Derkomai's Mask

Chapitre 33 : Le mimosa aime se glisser contre son oreille

6769 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/08/2024 07:23

Les arakdos patinaient sur l’eau, profitant des derniers moments avant que le soleil ne se couche. Un magicarpe essayait de remonter le courant d’une cascade, quelques bons courageux puis le malheureux retombait dans l’eau. Un gros plouf se fit entendre sans que Serena ne cesse de remuer les légumes qui crépitaient dans la poêle, le reptile allongé à côté d’elle attentif à ses mouvements, bien décidé à lui voler ses secrets.

- Brice met du temps à revenir, remarqua-t-elle.

Sacha étira ses ailes avant de les ramener contre son corps, peu décidé à bouger.

- Tu ne voudrais pas aller voir où il en est ?

La flamme du reptile rapetissa pendant que le magicarpe échouait à nouveau, le bruit de son plongeon étouffé par le grondement de la cascade. Sacha essaya de croire qu’elle lui laissait le choix, tout en sachant pertinemment que sa question n’appelait qu’une seule réponse.

"Brice prend son temps, c’est tout," essaya-t-il de convaincre sa dresseuse.

Un nouvel échec du magicarpe et cette fois le monstre avait disparu dans les profondeurs, abandonnant son idée pour le moment. Sacha espérait que Serena en fasse de même.

- Tu pourrais faire un effort.

Un ronflement racla la gorge du reptile. Il estimait en avoir déjà fait beaucoup depuis que le garçon les avait retrouvés au Centre Pokémon d’Autéquia. Quelle chance n’est-ce pas, il était arrivé en ville juste au moment où ils décidaient de partir. Et comme ils allaient dans la même direction… Serena avait trouvé une bonne excuse pour ne pas faire le trajet en Air Vol Dracaufeu.

- Je ne peux pas croire que tu sois encore jaloux, tu n’es plus un salamèche pourtant.

Raison pour laquelle il s’était abstenu de tester la résistance du bonnet d’un bon Lance-Flammes.

- Qu’est-ce qui t’inquiète ? soupira la jeune fille. Tu as peur que je disparaisse avec lui ou que je ne m’occupe plus de toi ? Tu sais bien que ça n’arrivera pas.

Le métamorphosé pétrissait la terre de ses griffes, tortillait sa queue, le croirait-elle s’il lui disait. Que Brice n’était pas sincère dans ses mots doux, que ses sourires, rires, compliment donnaient toujours l’impression d’assister à un jeu, comme s’il se cachait derrière un masque. Le visage du reptile se tordit et il lutta pour reprendre contenance avant que la dresseuse ne le remarque.

- Tu veux bien prendre le relais ?

Il saisit machinalement la spatule sans comprendre, jusqu’à ce qu’elle lui laisse sa place et se dirige vers les bois.

- Dra ? bredouilla le faux pokémon de plus en plus perdu.

- Puisque tu n’as pas envie de bouger, c’est moi qui vais vérifier si Brice va bien. Je te laisse t’occuper de remuer le temps que je revienne.

Quelques carottes étaient déjà passées par-dessus bord pendant qu’il la regardait s’éloigner. Peut-être était-ce vraiment lui le problème. Et puis comment pouvait-il se faire une idée du garçon après seulement quelques jours en sa compagnie, lui si mauvais pour déceler les mensonges ou simples sous-entendus.

Le magicarpe pointa le bout de son nez hors de l’eau et Sacha ne put s’empêcher de repenser à ce que Brice leur avait raconté. Le temps passé à attendre que l’arène de Lavandia rouvre ses portes puis végéter aux alentours de Vermilava pour finalement abandonner l’idée d’affronter la championne et poursuivre sa route jusqu’à Autéquia.

L’air humide qui pesait sur sa flamme caudale le gênait presque autant que la façon dont Brice les avait si parfaitement rejoint dans un arrangement de circonstance bien huilées.

Qu’ils l’aient survolé au niveau de la route 113 sans le voir comme le garçon l’avait supposé, pourquoi pas. Que le retard de Brice rivalise avec celui de Serena, presque comme s’il la suivait… après tout, Sacha ne pouvait nier que les champions avaient été bien occupés. Mais il persistait un élément qui le dérangeait, quelque chose que la dresseuse ignorait et que lui-même ne percevait que parce qu’il était un pokémon, un dracaufeu bien plus sensible à ce genre de détail : l’odeur discrète mais bien présente du souffre au moment où Brice s’était présenté à eux, cette odeur qui s’était dissipée en une journée et qui aurait dû disparaitre bien avant, comme elle l’avait fait pour lui et sa partenaire. Cette senteur capiteuse différente des cendres de la route 113 ou des alentours herbus du volcan : elle appartenait au Mont Chimnée, au cœur du Mont Chimnée.

Le feu de camps brûlait paresseusement à ses pieds quand sa propre flamme flambait d’impatience. Il ne pouvait pas abandonner sa tâche, mais rien n’interdisait de partir si elle se terminait plus vite que prévue.

Les arakdos avaient quitté leur terrain de jeu, se réfugiant au milieu des roseaux et des plantes qui bordaient l’étang. Mais même débarrassé des petits pokémons, il ne retrouvait toujours pas sa placidité, sa surface toujours perturbée par la puissante cascade qui le transperçait.

- Tu veux bien m’accompagner Nymphali ? proposa la jeune fille.

Le type fée était resté en retrait du jeu des autres pokémons. Pour être plus précis : du jeu des trois chenapans aux dépens de Roussil. Nymphali dressa ses oreilles, le corps tendu pour suivre sa dresseuse avant de se recroqueviller dans un « Pha » anxieux. La dresseuse s’agenouilla pour lui offrir une caresse, mais le pokémon se recula, tous ses rubans filant vers l’arrière. Nymphali n’avait pas voulu participer au concours et depuis elle s’arrangeait pour éviter le plus possible la coordinatrice, à croire qu’elle avait pris le rôle de Dracaufeu. Cependant, quelque chose dans le comportement du pokémon mettait mal à l’aise la jeune fille. Une sorte de honte, de dépréciation constante, quelque chose de familier.

Posipi s’était approché et s’excusa d’un léger signe de tête d’avoir laissé son amie s’éloigner. Serena aurait préféré qu’il leur accorde plus de temps, mais le type fée s’approchait déjà de lui, heureuse de l’échappatoire qu’il lui offrait. Serena respira un peu l’air humide, c’était désagréable, comme s’il alourdissait ses poumons. Peut-être Nymphali palpa-t-elle cette gêne, ses yeux bleus clairs trouvant un bref instant ceux de sa dresseuse. Une seconde où Serena crut reconnaître son propre regard.

Les paresthésies enflaient sous sa peau et la jeune fille sentit le besoin urgent de s’éloigner, de ne pas faire face plus longtemps au pokémon. Elle enjamba les buissons, s’enfonça dans la végétation, priant pour que la sensation de cuisson se calme.

- Oh Serena ! Tu es venue nous donner un coup de main ? entendit-elle une voix enjouée.

La jeune fille saisit une plante pour sentir sa fraicheur, sa forme, la réalité qui perçait au milieu du fantôme de ses sensations. Suffisamment apaisée, elle rejoignit le garçon et son Massko dont les bras chargés de baies ne les démotivaient pas à en prendre une dernière, toute leur dextérité à l’œuvre pour éviter que le reste ne tombe. Comme quoi, l’idée qu’ils avaient besoin d’aide n’était pas si superflue.

- Toujours ta tendinite ? remarqua le garçon.

Serena souffla pour faire passer les décharges et utilisa son autre main pour plier discrètement ses doigts engourdis.

- J’ai trop lancé de pokéballs, plaisanta-t-elle.

Le garçon lui sourit et pendant un instant la jeune fille eut peur qu’il lui demande si ce n’était pas plutôt lié à son entrainement secret avec Dracaufeu. Celui-là même qui avait permis au petit Salamèche d’évoluer en un puissant dragon alors qu’Arcko, biberonné aux combats d’arènes, n’était parvenu que récemment à son premier stade d’évolution. De quoi attiser la curiosité de Brice qui dans ces moment-là ressemblait à Sacha : la même envie brûlante de s’améliorer, le même entêtement aussi alors qu’il pouvait la croire quand elle disait que ce fameux secret n’en valait pas la peine.

- C’était cuit ?

Elle le remercia intérieurement d’accepter son mensonge. Cependant elle savait aussi, il l’avait répété suffisamment de fois, qu’il voulait à tout prix goûter sa cuisine. La réponse ne devrait pas lui plaire.

- Dracaufeu surveille.

- Ah, déglutit Brice.

- Je ne lui ai rien demandé de trop compliqué.

- C’est ce que tu as dit aux deux repas d’hier, et d’avant-hier. On était d’accord pour que ce soir il ne fasse qu’observer.

La jeune fille sentit le dégoût monter de ses papilles blessées. Elle avait beau ne pas vouloir faire de peine à son pokémon, elle avait été obligée de tout recracher et de se rincer la bouche d’une bouteille complète d’eau pour ne pas vomir sur le champ.

- Tu es sûre que tu ne veux pas cueillir plus de baies ? J’ai le pressentiment qu’on risque d’en avoir besoin.

Serena déglutit, même si la charge qu’elle avait ne faisait pas la moitié de celle du garçon, elle était déjà à son maximum. Et s’ils continuaient de tarder, elle pressentait que son bras gauche n’attendrait pas son accord pour se délester.

- On ferait mieux de se dépêcher si tu es inquiet.

Mais le garçon avait posé son chargement, étirant son dos engourdi.

- De toute façon notre diner est fichu. Donc puisqu’on est seul tous les deux, pourquoi ne pas se poser, manger quelques baies et… Tu ne trouves pas cet endroit romantique ? pouffa Brice.

La jeune fille leva les yeux au ciel mais imita le garçon, trop heureuse de soulager son membre douloureux. Et de toute façon ils n’étaient pas vraiment seuls puisque… elle fit un tour sur elle-même, depuis quand Massko avait-il disparu ? Brice s’était incliné et avait tendu sa main, invitant la jeune fille à se joindre à lui. Mais Serena croisa les bras sans le moindre remord, elle n’avait pas l’intention de faire attendre Dracaufeu pour ce dresseur.

- Est-ce que ça a déjà fonctionné ?

Elle ne cachait pas ses doutes quant à la méthode du garçon, mais loin de se vexer, Brice abandonna son côté charmeur pour un rire bon enfant.

- Jamais. Et je ne crois pas que j’aurais plus de succès à l’avenir.

Il siffla pour rappeler son pokémon puis se mit à ramasser les baies qu’il avait abandonnées quelques minutes plus tôt sous le regard dubitatif de la jeune fille.

- Tu croyais que j’étais sérieux ?

- Non… enfin, si, un peu au début, avoua-t-elle.

Massko de retour, Brice commença à marcher vers le camp suivit de près par Serena. Il ne s’était jamais attendu à ce qu’une fille lui tombe dans les bras à la seconde où il lui dirait qu’elle était jolie, bien au contraire.

- Seulement au début ? demanda-t-il d’un air abattu.

Il entendit les pas derrière lui faire une pause, puis repartir de plus belle avec plus de vigueur.

- Tu as… une drôle de manière de te présenter aux gens.

Brice le savait. On acceptait les compliments des amis avec joie, ceux des inconnus avec angoisse, agacement, voir colère et c’était exactement ce qu’il souhaitait susciter. Des émotions plus pures aux filtres ténus, une légère réaction de défense, beaucoup plus intéressante que la cordialité bien cadrée.

- J’avoue que j’ai déjà eu quelques problèmes à cause de ça, mais pas au point de mériter un Lance-Flammes.

- Flammèche, corrigea d’une petite voix Serena.

- Le cœur y était, plaisanta-t-il avec un clin d’œil en direction de la jeune fille. Dès qu’il s’agissait de toi, ton petit Salamèche avait de la puissance à revendre.

Serena sentit à nouveau la chaleur lui monter aux joues, sans que la fraicheur environnante ni sa propre volonté ne puisse la calmer. Le cœur y était, et le sien en ce moment semblait swinguer dans sa poitrine.

- C’est un pokémon bien étrange que tu as trouvé, murmura le garçon d’une voix pensive.

Attention éboulement ! Les baies s’écrasèrent sur les feuilles en des poc mollassons. Serena se tenait debout, les bras vides, une expression de stupeur pendant qu’elle semblait demander au garçon : Qu’est-ce que tu entends par là ? En quoi est-il étrange ? En quoi !?

- On dirait que je ne suis pas le seul à l’avoir remarqué.

Il te ment.

- Ce n’est pas ça !

Serena n’aurait pas dû crier, pas pour ça. Elle s’était baissée, sa main droite sondait les feuilles à la recherche des précieux fruits, quand elle murmura :

- Ce n’est pas vraiment ça.

L’instinct de Brice lui jurait pourtant le contraire, tout comme il lui avait soufflé de ne pas ignorer cette dresseuse et son petit reptile la première fois qu’il les avait rencontrés. Aussi floue, imprécise et vague cette sensation puisse être, le garçon s’y était accroché, explorateur fou qui aurait dû échouer.

Mais il avait trouvé. La rémanence d’une sensation que Brice avait connue et n’avait pas oubliée, ne pouvait oublier. Elle n’avait été qu’un simple frémissement face à Salamèche, mais à présent elle vibrait, bourdonnement continue que seul quelques sens inconnus pouvaient percevoir.

- Qu’est-ce que c’est alors ? Je suppose que ce n’est pas juste le fait qu’il soit un peu trop protecteur envers sa mère adoptive.

Serena ne tenait pas particulièrement à se confier à Brice, mais il était le seul humain ici à qui elle pouvait en parler. C’était quelque part pour ça qu’elle avait accepté qu’il les accompagne, pour avoir quelqu’un avec qui discuter sans que les réponses ne soit des grognements, sans qu’elle ait besoin de se concentrer pour capturer des brides de sens, simplement écouter et laisser les mots glisser aussi naturellement qu’elle respirait.

- Disons que… Ces derniers temps, j’ai l’impression de ne plus pouvoir me comporter tout à fait normalement avec lui.

Inspirer devenait laborieux, comme si ses poumons s’étaient ratatinés et, encore sidérés, laissaient entrer et sortir l’air sans se gonfler. Parler au garçon se révélait plus difficile et pesant que lorsqu’elle se confiait au dragon, et la jeune fille était prête à s’arrêter quand elle entendit :

- C’est à cause de son évolution que tu te sens moins à l’aise ?

- Peut-être.

- Pas si évident ?

- Ça s’estompe à certains moments et puis ça revient plus fort à d’autres. Je ne sais pas pourquoi, la seule chose auquel je pense c’est qu’après tout ce qu’il s’est passé… Serena effleura le ruban à son poignet. Il me rappelle quelqu’un. Un ami avec qui j’ai voyagé à Kalos. C’était quelque chose auquel je pensais parfois quand il n’était qu’un salamèche, mais maintenant, j’ai l’impression de reconnaitre ses mimiques, sa façon de sourire, la manière dont il se comporte. Il lui ressemble, bien plus qu’à un dracaufeu ou même un pokémon et… Je n’arrive pas à comprendre pourquoi.

Elle avait fini de rassembler les baies et comme elle s’y attendait, Brice éclata de rire.

- Dis-moi… cet ami, il te manque ? demanda-t-il une fois calmé.

Serena sentit son ventre se tordre, ses joues rosirent et le sourire mutin du garçon ne l’aidait pas à aller mieux.

- Je ne vois pas le rapport, grinça-t-elle déjà prête à retourner au camp en laissant en plan le dresseur.

- Vraiment ? Moi j’imagine bien quelque chose comme ça : tu as tellement envie de le revoir que tu te mets à imaginer des similitudes chez Dracaufeu. Moi aussi ça me l’a fait à une époque.

Tout en disant cette dernière phrase, le visage du garçon s’était assombri, le regard vide, comme s’il observait quelque chose qu’il ne pouvait déjà plus voir. Mais Serena n’y fit pas attention, trop heureuse de ces explications qui lui convenaient parfaitement. C’était si évident maintenant : elle rencontrait un pokémon qui ressemblait comme par hasard à Sacha à peine un jour après l’avoir quitté. Pas à Lem, pas à Clem, pas à sa mère, mais bien au garçon du Bourg Palette. Quant à Amélia, il semblait qu’elle avait bel et bien cherché à la déstabiliser en jouant sur cette confusion.

- Tu devrais essayer de le contacter, ça te ferait du bien, conseilla soudain Brice de son ton enjoué habituel.

Ce n'était pas si simple, pas après ce qu'il s'était passé à l'aéroport ! Et s'il ne partageait pas ses sentiments ? Si la raison pour laquelle il ne l'avait toujours pas contactée était parce qu'il l'évitait !? Serena secoua la tête, s'astreignant à retrouver son calme. Ses sentiments et sa relation plus que floue avec le dresseur du Bourg Palette étaient une chose, mais si cela nuisait à Dracaufeu alors elle n'avait plus à hésiter. Peu importe à quel point ce serait gênant ou embarrassant, elle appellerait Sacha dès aujourd'hui si cela permettait que tout rentre dans l'ordre ! Bon, ensuite elle n'avait pas de visiophones sous la main, mais croyez bien qu'à la seconde où ils atteindraient un Centre Pokémon elle... La jeune fille sentit à nouveau sa résolution vaciller. Vraiment, pourquoi était-ce si difficile quand au fond elle savait très bien que... Sacha ne changera pas. Serena sentit son cœur se tordre douloureusement alors que pour la première fois elle envisageait cette possibilité : qu'il resterait fidèle à lui même et agirait comme d'habitude, comme si rien ne s'était passé.

- Je pense que tu as raison, souffla-t-elle.

Dracaufeu... Non, Salamèche, le petit et jeune Salamèche qui s'était forcé à évoluer pour l'aider et qui à présent, probablement inconsciemment, cherchait à combler l'absence du dresseur. Au fond, tant mieux si ce n'était que ça et pas... Elle ramena sa main contre sa poitrine, sentant son sternum vibrer sous les coups qu'on lui portait. Oui, vraiment, tant mieux.

- Serena ? Tout va bien ?

Dracaufeu n'avait rien à voir avec Sacha, n'était et ne serait jamais Sacha peu importe les ressemblances qu'elle imaginerait. Parce que ce n'était que ça, comme l'avait très justement fait remarqué Brice. et bonne nouvelle, la solution pour tout régler était on ne peut plus simple.

- Oui, merci. Je crois que j'y vois plus clair à présent.

- Hum... Tant mieux alors.

Tant mieux aussi qu'elle ne fasse déjà plus attention au visage du garçon, à l'expression de quelqu'un qui ne croyait aucunement à son propre mensonge.

Ils approchaient et une odeur de brûlé s’élevait du camp. Serena en fut surprise, Brice un peu moins pour ne pas dire pas du tout. Les autres pokémons s’étaient déjà occupés de jeter de l’eau sur le début d’incendie, leur petite routine bien ancrée, dépités de savoir que ce serait encore charbon ce soir.

- Quitte à avoir une aide, tu ferais mieux de demander à Roussil, Nymphali, ou même Pandespiègle, je suis sûr que ça leur plairait plus que Dracaufeu, se plaignit Brice pendant qu’il observait la poêle brûlée au quatrième degré.

Sacha gronda, c’était la faute du garçon s’il avait cherché à accélérer la cuisson en crachant ses flammes.

- Du calme, l’apaisa Serena en lui grattant l’arrière des cornes. Et Brice, c’est lui qui m’a demandé de lui apprendre, donc j’aimerais que tu évites ce genre de remarque.

- Un dracaufeu ?

- Moi aussi ça m’a surprise. Mais il était déterminé alors…

Le garçon avait croqué dans une baie pêcha, l’air penseur pendant qu’il observait le métamorphosé comme une curiosité sortie d’un musée des horreurs.

- Ça ne suffira pas, trancha le garçon. Il y a certaines choses qu’on est incapable de faire, même avec de l’entrainement. Ce n’est peut-être que de la cuisine pour toi, mais pour un dracaufeu… Autant lui demander d’apprendre à respirer sous l’eau.

Sacha claqua sa queue contre le sol, les flammes au bord des lèvres et son esprit humain avait toutes les peines à lui rappeler qu’il devait se contrôler. Surtout qu’à présent, Serena se tenait devant le garçon, ne laissant pas d’autres choix au dragon que de ravaler ses flammes.

- C’est dangereux ce que tu fais Serena, souffla le dresseur en la poussant doucement sur le côté. Voilà comment tu es censée faire si tu veux l’arrêter.

Sacha couina en même temps qu’il écrasait ses flammes dans sa gueule. La douleur qui avait explosé dans son nez le fit trébucher en arrière et s’étaler de tout son long, écorchant une aile sur les ronces au passage.

- Tu vois. Une pichenette bien placée entre les deux narines, et tu arrêtes net ses flammes.

Il souriait, fier de son petit tour. Serena, par contre, était à deux doigts de lui faire avaler ce qu’il restait de la poêle. Et quand elle vit son pokémon ramper sur le sol, gargouillant de peur que le dresseur recommence, elle se promit de lui faire aussi déguster les légumes carbonisée.

- Tu veux essayer ? demanda Brice.

Sacha cacha son museau sous ses pattes, effrayé que sa dresseuse accepte, incapable de formuler le moindre résonnement dans cette brume de douleur.

- Très bien, murmura la jeune fille.

La pichenette de Serena imprima une belle marque rouge sur la joue du garçon.

- C’était de très mauvais goût Brice.

Il sourit péniblement, mais Serena était déjà partie aider son pokémon à se relever.

- Moi qui m’attendais à ce que tu me demandes de t’apprendre la technique.

- Certainement pas, cracha-t-elle.

Brice leva les mains en signe de reddition.

- D’accord, j’ai compris, soupira-t-il. Dracaufeu, excuse-moi pour ce mauvais coup.

- Je crois qu’il n’y pas que pour ça que tu dois t’excuser.

Le garçon haussa les épaules, ça ne changerait pas la vérité.

- Je n’ai pas dit qu’il serait incapable de cuisiner par méchanceté ou moquerie. Tu sais aussi bien que moi qu’il pourra faire quelques petites tâches, mais la cuisine restera toujours un domaine trop complexe pour qu’il puisse se débrouiller seul.

Les décharges pulsaient dans son aile, de fines épines plantées entre les écailles délicates, les sillons tracés sur son visage par la douleur furent soudain envahis par des rivières de peine. C’était peut-être vrai, qu’il n’avait jamais été bon là-dedans et ne le serait jamais, qu’il allait juste réussir à rendre malade Serena s’il s’entêtait.

Il sursauta et s’écarta sur le côté, ayant perçu l’ombre d’une main voler vers son nez. Ce n’était que Serena et elle n’appliquerait sans doute qu’une légère caresse sur la zone sensible, mais Sacha ne pouvait se départir de l’idée qu’il aurait mal, qu’au dernier moment les doigts traitres le frapperaient. Serena n’est pas comme ça, tu sais bien qu’elle n’est pas comme ça, essayait-il de se convaincre. Mais maintenant qu’elle avait vu, qu’elle savait, n’aurait-elle vraiment jamais l’envie de l’utiliser ?

- Non, murmura la jeune fille.

S’il avait peur de la main qu’elle tendait, alors… Elle frôla son museau du bout des lèvres pour éteindre la douleur. Le métamorphosé ne bougeait plus, les écailles figées, hébété par ce qu’elle venait de faire. Le bisou magique, se souvint-il péniblement, parce que pour elle il était Dracaufeu, simplement son Dracaufeu et rien de plus. Mais, jamais il n’avait senti une telle chaleur l’envahir, ricocher au plus profond de lui, sans trouver la moindre sortie. Elle gonflait, puissante, intense au point d’écraser ce qu’il avait ressenti à l’aéroport. Oui, elle le laminait, le déchiquetait, elle était… Le temps passé avec Serena. Le surplus accumulé depuis sa transformation qui n’était pas un lac placide comme à Kalos, mais bien le tumulte d’une cascade en pleine mutation. Et Serena venait tout juste d’en augmenter la pression. Mais la jeune fille, à peine consciente de son geste, s’était déjà tournée vers Brice.

- Il veut apprendre. Il est prêt à prendre de son temps pour ça au lieu de faire ce qu’il aime et c’est mon rôle de dresseuse de trouver les moyens qui lui permettront de réussir. Et peut-être que ce ne sera ni classique ni la bonne manière de faire, mais à partir du moment où on aura trouvé les techniques qui lui conviennent, tu ne pourras plus dire qu’être un dracaufeu est une raison suffisante pour que ce soit impossible.

Serena était une bonne dresseuse qui ne devait pas aimer qu’on se moque de ses pokémons, Brice n’en doutait pas, mais c’était différent avec Dracaufeu, ça avait toujours été différent.

- Il a peut-être une chance avec tes encouragements, avoua-t-il. A condition que ses écailles n’explosent pas d’ici là.

La jeune fille écarquilla les yeux lorsqu’elle remarqua les écailles bouffies par le sang et la chaleur. Ce n’était pas la douleur qui provoquait cela, ni la colère, alors… Elle glissa sa langue contre ses lèvres avant de se dire que c’était impossible.

- De l’eau ! s’écria-t-elle en courant vers le lac. On doit tout de suite le refroidir !

Sept seaux d’eau sur la tête, ça oui, pour le refroidir ils l’avaient refroidi comme le prouvait la flamme faiblarde au bout de sa queue, ce qu’il lui restait d’énergie après que tout le reste ait brûlé en quelques secondes.

"Qu’est-ce qui t’as pris ?" grinça Roussil.

La question le surprit au point d’arrêter d’éponger ses écailles avec les serviettes prêtées par sa dresseuse… et par Brice. Ces dernières, il ne s’était pas gêné pour les jeter dans la poussière.

"Je…" Il s’arrêta, le cœur encore tiède d’épuisement, certain que cet instant où les lèvres s’étaient posées sur son museau avait été si bref que seul lui s’en était rendu compte. "Non, rien."

- Tu te sens mieux ? lui demanda Serena

La baie oran qu’elle lui tendait était la bienvenue. Il l’engloutit d’une traite avant que le revers de son coup de chaud ne le rattrape définitivement. Il eut juste le temps de se glisser entre les sacs de couchage qu’il fermait les yeux et s’endormait.

Le soleil s’était définitivement couché, la vaisselle nettoyée, les pokémons de retour dans leurs capsules. Brice regardait le reptile dont la peau orange se détachait dans la nuit, sa flamme dernier bastion avant que les ombres ne les engloutissent.

- Tu penses qu’il serait prêt à changer pour toi ? demanda-t-il doucement.

Serena prit place dans son sac de couchage, le fin duvet contre sa bouche et son poignet lié de bleu près de son cœur quand elle répondit :

- Il l’a déjà fait.

- Vraiment ?

Elle s’était tournée vers son pokémon, vers l’évolution finale de cette lignée si difficile à dresser. Elle acquiesça lentement sans se soucier de Brice, dans la pénombre, qui pouvait parfaitement la voir.

- Je pense que je l’admire un peu, admit le garçon d’une voix sèche.

Changer, évoluer pour préserver. Brice ne doutait plus maintenant. Le bonnet serré dans sa main alors qu’il scrutait le monde qui l’entourait, cherchant désespérément une forme qui se détacherait du reste. Cherchant celui qui un jour avait proposé une chance alors qu’il restait figé face aux hurlements du ravin. Incapable de bouger, incapable de le saisir, incapable de changer, se contentant de regarder.

Désolé, mais c’est juste que je hais ce que je suis.

Un étrange sourire déforma les lèvres du garçon, une expression tremblante qui à tout moment pouvait se rompre. Il laissa son bonnet tomber dans la poussière.

- Moi aussi, murmura-t-il.


***


Allongée sur son lit, Serena lisait avec attention le nouveau numéro de Gracidé. C’était son petit plaisir du mois, un moment privilégié pendant lequel ses doigts se délectaient du papier glacé. Gracidé, ses pages sublimaient les créations de Valériane, ses lettres incurvées épousaient la beauté d’Inezia. Ce magazine était l’art qui s’invite, un ami familier qui se glissait près de vous pour conter ses rêveries.

La double page centrale. La jeune fille se rassit et posa avec précaution ce souvenir sur ses genoux. Gelée dans la sève des pages, Aria dansait. Un instant, un seul mouvement capturé et pourtant la reine de Kalos resplendissait. Non… c’est bien plus que ça. Aria vivait. Son bras tendu, son sourire, c’était comme si elle invitait Serena, la pressait de la rejoindre. Si je revenais maintenant, je n’aurais aucune chance contre toi et tu le sais bien. Serena ferma la revue et la glissa dans son sac. Alors attends-moi, ne perds pas, jusqu’à ce que je revienne, jusqu’à ce que nous puissions à nouveau nous tenir sur la même scène.

- J’espère que vous êtes tous prêts pour l’entrainement !

Le bel entrain de Serena se heurta à l’indifférence de ses pokémons. Assis en cercle, ils menaient leur réunion stratégique sans plus s’occuper de la jeune fille. La dresseuse gonfla les joues, déjà qu’ils l’excluaient de leur conversation alors si en plus ils l’ignoraient… Mais elle pouvait difficilement leur en vouloir. Ce qui animait leur discussion, la raison pour laquelle chacun se concentrait, c’était à cause de Brice qui avait insisté pour qu’ils viennent dans cette ville afin d’assister à la Fête des Dresseurs. Un évènement qui n’était pas sans rappeler à Serena le festival annuel de Port Tempère, à la différence près que ce n’étaient pas les dresseurs qui offraient les cadeaux mais bien les pokémons. Et les siens étaient bien décidés à participer, même Dracaufeu qui pourtant n’aimait pas beaucoup suivre les idées de Brice.

"S’il vous plait, est-ce qu’on peut arrêter de se disperser et revenir au sujet qui nous intéresse."

La petite assemblée avait naturellement choisi Roussil pour les présider. Cependant, la renarde n’y voyait pas une marque de respect, c’était plutôt comme si on lui avait refilé le bébé que personne ne voulait.

"Un électriseur, c’est ça qu’il faut," affirma Négapi.

"Encore avec ça," rouspéta Roussil.

"C’est quoi le problème à la fin ? Voltère, il rêvait d’en avoir un. Donc pourquoi ce ne serait pas aussi le cas de Serena ?"

"Je ne pense pas qu’ils aient tout à fait les mêmes goûts," expliqua Nymphali d’une manière plus diplomate que ne s’apprêtait à le faire Roussil.

Dommage que le type fée ne parlait que pour apaiser l’atmosphère. Qu’on ne s’y trompe pas, la renarde la voyait comme une aide précieuse, mais elle aurait aussi voulu que Nymphali fasse entendre son opinion sur ce qu’elle voulait offrir.

"On ne peut pas savoir tant qu’on n’a pas essayé," ne démordait pas le bleu.

"Quelqu’un a d’autres idées," soupira la renarde.

"Des bijoux ou des vêtements," proposa Pandespiègle.

"On n’a pas d’argent," rappela Sacha. "Et je n’ai pas envie de demander à Serena de nous en prêter."

Un froid glacial envahit tous les pokémons alors que l’évidence les frappait. Ils réfléchissaient comme si leur choix était illimité et que la seule difficulté était de trouver ce qui plairait à la jeune fille. Mais quel magasin accepterait de gracieusement donner sa marchandise ? Fête des Dresseurs ou pas, ils avaient leur commerce à faire vivre.

"On devrait rester sur quelque chose de simple. Joëlle a dit qu’elle organisait un atelier cuisine pour l’occasion, autant en profiter. Il faudra juste veiller à ce que Sacha ne s’approche pas trop des fourneaux."

"Je ne fais pas tout brûler à chaque fois !" se défendit le métamorphosé.

Tous les pokémons firent une grimace crispée et Sacha, en reprenant ses comptes, réalisa qu’ils n’avaient pas tout à fait tort. Dans tous les cas, si le faux pokémon ne provoquait pas de catastrophes, l’idée de Posipi restait la plus sage. Serena adorait les pâtisseries donc de la cuisine faite maison par ses pokémons, tant qu’ils n’y laissaient pas trop de poils ou d’écailles, serait un bon cadeau. Mais avaient-ils vraiment envie de choisir leur présent par dépit ?

"Vous êtes des pokémons," s’exclama soudain Sacha les yeux brillants. "Enfin, actuellement moi aussi mais… Vous pouvez faire plus, beaucoup plus que des humains. Cracher des flammes, utiliser la foudre, nous on en est bien incapable alors on fait ce qu’on peut en créant toute sorte de choses. Donc trouver un cadeau, un beau cadeau, je pense que les pokémons peuvent y arriver sans notre aide !"

La petite équipe resta muette. Son discours était si horrible que ça ? C’est vrai qu’il n’avait jamais été un locuteur très doué, mais il ne pensait pas que c’était à ce point.

"C’est juste mon avis ! On peut rester sur la cuisine si vous préférez," voulut-il changer de sujet.

"Non, intervint Roussil. Ce que tu as dit… On a juste été surpris que tu y aies pensé avant nous."

Sacha frotta le bout de son museau, tout fier d’avoir réussi à les remotiver.

"Et concrètement, qu’est-ce que tu proposes ?" demanda Posipi.

Sacha s’y attendait et à vrai dire, il y avait déjà réfléchi sans oser en faire part aux autres. Après tout, ils voulaient faire un cadeau commun au départ et lui…

"Je pensais apprendre à modifier la forme de mes attaques feues, un peu comme ce que tu fais Roussil."

La renarde tomba à la renverse, elle ne s’attendait pas à une telle réponse.

"Après ce que tu viens de nous dire, c’est décevant."

"C’est que mes attaques ne font presque pas perdre de points à mes adversaires et si j’ai gagné face à cette fille, c’est uniquement parce que j’ai mis son pokémon K.O."

Sacha emberlificotait ses griffes. Ce moment vers la fin du combat, celui où il s’était senti proche de Serena sans savoir comment il y était parvenu, il voulait le revivre à nouveau.

"Je ne suis pas un pokémon, je ne suis même pas coordinateur. Mais je voudrais comprendre ce que ça représente pour elle."

Roussil baissait la tête pour cacher son sourire amusé. Puis d’un ton un peu moins moqueur que d’habitude avoua :

"Je suppose que si c’est toi, c’est le meilleur cadeau que tu puisses lui offrir."

Cependant, les autres ne s’en trouvaient pas plus avancés. Pire même, il instaurait l’idée que peut-être chacun devrait trouver son propre présent. Une nouvelle option qui semblait avoir donné de l’inspiration à Pandespiègle.

"Rester ici ne nous avancera pas, on ferait mieux de se rendre en forêt."

Roussil fronça les sourcils, ses lèvres pincées et son museau retroussé.

"Pourquoi la forêt particulièrement ?"

"Sacha l’a dit ! La ville, le bêton, ça convient bien aux humains. Mais si nous on doit trouver quelque chose, ce sera forcément dans un environnement qu’on connait."

"Mais Posipi et Négapi vivaient dans une centrale," rappela la renarde.

"Non. On est bien nés en forêt et on y a vécu un certain temps avant de s’installer dans notre maison," rectifia le bleu.

"Nymphali ?" siffla nerveusement la renarde.

"Ce ne sont pas les forêts de Kalos. Mais je m’y sentirais bien plus à l’aise pour chercher que dans cette ville."

"Alors on est tous d’accord ?" s’enflamma Pandespiègle.

Les deux lapins électriques acquiescèrent en cœur pendant que Nymphali se contentait d'un discret sourire.

"Roussil ?" questionna le panda en ne la voyant pas réagir.

"Ah… Youpi," dit-elle en levant à moitié la patte.

Ils descendirent tous ensembles, Sacha ne pouvant de toute façon pas s’entrainer dans la chambre. Mais au moment de quitter définitivement le centre, Serena se plaça entre eux et la porte, les poings sur les hanches.

- Où vous croyez aller comme ça ? demanda-t-elle.

Problématique. Ils ne souhaitaient pas qu’elle les accompagne et leur dresseuse avait dû s’en douter en les voyant partir sans l’attendre.

- Pandes…

- Il est hors de question que je vous laisse sans surveillance. Surtout si c’est pour que Dracaufeu se perde encore.

"Je ne me suis perdu que quand j’étais un salamèche !" protesta-t-il.

En plus, il avait prévu de rester dans les parages du centre donc il n’y avait aucun souci à se faire.

- La ville est petite, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver. Surtout avec tout ce monde qui se prépare pour la fête.

Comment la faire plier ? Roussil s’apprêtait à utiliser toute sa force de persuasion, mais la main qui se posa sur l’épaule de Serena la devança.

- Si tu les accompagnes, ce ne sera plus une surprise.

- Infirmière Joëlle ? Quand bien même, je ne veux pas…

Sauf que la femme était déjà en train de l’entrainer à sa suite en disant :

- Jenny et ses hommes sont sur le qui-vive pour être sûr qu’il n’arrive rien. Et puis tu ne peux pas partir avec eux vu que tu as déjà quelque chose d’important à faire ici. D’ailleurs, ton ami Brice est déjà avec nous.

La seule chose que Serena comprit aux déclarations de la soignante, c’est qu’elle ne pourrait pas échapper à ses griffes. Elle se tourna vers ses pokémons, au moins leur rappeler la chose la plus importante, celle qui éviterait que tout parte en catastrophe :

- Surtout ne vous séparez pas !

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