Derkomai's Mask

Chapitre 49 : Il y avait peut-être un peu de rose dans les cyclamens

4731 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/12/2024 12:36

Tony riait, la jeune fille à deux doigts de se jeter dans le bain électrique, chose qu’Absol s’évertuait d’empêcher.

- Alors la Méga-Evolution, qu’est-ce que tu attends ?! hurlait le bandit.

Le pokémon gronda, bien conscient de l’afflux de puissance que lui avait donné la gemme et du manque de contrôle qu’il avait dessus. Il ne pourrait détruire la cage sans toucher le reptile à l’intérieur. Tony s’esclaffa de plus belle, se demandant s’il tenterait quand même l’expérience, quitte à ce que ce soit le coup de trop pour le reptile déjà mal en point.

- Tic-tac, la cage coule, il serait temps de trancher !

Serena se débattait, les mains tendues comme si elle espérait atteindre les barreaux, ramener la salamandre contre son cœur et lui dire que tout allait bien.

- Laisse-moi y aller Absol ! Laisse-moi y aller, par pitié !

Avait-elle deviné ce que le faux pokémon avait demandé à présent qu’il sombrait ? Était-ce pour cela que malgré la peur et la détresse, ce qui la motivait à le rejoindre était la rage. Et Absol la comprenait, il la comprenait si bien quand il voyait avec quel désespoir elle se débattait, les larmes ravageant son visage.

La cage presque complètement submergée, les derniers râles du dragon engloutis dans l’eau, la jeune fille qui ne cessait de hurler, de griffer dans la panique. Absol racla le sol, prêt à assommer la jeune fille et à se jeter lui-même dans le torrent, quitte à s’enfoncer avec le dragon.

Mais il n’aurait peut-être pas à aller si loin, la preuve en était que les rires de Tony se turent au moment où deux lianes transpercèrent l’air et s’enroulèrent autour des barreaux.

- On est là !

- Flora… gargouilla Serena.

La coordinatrice d’Hoenn s’était déjà emparée des vignes, les décharges traversant ses mains lui donnaient l’envie d’hurler et très clairement, elle n’aurait jamais pensé qu’un jour, elle demanderait à ses pokémons d’attraper un câble à haute tension mais…

- Tirez !

Le début des barreaux et le museau du reptile émergea, mais ils n’iraient pas plus loin, la coordinatrice le devinait alors qu’elle sentait les flots qui s’accrochait à la cage, luttant pour l’absorber malgré que les pokémons de Serena les aient aussi rejoints.

- Adèle ! cria Flora. Qu’est-ce que t’attends !

- Qu’est-ce qu’il attend ! rouspéta la femme. Tu crois que c’est simple ?!

- Tu veux ma place ?!

Adèle leva les yeux au ciel avant de se reconcentrer sur Tony coincé sous le pied de Camerupt, son thorax uniquement épargné par son veston et le bon vouloir de la dresseuse.

- Je vais me répéter une dernière fois : ouvre cette cage.

- J’ai pas la télécommande, dommage ! tira-t-il la langue.

Adèle avait croisé ses bras derrière son dos et se dandinait sur place d’un air pensif. Camérupt, les naseaux exultant de fumée, n’attendait que son ordre pour se montrer, comme à son habitude, plus persuasif.

- Je m’en occupe.

Elle fit craquer sa nuque et ses épaules sans se soucier de son pokémon qui la dévisageait.

- J’ai dit que je m’en occupais, répéta-t-elle.

Le pokémon ne tergiversa pas plus et se poussa. La joie du bandit de respirer à nouveau librement ne fut que de courte durée quand la femme s’accroupit en face de lui et posa deux doigts sur son front.

- Sale… cracha-t-il.

- Je suis bien embêtée, soupira-t-elle en faisant claquer ses mâchoires. J’avais déjà prévu de les inviter à une petite fête et je serais vraiment, vraiment, déçue qu’ils ne puissent pas venir.

Tony pâlit alors qu’elle lui attrapait la mâchoire pour l’empêcher de détourner le regard, tapotant du doigt l’écouteur qu’il avait dans l’oreille.

- Tu vas l’appeler. Tu vas le faire pour moi, pas vrai ?

Les mots semblaient lointains et cette pupille qui tremblait dans l’iris, la fine rétine désormais visible qui ne se contentait plus d’absorber la lumière, mais la produisait bel et bien. Tony posa un doigt sur l’oreillette, une vibration et puis…

- Tony ? Tony, est-ce que ça va ? J’ai retrouvé Don et Julian, il manque plus que toi pour…

- Libère le.

- Quoi ?

- Libère le. Ça fait partie du plan pour qu’on s’en sorte tous.

Adèle attendit d’entendre le bruit caractéristique du verrou qui lâche, puis les cris de tous les pokémons et humains alors que Florizarre avait perdu sa prise et que la cage se retournait sur elle-même, plongeant de plus belle. Enfin, il y eut ce qu’elle devina être Serena se jetant à l’eau.

- Heureuse qu’on se soit compris, pouffa la femme.

Elle le relâcha et se détourna de lui, laissant tout le loisir au bandit de se relever et de détaler comme un sapereau. Courtney s’étira, prenant une grande…

Inspiration. A présent que la douleur s’en était allée, Sacha pouvait souffler, respirer, s’abandonner au sommeil qui alourdissait ses poumons. Absol avait accepté finalement, et le faux-pokémon, rassuré, se permettait de dériver, son esprit guidé vers la falaise où les vagues se déchainaient. Elles ne l’atteindraient pas, heureux dans la chaleur de l’été, si heureux, tellement heureux, pouvoir être à nouveau lui et ne plus avoir à s’inquiéter pour elle, ne plus penser à elle, ne plus faussement vouloir pour elle… Pour qui ? Pour qui avait-il tant hésité jusque-là ?

"Serena."

Il ne se souvenait pas avoir chuté, et pourtant il flottait dans l’eau, sa flamme à moitié éteinte. Qu’elle ne le ramène pas, qu’elle l’abandonne où il était, où Sacha aurait toujours dû être avant qu’il commence à y croire. Il ouvrit à moitié la gueule, sa gorge engorgée d’eau quand à nouveau, elle tendit les mains vers lui, les posa sur ses joues, un bref instant de soulagement de le retrouver conscient.

Je te mens, s’étouffa-t-il. Mais à présent, elle avait un vrai pokémon avec elle, un pokémon qui se souciait d’elle, qui l’aiderait et ne lui ferait pas honte durant les concours. Ils pourraient même danser ensemble. Danser comme le faisait le ruban bleuté dans les cheveux de la jeune fille, entrainé par les flots, les douces ondulations qu’il eut soudain envie de caresser, même si ce n’était que du bout des doigts.

Serena ne s’occupait pas des gestes du dragon, concentrée sur la liane qu’elle essayait de guider sous les bras du reptile tandis que la force du courant continuait de les guider vers le fond. Accroche-toi, il faut que tu t’accroches, suppliait-elle.

Elle s’arrêta, quelques bulles lui échappèrent alors qu’il effleurait le ruban, enveloppant la joue de la jeune fille de sa paume. Le manque d’air se fit soudain sentir plus intensément, Serena se dépêchant de tirer deux fois sur la ligne. Elle se dégagea des griffes du pokémon, enserrant son cou le temps de la remontée, sentant le cœur du dragon battre à l’unisson contre le sien et… L’eau avait dû complètement éteindre son cerveau ! Sinon il ne serait pas en train de lui caresser le dos comme ça, d’enrouler sa queue autour de sa taille ou…

Bien heureusement, personne d’autre ne les verrait ainsi collé l’un à l’autre (à part peut-être Posipi et Négapi toujours à l’affut du scoop), la sortie de l’eau pris la jeune fille au dépourvu, la faisant lâcher le dragon qui, déjà à moitié évanoui, n’avait plus la force de la retenir. Elle échangea ainsi l’humidité des écailles contre la rocaille et la fumée.

Serena passa une main dans son cou. Il l’avait pris au dépourvu, un peu comme cette fois dans les ruffes où elle avait cru… Elle secoua la tête et mit ses doutes de côté, la seule chose qui importait pour le moment était le reptile crachant l’eau et la flamme qui vibrait d’un dernier effort pour ne pas définitivement disparaitre.

La dresseuse ne perdit pas de temps, lui mettant l’embout de l’Antidote dans la gueule avant d’enchainer potion sur potion pendant que les autres autour retenaient leurs souffles.

- Tu es impossible, murmura-t-elle. Serena jeta le flacon et passa au suivant, continuant de lui parler pour calmer ses nerfs : Tu as inquiété tout le monde avec tes bêtises.

Il ouvrit un œil, crachant ce qu’il lui restait d’eau dans les poumons.

- Dr… Dra…

Elle lui posa un doigt sur le museau. S’il voulait lui parler ce serait après avoir récupéré, et il n’y aurait aucune concession là-dessus, surtout vu comme il avait déraillé sous l’eau… Elle passa à nouveau la main dans son cou brûlant. Le pokémon s’était juste recroquevillé sur elle et dans la confusion… Il avait dû rêver qu’il mangeait une profiterole et voilà, c’était le genre de chose qui pouvait arriver à n’importe quel pokémon !

- Cau…

Elle avait appuyé un peu trop la potion dans la gueule du monstre. Au moins s’il pouvait se plaindre, c’était qu’il allait mieux. Elle ajouta tout de même quelques Super Potion et une Racinénergie, cette dernière étant sa petite vengeance personnelle en plus d’être un excellent remède vu comment le dragon se releva d’un bond en tirant la langue de dégoût.

Toutefois, il ne resta pas debout longtemps, un mauvais vertige menaçant de le ramener face contre terre. Quelque chose qu’Adèle avait déjà anticipé, son pokémon se postant juste devant le reptile pour lui permettre un atterrissage en douceur. Braségali et Tortank vinrent parachever le travail en finissant de pousser le reptile sur le dos de Camerupt, de tel sorte qu’il ressemblait désormais à un gros sac posé entre les bosses du chameau.

- Dra !

- Si tu as des réclamations, il faudra voir avec Serena, le prévint Flora.

- Cau… se renfrogna-t-il.

Elle essaya de le caresser mais le faux-pokémon secoua vite la tête pour l’en empêcher.

- Comment ils ont pu croire qu’ils pourraient te vendre à un autre dresseur, soupira la coordinatrice. Il faut s’appeler Serena pour pouvoir te toucher.

Il n’approuvait pas la remarque vu sa mine pincée, mais son expression s’effondra complètement quand il remarqua Serena en train de discuter avec Absol.

- Dra… Dracau, Cau, se résolu-t-il en fermant les yeux.

Flora le dévisagea un instant, comprenant mieux pourquoi Serena se plaignait d’avoir du mal à suivre ce que pensait son dragon. Elle-même, en moins d’une minute, ne se sentait plus l’énergie d’essayer de saisir le bazar produit par les neurones du reptile.

- Serena, on prend un peu d’avance, prévint Flora.

La jeune fille glissa un regard vers Absol toujours à côté d’elle avant d’acquiescer. Elle devait discuter de certaines choses avec le pokémon ténèbres, et elle préférait que celui de type feu ne soit pas là pour les entendre.

Sacha aussi de toute façon, qui en plus était très heureux de ne pas avoir à marcher tant il sentait ses jambes trembler. Il espérait quand même que cela ne durerait pas trop longtemps et qu’il serait vite à nouveau en mesure de voler. Il emmènerait la pokéball avec lui et demanderait à Edivo de la briser. Lui ne s’en sortait pas la force, c’était ce genre d’emprise que l’objet avait sur lui.

Il sentit sa gorge se serrer, continuant de se convaincre qu’à présent Absol serait avec elle et la protègerait bien mieux que lui. Il continua de le répéter une fois sorti de la grotte, assis à côté de l’entrée pendant qu’Adèle et Flora étaient retournées au restaurant-bar pour commander un repas à emporter, et régler deux-trois détails selon les dires de la femme sans que Sacha ne puisse demander plus de précision.

- Elles t’ont laissé seul ?

Serena fronçait les sourcils, à croire qu’elle le pensait capable de s’attirer de nouveaux problèmes dès qu’on ne le surveillait pas. Il tenait à préciser que c’était avant tout Absol que les voleurs visaient, lui avait été le dommage collatéral. D’ailleurs, où était le pokémon désastre ? Il s’attendait à le voir marcher aux côtés de la dresseuse, mais il supposait qu’il était tout simplement en train de se reposer dans sa nouvelle pokéball. Ou bien il n’avait pas supporté le trop plein d’énergie de Serena qui se dandinait sans raison sur place, les mains jointes derrière le dos.

- Dracau ?

- Tu te souviens de ce qu’il s’est passé quand on était sous l’eau et que…

Ses joues rougirent et elle se dépêcha de baisser la tête pour contempler le bout de ses bottines.

- Dra ?

- Non, rien.

- Caufeu, se gratta-t-il la joue.

- Moi je suis bizarre ? s’offusqua-t-elle. Qu’est-ce que je devrais dire de toi alors ?

- Dra…

Il sursauta, Serena s’était approchée et avait croisé les bras, chose qui ne présageait rien de bon.

- J’aimerais bien que tu m’expliques pourquoi tu es retourné au champ de fleur au final.

- Feudra, déglutit-il. Dracaucau, feu.

- Oui, je vois très bien. Quelque chose du genre : je ne suis pas à la hauteur et je ne fais que la gêner donc s’il te plait Absol, joins-toi à nous.

Sacha ouvrit grand la gueule de stupeur, essayant de se relever mais devant vite abandonner l’idée quand sa jambe flageola.

- Et pourquoi exactement ? Parce que tu n’arrives pas à danser ? Je voudrais bien connaître l’idiot qui t’as mis une telle idiotie dans la tête !

"Brice."

- Ne rejette pas la faute sur les autres !

"Mais c’est toi qui as demandé !"

Sacha fut pris d’une nouvelle quinte de toux, son humeur vacillante alors qu’il enroulait sa queue autour de ses jambes et recroquevillait ses ailes autour de ses bras.

"Je me moque de toi," avoua-t-il. "Je croyais avoir changé, je voulais y croire, je voulais accepter de ressentir… de commencer à ressentir certaines choses. Mais il est toujours là, je suis toujours là, et quand il n’y aura plus rien pour me retenir… J’ai peur Serena, j’ai peur de découvrir que ce n’était que des mensonges mais que ça n’ait pas d’importance. J’ai peur d’être heureux, de ne pas être capable de pleurer, de ne pas souffrir malgré que… que je ne sois plus avec toi."

Serena s’accroupit, passant une mèche de cheveux derrière son oreille, la tête penchée alors qu’elle observait la mine peinée de son dragon.

- Dracaufeu… Si tu es mon partenaire, c’est avant tout parce que tu as envie de l’être.

"Mais ça ce n’est pas moi ! C’est la pokéball, c’est le fait de devenir ton pokémon, c’est à cause de ça et uniquement à cause de ça… Et ça fait si mal."

Il montrait les dents, son masque le brûlait et il mourrait d’envie de l’arracher ici et maintenant.

- Et donc ? reprit Serena après un temps, n’ayant écouté que la moitié de ce que le pokémon disait tant elle était agacée (et elle n’avait aucune envie d’être attentive à toutes les bêtises qu’il pouvait grogner). Je vais devoir me débrouiller avec seulement cinq pokémons dans mon équipe pour atteindre le Grand Festival ?

Sacha cligna des yeux, recomptant les membres de leur équipe : Roussil, Pandespiègle, Nymphali, Posipi, Négapi, et maintenant, le tout fraichement capturé Absol. On était à six, il avait même les doigts pour le compter !

- Je ne l’ai pas capturé.

"Ah, oui, si on enlève Absol… Quoi ?!"

Serena avait dû se boucher les oreilles tant il avait crié fort. Elle gonfla les joues, exaspérée par le pokémon feu.

- Ce n’est pas à toi de décider qui je prends ou pas dans mon équipe.

"Serena !"

Et ce n’est pas non plus à toi de décider qui est ou non le meilleur partenaire pour moi.

"Mais tu as entendu Flora, et Adèle, et tu as même réussi à le faire Méga-Evoluer ! Evidemment que c’est le meilleur partenaire que tu puisses avoir."

Serena s’était relevée, les poings crispés quand elle hurla :

- Pas si tu crois qu’il va te remplacer !

Le faux pokémon sursauta. Comment savait-elle cela ?! Il avait pourtant fait promettre à Absol de ne rien dire à ce sujet !

- Ça se devine Dracaufeu ! Je dirais même que c’est inscrit sur ton visage !

Sacha n’en revenait tellement pas qu’il toucha ses joues et son front, se demandant si des morceaux de masques n’y étaient pas apparus et inscrivaient en relief ses pensées.

- Tu es vraiment… Je suis désolée de te l’apprendre Dracaufeu, mais j’ai déjà décidé avec quelle équipe j’irai au Grand Festival, et il se trouve que tu en fais partie.

Les épaules du métamorphosé tremblèrent, les poings serrés, les ailes crispées, de légères larmes au coin des yeux quand il releva la tête vers la jeune fille et… ronronna ? Sacha plaqua ses mains devant sa gueule, mais le son venait de plus loin et bloquer simplement la caisse de résonnance ne l’arrêterait pas. Peut-être que tout était faux chez lui, mais ça c’était un vrai ronronnement de plaisir.

Sacha rougit, d’autant plus gêné quand il remarqua le léger sourire de la jeune fille et qu’elle reprit plus doucement :

- Hoenn est la première région où je voyage seule, mais j’ai eu la chance d’y trouver un petit partenaire qui s’est démené pour m’aider et m’encourager. Un partenaire qui fait tous les jours des efforts pour s’améliorer, y compris dans les choses pour lesquelles il n’est pas très bon, et qui me donne envie d’en faire de même. Et je n'ai aucune envie de l'échanger, même pas contre un Absol.

Sacha s’était arrêté de ronronner, mais il pressentait qu’il pourrait reprendre à tout instant. Il n’y avait pas à dire, la pokéball l’avait complètement détraqué et, une fois redevenu humain, il se demanderait sans doute ce qu’il lui avait pris, mais… peut-être…

"Pourquoi tu fais ça ?" chuchota l'ancien humain.

Serena ne savait pas si elle devait se sentir vexée, mais du peu qu’elle comprenait il était en train de lui faire des reproches. Très bien, terminé la diplomatie, elle allait lui enfoncer dans le crâne que c’était lui et uniquement lui qu’elle voulait comme… Elle resta figée.

Dracaufeu ?

Pourtant, il n’était pas sous l’eau en train de perdre la raison. Il était debout, et savait parfaitement ce qu’il faisait alors qu’il…

DRACAUFEU ?!

Il recula et elle couvrit la brûlure sous sa paume, incapable d’articuler la moindre parole. Il avait ce regard, celui dont Orium lui avait parlé et qu’à présent elle aussi pouvait voir ! C’est de la douceur, mademoiselle.

- Serena ! entendit-elle son amie derrière elle. Vous vous êtes disputés ? s’étonna Flora en voyant le visage rouge de la jeune fille.

- Non ! s’égosilla la dresseuse.

- Euh… en tous cas Dracaufeu a l’air d’aller mieux.

Trop mieux !

- Tu as quelque chose sur la joue ?

- Rien ! Absolument rien !

C’était un dracaufeu ! C’était un dracaufeu donc il devrait faire une petite léchouille ou quelque chose du genre mais pas… Toucher (pas tout à fait toucher mais elle ne voulait pas plus y penser) sa joue du bout des lèvres ça… ça…

- Flora, déglutit la dresseuse. Je lui ai montré Romance à Unys, les deux films de Romance à Unys, et je crois qu’il n’a pas très bien compris de quoi ça parlait.

- Il ne s’est pas endormi devant ? s’étonna la coordinatrice.

- Pas pour le deux !

- Et donc…

Qu’elle allait devoir reprendre les bases sur les signes d’affection et lui expliquer que ça sur la joue c’était d’humain à humain, et que lorsque vous ne l’utilisiez pas pour dire bonjour ou aurevoir souvent ça voulait dire…

- Il ne faut pas qu’il regarde le trois, glapit-elle.

- Mais c’est celui où enfin ils s’emb-

- Il ne faut surtout pas qu’il regarde le trois !

Sacha se renfrogna, ne comprenant pas pourquoi la liste des films qu’il avait vu préoccupait si soudainement sa dresseuse.

"Serena," dit-il un peu hésitant.

- Quoi !

"Je… J’ai déjà vu le trois, enfin c’était surtout Posipi et Négapi qui voulaient le voir et Joëlle était d’accord pour nous laisser la cassette donc... Serena ?!"

Si la jeune fille ne pouvait pas comprendre tout ce que disait son dragon, il y avait certaines choses qu’on sentait avec le cœur. Et peut-être le choc avait été un peu trop violent pour ce dernier, puisque si un arbitre avait été là, il aurait pu lever son drapeau et crier :

« Serena est K.O, la victoire revient donc à… »


***


Courtney avançait péniblement dans les broussailles, ses maux de têtes empirant à chaque seconde, l’horrible sensation qu’on dilacérait les fins réseaux neuronaux. N’en pouvant plus, elle s’allongea sur le sol, se recroquevilla dans la mousse pour y étouffer ses gémissements de douleurs.

Et les deux dresseuses qui avaient insisté pour qu’elle reste au moins jusqu’au diner, elle avait bien fait de ne pas les écouter. Mine de rien, elle s’en serait voulu de gâcher le repas.

Elle inspira et expira plusieurs fois, essayant de se concentrer sur le sifflement des pifeuils. Un vague espoir en sentant la douleur qui s’amenuisait avant de se rendre compte qu’elle était tout simplement en train de perdre conscience.

- Ah…

Au moins avait-elle pu s’excuser auprès de Serena pour tous les problèmes qu’elle lui avait causé à la centrale, mais aussi pour s’être moquée de la confiance qu’elle accordait à Dracaufeu.

- Pas… la mieux placée… pour parler, articula-t-elle péniblement entre deux sanglots de douleurs et de peur.

Serena ne l’admirait pas, ne l’idolâtrait pas, mais elle croyait en lui. Elle croyait en ce qu’elle connaissait de Dracaufeu et faisait tout pour le retrouver quand il disparaissait. Courtney crispa ses doigts, le soleil illuminant sa rétine bien qu’elle lui tourne le dos. Peut-être qu’en vérité, elle ne faisait que forcer le dragon à correspondre à ce qu’elle désirait… Et c’était plus que du « peut-être » quand un dracaufeu se mettait à faire des concours ou à cuisiner. Toute la question alors est de savoir pourquoi il accepte.

Courtney aurait souri si elle avait pu. La bande du répondeur était blanche, depuis plusieurs jours en vérité, et à présent, elle se demandait ce qu’il serait advenu si elle avait décroché le combiné, si elle avait hurlé son nom.

- Max…

Serena était une brave petite qui n’avait pas caché sa déception en apprenant qu’elle ne ferait pas plus de concours. Quant à Flora… Elle aurait beau dire que non, Courtney savait que cela lui faisait aussi un peu de peine. Vous voyez, c’était pour cela qu’elle leur avait dit aurevoir, et qu’à présent qu’elle était seule, elle pouvait chuchoter :

- J’ai hâte de te revoir gamine.

La femme se releva soudain, la douleur volatilisée. Elle craqua sa nuque, ses épaules puis un claquement de dent accompagné d’un sourire difforme. Non, elle n’avait pas menti aux dresseuses, elle avait bel et bien un rendez-vous important, et elle avait déjà trop tardé.

Elle se releva, tituba un peu avant de reprendre sa marche, son pas prenant de l’assurance au fur et à mesure qu’elle l’exerçait. Normalement ils devraient l’attendre… Elle contourna le rocher et eut le plaisir de découvrir la troupe de voleur au grand complet, y compris Jim avec son bras en équerre.

- Bien, bien, bien, heureuse que vous aillez accepter de venir.

Sauf qu’à la manière dont ils tirèrent leur pokéballs et glapirent de surprise, on aurait pu croire qu’ils n’étaient pas au courant. Quoique, quand elle y réfléchissait, c’était fort possible. La femme claqua des dents, vocalisant des pépiements secs qu’on pouvait apparenter à des rires.

- Comment tu nous as retrouvés ? grimaça Tony.

Elle tapota sa tempe avant de répondre d’un air faussement outré :

- C’est moi qui t’ai indiqué l’endroit voyons.

Le bandit frotta son œil, gêné par un rayon de lumière qui lui collait à l’iris. Ça s’infiltrait entre les pores de la cornée et tapissait la rétine, puis les nerfs puis…

- Qu’est-ce que tu nous veux ? demanda finalement Tony.

Elle voulut claquer des doigts, mais ne produisit qu’un son mou. Frustrée, elle les frotta à son jean comme si cela pourrait les dégourdir.

- Un de vos amis ouvrier a vu des petits diablotins à corne, mais n’a malheureusement pas voulu m’en dire beaucoup plus.

- Normal, il avait trop peur pour les approcher… grimaça Tony.

- Oh oh ! Dois-je en conclure que tu as été plus courageux que lui.

- Ça se pourrait.

- Tu vois, si je pouvais siffler d’admiration, je le ferais pour toi sans hésiter.

Les autres bandits observaient l’échange, ne comprenant pas pourquoi leur camarade se laissait si facilement prendre par le jeu de la femme.

- Kelvin, l’un d’eux s’appelait Kelvin et… Une onde, grommela Tony avant qu’elle ne demande quoique ce soit. Une intelligence artificielle aussi, Magnet je crois. Ça avait l’air de les inquiéter.

Courtney s’esclaffa soudain, la bouche grande ouverte tournée vers le ciel.

- C’était donc lui le fouineur, quel vilain garçon il fait.

Rassurée, elle sauta au milieu des voleurs et continua sa route sans plus se préoccuper d’eux. Elle verrait plus tard avec les autres s’il faudrait lui taper sur les doigts, mais dans le fond elle se doutait déjà de la réponse. Comme tous les Admins, Kelvin était fidèle à son chef, il l’admirait même et cela signifiait que peu importe ce qu’il trouverait, il reviendrait bien gentiment vers eux. Un bon malosse comme on les aimait.

- C’est bien pour ça qu’on vous a choisis.

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