Que le meilleur gagne, non?
Les jours qui séparaient le présent et la journée sportive s’écoulaient les uns après les autres. Chacun d’entre eux servaient inévitablement à Shimizu à améliorer ses points faibles, notamment son endurance. Elle s’était concoctée un programme avec sa partenaire de double pour contrer ce défaut qui avait souvent raison d’elle. Le temps était compté. En dehors du temps consacré au club de tennis, elle y passait deux heures les jours de la semaine et quatre heures la fin de semaine supplémentaire. Malgré tous ses efforts, elle était incapable de déterminer si elle sera capable de remporter le match dans deux jours.
Elle entra dans sa classe qui était la 2-E. Hiyoshi n’était pas encore arrivé. Il avait encore largement le temps d’apparaître sur les lieux. Les cours ne commenceront que dans une vingtaine de minutes.
Shimizu s’installa à son pupitre, mais quelqu’un entra dans sa salle de classe. Elle reconnut la personne en question et fut bien surprise de la voir.
« Ogawa-chan? » dit Shimizu.
« Chiharu-chan! J’ai quelque chose pour toi! »
Son amie s’approcha d’elle et lui tendit alors une lettre. Shimizu dévisagea la jeune fille aux cheveux noirs. Pourquoi avait-elle pris la peine de venir jusque dans sa classe pour lui donner une simple lettre? Ça aurait pu attendre l’entraînement. Elle prit l’enveloppe, ne souhaitant pas faire d’histoires.
« Merci, mais pourquoi? » demanda-t-elle, confuse.
« Ah, en fait, ce n’est pas une lettre d’amour, détrompe toi! C’est que mon grand-frère a gagné des rabais au magasin de sport. Comme on ne peut pas en utiliser plusieurs sur un même achat, alors j’ai décidé de t’en donner un! C’est applicable sur tout ce qui a en stock. » expliqua Ogawa.
Shimizu lui sourit. Finalement, ce n’était pas si mal!
« Merci! On ira cette fin de semaine! »
« Bon, j’y retourne! On se voit après les cours! »
Elle vit l’autre élève de deuxième année partir de la salle de cours qui n’était pas la sienne. Elle ouvrit alors l’enveloppe qui renfermait ces fameux tickets. Elle en retira un et remarqua qu’il y en avait un second. ‘’Elle m’en a donné un de trop?’’, pensa-t-elle. La jeune fille extirpa le second rabais. En même temps, elle vit quelque chose d’écrit au dos de l’enveloppe et lut le message. ‘’Non, ce n’est pas une erreur si il y en a deux! Je te laisse le plaisir de donner le second à Hiyoshi!’’. Un petit cœur avec un bonhomme sourire figuraient à la fin du texte.
Shimizu ne put s’empêcher de soupirer à ce moment. ‘’Qu’est-ce qu’ils ont tous ceux-là…? Akutagawa-senpai et maintenant Ogawa-chan…’’, pensa-t-elle, complètement désespérée. Elle s’était laissée glisser légèrement sur sa chaise. ‘’Elle aurait très bien pu lui donner elle-même…’’, continua-t-elle silencieusement.
Elle se repositionna correctement. Le temps s’écoula et le professeur entra dans la classe. Hiyoshi arriva de justesse après que l’enseignant ait commencé à faire l’appel. Le jeune homme semblait être épuisé et avait une respiration plus élevée qu’à la normale. Il revenait tout juste de son entraînement matinal. Shimizu lui donnera donc le bon de réduction seulement à la pause du midi.
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« Tiens, Hiyoshi-kun! »
Shimizu lui tendit le bout de papier qu’elle voulait lui donner depuis le début de la journée. Pour sa part, il la regarda, mais ne demanda même pas pourquoi elle lui donnait le rabais ni comment elle l’avait obtenu.
« Merci. »
« C’est Ogawa-chan qui m’en a offert. Donc j’ai pensé, en fait, c’est plutôt elle qui voulait que je t’en donne un. Donc voilà! » expliqua la deuxième année même s’il n’avait rien demandé.
« Ah bon. »
« Ton entraînement s’est bien passé ce matin? » commença Shimizu qui s’inquiétait pour son camarade de classe.
En se remémorant la vision qu’elle avait eu sur Hiyoshi ce matin, la jeune fille chassa son inquiétude pour se revigorer de combativité. Ils allaient être adversaire dans quelques jours après tout.
« Mais je ne me laisserai pas dépasser! J’espère que tu es prêt à ta défaite dans deux jours! » dit-elle, maladroitement.
Son interlocuteur resta silencieux. ‘’Oui, à quoi je m’attendais avec lui? C’est tout lui de rester stoïque.’’, pensa-t-elle un peu amusée. Le jeune homme avait sorti son bento et avait déjà commencé à manger.
« Je veux juste que tu saches, ce n’est pas parce qu’on est amis d’enfance que j’irai doucement avec toi! Je ferai comme quand on s’entraîne ensemble. Je veux aussi que tu te donnes à fond. Vous allez quand même nous affronter sur mon terrain. »
« Je ne perdrai pas pour autant. » avait-il seulement rajouté tout en continuant de reprendre des forces.
« Mon endurance n’est plus mon grand point faible. »
Elle lui fit un clin d’œil et ne s’attendait pas à avoir une réponse de sa part. Cette deuxième année voulait simplement l’avertir de ses progrès et qui sera plus dur de l’affronter à l’avenir. Elle lui adressa également un sourire tout juste avant de mettre une de ses mains sur sa tête.
Sans crier gare, elle décoiffa son camarade de classe.
« Tu n’as vraiment pas changé depuis le temps! Essaie de sourire un peu plus et de parler plus aussi! » ajouta-t-elle en le taquinant.
Aussitôt son petit coup réalisé, elle quitta la classe en adressant un signe de main d’au revoir à Hiyoshi. Il la regarda s’en aller à une vitesse assez rapide comme si elle avait quelque chose d’urgent à faire. Il replaça alors ses mèches orangées en place sur sa tête.
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« Bordel! Si je ne me dépêche pas, je n’aurai pas assez de temps pour m’entraîner! » dit Shimizu sans s’adresser à quelqu’un en particulier.
Elle courait sur le terrain herbeux de l’école. Elle se dirigea vers les courts de tennis qui devaient être libres à cette heure. Pendant sa course, elle trébucha sur quelque chose sur son chemin et tomba sur le sol herbeux.
«Ça fait mal… »
Elle se frotta le visage après avoir fait un très beau plongeon tête première. Lorsqu’elle se remit sur pieds, elle se tourna pour voir qu’est-ce qui était la cause de sa chute. C’est alors qu’elle vit un jeune homme qu’elle connaissait vaguement. Celui-ci ouvrit à moitié ses yeux.
« Oh! Shimizu-chan… » dit-il d’un ton bien endormi.
Mais il n’eut pas le temps d’achever sa phrase qu’il s’assoupit sur le gazon, accoté à un tronc d’arbre de sakura.
« Akutagawa-senpai? »
Elle reconnaissait bien là le troisième année. Un sourire sournois s’afficha alors sur le visage habituellement tendre ou déterminé de la jeune fille. ‘’Je te dois encore quelque chose, senpai!’’, pensa-t-elle. Elle sortit de son sac de sport un marqueur noir. Oui, depuis le jour du coup de la balle, elle se promenait toujours avec un marqueur noir sur elle, guettant le moment pour se venger. Elle enleva le bouchon et s’approcha dangereusement de son senpai qui prenait trop souvent le plaisir de roupiller.
Après trente secondes, elle s’éloigna de l’élève ayant un an de plus qu’elle. Elle repartit sans se retourner ni de se soucier du garçon. Elle avait perdu un peu de temps, mais celui-ci en valait réellement la peine.
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« Oshitari! Va donc trouver notre prince dormant. » ordonna Atobe.
Shishido et Ootori jetèrent un œil à leur capitaine se demandant si son camarade allait être en mesure de le retrouver. Habituellement Akutagawa prenait la peine de se rendre jusqu’aux courts de tennis pour dormir, mais cette fois, il n’y était pas.
Sans dire un seul mot, Oshitari obéit aux ordres du roi, se demandant intérieurement pourquoi Atobe n’avait pas désigné Kabaji pour cette tâche. En regardant le grand gaillard, il vit qu’il s’apprêtait à jouer contre Atobe. Oshitari était la deuxième personne en qui le capitaine avait le plus confiance.
Après quelques minutes à faire ses recherches sur le vaste terrain extérieur appartenant à l’école, il soupira.
« Où est-il passé celui-là… Je n’ai aucune envie de jouer à l’explorateur. » se plaigna-t-il.
Il chercha son compagnon de tennis encore quelques temps et finit par le repérer à travers les cerisiers. Il replaça ses lunettes avant de s’aventurer vers lui. Une fois arrivé auprès du prince dormant, il l’observa quelques instants. Il trouva un dessin sur la joue de celui-ci.
« Quelqu’un l’a trouvé avant moi… » souffla le jeune homme aux cheveux bleus.
Il reconnut la tête de chibi. Elle représentait Hiyoshi. Celle-ci était également entourée d’un cœur. Oshitari se questionna sur la personne qui avait bien pu faire ça. En même temps ce n’était pas ses affaires et encore moins son problème. Ce n’était pas lui qui se retrouvait avec un dessin fait au marqueur noir sur la joue droite.
Le binoclard laissa tomber sa propre raquette sur la tête de l’endormi. Ça ne semblait pas être suffisant pour le réveiller. Il donna plusieurs petits coups pour ne pas abîmer les cordes. Toujours pas.
« Akutagawa! Réveille-toi! Je n’ai pas envie de te traîner jusqu’aux courts! »
Il essaya avec des coups un peu plus puissants. Pas étonnant qu’il avait un dessin sur la joue celui-là! Rien n’arrivait à le réveiller. Même en cassant sa raquette sur le crâne du jeune homme couché sur le sol, ça ne serait pas assez pour le ramener à la réalité.
« Akutagawa… Je n’ai aucun désir de me faire engueuler par Atobe… »
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« Alors, Shimizu? Prête à me divertir? » prononça le roi.
« Ne venez pas pleurer après votre défaite, senpai! » répliqua la capitaine.
Tous les titulaires, filles comme garçons, se tenaient en ligne, faisant face à l’équipe adversaire. Un filet les séparait. Le grand jour était enfin arrivé. La journée sportive qui avait pour thème les affrontements entre les mêmes clubs. Comme prévu, c’était le club de tennis qui ouvrait le bal.
Tous les élèves de l’établissement scolaire s’étaient retrouvés autour des terrains de tennis extérieurs. La journée était ensoleillée, aucun nuage n’osait apparaître dans le ciel bleu. La température était parfaite et aucun souffle de vent ne s’élevait. La journée idéale pour cet événement!
Les titulaires se saluèrent mutuellement avant de prendre place sur les bancs destinés à cet effet. Filles comme garçons, ils portaient tous le même uniforme. À une différence près : les filles portaient des jupes de sports alors que les jeunes hommes avaient enfilé des shorts. Mais il y avait deux filles faisant exception et qui étaient habillées comme eux. Il s’agissait de Maeda et de Shimizu.
L’arbitre professionnel vint s’asseoir sur le siège surélevé permettant de faire l’arbitrage. Il était spécialement là pour ce match. Ce fut Atobe qui l’embaucha pour une journée. Même si ce n’était qu’une compétition dite amicale au sein de l’école, ce n’était pas une raison valable pour baisser la qualité de l’occasion.
« Match Double 2! Paire Tanaka – Ishii contre la paire Ootori – Shishido! » informa l’arbitre.
Les joueurs ayant eu leur nom annoncé s’avancèrent sur le terrain, chacun projetant des regards de défis à leur ennemi.
« Choutarou! Ce n’est pas parce que c’est des filles que tu dois être gentil avec elles! » avertit Shishido.
« Ah, vous en faites pas! Si vous n’y allez pas à fond, c’en sera fini de vous! » provoqua Ishii.
Les quatre joueurs se mirent en position pour commencer le match sur le champ.
« Ishii au service! » dit l’arbitre pour donner le signal de départ officiel.
Celle qui avait la balle de tennis en main la fit rebondir à plusieurs reprises. Après quelques secondes à répéter ce mouvement, elle lança la balle en l’air, mais à peine… Elle frappa alors immédiatement.
« 15 - 0 ! »
Shishido se retourna vers son partenaire. Il alla se placer pour être receveur à son tour.
« Je te l’avais pourtant dit de ne pas avoir pitié d’elles. »
« Shishido-san… »
« Allez, je le refais! » annonça Ishii.
Ce n’était pas qu’Ootori voulait absolument y aller mollo avec elles, c’était aussi que le service de la joueuse de deuxième année avait eu l’effet de surprise. Habituellement, les joueurs de tennis lançaient la balle plus haute pour être en mesure de frapper le projectile selon leur désir. Or, en frappant une balle ainsi…‘’Ishii-chan ne perd pas de temps à utiliser son service surprise…’’, pensa leur capitaine qui regardait ses joueuses sur le court.
« Vas-y, je vais te le renvoyer ton service! » défia le joueur à la casquette bleue.
Sur ces paroles, la balle arriva à une vitesse éclair sur lui. Contrairement à son partenaire, il parvint à la renvoyer de l’autre côté du terrain. Tanaka était pendant ce temps montée au filet, frappant la balle aussitôt arrivée à elle.
« 30 - 0! »
Ishii pointa sa raquette noire vers le plus vieux.
« Alors, c’est quand que vous y mettez les gars?! » fit-elle avec un large sourire.
Le match se poursuivit. Le premier jeu fut remporté par l’équipe féminine. L’autre d’après également. Shishido commença réellement à s’énerver contre son partenaire de double. Il voyait bien qu’il se retenait même après les multiples avertissements qu’il lui avait lancés. Ootori avait seulement répondu par un triste sourire.
« Choutarou! Tu vois bien qu’elles ont le niveau! Alors arrête ça et joue sérieusement! » éclata Shishido.
« D’accord… »
Mais le jeune homme à la chevelure argentée et aux yeux bruns ne semblait pas déterminé à réellement entrer en jeu. Quelques coups de raquette vinrent se faire sur sa tête.
« Allez, Ootori-kun! Je veux voir ce que tu vaux vraiment sur un court! » dit Ishii en lui souriant chaleureusement.
Elle avait réellement envie qu’il se donne à fond et qu’il la fasse courir un peu plus. Le regard de celui-ci changea. C’était maintenant que le match allait finalement commencer. Le prochain jeu fut remporté finalement par les garçons. Le quatrième jeu par les filles et les deux suivants par l’équipe masculine.
Le joueur de deuxième année s’était parfaitement réveillé et on pouvait profiter de son talent de jeu en double avec son partenaire. Les spectateurs eurent même le droit à son scud serve, une des spécialités de ce jeune homme.
« 6 – 4. Set et match paire Ootori – Shishido. » annonça l’arbitre en mettant fin au double 2.
Les deux filles rejoignirent le reste de leur équipe en sueur et les deux garçons en firent de même. Shimizu sourit au premier double. Bien qu’elles avaient perdus, elles avaient joué avec honneur et avaient tenu bon contre une des meilleurs paires de leurs adversaires.
« Match Double 1! Paire Shimizu – Ogawa contre la paire Hiyoshi – Atobe! » reprit l’arbitre.
Des cris se firent entendre en grand nombre lorsque l’adulte avait prononcé le dernier nom. Toutes les élèves encourageaient incontestablement le roi. Le chant habituel d’encouragement d’Atobe s’en suit sans se faire attendre.
Cela ne découragea pas Shimizu et sa partenaire. Elles gardaient également leur concentration et se présentèrent sur le terrain avant les joueurs du sexe opposé. Un claquement de doigts retentit d’un ton sourd, faisant taire les voix des observateurs.
« Ore-sama no bigi ni yoi na! [Soyez éblouis par mes prouesses!] » dit Atobe en s’avançant sur le court suivi de son kouhai Hiyoshi.
Il s’arrêta au niveau de Shimizu et la regarda droit dans les yeux.
« Cela vaut également pour toi! » fit-il avec son sourire arrogant imprimé sur son visage.
Sans donner de réponse, elle détourna son regard vert vers son ami d’enfance.
« Hiyoshi-kun! Faisons un beau match, d’accord!? »
Atobe ricana. Elle avait réellement osé d’ignorer Atobe Keigo. Plusieurs filles regardaient la capitaine avec mépris. C’était impardonnable pour elles. Atobe trouvait ce petit jeu intéressant. Mais l’heure n’était pas à ça. Il s’avança vers le filet et Shimizu en fit autant.
Elle pointa sa raquette vers le sol et la tenait du bout de ses doigts l’extrémité de la poigne.
« Smooth ou rough? » demanda la jeune fille au roi.
« Rough » répondit Atobe.
Elle fit virevolter sa raquette et attendit qu’elle retombe sur le sol. La raquette fit plusieurs tours sur elle-même et ne semblait pas vouloir s’arrêter. Shimizu avait peut-être mis un peu trop d’élan. Puis la raquette finit par s’immobiliser au sol. C’était le rough.