Entre infini et au-delà
— Alors ? interrogea Cassy en rejoignant Régis dans le laboratoire. Tu as pu parler à Cynthia ?
Il était toujours assis sur le banc du visiophone, mais avait reposé le combiné sur son socle. Il secoua la tête en signe de dénégation.
— Elle est de retour à l’Élite des Quatre. Les Champions ont une secrétaire pour filtrer leurs appels, et heureusement, grâce à mon statut de petit-fils de l’éminent professeur Chen, j’ai pu échapper à la catégorie « indésirable ». Cynthia était occupée, mais elle devrait me recontacter dans les plus brefs délais. Puisque mon grand-père ne devrait plus tarder, il va falloir que je me tienne prêt à bondir pour prendre la communication avant lui. Tiens, quand on parle du grahyéna…
La porte du laboratoire coulissa, et les deux adolescents abandonnèrent l’angle de la pièce dans lequel se trouvait le visiophone pour accueillir le maître des lieux. Ils furent cependant surpris de constater que ce n’était pas lui, mais un garçon blond aux cheveux gominés et au menton volontaire, qui transportait un sac à dos surchargé.
— Émilien ? s’étonna Cassy. Ça alors ! Je ne savais que c’était aujourd’hui que tu venais chercher ton premier pokémon.
— Il faut croire que tu étais moins ignorante quand tu étudiais encore à l’école, répliqua l’intéressé avec son dédain habituel. À ta place, j’irais me cacher au lieu de faire étalage de mon incompétence. Léa va venir, elle aussi, et elle est furieuse contre toi. Tu lui avais promis que vous vous reverriez, or elle a attendu pendant des mois que tu lui rendes visite à Jadielle.
La mémoire revint brusquement à Cassy. Léa avait effectivement évoqué, à plusieurs reprises, le fait qu’elle devrait normalement recevoir son premier pokémon en avril. Ce détail lui était cependant sorti de l’esprit, remplacé par toutes les découvertes qu’elle avait faites depuis son arrivée au Bourg-Palette.
— Je m’excuserai personnellement auprès de cette jeune demoiselle, intervint Régis. C’est notre faute si Cassy n’a pu honorer son engagement, car il y a tant de travail à accomplir ici qu’elle n’a presque pas eu une minute à elle.
— Moi, je m’en moque, jugea utile de préciser Émilien avec un haussement d’épaules méprisant. Ce n’est pas comme si tu m’avais manqué.
Cassy ferma les paupières, prit une profonde inspiration et remua les doigts pour les empêcher de former un poing en se crispant. Alors qu’elle pensait avoir enterré la hache de guerre avec Émilien, il était devenu encore plus insupportable que dans son souvenir, ce qu’elle n’aurait jamais cru possible.
— Je suis au regret de t’annoncer que tu vas devoir patienter un moment, indiqua Régis. Tu es en avance, au contraire de mon grand-père qui n’est pas encore revenu du Centre Pokémon. Est-ce que tu veux boire quelque chose, en l’attendant ? Nous avons du lait, du choccolat chaud, du…
— Du vitriol, siffla Cassy entre ses dents, et l’adolescent, qui était le seul à l’avoir entendue, eut toutes les peines du monde à conserver son sérieux.
— Je prendrai volontiers un verre de lait. Merci.
— Au moins, il sait dire merci…
Cette fois, ce fut Cassy qui dut résister à la tentation de s’esclaffer, alors que Régis et elle battaient en retraite vers la cuisine, afin d’aller chercher la boisson d’Émilien. Tandis qu’elle sortait un verre du placard et son ami la brique du réfrigérateur, une voix les fit sursauter :
— C’est quoi, ça ?
Le sang de Cassy ne fit qu’un tour quand elle réalisa qu’Émilien leur avait emboîté le pas, ce à quoi ils n’avaient pas prêté attention. Elle manqua de lâcher le récipient qu’elle venait de saisir lorsque, en se retournant, elle le vit penché au-dessus des notes d’Éric. Régis lui-même était devenu blême.
— Ce n’est rien, décréta-t-il précipitamment, en essayant de ne pas bredouiller. Juste… des trucs. Qu’on examine, Cassy et moi.
— Ce sont des gravures de temple ?
— Pardon ?
Émilien avait saisi l’une des feuilles entre ses mains pour la rapprocher de ses lunettes, qu’il ne portait pas la dernière fois que Cassy l’avait vu. Elle se félicita mentalement que Régis n’ait pas jugé utile d’apporter en même temps que les travaux d’Éric les esquisses représentants les Gijinkas, sans quoi cela aurait été plus problématique.
— Des gravures de temple, répéta Émilien avec un soupir condescendant. Mon oncle est archéologue, et il m’arrive souvent, pendant les vacances d’été, de l’accompagner sur le terrain. Dans la majeure partie des cas, les murs sont ornés d’inscription en zarbi, mais parfois, il y a aussi des représentations picturales, qui font généralement écho à un mythe ou à un évènement passé.
Cassy cligna des paupières. Cela lui revenait, à présent. Cynthia avait émis la même remarque lorsqu’elles avaient étudié les documents dans le cottage de sa grand-mère, mais l’adolescente, focalisée sur le sens caché des symboles, avait cessé d’y songer.
— Et… tu penses que tu saurais interpréter ces pictogrammes ? interrogea-t-elle.
Elle n’arrivait pas à croire qu’elle demandait cela à un enfant de dix ans alors qu’elle cherchait par tous les moyens à préserver Régis de son histoire, mais la curiosité et la soif de vérité l’emportèrent un bref instant sur sa raison. Émilien jeta un regard aux autres feuilles, les sourcils froncés, signe qu’il se concentrait.
— Là, ce sont les dix-sept types pokémon, tels que la légende veut qu’ils soient représentés sur les plaques d’Arceus. Chaque fois qu’ils apparaissent, c’est toujours ensemble, pour former une sorte de cercle. Je suppose que ça symbolise une entité, mais qui ne serait pas l’Alpha. Quant à ce caractère, il semble y être associé. Je pense qu’il pourrait se traduire par l’humain, ou l’humanité. D’ailleurs, on le retrouve également ici, avec le commencement.
Régis, qui avait paru sceptique lorsque Cassy avait sollicité l’aide d’Émilien sans réfléchir, esquissa un sourire. Visiblement, le garçon partageait son interprétation du « huit de l’infini ».
— Mis côte à côte, poursuivit Émilien, ça doit faire référence à l’apparition de l’humanité, voire au tout premier humain jamais créé. Cette seconde hypothèse me semble peu probable, pourtant elle donnerait davantage de sens aux symboles qui l’entourent.
— C’est-à-dire ?
— Si j’en crois la logique de la… appelons ça la mise en page, cet humain, si tant est qu’il s’agisse bien de ça, serait lui-même à l’origine de ceci.
Avec son doigt, Émilien tapota les deux hélices entrecroisées que Cassy soupçonnait de renvoyer aux Gijinkas. Heureusement, son ancien condisciple ne semblait pas connaître ces créatures qui rebutaient tant Régis, ni même avoir la moindre théorie quant au sens de ce pictogramme, car il enchaîna :
— Ce carré difforme… À mon avis, il fait référence à la distorsion, ou plutôt le Monde Inversé, comme il est communément appelé. Et puisqu’il est ici question de bannissement, je dirais qu’il s’agit plus précisément de Giratina.
Émilien n’alla pas plus loin. Ce n’était pas vraiment sa conclusion, mais il dut reconnaître, à contrecœur, que le sens du reste lui échappait totalement. Il souligna également, avec une supériorité appliquée, que même un cerveau comme le sien n’était pas infaillible, mais Cassy l’ignora. Ses pensées étaient accaparées par ce qu’elle venait d’entendre.
Ce fut le retour du professeur Chen qui l’arracha au tourbillon de réflexions dans lequel elle était en train de perdre pied. Régis la saisit délicatement par le bras pour l’entraîner vers le laboratoire, où Émilien se dirigeait déjà, et lui murmura à l’oreille qu’ils discuteraient de tout cela une fois que le garçon aurait reçu son premier pokémon.
Le professeur Chen venait de poser une mallette en métal sur l’une des paillasses lorsqu’ils le rejoignirent, et en sortit trois sphères bicolores, qu’il aligna avec une précision presque exagérée. Il adressa ensuite un sourire chaleureux à Émilien, qui le salua d’un ton ampoulé avant de lui remettre son certificat. Cassy avait appris, lors de son bref séjour à l’école, qu’il s’agissait d’un document prouvant qu’un élève de plus de dix ans avait été jugé apte, au terme de son test d’apprenti dresseur, à posséder son propre pokémon.
— Émilien Mercier…, lut le scientifique. C’est parfait. Puisque tu es le premier à te présenter à mon laboratoire, tu vas avoir la chance de choisir entre les différentes espèces qui s’offrent à toi. Les voici.
Le professeur Chen pressa successivement le bouton des trois pokéball, et les créatures contenues à l’intérieur surgirent juste devant Émilien. Il y avait parfois quelques surprises parmi elles, comme des Pikachu ou d’autres pokémon que l’on proposait rarement aux novices, mais ce mois-ci, la sélection demeurait classique.
Le regard d’Émilien s’attarda successivement sur Salamèche, Carapuce et Bulbizarre. Le choix d’un premier compagnon d’aventure ne se prenait pas à la légère, pourtant Cassy ne décelait en lui aucune hésitation, contrairement à la plupart des dresseurs débutants qui se présentaient au laboratoire tous les quinze du mois.
— Je veux le pokémon feu, annonça-t-il théâtralement moins d’une minute plus tard.
— Courageuse décision, commenta le professeur Chen en lui remettant la pokéball en question. Il risque d’être un peu délicat à entraîner, car les Salamèche sont espiègles, têtus et impétueux, des traits de caractère qui deviendront de plus en plus marqués à chaque stade de son évolution, mais ils sont aussi très puissants. Il ne te décevra pas en combat, je peux te l’assurer. Mon conseil est de lui permettre de s'exercer régulièrement, sans le forcer, et surtout de le respecter. Montre-toi ferme, mais jamais trop dur. Tu comprends ce que je veux dire ?
— Tout à fait, professeur. Et maintenant, Cassy, sache que c’est toi que j’ai décidé de défier pour mon premier match !
L’intéressée afficha une expression interloquée, avant de saisir ce qu’il entendait par là. S’il espérait rencontrer une adversaire à sa hauteur, c’était raté. Cassy n’avait pas livré un seul combat depuis le Concours de Féli-Cité. Elle avait bien croisé quelques pokémon sauvages, en se rendant à Célestia, mais la plupart avaient fui à la vue de Galopa, et il avait suffi d’une Flammèche menaçante pour convaincre les plus téméraires de les imiter.
Elle hésita à relever le défi. Émilien et Salamèche étaient des novices, mais elle-même n’était pas une dresseuse, or si le garçon la battait, elle n’était pas certaine de pouvoir supporter son expression condescendante qui l’avait toujours exaspérée. Si elle refusait, néanmoins, il la taxerait de couardise, et elle serait également piquée dans son orgueil. Elle n’avait pas d’autre choix que celui de faire au mieux.
— Très bien. Allons-y.
Cassy fit signe à Émilien de la suivre dans le parc et Régis leur emboîta le pas, au contraire du professeur Chen, qui décida de rester à l’intérieur du laboratoire pour attendre les autres enfants. Son petit-fils tiendrait le rôle d’arbitre.
Galopa, après que sa maîtresse eut émis un sifflement sonore à l’aide de ses doigts, les rejoignit au petit trot et se plaça fièrement à ses côtés. À la vue du regard intimidant qu’il adressa à Salamèche, et en dépit de son inexpérience en matière de combat, il avait déjà compris ce que Cassy attendait de lui. Régis invita les deux challengers à s’écarter d’une vingtaine de mètres, puis donna le signal qui lança le match.
— Prouve-moi que j’ai bien fait de te prendre dans mon équipe, ordonna Émilien à son partenaire. En avant ! Utilise Mitra-Poing !
Cassy fut moins prompte à réagir, et le temps qu’elle demande à Galopa d’esquiver l’attaque, il l’avait encaissée au niveau du poitrail. Furieux, il se cabra sur ses postérieurs, en martelant l’air de coups de sabot rageurs. Cela permit à l’adolescente de rebondir :
— Écrasement !
— Évite-le, Salamèche, et pousse Rugissement ! Enchaîne avec Griffe !
Cassy était déstabilisée par la vitesse à laquelle Émilien communiquait ses instructions. Il était aussi familier des capacités de son pokémon que s’il le connaissait depuis des jours, voire des semaines, et non quelques minutes à peine. Elle avait beau savoir que les compétences du starter étaient répertoriées dans le Pokédex que le garçon tenait dans sa main, et que le professeur Chen lui avait remis juste avant qu’ils sortent dans le parc, c’était tout de même impressionnant.
Malgré ses défauts évidents, Cassy devait reconnaître qu’Émilien travaillait dur. Il avait probablement étudié encore plus qu’à l’accoutumée à l’approche de son voyage initiatique, afin d’être prêt le moment venu, et ses efforts semblaient porter leurs fruits.
Galopa était malmené par les attaques que Salamèche multipliait, et Cassy ne parvenait jamais à répliquer avec autant de rapidité que son ancien condisciple. Bientôt, les Flammèche de son pokémon furent quasiment réduites à l’impuissance en raison des nombreux Rugissement poussés par son adversaire, tandis que lui-même continuait à ne laisser aucun répit au cheval de feu, harcelant ses flancs à coups de griffes.
— Ça suffit, lâcha soudain Cassy. Je te concède la victoire. Tu as su rendre Galopa presque inoffensif, mais il est plus vieux et plus endurant que Salamèche. Il résistera encore longtemps avant de s'incliner. Autant ne pas les épuiser dans un combat interminable qui ne sera bénéfique ni à l’un ni à l’autre.
— Je déclare donc Émilien vainqueur, annonça Régis, non sans une pointe de déception.
Elle était assortie à celle qu’affichait le garçon. Apparemment, il aurait voulu que la défaite de Cassy soit totale, et cette conclusion en demi-teinte était loin de le satisfaire. Il se ressaisit toutefois en tendant la main à sa rivale, un geste qu’il accompagna d’un regard narquois.
L’adolescente l’ignora et, après avoir brièvement serré ses doigts entre les siens, ramena son attention sur Galopa, dont elle caressa le chanfrein. Son encolure ployée trahissait la culpabilité qu’il ressentait de ne pas avoir été à la hauteur des attentes de sa maîtresse. Cassy ne lui en voulait pas, cependant. Comme Régis le lui avait fait remarquer juste avant qu’elle décide de partir pour Sinnoh, il n’était pas un combattant.
Elle lui donna une tape sur l’épaule, et Galopa retourna auprès de ses congénères avec lesquels il évoluait dans le parc du laboratoire, tandis que les trois enfants regagnaient le bâtiment. Émilien ne s’attarda pas. Il remercia une nouvelle fois le professeur Chen pour son Salamèche, puis prit congé d’eux, impatient d’entamer pour de bon son voyage initiatique.
Comme Léa n’était pas encore arrivée, Cassy décida de retourner dans la cuisine, le temps pour elle de consigner par écrit les déductions d’Émilien, tant qu’elle les avait bien en tête. Régis ne tarda pas à la rejoindre et lui proposa un soda, qu’elle accepta distraitement, concentrée sur sa tâche.
— Fais attention, conseilla-t-il en déposant une canette à côté d’elle. Je l’ai un peu…
Cassy s’empara de la boisson sans le laisser terminer sa phrase et transperça l’ouverture avec la languette métallique prévue à cet effet. Un jet sucré et orangé s’en échappa aussitôt pour asperger l’adolescente, ainsi que le bloc-notes sur lequel elle était en train d'inscrire les remarques de son ancien condisciple.
— … secouée, acheva Régis en passant une main gênée dans ses cheveux hérissés.
— Argh ! J’en ai partout ! se lamenta Cassy.
Au moins, elle avait eu le réflexe de reculer sa chaise juste à temps pour s’éloigner de la table, préservant ainsi les travaux d’Éric. Seul son calepin avait été touché, que Régis s’empressa de saisir pour éponger précautionneusement sa surface à l’aide d’une feuille d’essuie-tout.
— Tu devrais aller te débarbouiller, recommanda son ami. Je me charge de nettoyer.
Cassy acquiesça. Une douche serait la bienvenue pour se débarrasser de cette substance collante, d’autant qu’elle ne s’était pas lavée depuis plus de vingt-quatre heures. La veille au soir, cela lui était sorti de l’esprit, car elle avait été incapable de penser à autre chose qu’aux dessins que Régis et elle s’apprêtaient à découvrir au dos des documents d’Éric, et le matin même, elle s’était levée en catastrophe.
Elle traversa le laboratoire sur la pointe des pieds, afin de ne pas attirer l’attention du professeur Chen, et gravit quatre à quatre les marches qui la séparaient de l’étage. Elle remonta ensuite le couloir jusqu’à sa chambre, où elle prit une tenue propre, puis jusqu’à la salle de bain, à l’intérieur de laquelle elle s’enferma. Après avoir mis l’eau à couler, le temps de la laisser chauffer, elle sortit une serviette du tiroir d’une petite commode, puis se glissa sous le jet.
Tandis que les gouttes ruisselaient sur elle, Cassy baissa les yeux vers le pansement qu’elle portait au bras depuis de Magby l’avait brûlée. La vapeur avait commencé à décoller le ruban adhésif, que la jeune fille acheva d’arracher en le grattant avec la pointe de son ongle.
Cassy rapprocha sa peau de son visage pour l’examiner. Grâce aux cataplasmes de baie fraive qu’elle avait généreusement appliqués au cours des trois premiers jours, la cicatrisation ne s’était pas fait attendre. Une croûte rouge s’était rapidement formée à l’endroit où la chair était à vif, et à présent, elle commençait à se détacher.
Du bout de son index, Cassy frôla la nouvelle couche d’épiderme qui était en train de se constituer. Elle suivit d’abord la veine de son poignet, et fronça les sourcils en constatant que celle-ci se prolongeait étrangement, de manière presque biscornue. En l’observant plus attentivement, l’adolescente s’aperçut que ce n’était non pas son vaisseau sanguin qui se poursuivait, mais une sorte de marque, imprimée à même sa peau.
— Que…, bredouilla-t-elle en plissant les paupières.
De son autre main, elle ferma le robinet de la douche, car l’eau qui lui tombait dans les yeux et la buée l’empêchaient de voir correctement. Elle sortit de la cabine étroite, s’emmitoufla dans sa serviette et s’adossa au lavabo, juste sous l’ampoule, pour en avoir le cœur net.
Ce n’était pas possible… Et pourtant, ses prunelles ne la trompaient pas. Cassy n’avait non pas une trace sur l’avant-bras, mais cinq. Cinq traits qui formaient un ensemble déroutant. Le plus long, celui du milieu, était un peu incurvé, et il divisait les quatre autres. Les deux premiers se trouvaient au-dessus, à la gauche du centre, tandis que les deux suivants étaient placés juste en dessous, plutôt à droite et légèrement obliques.
Cassy cligna des paupières, abasourdie, avant de réaliser qu’elle retenait sa respiration depuis plus de trente secondes. Une fois qu’elle eut recouvré ses esprits, elle abandonna sa serviette sans être complètement sèche et passa ses vêtements de rechange, puis se rua hors de la salle de bain.
De retour au rez-de-chaussée, elle manqua de bousculer le professeur Chen dans sa précipitation, s’excusa au passage sans se donner la peine de lui accorder un regard et s’engouffra dans la cuisine, où Régis achevait de nettoyer les éclaboussures qui avaient souillé le sol à l’aide d’un chiffon humide.
— Cassy ? s’exclama-t-il en se cognant la tête contre la table au moment de se redresser. Tu m’as fait peur ! Pourquoi est-ce que tu as ouvert la porte à la volée ? Tu…
— Régis, il y a un problème. Un gros, un énorme, un gigantesque problème.
— Comment ça ?
Cassy franchit le dernier mètre qui la séparait encore de lui et remonta la manche de sa chemise jusqu’au niveau de son coude, avant de placer son avant-bras presque sous le nez de son ami.
— Regarde, ordonna-t-elle. Regarde attentivement.
Régis saisit son poignet pour mieux l’examiner, et à mesure qu’il prenait conscience de ce qu’il était en train d’observer, ses yeux s’écarquillaient. Il finit par murmurer, dans un souffle à peine audible :
— Ce n’est pas… Ça ne peut pas…
— Si, c’est ça, confirma Cassy. C’est exactement ça. Le glyphe dragon, tel qu’il apparaît sur les plaques d’Arceus et dans les notes d’Éric.