Entre infini et au-delà

Chapitre 85 : Obsessed

2195 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/12/2017 21:52

Le sous-sol était étonnamment lumineux. Des néons puissants éclairaient le couloir que Cassy suivit jusqu'à une salle dont l'immensité lui coupa le souffle. Plus surprenant encore, des pokémon de plusieurs dizaines d'espèces différences y déambulaient en toute liberté. Pour un peu, elle se serait cru de retour dans le jardin du professeur Chen, mis à part que les créatures se trouvaient à l'intérieur, et non en plein air.

Des sbires slalomaient habilement entre eux, signe qu'ils en avaient l'habitude. L'un d'eux était suivi par un tout jeune Dynavolt, qui ne devait pas avoir plus de quelques mois. Il marchait dans son sillage, presque sur ses talons, et manquait de le percuter chaque fois que l'homme s'immobilisait. Ce spectacle fit sourire Cassy. Ils devaient être de bons éleveurs pour mériter l'affection des pokémon, car c'était un point sur lequel il était impossible de tricher.

L'adolescente poursuivit son chemin jusqu'aux arènes d'entraînement. Elles étaient au nombre de cinq. Plus petites que celle d'Ébènelle, elles n'en étaient pas moins bien équipées. C'était dans l'une d'elles que s'exerçait Sylvain, en compagnie d'un Nosféralto qui ne lui appartenait pas. Il combattait un Moufflair, dirigé par un autre employé.

Cassy toussota pour faire remarquer sa présence. Le sbire fut le premier à réagir. Il s'interrompit alors qu'il allait ordonner une attaque et jeta un regard dans sa direction. Sylvain l'imita presque aussitôt, et une myriade d'expressions traversa son visage lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de sa cousine.

- Le match est terminé, bredouilla-t-il de manière à peine audible.

L'autre ne releva pas. Il se contenta de rappeler le Moufflair dans sa pokéball et de prendre celle que Sylvain lui tendait, renfermant le Nosféralto. Le Topdresseur passa ensuite une main gênée dans ses cheveux, tandis qu'il marchait jusqu'à Cassy. Elle ne se sentait pas plus à son aise que lui.

- Euh... Salut, finit-il par dire.

- Salut.

- Je ne t'attendais pas avant la fin de l'après-midi. Éric m'a dit que tu venais à dos de Galopa.

- Je fais d'une pierre deux coups, précisa Cassy. Je dois me rendre à Unionpolis pour parler à Kiméra. J'ai une théorie à propos des Cré's, mais j'ai besoin de ses connaissances pour m'assurer que je suis dans le vrai.

- Kiméra est... Comment dire ?

- Une peau d'Écrémeuh ? Je sais, je l'ai déjà rencontrée, autrefois.

Si Sylvain s'en étonna, il ne s'étendit pas sur le sujet. Il avait depuis longtemps conscience que Cassy ne lui avait pas confié le quart des choses à savoir à son sujet, et même à présent que sa véritable identité avait été dévoilée, elle n'en demeurait pas moins secrète sur la vingtaine de mois qui s'était écoulée entre sa fugue et son intégration à la Team Galaxie.

- Alors c'est ici que tu travailles ? demanda la jeune fille.

- Eh oui. Pas trop de regrets d'avoir choisi Vestigion ? Tous ces scientifiques, ces intellectuels... Honnêtement, je ne t'aurais jamais imaginée parmi eux. D'un autre côté, avec tout ce que je n'imaginais pas sur toi, je ne devrais pas être surpris.

Cette dernière phrase sonnait comme un reproche, et le ton cassant sur lequel elle avait été prononcée ajoutait à ce sentiment. Avant que Cassy ait pu poser la moindre question, le Topdresseur lui apporta une réponse.

- Éric a mentionné ce qu'il y a entre Sven et toi.

- Sylvain, je...

Elle ne poursuivit pas. Que pouvait-elle lui dire ? Qu'elle n'aimait pas Sven de la même façon que lui, mais qu'au moins, ils n'avaient aucun lien de parenté ? Ç'aurait été mesquin. Après tout, ce n'était pas la faute de Sylvain s'ils étaient cousins, pas plus que la sienne.

- Je suis désolé, marmonna-t-il. Ce ne sont pas mes affaires. Je crois que j'aurais été tout aussi jaloux si j'avais appris que tu fréquentais quelqu'un d'autre, mais Sven...

- Toi aussi, tu vas me mettre en garde contre lui ?

- Je mentirais si je prétendais que ça ne m'inquiète pas. Éric n'exagère pas uniquement parce qu'il le hait. Ne fais jamais confiance à Sven, il n'est pas moins doué pour détruire que pour plaire.

- Éric a peut-être raison pour lui, mais il se trompe pour moi. Je suis capable d'agir en fonction de mes choix et d'en assumer les conséquences. Qui plus est, je pense qu'il n'y a pas que du mauvais en Sven. Il m'a sauvée deux fois la vie en l'espace de deux ans sans savoir qui j'étais et alors que rien ne l'y obligeait. Il a gagné mon amitié pour ça, et tant que lui-même n'aura pas fait quelque chose pour que je la lui retire, il la conservera.

Sylvain hocha la tête, et Cassy se douta que c'était plus par courtoisie que par réelle compréhension, à moins qu'il ne veuille tout simplement pas s'appesantir sur le sujet. Comme elle n'avait pas l'intention de s'y attarder non plus, elle demanda des nouvelles de son œuf.

- Il est au deuxième étage, dans l'une des salles de soin. À mon avis, il devrait avoir éclos d'ici demain. Je vais demander à ce que l'on te fasse préparer une chambre pour la nuit. Même si ton pokémon pointe le bout de son nez avant ce soir, tu pourras en profiter pour te reposer.

Cassy remercia Sylvain tandis qu'ils quittaient le sous-sol. Après avoir transmis ses instructions à l'accueil, le Topdresseur entraîna sa cousine dans un escalier, où ils gravirent plusieurs volées de marches raides. Il la mena ensuite dans une pièce à mi-chemin entre un Centre Pokémon et le laboratoire d'Éric.

Quatre œufs s'alignaient dans des couveuses, installées sous des lampes à rayons chauffants. Cassy n'eut aucun mal à reconnaître le sien, qu'elle avait passé de longs moments à contempler à l'Arène d'Ébènelle. Au moment de tendre la main dans sa direction, elle s'immobilisa.

- Tu peux le toucher, si tu veux, invita Sylvain.

- Ce n'est pas ça, c'est juste... Ça me rappelle Sandra.

- Elle te manque ?

- Pire que ça, avoua Cassy. J'ai l'impression d'avoir été ingrate, après tout ce qu'elle a fait pour moi. Et puis... Je me sens coupable de l'avoir laissée seule, après toute cette histoire avec Peter.

- Sandra est une grande fille, elle s'en remettra.

Cassy n'en était pas vraiment convaincue. Sous la carapace de la Championne, elle avait appris à voir ses bons côtés, ainsi que ses faiblesses, et elle n'était pas aussi insensible ni aussi égoïste qu'elle le paraissait au premier abord.

L'adolescente inspira, puis frôla la vitre de l'incubateur du bout des doigts. L'œuf, comme s'il réagissait à sa présence, frémit. Cela n'avait rien à voir avec elle, cependant ; c'était simplement le signe que l'éclosion se produirait bientôt.

- Quelle espèce ça va être, d'après toi ? demanda-t-elle à Sylvain.

- Je n'ai pas cherché à le savoir. Il est possible de déduire, d'après l'aspect de la coquille, quel pokémon se trouve à l'intérieur, mais c'est quelque chose que je n'ai jamais étudié. J'aime mieux avoir la surprise.

- Nous l'aurons tous les deux, alors.

Cassy effleura une nouvelle fois la couveuse, et comme la créature n'éclorait pas immédiatement, elle accepta la proposition de Sylvain : une visite guidée du bâtiment. Elle le jugea vite bien plus agréable que Vestigion, puisque le travail ici se concentrait essentiellement sur les pokémon. S'il ne s'agissait pas d'obtenir des réponses à propos des glyphes, elle aurait aussitôt demandé à être transférée ici.

- Est-ce que tu voudrais que je constitue le reste de ton équipe ? demanda Sylvain alors qu'il refermait la porte d'une salle servant à entreposer du matériel de dressage.

- Tu veux dire... de pokémon ?

- Oui. Nous avons quelques dragons, ici, et je suis sûr qu'il y en aurait certains qui te conviendraient. Avec ton Draco et celui qui s'apprête à éclore, nous devrions pouvoir arriver à six.

Cassy ne réfléchit pas longtemps avant d'accepter. Sa première motivation à devenir dresseuse était due à la puissance que les pokémon pourraient lui procurer, afin d'assouvir sa vengeance. Maintenant, cela n'était plus d'actualité, mais avec les menaces implicites de la Team Galaxie en cas d'écart de conduite, elle préférait avoir les moyens de se défendre. Juste au cas où...

- Ça nécessitera un petit moment, précisa Sylvain. Les pokémon sont entraînés indépendamment les uns des autres, mais une fois que nous savons que nous les confierons au même dresseur, nous les incitons à s'exercer ensemble, pour les habituer à coopérer. Et ils suivent des formations spécialisés en fonction du rôle auquel on les destine. En l'occurrence, les tiens devront être assez polyvalents.

- Je te fais confiance, Sylvain. Tu es le meilleur Topdresseur de ma connaissance.

- La concurrence ne doit pas être bien rude, plaisanta-t-il.

- En effet, tu es le seul.

Ils éclatèrent de rire et, l'espace d'un instant, Cassy se crut de retour à Ébènelle, bien avant que sa vie bascule une fois encore, bien avant qu'elle apprenne qu'Éric était toujours de ce monde et surtout que cet adorable garçon qu'elle affectionnait tant était en réalité son cousin.

- Ce n'est pas tout, mais le temps passe, constata Sylvain. Il est presque dix-huit heures, le service va bientôt commencer au réfectoire. Est-ce que tu as faim ?

- Je n'ai mangé que des sandwichs en chemin, autant dire que je suis affamée.

Ils se dirigèrent donc vers la salle de restauration, où ils mangèrent ensemble un repas frugal. Cassy était plus détendue, à présent. Elle parvenait à se comporter en amie avec Sylvain, et si cela lui avait paru hypocrite au début, elle l'acceptait un peu mieux à mesure que les heures s'écoulaient.

Après le dîner, ils regagnèrent la salle aux incubateurs. D'après les estimations du Topdresseur, qui se faisaient de plus en plus précises, l'œuf devrait éclore avant minuit. Il proposa à Cassy d'aller dormir un peu et de la réveiller lorsque la naissance de son pokémon serait imminente, mais elle refusa. Elle tenait à être là pour voir la coquille se briser.

Ils trompèrent donc l'attente en jouant aux cartes et, aux alentours de vingt-trois heures quarante, l'œuf commença à se craqueler. Ils abandonnèrent aussitôt leur partie pour rapprocher les chaises de la couveuse, dont Sylvain retira le couvercle en verre.

Sans réfléchir à ce qu'elle faisait, Cassy prit la main de son cousin et entrelaça ses doigts avec les siens. Sa peau était tiède, familière, et suffisamment proche pour qu'elle puisse sentir son odeur.

L'adolescente eut du mal à réfréner son excitation tandis que le petit pokémon s'agitait pour sortir de sa coquille. Lorsqu'il y parvint enfin, Cassy poussa une exclamation de joie. Il s'agissait d'un minuscule Draby.

- Comme il est mignon !

- Attends quelques instants, le temps qu'il prenne ses marques, et ensuite, tu pourras essayer de le caresser. Fais attention, quand même. Les bébés sont méfiants à la naissance et il n'est pas rare qu'ils se défendent.

Cassy acquiesça. Elle compta les secondes, puis étendit sa main vers la tête de Draby. Apeuré, le dragon recula aussitôt, mais le mur derrière lui l'empêcha de s'éloigner davantage. La jeune fille finit par l'effleurer et, s'il trembla au premier contact, elle parut rapidement gagner sa confiance.

- Il t'aime déjà, constata Sylvain.

Draby reniflait avec entrain les doigts de Cassy, qui parurent être à son goût, car il les mordilla. Ses dents étaient encore si petites que cela ressemblait plutôt à un pincement, ce qui fit sourire la jeune fille. La bonne humeur fut néanmoins chassée de son visage par un bâillement. La fatigue de son voyage, cumulée à cette veillée nocturne, commençait à peser.

- Va te coucher, insista le Topdresseur. Mes collègues vont se charger de Draby jusqu'à demain matin, puis nous le ferons rentrer dans une pokéball pour qu'il puisse repartir avec toi. Nous avons quelques manuels sur le dressage des dragons, je te les prêterai. Ils t'aideront à trouver tes marques les premiers temps, et si tu as des questions, tu pourras toujours me contacter ici.

- Merci, Sylvain.

Cassy s'approcha de son cousin et déposa un baiser sur sa joue, à la commissure des lèvres. Loin de se reculer tout de suite, elle prolongea ce contact entre eux pendant plusieurs secondes, puis se retira sans un mot. Lorsqu'elle se retourna au moment de quitter la pièce, elle aperçut Sylvain en train d'effleurer sa peau à l'endroit où sa bouche l'avait touché.

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