lui répondit une voix.
Elle s’exécuta aussitôt qu’elle reçut l’information, par contre elle se donna un trop gros élan. Elle sentit les boîtes glisser l’une sur l’autre. Au dernier instant, elle s’accota contre le mur pour stopper la chute imminente qui s’annonçait. Elle laissa échapper un soupir de soulagement. Arrivée à destination, elle ne voulait pas devoir ramasser le contenu des cartons.
Avant que l’élève de deuxième année ne continue le peu de chemin qui lui restait à parcourir, le poids de sa cargaison diminua et elle put enfin voir devant elle.
« Ah merci, c’est gentil de m’aider. » dit-elle avant d’aller déposer les boîtes.
La personne qui lui était venu en aide l’observa encore un moment.
« Pendant que tu y es, pourrais-tu m’emmener la chemise dans l’étagère à côté? » demanda cette même voix.
« Bien sûr! » répondit-elle en se redressant.
Elle jeta un coup d’œil à sa droite et vit la chemise renfermant quelques pages. Elle la prit dans ses mains et se retourna pour la remettre à la personne en question, mais lorsque ses yeux verts s’arrêtèrent sur l’individu.
« Atobe-senpai?! »
« Anh? Tu ne m’avais pas reconnu? »
En effet, c’était bien lui avec deux boîtes dans les mains.
Elle se figea sur place un moment. Elle regarda autour d’elle, mais il n’y avait personne d’autre dans la pièce. Une sensation commençait à l’envahir légèrement à l’intérieur d’elle. Une sensation ressemblant beaucoup à la gêne, mais elle réfuta cette hypothèse. Il n’y avait aucune raison que ça soit ça. Surtout pas devant ce roi.
« Je ne te connaissais pas aussi obéissante en tout cas! » rigola-t-il en la voyant approcher avec la chemise qu’il lui avait demandé.
Il s’attendait à une réplique de la part de cette samouraï d’eau, mais rien ne vint. Elle lui tendit le document. Il déposa les cartons au sol pour ensuite prendre la chemise. Elle ne le regarda pas dans les yeux comme elle avait l’habitude de faire. Il fronça les sourcils.
Elle ignorait pourquoi elle avait détourné son propre regard au moment qu’elle lui tendit le document. Elle n’avait pourtant aucune difficulté à fixer la tête haute ce troisième année. La dernière fois qu’ils avaient échangé des mots, elle l’avait bien fait.
C’est alors que cette précédente scène défila dans sa tête. Cette même scène qu’elle avait eut avec ce roi de Hyoutei lorsqu’elle avait rangé l’équipement à la place des premières années. Elle n’avait rien de particulier pourtant… Sauf les dernières paroles et le dernier mouvement de son senpai. ‘’Non, c’est ridicule!!’’, s’écria-t-elle dans ses pensées.
« Shimizu! Regarde-moi lorsque je t’adresse la parole au moins! » ordonna Atobe.
Elle revint alors à la réalité. Lorsque leurs regards se croisèrent, la jeune fille sentit une pression en elle. Même si elle était convaincue que cet Atobe Keigo avait agi comme ça rien que pour se moquer d’elle, il y avait tout de même ça en elle. Penser correctement, elle n’y arrivait plus en ce moment.
« J’espère que votre… »
« Atobe-sama!! » coupèrent plusieurs voix féminines aux paroles du roi.
Il y avait en tout trois filles de troisième année qui avaient fait irruption dans la salle du conseil des élèves. Elles s’approchèrent le plus près que possible d’Atobe en laissant en plan Shimizu volontairement.
« Désolée pour le dérangement… » souffla à voix basse la plus jeune.
Elle profita de l’attention de ses senpai féminins pour sortir de la pièce et filler se changer. Elle avait déjà perdu assez de temps comme ça et ce trouble qu’elle venait de vivre dans ses pensées l’avait presque achevée. Elle ne comprenait aucunement pourquoi elle avait agi de cette manière devant Atobe et elle ne voulait pas chercher à le savoir. La jeune fille se dit que ça devait être que passager et que c’était probablement dû au fait qu’elle s’inquiète à propos d’Hiyoshi.
Elle rentra chez elle seule en mettant fin à l’entraînement du club plus tôt. Dès son arrivée, elle s’enferma dans sa chambre. Pendant toute la journée elle avait pensé au fait que plusieurs devaient maintenant se douter qu’Hiyoshi se trouvait dans une situation difficile. Comment pouvait-elle y mettre fin? Ou plutôt comment pourrait-elle aider son ami d’enfance à aller mieux?