Derkomai's Mask

Chapitre 12 : Un verre d’absinthe pour fêter la victoire

7197 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/03/2024 08:50

Les hurlements de la sirène d'alarme, le sang des lumières stroboscopiques, tout cela avait cessé. Il ne restait que l'obscurité et le silence qui succède à toutes batailles. Sacha cherchait sa dresseuse, repoussant les ténèbres à l’aide de sa flamme. Il titubait, terrifié à l’idée qu’elle ait disparu, qu’il se retrouve à nouveau seul. Mais Serena était bien là et dès qu’il fut assez près, elle se jeta sur lui et le serra dans ses bras en oubliant la douleur qu'elle ressentait.

- Ne me refais plus jamais aussi peur, murmura-t-elle.

C’est toi qui as commencé, aurait-il voulu rétorquer. Mais à la place, il la serra aussi entre ses pattes en faisant bien attention de ne pas la blesser avec ses nouvelles griffes acérées. Roussil les observait. Amusée que pour une fois, le faux pokémon ne cherche pas à s’écarter de la jeune fille.

- Pandes, se plaignait le pokémon combat en voyant que toute l’attention revenait au reptile.

Mais la renarde lui fit signe qu’il ne devait pas interrompre ce moment. Cependant, le pokémon n’était pas de cet avis et essaya de s’approcher avant que la renarde se place devant lui. Et bien évidemment, la discussion tourna en dispute.

- Vous devriez vous reposer, soupira la dresseuse quoique rassurée qu’il leur reste autant d’énergie.

Tout en disant cela, la jeune fille s’était détachée de son reptile et inspectait discrètement le corps rouge. Les écailles avaient miraculeusement repoussé et la flamme reprenait de la vigueur même si ce n’était pas aussi bien qu’un pokémon en pleine forme.

- Nymphali, comment tu te sens ? questionna la dresseuse en sortant une pokéball de sa poche.

La capsule vibra, signe que le pokémon à l’intérieur avait repris conscience.

- Vous voilà !

Voltère venait de les retrouver et les éblouissait à cause de sa lampe torche au faisceau cru.

- Restez ici pour l’instant, je vais aller voir les autres pour qu’on vous ramène le matériel de soin nécessaire, proposa Voltère.

- Toute seule ? paniqua Serena.

- A moins que tu te sentes capable de marcher jusqu’à la salle de repos.

Serena soupira. Elle n’arrivait même pas à se tenir debout alors marcher… Mais elle n’avait quand même pas envie de rester ici.

- Pourquoi tu sembles aussi inquiète ? demanda Voltère avec un petit sourire moqueur.

- Eh bien… vous êtes vraiment sûr qu’il est désactivé ?

- Certain, assura le champion avec un rire gras. Et de toute façon, tu as ton chevalier servant à tes côtés pour te protéger.

Elle regarda le reptile de ses grands yeux bleus, l’obligeant à détourner le regard. Sacha ne se sentait pas l’âme d’un chevalier avec sa tête de lézard.

- Tous les deux vous formez une sacrée équipe, rajouta le champion.

Sa remarque fut très vite suivie par l’assentiment des deux petits pokémons électriques. Posipi s’approcha et frotta sa joue contre la jambe de la jeune fille. Elle lui caressa la tête et sentit alors de légers picotements à travers son collant.

- Merci pour votre aide, vous nous avez sauvés.

Négapi, qui était resté en retrait, croisa les bras et acquiesça comme si c’était l’évidence même. Son frère le regardait, quelque peu gêné du côté vantard de son homonyme négatif. Serena et Sacha se regardèrent avant de pouffer de rire en même temps.

- Au fait, il faudra que vous me montriez le reste de votre danse, se rappela la jeune fille.

Sacha sourit. Son amie n’oubliait jamais totalement les performances. Les deux lapins se regardèrent et d’un commun accord pointèrent leurs pattes vers la jeune fille.

- Qu’est-ce qui vous prends ? interrogea Serena.

- Je crois qu’ils veulent se joindre à toi, comprit le papy.

- Pi ! approuvèrent en cœur les monstres.

- Vous êtes sûr ? demanda Serena. Je veux dire, on va beaucoup voyager et ce ne sera pas facile de revenir voir vos amis.

Cela ne dissuada pas les deux lapins dont l’insistance se faisait de plus en plus sentir.

"Je croyais que vous étiez trop faibles," se moqua Sacha.

"Tu as peur de partager ta dresseuse ?" le nargua Posipi.

Sacha se renfrogna. Il lui avait déjà dit que ce n’était pas « sa » dresseuse.

"Et puis tu es tellement intenable. Serena aura besoin de nous pour t’empêcher de t’attirer des problèmes," dit Négapi en tirant la langue.

Serena ferma les yeux et souffla. Les deux lapins ne démordraient pas de leur idée.

- Très bien, je compte sur vous maintenant, dit-elle en appuyant les pokéballs contre la tête des deux lapins.

Les capsules bougèrent quelques instants et s’immobilisèrent avec un petit bruit et une gerbe d’étoile.

- Tadam ! Posipi et Négapi… Aïe !

Sacha soupira en voyant son amie grimacer de douleur. C’était toujours lui qu’on critiquait, mais sa dresseuse ne faisait pas beaucoup mieux.

Voltère était parti, laissant seule la jeune fille avec ses pokémons. Plutôt seule avec Reptincel puisque ses autres amis prenaient une pause bien méritée dans leurs pokéballs.

Serena s’était allongée, les bras écartés de chaque côté. Sacha restait assis à côté d’elle à la regarder, en particulier son cou où les marques rouges décalquaient la forme des pinces.

La dresseuse remarqua le regard insistant de son ami. Elle resta quelques secondes à fixer le plafond avant de se tourner vers son pokémon.

- Reptin ! voulut la dissuader Sacha de bouger.

- Tu n’aurais pas dû nous suivre. Tu étais gravement blessé et tu as eu de la chance que ça ne finisse pas plus mal.

Elle fronçait les sourcils et de petites rides se marquaient sur son visage d’adolescente. L’ancien humain ne s’attendait pas à ce qu’elle lui fasse des reproches surtout qu’elle n’était pas un exemple en la matière. Et puis d’abord, depuis quand fonçait-elle tête baissée sans se préoccuper du danger ? Il aimerait bien savoir qui était l’idiot qui lui avait appris ça.

- Re ! Rep ! gronda-t-il en pointant du doigt les brûlures de son amie.

- Moi ce n’est pas la même chose !

"Non ! Moi ce n’est pas la même chose et…"

Sacha s’arrêta. Il venait de trouver le fameux idiot qui avait montré l’exemple à Serena. Il croisa les bras et baragouina quelques mots incompréhensibles en veillant à cacher sa flamme derrière son dos.

Ils attendirent encore un moment dans le silence et le noir, sans qu’aucun des deux n’osent faire plus de remarque. Et puis, ils entendirent des petits cliquetis en même temps que la salle s’éclairait et s’éteignait pas intermittence. Les lumières se stabilisèrent, blafardes, mais tout de même rassurantes. Le vieil homme ne perdait pas de temps pour réactiver les systèmes de sa centrale.

Voltère revint accompagné d’une dizaine de ses employés. Avec eux, il n’allait pas avoir de mal à rapatrier la jeune fille vers l’infirmerie de New Lavandia.

- On dirait qu’on est définitivement sortis d’affaire, soupira de soulagement la dresseuse.

- Rep, acquiesça le pokémon d’une voix maussade.

- Au fait…

Sacha s’attendait à un nouveau reproche ou quelque chose du genre mais à la place :

- Merci d’être venu, souffla-t-elle si faiblement que le faux-pokémon douta d’avoir bien entendu.

Sacha cligna plusieurs fois des yeux tout en essayant de croiser le regard de la jeune fille. Mais elle avait déjà détourné la tête pour l’empêcher de voir son visage. Le métamorphosé posa machinalement sa main sur le milieu de sa poitrine, il sentait son cœur battre paisiblement et surtout…

Il est vraiment chaud.


***


Allongée sur la table d’examen de l'infirmerie, Serena devait subir le supplice de la désinfection des plaies.

- Je ne te fais pas trop mal ? s'enquit Adèle.

- Non, mentit la jeune fille.

La mécanicienne passa une bande blanche autour du bras de la dresseuse. Elle n'avait peut-être pas la formation d'un infirmier, mais la femme savait se débrouiller. Et puis la jeune fille devrait s'en contenter vu que la plupart des soignants étaient occupés avec tous les pokémons blessés par la faute de Magnet.

Serena éternua. Elle trouvait qu'il faisait froid ici, et le fait de devoir rester en sous-vêtement n'arrangeait rien.

- Ça m’a surprise que Reptincel ne veuille pas rester avec toi, remarqua Adèle histoire de faire passer le temps.

La femme mit un peu de pommade sur ses doigts. Elle cherchait les écorchures et brûlures qui avaient jusque là échappé à son inspection.

- Moi aussi au début. Mais il refuse toujours de rester dans la même pièce que moi quand je me change et… Aïe !

Serena replongea sa tête dans le coussin pour étouffer un nouveau gémissement.

- Peut-être que ça lui fait peur de voir un humain retirer sa « peau ».

La dresseuse trouvait cette explication un peu tirée par les cheveux. Mais bon, ce ne serait pas la première chose étrange qu’elle remarquerait chez son ami, alors pourquoi pas.

- J’ai aussi été touchée dans le dos ? s’étonna la jeune fille en sentant les doigts de la femme.

- Tu as une belle marque rouge, oui.

Serena se souvenait qu’elle avait été plaquée contre le mur. Cela devait venir de là.

- Vous croyez que ça va rester ? demanda la dresseuse sans cacher son inquiétude.

- C’est vrai qu’une cicatrice ce n’est pas très joli sur une jeune fille. Mais tu n’as aucune blessure vraiment profonde alors je pense que l’on ne verra plus rien d’ici une semaine, finit Adèle avec un clin d’œil.

La dresseuse souffla de soulagement pendant que la femme jetait au loin une compresse.

- J’ai fini de mon côté, dit la femme en se dirigeant vers le lavabo. Tu devrais te dépêcher de le rejoindre.

Il ne fallait pas le dire deux fois à Serena pour qu’elle remette ses vêtements et se dirige vers la salle de repos. Il ne restait plus grand monde dans cette pièce vu que la plupart des employés étaient occupés à refaire fonctionner la centrale ou à évacuer les pokémons blessés vers le centre pokémon.

Sacha était assis sur un lit et il s’empressa de courir vers la jeune fille dès qu’il la vit.

- Cel ? questionna-t-il.

- Je suis en pleine forme, le rassura-t-elle tout en cachant ses bras pleins de bandages derrière son dos.

Sacha grimaça, pas très convaincu par les dires de son amie. Serena se mit à bailler, sentant le contrecoup de sa nuit blanche. Avant de quitter la centrale, elle pouvait bien s’allonger quelques minutes. La jeune fille ne défit même pas le lit et s’étendit directement sur les couvertures. Finalement, quand on était dedans, le matelas n’était pas inconfortable.

- Reptin ?

- Je vais juste me reposer quelques minutes, promit la dresseuse.

Rester consciente quelques minutes aurait été plus juste. Sacha eut un petit sourire en comprenant que son amie n’ouvrirait pas les yeux avant plusieurs heures. Et ce ne serait certainement pas lui qui la réveillerait. Elle est mignonne quand elle dort, pensa l’ancien humain en s’approchant. Sa queue se crispa et ses écailles s’échauffèrent. Enfin je veux dire… détendue ! C’est ça. Serena est détendue quand elle dort.

Sacha s’empressa de s’allonger sur le lit d’à côté pour éviter de s’enfoncer davantage en cherchant de mauvaises excuses. Il n’était pas mécontent, pour une fois qu’il pouvait dormir dans un lit sans être obligé de se coller à la jeune fille. Il était beaucoup mieux ainsi et il avait toute la place qu’il voulait.

Sacha ne put s’empêcher de zieuter sa dresseuse. Sa bouche était entrouverte et sa poitrine se soulevait doucement. L’ancien humain attrapa l’oreiller pour le plaquer contre sa tête au point qu’il aurait pu s’étouffer. Quand il l’enleva, le métamorphosé poussa un gémissement d’abandon avant de sauter sur le lit de Serena et de s’allonger près d’elle.

"Le lit est trop grand," se justifia-t-il.

Elle ne pouvait pas l’entendre.


***


Adèle s’était assise sur le lit et observait avec attention la jeune fille qui dormait en compagnie de son pokémon. Reptincel s’agita un peu dans son sommeil jusqu’au moment où sa patte toucha le bras de sa dresseuse. Le reptile prit une profonde inspiration et se calma en quelques secondes sous le regard étonné de la femme. Mais elle n’avait pas vraiment d’intérêt à rester plus longtemps ici pour les regarder dormir. La mécanicienne prit les escaliers et se rendit à l’étage juste au-dessus pour y retrouver Voltère.

Le vieillard s’était retranché dans une salle remplie de vieux modems qui peinaient à accomplir leur fonction. Mais Voltère refusait toujours de les jeter. « Sentimental, » disait-il pour se justifier.

- Tu devrais te reposer, conseilla Adèle.

Le champion buvait une tasse de café tout en faisant défiler des lignes de codes verdâtres.

- Il faudra que j’analyse tout ça si je veux pouvoir fermer l’œil.

- Je sais qu’on n’a toujours pas retrouvé Kel mais…

- Inutile de t’inquiéter pour lui, grimaça le champion.

La femme s’immobilisa, ayant du mal à croire le manque de considération du vieillard pour le travailleur de la centrale.

- Tu te rends compte de ce que tu dis ?

- Parfaitement. Et je suis persuadé qu’il est en pleines forme.

Etrangement, le champion ne semblait pas heureux en disant cela.

- Tu as trouvé quelque chose ? demanda-t-elle.

- Magnet. J’ai mis tellement de temps à le programmer. Et en une journée, cet enfoiré a copié toutes les données.

L’employée venait enfin de comprendre où Voltère voulait en venir. Elle ne doutait pas que le champion trouverait la cause de cette panne, mais tout de même, elle ne pensait pas qu’il serait si rapide.

Adèle souffla et regarda par-dessus l’épaule de son chef les gros ordinateurs venus de la préhistoire. Ils devaient tourner avec Porygon 5 alors que la mise à jour Porygon Z.10 était déjà sortie. Magnet n’avait même pas dû avoir l’envie de mettre son nez là-dedans.

Voltère but une nouvelle gorgée de café et Adèle remarqua innocemment en croisant ses bras derrière son dos :

- Tu es inquiet.

- Magnet était un vrai fleuron dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avec ces programmes, notre ami aura de quoi faire quelques mauvais coups.

Voltère avait la boule au ventre. Il se demandait ce que Kel avait prévu de faire maintenant. Le vieil homme émit un grognement agacé avant de se relancer dans ses recherches informatiques. Adèle soupira, se doutant que le champion ne souhaitait pas être plus dérangé. Elle se dirigea donc vers Watt assis lui aussi devant un ordinateur, sans doute un ordre de Voltère.

- Toi aussi il t’a envoyé bouler, grimaça l’assistant.

Adèle attrapa une chaise pour venir s’assoir près de l’homme aux lunettes rondes. Voltère avait eu des mots durs envers son ami et Watt allait avoir du mal à lui pardonner.

- Tu le connais. Il croit qu’il peut tout contrôler comme si le monde était une machine dont il connaitrait les mécaniques. Alors quand ça lui échappe, il se met à douter et à commettre des erreurs. Et c’est là que tu interviens pour lui remettre les idées en place.

Un léger sourire étira les lèvres de Watt. Adèle n’avait pas rejoint la centrale depuis bien longtemps, mais elle avait très vite su s’intégrer à l’équipe et devenir un membre indispensable dont tout le monde reconnaissait la valeur. En somme, tout l’opposé de Kel qui cherchait toujours les ennuis, comme si cela l’amusait d’enclencher des disputes. Dire que Voltère ne l’avait pas viré parce qu’il le trouvait compétent. Finalement, il aurait dû le virer parce qu’il était trop compétent.

- Stati ?

L’informaticien leva la tête vers le pokémon qui venait de parler. Confortablement installé sur l’épaule d’Adèle, une puce aux poils jaunes dévisageait l’inventeur de ses deux grands yeux bleus. La femme caressa la tête de son ami du bout de l’ongle. Elle faisait attention de ne pas appliquer une pression trop forte sur cet être pas plus grand que la paume de sa main.

- J’ignorais que tu possédais un statitik, s’étonna Watt.

- C’est un ami qui me l’a envoyé récemment.

Les yeux de l’assistant brillaient, sur ce point-là il n’était pas très différent de Voltère.

- Je peux… commença Watt en tendant la main.

- Je t’en prie, sourit la femme.

Statitik fit un bond pour se retrouver sur la main de l’informaticien. Il planta les crochets dans la peau de l'homme, mais ce dernier ressentit à peine un fourmillement. Cela lui rappela un article qu’il avait lu au sujet de cette espèce, une histoire de « gate control » et d’inhibition de la douleur par le tact s’il se souvenait bien.

- Fascinant, s’amusa Watt en gratouillant le dos du monstre.

- Oui, ma grand-mère va être heureuse.

- Ta grand-mère ? s’étonna l’homme.

- Ses jambes la font souffrir dernièrement, explicita Adèle. Pas comme si je ne l'avais pas prévenue de faire plus attention à son diabète, mais... Elle n'en fait qu'à sa tête et ensuite elle s'étonne que les choses vont mal, soupira-t-elle dépitée.

Watt comprenait mieux. A Unys, le pokémon devenait populaire dans le domaine médical par sa capacité à influer sur le système nerveux périphérique.

Perdu dans ses pensées, l’informaticien oublia le monstre sur sa main. En fait, pour être exact, il ne sentait plus le monstre sur sa main alors que la petite boule jaune était toujours bien présente. Même les gouttes de sang qui s'échappaient des minuscules plaies et glissaient sur sa peau étaient imperceptibles.

- Je me suis fait avoir, sourit Watt.

- Ils inhibent en premier la douleur et s’ils restent assez longtemps, les récepteurs du tact sont aussi court-circuités, confirma Adèle en dandinant de la tête.

- Une propriété utile pour un pokémon qui s’accroche à d’autres espèces pour voler leur électricité. Mais tu t’y connais à ce que je vois.

- Tu croyais que j’étais juste une pauvre fille aimant suivre la mode ? dit Adèle prenant un ton faussement outré.

Statitik retourna sur l’épaule de sa dresseuse pendant que Watt essayait maladroitement de s’excuser pour son manque de délicatesse. Mais devant les nouvelles moqueries de la femme, il préféra retourner au travail que lui avait confié Voltère. Toutefois, Adèle remarqua bien que l’homme avait pris son air pensif des mauvais jours.

- Un souci ? s’enquit-elle.

- Je repensais à Salamèche.

- Ils ont eu de la chance de s’en sortir, affirma Adèle en croisant les jambes.

- J’étais prêt à l’abandonner, avoua l’homme. J’essayais de me persuader que tout irait bien mais… une partie de moi savait qu’il ne pourrait jamais tenir si on attendait.

- Tu as paniqué.

- C’est ce que j’aurais expliqué à sa dresseuse ? Désolé petite, j’ai paniqué. Sans rancune.

- Il ne serait peut-être pas…

- Si. Et tu le sais aussi bien que moi.

Adèle croisa ses mains sur son ventre et fit tourner ses pouces l’air de réfléchir.

- Alors il peut s’estimer heureux que Serena soit suffisamment folle de lui pour risquer sa propre vie.

- Folle de lui ? Tu veux dire… Oh ! Arrête avec tes blagues ! Surtout quand j’essaye de me confier…

La femme mit ses mains devant sa bouche pour étouffer un rire face à la réaction de son collègue. Elle cessa soudain, son regard s’était fait plus sérieux.

- Est-ce que Voltère t’a dit de quelle région venait cette fille ? interrogea l’employée.

Watt eut l’impression que le ton de la femme s’était modifié. C’était beaucoup plus… lointain. Mais à force de travailler avec elle, il finissait par avoir l’habitude de ces étranges sauts d’humeur, si on pouvait les nommer ainsi.

- Non et je ne pense pas que ce soit le moment de lui demander. Et puis en quoi ça t’intéresse ?

Les lèvres d’Adèle formèrent un étrange rictus.

- Je m’inquiète peut-être pour rien, soupira la femme en étirant les articulations de ses épaules. C’est juste… une confusion je suppose, finit-elle tout en faisant craquer ses vertèbres.

- Si tu le dis.

Adèle quitta soudain sa chaise pour aller déranger le champion.

- Tu veux que je m’occupe de ramener Serena à Lavandia ? proposa-t-elle.

A la grande surprise de Watt qui observait discrètement, le champion lâcha son ordinateur pour poser ses petits yeux sur la femme.

- Pas la peine, je vais m’en occuper.

Il avait répondu !? Watt s’empressa de remettre son nez devant l’écran pour éviter qu’on ne voie son visage surpris. Est-ce qu’il se pourrait que la jeune dresseuse ait suffisamment gagné le respect du vieil homme pour qu’il abandonne sa besogne juste en entendant le prénom « Serena ».

- Dommage, j’aurais voulu continuer de discuter un peu avec elle.

Adèle ferma les yeux pour les rouvrir brusquement. Elle sembla réfléchir quelques instants, comme si elle cherchait ses mots.

- Si tu te dévoues pour la ramener, c’est que tu as une idée derrière la tête, analysa la femme.

- Je me disais que je pourrais la remercier en lui permettant de me défier à l’arène sans avoir à passer par les pièges. Et je pense qu’elle a hâte de m’affronter, gloussa le vieillard.

- Tu es sûr qu’elle participe à la ligue ?

- Ah ah ah ! A quoi d’autre voudrais-tu qu’elle participe ?

Adèle dévisagea le champion, elle mettrait l’idiotie de son chef sur le compte de la fatigue.


***


- Tous tes pokémons sont en pleine forme, sourit l’infirmière. Quant à la pokéball de Reptincel, je n’ai trouvé aucun problème.

Serena la remercia d’une voix rauque, encore groggy par un réveil difficile. Elle regarda quand même quelques secondes la capsule, hésitant à demander une nouvelle expertise.

- Tu es prête pour notre combat ? questionna le champion.

- Combat ? répéta Serena en frottant ses yeux.

- Oui, le combat d’arène.

- Je suis une coordinatrice.

Voltère bredouilla un maigre « je plaisantais » pour sauver son honneur et finalement proposa à Serena de venir manger chez lui pour la remercier de son aide. Sacha poussa un cri de joie à cette idée. Il tirait déjà sa dresseuse à l’extérieur sans même savoir où il devait se rendre. Voltère prit les devant et les guida au milieu des rues agitées. Serena ne savait pas comment son pokémon faisait pour rester aussi en forme alors qu’elle-même se sentait vaseuse et étrangement plus fatiguée qu’au moment où elle s’était couchée.

Et les gens autours qui se pressaient vers les restaurants pour prendre leur collation de midi tandis que la jeune fille n’avait même pas pris son petit déjeuner.

- Reptincel ? s’inquiéta la dresseuse ne voyant plus son pokémon près d’elle.

Elle tourna sur elle-même, cherchant au milieu de la foule où pouvait bien être son ami avant de se rendre compte qu’elle avait aussi perdu Voltère.

- Où êtes-vous ? commença-t-elle à paniquer.

- Rep ! entendit-elle crier.

Le reptile de feu se démenait pour s’extirper des jambes des badauds qui lui bloquaient le passage. Serena le regarda revenir vers elle.

- Tu sais où est Voltère ? demanda-t-elle.

- Cel ! acquiesça le monstre tout en montrant le champion qui était lui aussi de retour.

La dresseuse eut un petit sourire avant de dire d’une voix faussement déçue :

- On dirait que cette fois, c’est moi qui me suis perdue.

Sacha ne put s’empêcher de pouffer à cette remarque. Il tendit sa main pour inviter la jeune fille à le suivre et Serena la saisit avec un doux sourire.

Dis-moi, est-ce que tu veux toujours partir ou bien…

Elle observa le dos de son pokémon qui courrait devant elle et ne lâchait pas sa main.

Est-ce qu’à partir de maintenant, tu seras toujours là pour me retrouver ?


***


La dresseuse pensait que le champion, de par son statut, habitait dans une belle maison. Il n’en était rien. Voltère logeait dans un appartement comme le reste de la population de Lavandia.

D’ailleurs, le logement n’était pas très bien insonorisé. On entendait régulièrement le bruit de l’ascenseur qui descendait ou montait sans jamais se reposer ou tout simplement le bruit des pas des gens qui rejoignaient leurs demeures.

Voltère s’était installé aux fourneaux pendant que ses invités patientaient dans le salon. Posipi et Négapi étaient en train de faire tourner en bourrique le pauvre Pandespiègle dans un mixte de jeu de cache-cache et de course poursuite. Cela avait bien failli coûter un vase de décoration à Voltère, heureusement que Nymphali avait de bons réflexes.

Serena était parvenue à calmer toute la bande alors que le papy leur ramenait de quoi se restaurer. Et c’est reparti pour les croquettes… soupira Sacha.

Serena ne tarda pas à remplacer le plat du reptile, expliquant ses goûts compliqués en matière de nourriture au champion. Cependant, le faux-pokémon ne pouvait s’empêcher de lorgner sur l’assiette de son amie. Avec sa nouvelle taille, il était plus facile de chiper quelques denrées sur la table. Serena ne manqua pas de le gronder, mais Sacha ne l’écoutait déjà plus et se servait une nouvelle fois. La jeune fille se leva, ses yeux braqués sur lui, elle prit une grande inspiration et… soupira ?

- Tu n’as pas intérêt à tomber malade, finit-elle par dire.

Sacha eut un petit rire victorieux. Finalement, elle se résignait à le laisser manger comme un humain. Voltère servit les restes de ce qu’il avait préparé au métamorphosé qui ne perdit pas de temps pour leur offrir un sort honorable. Le pokémon était maintenant satisfait et se frottait le ventre.

- Il a l’air de bien supporter la nourriture humaine, remarqua Voltère.

- Peut-être, répondit Serena.

Même si elle avait dit que c’était son problème s’il tombait malade, il était évident qu’elle ne le pensait pas et qu’elle s’en voulait déjà de l’avoir laissé faire. Sacha, lui, ne s'inquiétait pas, persuadé que ses nausées de la dernière fois étaient juste dues au roulis du navire.

Voltère étira ses bras, faisant quelques mouvements de têtes pour faire craquer ses vertèbres. Après un repas aussi copieux, il allait avoir du mal à finir ses analyses. Il se motiva quand même à se rendre dans sa chambre pour charger les données qu’il avait récupéré à New Lavandia sur son ordinateur, laissant seul la dresseuse et son pokémon.

Sacha bailla, somnolent à cause de la digestion qui lui prenait toute sous énergie. Il remarqua alors le canapé vert qui trônait devant la télévision depuis au moins une bonne décennie. Cela ferait l'affaire.

Serena observait son pokémon qui avait déjà rejoint le pays des songes. La jeune fille avait bien envie de le rejoindre, mais elle trouvait l’air un peu trop lourd. Le vieil homme ne lui en voudrait pas si elle aérait.

Elle ouvrit la fenêtre et sentit tout de suite son vertige lui rappeler que l’appartement se situait au quatrième étage. Elle prit une profonde inspiration pour se calmer et regarda en contrebas les gens qui s’activaient en ce milieu d’après-midi.

Serena s’accouda au rebord de la fenêtre, le quartier n’était pas trop bruyant, elle pourrait sans doute dormir en gardant les carreaux ouverts. Mais avant cela elle voulait réaliser le rêve qui hantait ses pensées depuis la journée d’hier : prendre une douche.

Les toilettes, la cuisine, la chambre du champion… Elle n'aurait peut-être pas dû entrer dans cette dernière pièce vu comment Voltère l'avait foudroyée du regard. Comme quoi, même trouver une simple salle de bain était une quête semée d’embuches.

Elle atteignit enfin son but. La pièce était à peine plus grande qu’un placard à balais, elle s’en contenterait. Serena retira ses habits et grimaça en sentant que certains de ses pansements s'étaient décollés. La jeune fille se regarda dans la glace, espérant qu’Adèle ne s’était pas trompée.

- Que… remarqua-t-elle soudain.

Elle tordit son cou afin de mieux voir son dos. Sur les zones de peau où les pansements s’étaient décollés, elle pouvait discerner de multiples points rouges. Elle se contorsionna pour les toucher et découvrit qu’il s’agissait de minuscules plaies qui avaient à peine saignées. Un peu comme si on lui avait enfoncé des aiguilles dans le dos. Mais comment aurait-elle pu se les faire ? Magnet ne pouvait clairement pas en être à l’origine.

Serena pensa d’abord à prévenir le champion, mais en se souvenant de la façon dont il l’avait exclu de sa chambre, mieux valait ne pas le déranger. Et puis peut-être qu’elle s’inquiétait pour rien, que c’était juste une blessure bizarre qu’elle s’était faite en se cognant quelque part.

La dresseuse fit couler l’eau chaude pour aider son esprit à s’apaiser et se convaincre qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Elle préférait ne pas s’inquiéter.

Voltère entendait le bruit des canalisations qui acheminaient l’eau. La jeune fille devait profiter de la salle de bain et lui-même sentait qu’il aurait bien besoin de prendre une douche pour apaiser son anxiété.

Le vieil homme avait toujours ce goût âpre dans la bouche de ne pas avoir été là pour empêcher Kel de pirater l’I.A. Une fois les employés coincés dans la salle de repos, cela avait dû être une promenade de santé de copier toutes les données.

La machine à café de sa chambre venait de finir son travail avec un bourdonnement. Voltère émit un soupir de contentement en buvant la boisson à l’arôme boisé. La seule chose de bien qui lui soit arrivée au cours de ces deux jours. Ce maudit Kel, il en avait eu de la chance. D’habitude, le vieil homme vérifiait toujours que tout allait bien à la centrale via de multiples systèmes. Sauf qu’hier, il avait dû s’occuper de cette satanée piste cyclable.

Voltère remarqua les petites pilules qui gisaient juste à côté des tasses sales qu’il avait oubliées de nettoyer. L’homme souleva la boîte et grimaça en lisant le mot « Ramipril » inscrit dessus. Cela lui rappela son médecin et son sourire crispé quand Voltère lui avouait qu’il lui arrivait d’« oublier » son traitement. Le praticien restait poli et essayait de ne pas s’énerver, mais ses yeux le trahissaient largement.

Après tout, ce n’était pas comme si Voltère ne savait pas ce que l’homme en blouse craignait. Son ami, un cardiologue, avec qui il discutait souvent au bar ne manquait jamais de blaguer sur le sujet avec sa fameuse réplique : « Alors Voltère, je te garde un lit en USCI ce soir ? » L’inventeur avait ri de bon cœur la première fois alors qu’il n’en comprenait pas le sens, et quand il avait finalement découvert qu’USCI était l’acronyme pour unité de soins cardiologiques intensifs et bien cela ne l'avait pas empêché de rire deux fois plus fort.

- J’en ai vraiment assez de prendre tout le temps ce truc.

C’est alors que Voltère remarqua un autre carton sur la table avec écrit « Tahor® » dessus.

- Le cholestérol, je l’avais oublié, rouspéta le vieil homme.

Décidemment, le vieillard sentait que sa prochaine visite chez le toubib n’allait pas être une partie de plaisir. En même temps, il aurait dû s’en douter. Les problèmes n’arrivaient jamais seuls et les médicaments non plus.

- Jamais seul… murmura le champion.

Voltère fit rouler sa chaise jusqu’à son visiophone. L’image d’Eugène au milieu d’une tonne de paperasse ne tarda pas à apparaître.

- Est-ce que tu es sûr que c’était une panne ? questionna d’emblée Voltère.

Eugène fit tomber une de ses piles de documents et lâcha un juron avant de répondre :

- Qu’est-ce que tu voudrais que ce soit d’autres ?

- Piratage… se crispa Voltère.

- Mais pour ça il faudrait accéder à la salle de contrôle, et je peux t’assurer que personne n’y pénètre sans mon autorisation et sans une bonne raison.

- Et une attaque externe ?

- Désactiver les brouilleurs n’est pas si simple.

- Les brouilleurs ? Quels brouilleurs !?

- Tu me connais. Je suis prudent, sourit le directeur de la piste.

Voltère serra entre ses mains sa combinaison jaune pour éviter de réduire en miette le visiophone.

- Pourquoi tu ne m’as pas dit qu’il y avait des brouilleurs !? implosa le vieillard.

- J’étais occupé, souffla-t-il. Et c'était les seuls trucs qui marchaient encore donc je n'allais pas t'ennuyer avec ça.

- Bon sang Eugène ! Tu ne te rends pas compte ? Des brouilleurs… c’est pour ça que mon Vokit n’a pas fonctionné.

Le champion d’arène avait du mal à admettre qu’il devait des excuses à son assistant. Mais il ne payerait pas le restaurant, ce serait à Eugène de mettre la main à la poche !

- Je vais te laisser, prévint le quinquagénaire.

- Attends ! Tu es sûr que les brouilleurs ont fonctionné toute la nuit ?

Eugène leva les yeux au ciel. Il avait dormi moins d’une heure cette nuit et cela le rendait irritable.

- Ils fonctionnaient très bien ce matin.

- Tu es vraiment, vraiment sûr qu’ils n’ont pas été désactivés à un moment ou à un autre ?

Le gérant de la piste cyclable leva une nouvelle fois les yeux au ciel, ce jeu risquait de continuer encore longtemps.

- Qui s’ennuierait à réactiver des brouilleurs ? soupira le quinquagénaire.

Le corps entier de Voltère se crispa à cette remarque.

- Eugène, je suis venu pour réparer ton système de sécurité. J’y ai passé une journée, coupé du monde extérieur à cause des brouilleurs. Une cage parfaite… J’ai besoin que tu vérifies.

Le ton désespéré de son vieil ami fit frissonner Eugène. Le gérant fit tourner son stylo entre ses doigts avant de finalement répondre :

- Laisse-moi une heure.

Comme promis, Eugène rappela. Son visage était maintenant aussi pâle que celui du champion.

- Ce n’était pas une panne. On a tout analysé en détail et on a retrouvé des traces de piratage. Comme tu le pensais, ils ont désactivé les brouilleurs le temps de commettre leurs méfaits.

Voltère gratta sa barbe. Tous les systèmes de communication de New Lavandia n’avaient pas été coupés de suite. Si Voltère n’avait pas été appelé pour s’occuper de la piste cyclable, s’il ne s’était pas retrouvé dans cette zone de brouillage qui l’isolait du reste du monde, il aurait pu arrêter le pirate avant qu’il ait entièrement copié les programmes de Magnet.

En même temps, l’inventeur aurait dû se méfier plus tôt de cette coïncidence. Au bon endroit au bon moment pile le jour où Kel décidait de voler les données, c’était trop parfait. Voltère frissonna alors que son raisonnement arrivait à sa conclusion. Kel n’était pas seul. Il avait des alliés capables de créer une diversion, des alliés très bien organisés.

- Toi, tu as une idée de qui s’en est pris à ma pauvre piste, comprit Eugène.

- J’hésite encore entre la Team Aqua et la Team Magma, dit Voltère avec un sourire pincé. Mais je pencherais plus sur nos chers bandits en rouge.

- Ces organisations n’avaient pas été dissoutes ?

- J'ai récemment eu une réunion avec les autres champions pour parler de leur cas. On avait noté quelques mouvements suspects, mais au vu des derniers évènements, je pense qu’ils ont bel et bien repris du service.

- Et tu sais ce qu’ils veulent cette fois ?

- Pour l’instant, on pense qu’ils cherchent à réveiller Groudon. A croire que la première fois ne leur a pas suffi.

- Tu sais, les idiots aiment répéter les mêmes erreurs, rétorqua Eugène d’un air suffisant.

- Je vais quand même devoir faire un rapport à l’association des dresseurs, histoire de voir s’ils n’ont pas autre chose en tête.

- J’espère que vous serez plus efficace que la dernière fois.

Voltère ne pouvait pas donner tort à son vieil ami. Mais il n’aimait pas le ton qu’Eugène prenait. Le champion se racla la gorge et expliqua pour sa défense :

- Ils savent se cacher alors ce n’est pas si simple de…

- Pitié ! Tu ne vas pas me dire que tu as encore besoin du gosse qui t’as laminé en combat d’arène pour faire régner l’ordre à Hoenn.

- Sacha ne m’a pas vraiment laminé, se renfrogna Voltère en voulant nier la vérité. Attends ! Comment tu peux être au courant qu’il m’a battu !? sursauta le champion.

- Tu en parles à chaque fois que tu as trop bu. Je connais la chanson : « je suis nul, je ne mérite pas d’être champion », puis tu te mets à vociférer qu’il a triché et finalement tu te lèves sur la table, ton verre à la main, en criant qu’il n’a pas tenu cinq secondes lors de votre match retour.

Voltère ne se souvenait pas s’être comporté de la sorte. Il faudrait qu’il fasse plus attention lors de ses prochaines sorties à ne pas dire trop de choses compromettantes.

- Quoi qu’il en soit, quand tu auras capturé ces voyous, j’espère que tu me les enverras, tonna Eugène avec un sourire diabolique.

- Je ne veux pas que tu ailles en prison pour actes de torture, plaisanta Voltère.

- Je ne vais pas les torturer, je vais juste leur faire faire quelques travaux d’intérêt général. Tu vois, dans le genre : retrouver tous les morceaux de béton et de verre et les recoller à la main jusqu’à ce que la piste soit comme neuve.

Voltère s’apprêtait à répliquer, mais la sensation étrange d’une présence dans son dos l’empêcha de parler. Des gouttes de sueur perlaient sur son front pendant que l’air devenait plus lourd, presque écrasant.

- Voltère ? appela le quinquagénaire au visiophone.

L’inventeur tourna la tête brusquement d’un côté, puis de l’autre si bien qu’Eugène se demandait si son ami ne devenait pas paranoïaque.

- Voltère ? Tu m’écoutes ?

Le champion d’arène baissa finalement la tête et se rassura sur le champ.

- Qu’est-ce que tu fais ici ? C’est ma chambre et je n’aime pas qu’on entre sans permission.

Le reptile de feu mit ses pattes devant sa gueule pour étouffer un rire enfantin. Voltère arqua un sourcil. Reptincel était étrange. Le champion poussa le pokémon hors de sa chambre et ferma sa porte pour bien s’assurer qu’il ne revienne pas.

Le faux-reptincel était à nouveau dans le salon. La jeune dresseuse dormait paisiblement sur le canapé. Le pokémon traversa l’appartement et monta sur le rebord de la fenêtre laissée ouverte. Il resta un moment ainsi, à contempler le plafond gris moucheté par les luminaires, à sentir la brise acheminée par quelques systèmes de ventilations artificiels. Le pokémon riait à nouveau, léger, enfantin. Une ville où l’on ne pouvait pas voir le ciel, c’était une idée bien étrange. Le faux-reptincel ne regarda pas en arrière. Il se jeta dans le vide.

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