L'Apprenti de Kanto : Sur la Route des Saveurs

Chapitre 8 : Le Jour de Gloire et de Chute

4615 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/09/2024 14:25

Léandre n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Chaque seconde s’étirait comme une éternité, peuplée de pensées oppressantes et de questions sans réponse. Où était Teddiursa ? L’image de son Pokémon introuvable dans le bureau de Maître Katana revenait en boucle dans son esprit, comme un écho lancinant. Rien n’avait de sens. Pourquoi avait-il disparu, sans laisser la moindre trace ? Un poids lourd de confusion et d’angoisse pesait sur ses épaules, nouant son estomac. Pourtant, il ne pouvait pas se permettre de sombrer dans ses doutes. Pas aujourd’hui.


C’était le grand jour.      


À l’aube, Léandre s’était levé en silence, presque comme une ombre. Ses gestes étaient automatiques, dénués d’émotion, comme s’il agissait par simple habitude. Il enfila son uniforme de cuisinier d’un geste mécanique, les mains tremblantes malgré lui. Il n’éprouvait ni la fièvre de l’excitation, ni le trac qui l’accompagnait d’ordinaire lors des grandes occasions. À la place, une étrange sensation de flottement l’envahissait, comme s’il assistait à la scène depuis l’extérieur, détaché de son propre corps.


En sortant de l’académie, le froid matinal lui mordit la peau, le réveillant brièvement de sa torpeur. L’air vif s’infiltra dans ses poumons, lui arrachant un souffle profond. Pour une fraction de seconde, il retrouva un semblant de lucidité. Il se força à expirer lentement, essayant de balayer l’obscurité qui menaçait de l’engloutir. Concentre-toi, se répéta-t-il, comme un mantra. Le concours. C’était tout ce qui importait. Il avait passé des années à s’y préparer.


En arrivant à Azuria, Léandre fut immédiatement frappé par l’effervescence qui régnait dans la grande salle du concours. L’atmosphère y était électrique, chargée d’une tension palpable. Partout, des apprentis chefs s’activaient, venus des quatre coins de Kanto, affichant fièrement les couleurs éclatantes de leurs écoles respectives : Safrania, Céladopole, Lavanville, Carmin-sur-Mer… Toutes ces institutions prestigieuses étaient représentées, et leurs élèves semblaient prêts à s’affronter pour décrocher le titre tant convoité de meilleur cuisinier en herbe.


Léandre, quant à lui, se tenait en retrait, seul dans un coin de la salle. Il était le seul représentant de l’école d’Argenta. Une fierté discrète l’envahissait à cette pensée, mais cette fierté était vite supplantée par une sensation de solitude écrasante. Tandis que ses rivaux se regroupaient, échangeant des regards complices et des murmures stratégiques, Léandre se retrouvait isolé, ses pensées tourbillonnant dans une spirale d’inquiétude.


Le grésillement soudain du micro coupa net les murmures qui emplissaient la grande salle. Tous les regards se tournèrent vers l’estrade, où l’organisateur du concours, un homme sévère à l’allure imposante, vêtu d’un uniforme blanc immaculé, se tenait droit comme un piquet. Derrière lui, un immense tableau affichait les noms prestigieux des membres du jury.


« Mesdames et messieurs, apprentis chefs, je vous souhaite la bienvenue au Concours des Grands Cuisiniers de Kanto, » annonça-t-il d’une voix grave, résonnant dans l’espace.


Une vague d'excitation traversa la foule d'apprentis, susurrant des mots d’anticipation. Mais Léandre, bien que physiquement présent, se battait pour rester concentré. Ses pensées continuaient de dériver, hantées par les événements de la veille. Pourtant, il força son esprit à revenir à l’instant présent, aux paroles de l’organisateur.


« Aujourd’hui, » poursuivit ce dernier, « vous serez jugés par quatre des plus grands chefs de notre région. Nous avons toutefois le regret d’annoncer que Maître Katana, représentant de l’école d’Argenta, a été contraint d’annuler sa participation au jury. »


Léandre ressentit une secousse dans son cœur. Maître Katana ? Absent ? Il fixa le tableau des jurés, là où les noms des chefs étaient inscrits en lettres dorées. Et là, tout en bas, il le remarqua : un cinquième siège, vide. Le nom de Katana était bien là, mais l’absence parlait d’elle-même.


Un nœud de malaise grandit dans son ventre. Pourquoi n’était-il pas là ? Maître Katana, si méticuleux, n’aurait jamais manqué un jour aussi crucial sans raison. C’était une situation incompréhensible. Un sentiment de froid glacial remonta le long de sa colonne vertébrale. Léandre sentait, dans le fond de son esprit, que cette disparition ne pouvait pas être une simple coïncidence.


Il serra les poings, son esprit tentant de démêler l’étrange enchevêtrement d’événements qui s'était abattu sur lui ces dernières heures. Teddiursa avait disparu la veille… et maintenant, c’était son maître qui manquait à l’appel. Que se passait-il vraiment ? Un sentiment de trouble profond s’installa dans son cœur, et pour la première fois depuis qu’il avait mis les pieds dans cette salle, l’issue de ce concours lui semblait presque secondaire.


La voix de l’organisateur résonnait encore dans la salle, mais Léandre, perdu dans ses pensées, peinait à se concentrer. Il revivait chaque moment de la veille, chaque doute, chaque question sans réponse. Où était Maître Katana ? C'était une question qui refusait de se taire.


« Nous savons que vous avez travaillé d'arrache-pied pour perfectionner vos recettes, » continuait l’organisateur d'un ton solennel. « Mais pour la première fois dans l’histoire de ce concours, les règles vont changer. » Léandre releva enfin la tête, un frisson d’appréhension traversant la salle. « Aujourd'hui, il ne s’agira pas seulement de réciter vos recettes. Nous voulons voir votre capacité d’adaptation, votre talent à improviser. C’est pourquoi, pour pimenter le défi, vous devrez intégrer et combiner au moins trois viandes de Pokémon différentes dans vos plats ! »


Un silence stupéfait s'abattit sur la salle, brisé presque aussitôt par des murmures anxieux. Les apprentis chefs échangeaient des regards paniqués. Certains se mirent à vérifier nerveusement leurs ingrédients, d’autres passaient leurs mains tremblantes dans leurs cheveux, déjà submergés par l’idée de devoir improviser. Léandre vit même quelques larmes discrètement essuyées par les plus nerveux.


Pourtant, il restait figé, comme paralysé par le choc. Trois viandes différentes ? Sa recette, celle qu'il avait peaufinée pendant des semaines, ne servirait à rien aujourd'hui. L’immense tâche qui se dressait devant lui le frappa de plein fouet. Les autres apprentis, eux, réévaluaient frénétiquement leurs plans, cherchant comment adapter leurs plats à cette règle inattendue.


Léandre, lui, se sentait tiraillé. Comment se concentrer quand tout semblait s’effondrer autour de lui ? Maître Katana, celui qui l’avait préparé et soutenu durant toutes ces années, devait être là. C’était une promesse. Aujourd’hui devait être le jour où il prouverait enfin sa valeur sous les yeux de son mentor. Mais non, le cinquième siège restait vide. Il inspira profondément, tentant de retrouver un semblant de calme. Il savait qu'il devait se ressaisir, qu’il avait en lui les compétences pour surmonter ce défi.


Les minutes s’égrenaient inexorablement. Quelques minutes avant le début du concours, les apprentis prirent leur place derrière leurs postes de cuisine, face à leurs plans de travail étincelants sous les lumières vives de la grande salle. Léandre, lui, se focalisait sur l’essentiel, ajustant méticuleusement ses ustensiles, vérifiant chaque tiroir et chaque placard pour s’assurer que tout le matériel nécessaire était bien à sa disposition. Malgré ses pensées qui tourbillonnaient dans tous les sens, il s'efforçait de concevoir une nouvelle recette, tentant de rassembler les fragments de créativité qu’il lui restait. Après tout, il ne pouvait plus contrôler que cela. Le concours était sa réalité immédiate, et rien d’autre ne devait compter.


L’organisateur reprit le micro d’un ton solennel, attirant l’attention de tous. « Pour réussir ce défi, vous disposerez de produits d’exception, venus non seulement de Kanto, mais aussi des quatre coins du monde. Utilisez-les avec créativité, et épatez nos papilles. »


Léandre leva les yeux et, pour la première fois depuis le début de la matinée, il sentit une lueur d’excitation percer son voile de doute. Devant lui, les étagères regorgeaient de produits rares et raffinés, des poissons aux écailles d’argent luisantes, des viandes tendrement découpées, des épices exotiques qui embaumaient déjà l'air d’arômes enivrants. Les yeux de Léandre s'illuminèrent face à cette abondance. C’était le genre d'ingrédients qu'il n'avait jamais eu l'occasion de manipuler auparavant.


Plus qu’une minute… Le décompte final s’approchait, et Léandre griffonnait rapidement les idées de sa recette sur un morceau de papier. Un plat commençait à prendre forme dans son esprit, une composition audacieuse et raffinée, capable de sublimer les ingrédients qu’il avait sous les yeux. Ses mains cessèrent enfin de trembler, et il sentit son esprit s'aligner avec sa tâche. Il était prêt.


L’organisateur entama le dernier compte à rebours. Trois. Deux. Un... Le silence s’abattit sur la salle, chaque concurrent tendu comme une corde prête à rompre. Puis, tout explosa dans un tourbillon d’activité.


Léandre se lança dans la compétition avec une précision digne d’un maître. Ses mains, habituées à la rigueur de l’entraînement, se mirent à œuvrer avec une rapidité fulgurante. Il attrapa un poisson aux écailles argentées et bleutées, les faisant sauter sous son couteau avec une efficacité chirurgicale. En un clin d'œil, il avait ôté chaque arête, ses doigts agiles maniant la pince à épiler à une vitesse impressionnante, comme si les années de pratique guidaient ses mouvements instinctivement.


Les filets, découpés avec soin, se retrouvaient déjà à dorer dans une poêle beurrée. Leur parfum se répandait, envahissant les narines de Léandre, mais il ne s’autorisa aucun instant de répit. Son attention s'était déjà tournée vers les coquillages, qu’il brisait avec la précision d’un artisan, retirant la chair tendre d’un coup rapide et maîtrisé.


Puis vinrent les asperges. Avec une aisance déconcertante, il les coupa finement avant de les envoyer au mixeur, tout en gardant un œil sur les filets qui crépitaient dans la poêle. Les retourner au bon moment demandait une précision impeccable, et Léandre exécutait ce geste avec une grâce naturelle, comme s’il dansait avec les ingrédients.


Il jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Les autres concurrents étaient plongés dans leur travail, concentrés, déterminés. Personne ne le remarquait. Mais cette absence de regard ne le décourageait pas, bien au contraire. Léandre n’était pas ici pour simplement participer, il était venu pour gagner. Il devait gagner.


La suite des épreuves s'intensifia. Léandre s'attaqua ensuite à la décortication des crustacés. Leur carapace résistait, mais il savait qu’un faux mouvement risquait de détruire la chair délicate qu’il cherchait à extraire. Ses mains, quoique tendues, ne tremblaient pas. Sous la pression, il s’attaqua à un crustacé qu’il n’avait encore jamais manipulé. La chair bleutée était visqueuse et juteuse, mais il n’avait pas le temps d’en admirer l’étrangeté. Il la prépara avec le même respect qu’il accordait à chaque ingrédient.


Le temps s’écoulait à une vitesse alarmante. L’heure sembla filer entre ses doigts comme du sable, et avant même qu’il ne s’en rende compte, il ne restait plus que 180 secondes. Trois minutes pour dresser quatre assiettes.

Le cœur de Léandre battait à tout rompre, mais il savait que tout se jouerait dans ces derniers instants. Il rassembla ses forces, chaque mouvement calculé, chaque geste empli de la détermination de celui qui ne pouvait se permettre d’échouer.


Léandre, les yeux fixés sur l’horloge, savait que chaque seconde comptait. Les derniers filets de poissons étaient parfaitement dorés, libérant un léger parfum de fumée tandis que les flammes dansaient sous sa poêle. Les coquillages et les crevettes avaient été soigneusement transformés en un ceviche, leur chair délicatement marinée dans un jus de citron agrémenté de quelques éclats de baies sauvages pour un équilibre acide et fruité. Quant à la mousse d’asperges, elle s’était développée avec légèreté sous son fouet, onctueuse et aérienne, prête à couronner le plat.


30 secondes. Léandre plaqua les assiettes devant lui, veillant à ce que chaque élément trouve sa place dans une harmonie visuelle presque poétique. Le filet, d’un brun doré parfait, était délicatement posé au centre, bordé par le ceviche dont les couleurs vives contrastaient avec la sobriété du poisson. La mousse d’asperges, vert tendre, venait lier le tout dans une élégante spirale.


10 secondes. Une dernière vérification. Léandre s’assura que tout était en place, qu’aucun détail n’avait été négligé. Le plat était une œuvre d’art culinaire, mais il savait que l’apparence ne suffirait pas. Ce concours était aussi une affaire de goût, de surprise, et surtout, de maîtrise. Il essuya une perle de sueur qui roulait sur son front, puis, avec une ultime bouffée de confiance, il releva la tête. Il était prêt.


"Temps écoulé !" annonça l'organisateur, sa voix tranchante mettant un terme à l’épreuve. Léandre, comme les autres concurrents, recula d’un pas pour s’éloigner de sa station. Il regarda son plat une dernière fois, espérant que ce qu’il avait accompli en si peu de temps serait suffisant pour conquérir le jury.


Les minutes s’étirèrent comme un cauchemar silencieux alors que chaque concurrent, un par un, présentait son plat devant les juges. Léandre, restant en retrait, observait avec attention les moindres réactions des membres du jury, mais ceux-ci restaient impassibles, leurs visages sévères ne trahissant aucune émotion. Leurs expressions fermées faisaient naître une tension palpable dans l’air.


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Finalement, ce fut son tour.


Son cœur battait à tout rompre alors qu'il s'approchait de la longue table où les jurés étaient assis, leur regard fixé sur lui comme une épée prête à s’abattre. Il plaça avec précaution son assiette au centre de la table, s’efforçant de paraître calme malgré la tempête qui grondait en lui. Il savait que tout allait se jouer dans les prochaines minutes.


"Voici mon plat," déclara-t-il avec une voix qu’il espérait stable. "J’ai préparé un Filet de Barloche fumé, accompagné d’un Ceviche de Kokiyas et Flingouste, le tout servi avec une mousse d’asperges."


Un silence lourd s’installa tandis que les membres du jury contemplaient l’assiette. Chaque détail semblait être passé au crible de leurs regards experts, comme s’ils évaluaient la moindre imperfection, la moindre fausse note. Léandre retint son souffle, ses mains jointes derrière son dos pour éviter de trahir son anxiété.


Le premier juré, un homme aux cheveux gris coupés courts et au visage sévère, approcha sa fourchette du filet de Barloche. Il en coupa un morceau avec une précision militaire, l’apporta à sa bouche et mâcha lentement. Son visage demeurait fermé, impénétrable. Aucun signe ne permettait de dire s’il appréciait ou non ce qu’il goûtait.


Le deuxième membre du jury, une femme plus jeune, au regard perçant et aux lèvres pincées, s’attaqua au ceviche. Elle fit rouler les morceaux de Kokiyas et Flingouste sur sa langue, testant chaque nuance d'acidité et de fraîcheur. Là encore, aucune émotion visible.


Les autres juges prirent leurs fourchettes à leur tour, se partageant méthodiquement les différentes composantes du plat. Chacun mâcha avec la même lenteur méthodique, leurs visages aussi fermés que des pierres, implacables et inébranlables.


Le silence était presque insupportable. Léandre avait l’impression d’étouffer sous le poids de leur absence de réaction. Il savait que dans le monde de la cuisine, un silence prolongé était souvent pire que des critiques bruyantes. Il se tenait droit, tentant de cacher l’angoisse qui montait en lui.


Puis, enfin, le premier juré déposa sa fourchette. Il leva les yeux vers Léandre, ses traits toujours aussi rigides, comme figés par une discipline inébranlable.


"Votre exécution est propre," dit-il d’une voix neutre, dénuée d’émotion. "Nous allons maintenant délibérer."


C’était tout. Pas un mot de plus. Pas de compliments, pas de critiques. Seulement cette phrase glaciale qui laissa Léandre dans un état de confusion totale. Il se retira doucement, son esprit tourbillonnant entre le doute et l’espoir.


Le jeune apprenti cuisinier retourna à sa place, ses mains moites et tremblantes. Il n’avait aucune idée de la direction que prenait ce concours. L'absence de Maître Katana et la disparition de Teddiursa le tourmentaient toujours, mais à cet instant, tout ce qui importait était la décision du jury. Et il allait devoir l’affronter, quelle qu’elle soit.


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Léandre se tenait à sa place, les mains toujours moites, scrutant chaque geste du jury tandis qu'ils délibéraient en silence. Le brouhaha de la salle paraissait lointain, comme si tout son être était concentré sur cette seule et unique question : avait-il réussi ? Les autres apprentis chuchotaient autour de lui, certains échangeaient des regards anxieux, d'autres semblaient déjà résignés. Mais pour Léandre, le moment semblait suspendu dans le temps. Tout son travail, tout ce qu'il avait sacrifié, reposait sur ces quelques instants.


Finalement, l'organisateur s'avança à nouveau sur la scène, un micro à la main. Le silence tomba sur la salle comme un voile. "Merci à tous pour vos efforts et votre passion," commença-t-il, sa voix grave et solennelle. "Avant de dévoiler le grand vainqueur, nous allons annoncer la troisième place."


Le jury murmura entre eux avant de remettre une feuille à l'organisateur. "La troisième place revient à... Léo, de l'école de Celadopole !" La salle applaudit poliment alors que Léo, visiblement déçu, monta tout de même sur scène pour récupérer son trophée. Ses yeux trahissaient sa frustration, mais il tenta un sourire forcé en serrant la main des jurés.


Léandre, lui, sentit son cœur s'emballer. Son nom n’avait pas été appelé. Peut-être cela signifiait-il quelque chose de bon ? Ou bien était-il passé complètement à côté ?


L'organisateur reprit son discours : "Passons maintenant à la deuxième place." Léandre sentait son souffle se raccourcir, ses mains trembler légèrement. Puis vint le verdict. "La deuxième place revient à... Léandre !"


Un éclair de stupeur traversa son esprit. "Léandre... ?" murmura-t-il. Pour un instant, il crut que tout était terminé, que c'était lui, qu'il avait échoué de peu. Mais soudain, il réalisa : l’organisateur n’avait pas fini. "...de l'école de Safrania !".


Léandre sentit son corps se détendre d'un coup, mais la tension ne fit que redoubler aussitôt. Ce n'était pas lui. Il n'avait pas encore échoué. Il y avait une chance... une toute petite chance.


Le Léandre de Safrania monta sur scène pour récupérer sa récompense. Puis l’organisateur marqua une pause, un sourire presque imperceptible aux coins de ses lèvres. "Enfin, nous arrivons à la première place." La salle entière retint son souffle. Léandre sentait chaque battement de son cœur résonner dans ses oreilles. Le moment était enfin venu.


"Le grand vainqueur de cette édition du concours, celui qui nous a subjugué par l’originalité, la technique et l’équilibre de son plat est... Léandre de l'école d'Argenta, pour son Filet de Barloche fumé, accompagné d’un Ceviche de Kokiyas et Flingouste, le tout servi avec une mousse d’asperges !"


Léandre eut l’impression que le sol disparaissait sous ses pieds. Le monde autour de lui devint flou, et une vague d'émotions le submergea. Le bruit des applaudissements retentit, mais il semblait distant, comme s’il provenait d’un autre monde. Ses jambes flageolantes le portèrent malgré tout jusqu’à la scène, où l'attendait l'organisateur. Il monta les marches, chacun de ses pas résonnant comme un battement de tambour dans sa tête.


Une fois sur la scène, il sentit un poids léger mais symbolique s’apposer sur sa veste : le badge de Grand Cuisinier de Kanto. Le métal froid contre sa peau lui donna un frisson, non pas de froid, mais d'une réalisation soudaine. Il avait gagné. Il était enfin reconnu comme l’un des meilleurs. Mais... quelque chose n’allait pas.


L’organisateur se tourna vers lui, un sourire bienveillant aux lèvres. "Léandre, quelques mots pour cette salle qui vous applaudit ?" demanda-t-il en lui tendant le micro.


Mais au moment où Léandre ouvrit la bouche, aucun mot ne vint. La salle entière semblait l’observer, attendre des paroles, un discours de victoire. Pourtant, son esprit était ailleurs. L'absence de Maître Katana, la disparition de Teddiursa, tout cela lui revenait brutalement. Il se rendit compte que, malgré cette victoire éclatante, il ressentait un vide. Les applaudissements, les regards admiratifs, le trophée, le badge… tout cela lui semblait soudain tellement dérisoire. Il avait gagné, mais il n’avait pas trouvé ce qu’il cherchait vraiment. Maître Katana n’était pas là pour voir cette victoire. Et Teddiursa... son ami disparu…


Il se tenait là, sous les projecteurs, avec le monde à ses pieds, mais tout ce qui lui importait réellement lui échappait.


"Léandre ?" répéta l'organisateur, cette fois un peu plus insistant, croyant peut-être que le jeune homme était simplement ému.


Léandre fixait la salle devant lui, le micro tremblant dans sa main. Il serra le badge dans sa main, le cœur lourd. Ses lèvres s’entrouvrirent, mais aucun mot ne vint. Il cherchait désespérément quelque chose à dire, mais son esprit était ailleurs. Les visages qui l’observaient, remplis d’admiration et d’attente, ne faisaient que renforcer son malaise. Il bégaya, essayant de rassembler ses idées. "Je... je voudrais remercier... euh..." Ses mots s'éteignaient avant même d’être prononcés. La tension dans la salle devenait palpable. L’assistance attendait, silencieuse, que le jeune chef triomphant trouve enfin ses mots.


Soudain, un bruit strident brisa le silence. Le sifflement perça l’air, attirant immédiatement l’attention de tous dans la salle. Léandre se retourna, cherchant l'origine de cette interruption. La porte du fond s'ouvrit brusquement, laissant entrer une silhouette familière dans l’obscurité. L’agent Jenny de la police de Kanto fit son entrée, suivie de près par un Arcanin majestueux dont la fourrure dorée et flamboyante capturait la lumière des projecteurs. L’imposant Pokémon avançait d’un pas assuré, attirant tous les regards sur lui.


La confusion se répandit dans la salle. Les murmures commencèrent à s'élever dans l’assemblée, chacun se demandant ce que la police pouvait bien faire ici. Léandre sentit son cœur s'emballer. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Pourquoi l'agent Jenny interrompait-elle un tel événement ? Était-ce une erreur ?


Sans perdre de temps, l’agent Jenny décrocha une Pokéball de sa ceinture, son regard impénétrable fixé sur Léandre. "Mimigal, maintenant !" ordonna-t-elle d'une voix ferme, lançant la Pokéball vers la scène.


La petite araignée Pokémon, Mimigal, jaillit de la balle dans un éclat de lumière. Sans hésiter, elle tissa rapidement une toile gluante autour de Léandre, l'emprisonnant en un instant. Il tenta de se débattre, mais ses mouvements étaient lents, englués par les fils collants. "Quoi... qu'est-ce qui se passe ?!" balbutia-t-il, le souffle coupé par l’incompréhension et la panique. Il ne comprenait rien. Avait-il fait quelque chose de mal ? Pourquoi était-il visé ?

Léandre tomba à genoux, complètement désorienté. La salle, jusque-là remplie de festivités, se retrouva plongée dans un silence glacial, l’atmosphère lourde de choc et d’incrédulité. Tous les regards étaient maintenant fixés sur la scène, où le jeune chef vainqueur était humilié, embourbé dans une toile d’araignée.


L’agent Jenny s'avança, son visage dur et sévère, chacun de ses pas résonnant dans la salle comme un coup de marteau. Arcanin la suivait de près, ses crocs légèrement découverts, prêt à agir au moindre ordre. Elle se posta devant Léandre, qui était toujours à genoux, ses vêtements de cuisinier tachés de la toile collante, son visage empreint de confusion et de terreur.


Elle prit une profonde inspiration et s'adressa à lui d'une voix glaciale : "Monsieur Léandre, je vous arrête pour le vol d'un Pokémon appartenant à un autre dresseur."


L’accusation claqua comme un coup de tonnerre dans l’esprit de Léandre. Il la fixa, incrédule. "Quoi ?!" s’exclama-t-il, la voix tremblante. "Mais... je ne sais pas de quoi vous parlez ! Je n'ai volé aucun Pokémon !"


L’agent Jenny croisa les bras, implacable. "Vous avez été vu en train de fuir avec un Teddiursa appartenant à un autre dresseur. Ce Teddiursa a disparu il y a peu de temps, et vous êtes le principal suspect dans cette affaire."


Le monde de Léandre s’effondra en un instant. Teddiursa ? Le Pokémon qui l'avait accompagné si récemment ? Il ne l'avait pas volé... Il l'avait trouvé ! Comment pouvait-on l'accuser d’une telle chose ?


"Non, vous ne comprenez pas !" s’écria Léandre, tentant de se lever malgré la toile qui l’entravait. "Teddiursa... je l’ai trouvé ! Il était seul, je ne savais pas qu’il appartenait à quelqu’un d’autre !"


L'agent Jenny le regarda avec scepticisme. "Cela, vous l'expliquerez au poste de police. Mais pour l'instant, vous devez nous suivre."


Les murmures dans la salle s'intensifièrent. Les spectateurs, qui quelques instants plus tôt l'acclamaient comme le meilleur jeune cuisinier de Kanto, regardaient maintenant Léandre avec suspicion. Certains se détournaient, d’autres chuchotaient entre eux. Le jeune chef sentit son cœur se serrer, non pas par peur de l’arrestation, mais par l’injustice de la situation. Il n’avait rien fait de mal.


Alors que Jenny lui fit signe de se lever, Léandre comprit qu’il n’avait pas d’autre choix. Accablé, couvert de toile, il se releva lentement, titubant sous le poids de l’accusation qui pesait sur lui. Les applaudissements de sa victoire étaient devenus de lointains souvenirs. Sa carrière, son honneur... tout semblait menacé.


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