Derkomai's Mask

Chapitre 11 : Ne t’abandonne pas dans le champ des cinéraires

7255 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/02/2024 09:58

Serena ne bougeait pas, fixant le trou dans le plafond. Elle avait du mal à respirer à cause de l’air devenu brulant. Le danger s’était… vaporisé ?

- Salamèche tu as été…

Sacha s’écroula au sol. Certaines de ses écailles avaient noirci et il toussait une fumée qui ressemblait à de la poudre de charbon.

- Salamèche !?

Serena approcha sa main mais dû la retirer vivement. Il était brulant. Le petit être gémissait, sa toux ne s’arrêtait pas.

La coordinatrice repensa à cette attaque démesurée, trop puissante pour un salamèche. Beaucoup trop puissante pour le corps de son jeune Salamèche. La dresseuse ramena son sac à dos devant elle et fouilla dedans à la recherche de quoi aider son ami. Elle en tira un flacon qu'elle lâcha dans la seconde qui suivit. Serena regarda ses mains, elles tremblaient. Et il n'y avait pas que ça. Ses bras, ses épaules, même ses jambes, tout son corps était secoué par de petits soubresauts spastiques.

- Tu vas aller mieux avec ça, dit-elle d’une voix qu’elle espérait rassurante.

Elle appliqua la potion sur le corps du reptile et sentit son estomac se tordre en l'entendant gémir. Elle attendit un peu, sans doute pas plus d'une minute mais les secondes semblaient prendre un malin plaisir à ralentir la course du temps. De nouvelles écailles se nécrosaient et Serena n'avait plus la force de patienter. Elle approcha à nouveau sa main et réussit cette fois à le toucher.

Bonne nouvelle, la température du monstre diminuait. La jeune fille sentit à nouveau son estomac vriller. Une bonne nouvelle ? Serena n'en était pas si sûr en fait, surtout que la peau du reptile lui semblait bien plus froide que d'habitude.

- Comment tu te sens ? essaya la jeune fille.

Le pokémon gémit à nouveau et se recroquevilla sur lui-même. La bouche de la dresseuse de déforma sous le coup de la terreur alors qu'elle criait :

- Reste éveillé !

- Saaa, répondit le pokémon avec un frisson.

Serena entendit du bruit. Elle tourna la tête et remarqua un nuage de poussière à l’endroit où se trouvait avant la sortie. Voltère en émergea, suivit par les deux lapins électriques. Le champion posa un regard horrifié sur le champ de ruine avant de remarquer la jeune fille. Il ne put réprimer un soupir de soulagement de la voir saine et sauve.

Tout en s’approchant de Serena, il regarda tout autour de lui pour évaluer les dégâts. Le plafond n’était plus qu’un lointain souvenir. Il ne restait que des bouts de charpentes métalliques qui réussissaient à tenir en l’air par on ne savait trop quel miracle. Quelques luminaires encore accrochés à leurs fils pendaient mollement, dernier rempart pour éviter que la pièce ne se retrouve complètement plongée dans le noir.

Voltère ne pouvait pas voir les étages au-dessus à cause de l’épaisse obscurité qui les nimbait, mais il avait une petite idée de ce qu’il s’était passé. Il y avait toujours des tuyaux de gaz dans le complexe pour alimenter les pièces à vivre du personnel, l’I.A avait dû réussir à en endommager quelques-uns dans les zones qu’elle contrôlait puis une étincelle électrique et le tour était joué.

Un sacré miracle que la jeune dresseuse s’en soit sortie. En fait, c’était plus qu’un miracle, quand on voyait que seule une petite zone dessinant un cercle presque parfait autour de Serena avait été épargnée par le cataclysme. Comme si les plaques de métal en la voyant avaient brusquement changé de trajectoire.

- Aidez-moi, supplia la dresseuse d’une voix tremblante.

Voltère fronça les sourcils et s’agenouilla près du reptile mal en point.

- Que s’est-il passé ?

- Il… il a voulu me protéger et… hoquetait la dresseuse.

- Calme-toi, je vais m’en occuper.

La protéger ? Un aussi frêle pokémon ? Le vieil inventeur remarqua les flammes qui parsemaient les décombres. Une partie était sans doute les serveurs court-circuités mais son instinct lui soufflait qu’il n’y avait pas que ça. Le champion toucha les écailles glacées de Salamèche.

- Combien a-t-il lancé d’attaques de type feu ? s’enquit Voltère.

- Deux…

- Seulement ?

- Mais elles n’avaient rien à voir avec ce qu’il produit d’habitude. C’était beaucoup plus puissant et complètement… disproportionné, souffla-t-elle le dernier mot.

- Tu lui as donné une huile ?

- De l’huile ?

Le champion grimaça, c’était la base quand même. Il tira un flacon des larges poches de sa combinaison jaune et l’approcha des lèvres du pokémon pour l’obliger à boire. Mais à peine Sacha en eut-il pris une gorgée qu’il la recracha. Ce n’était pas bon, il avait froid, il voulait qu’on le laisse dormir.

- Allez Salamèche, fais un effort, encouragea le champion.

Le petit pokémon n’était pas de cet avis. Il donnait des coups de griffes à l’aveugle contre cet objet qu’on essayait de lui enfoncer dans la gueule.

- Serena, il aura sans doute plus confiance si sa dresseuse lui donne.

La jeune fille acquiesça et cala son ami sur ses genoux tout en lui maintenant la tête d’une main. Elle approcha à nouveau l’embout des lèvres pincées du reptile.

- Salamèche… Je sais que ce n’est pas agréable, mais tu te sentiras mieux après.

Sacha ouvrit un œil fatigué en reconnaissant la voix de la kalosienne. Il sentait ses doigts caresser délicatement sa nuque. Mais l’odeur qu’il sentait sous son nez ne lui donnait pas envie de laisser passer l’embout.

- On va être obligé d’utiliser la manière forte, soupira Voltère.

- La manière forte ? répéta Serena. Vous n’allez quand même pas lui faire mal ! s’effraya-t-elle.

- Si on veut lui faire ouvrir la gueule.

Serena continuait de s’y opposer mais le champion ne l’écoutait déjà plus. Il plaça ses mains en arrière de la mandibule du monstre et se mit à tirer vers l’avant. Non pas qu’il espérait forcer mécaniquement l’ouverture, en revanche il misait bien sur la douleur que cela provoquait. Sacha grimaçait et essayait de se dégager mais la pression ne diminuait pas alors que ses bras étaient bloqués par sa dresseuse.

- Sa ! cria-t-il.

L’embout toucha sa langue en même temps que la grosse main du champion lui fermait la gueule et que Serena continuait de le retenir. Il sentit le liquide poisseux tomber sur ses papilles et dégouliner vers le fond de sa gorge. Il n’avait pas d’autres options à part avaler.

Une fois fait, le pokémon se détendit même s’il y avait encore une légère fumée noire qui émanait de sa gueule. Serena caressa sa peau mais s’inquiéta en voyant que les écailles nécrosées se détachaient. Un peu de sang noirâtre coulait sur les bouts de peau laissés à découvert.

- Elles repousseront, la rassura le champion.

- C’est de ma faute.

- Ce n’est certainement pas toi qui as fait exploser le plafond.

- J’aurais dû le rappeler dans sa pokéball.

- Tu tenais tant que ça à te faire écraser ?

Serena ne répondit pas. Il ne faisait aucun doute que sans lui, elle ne s’en serait pas sortie.

- Allez, on ferait mieux de sortir d’ici, proposa le champion.

Sacha se laissait bercer par le bruit régulier des pas de la jeune fille. La faute de Serena ? répéta-t-il.

Tout ce qui s’était passé n’était qu’un enchainement d’évènement sur lequel la kalosienne n’avait aucune prise. Toutefois… il sentait au fond de lui, que c’était bel et bien la faute de sa dresseuse. Parce que si elle n’avait pas été là, il serait en train de chercher comment retrouver son corps au milieu d’un vieux site archéologique poussiéreux. Peut-être serait-il déjà redevenu humain.

Une idée germa en lui, enracinant profondément ses racines dans son cœur. Au moment où ce masque lui était tombé dessus, même si ça n’avait duré qu’une fraction de seconde… il avait pensé à Serena. Et au même moment, il avait perçu un bourdonnement, un bruit dénué de sens et qui pourtant lui avait donné l’impression qu’il essayait de s’adresser à lui. Est-ce que quelque part, revoir Serena était ce qu’il…

Un grésillement. Les boîtes noires ravagées par les décombres crépitaient, derniers râles de ces machines mourantes. Ce n’étaient pas elles qui faisaient ce bruit. Sacha tourna la tête vers le fond de la salle, un ordinateur continuait de briller faiblement au milieu du carnage. Il s’éteignait, se rallumait, comme s’il luttait pour vivre. Un peu comme un vieux poste de télévision qui peinerait à accomplir son rôle. Lentement, l'ancien humain amena sa main à son visage pour toucher ses écailles.

Elles sont vraiment froides.


***


Ils étaient de retour dans la salle de repos. Tous les gens étaient suspendus à leurs lèvres, mais en voyant l’état du reptile et le visage distordu du champion, ils savaient déjà que tout ne s’était pas passé comme prévu.

- Tu as pu le réinitialiser ? demanda Watt sans grande conviction.

- Il a détruit la salle, annonça Voltère d’une voix morne.

L’assistant écarquilla les yeux et ouvrit la bouche dans une expression de pure stupeur. Adèle restait plus mesurée dans sa réaction, mais Voltère pouvait deviner qu’elle aussi était surprise.

- Pourquoi a-t-il fait ça ? murmura la femme.

- Comment a-t-il pu accéder aux ordinateurs d’une zone protégée, c’est ça la vraie question, siffla le champion.

Watt retira ses lunettes et les essuya d’un geste nerveux avant de les remettre sur son nez.

- Je croyais que cette salle était assez solide pour résister aux explosions, trembla l’assistant.

- J'ai peut-être un peu exagéré sur ce point, avoua le champion en essayant d'émettre un de ses rires gras.

Ce pauvre Watt n'avait même plus envie de s'énerver. Il expliqua à Adèle qu'il devait parler en privé à Voltère, et son regard montrait bien qu'aucune discussion n'était possible. Elle ne se vexa pas et haussa les épaules avant de partir à l’autre bout de la salle pendant que les deux hommes s'éloignaient du reste des ouvriers.

- On a perdu des données ?

- Sans doute quelques-unes, mais la grande majorité a dû être transféré vers les unités centrales des autres salles.

C’était une maigre consolation quand on savait que toutes les données de Lavandia, y compris bancaires, transitaient par les unités centrales cachées dans les tréfonds de la centrale. Les macro-ordinateurs qui avaient récupéré cette nouvelle masse d’information allaient tourner au ralenti pour ne pas surchauffer et cela se ferait sentir sur les systèmes de la ville.

- Ça va râler, grimaça Watt.

Voltère gratta ses cheveux blancs, ils verraient cela le moment venu. Pour l’instant, ils devaient régler le problème de Magnet.

- On devrait peut-être attendre, l’agent Jenny finira bien par se rendre compte que quelque chose ne va pas, proposa Watt.

- Peut-être, concéda le champion.

- Je sais que tu n’aimes pas attendre mais tu devrais… Attends ! Tu es d’accord !?

- Je n’ai pas envie qu’une autre de nos précieuses salles finisse écrasée sous les débris, expliqua le vieillard en retirant sa veste et en la lançant d’un geste ennuyé sur un lit.

- C’est sûr… hésita Watt ne sachant pas si son chef avait vraiment l’intention de rester calme jusqu’à ce que les vrais renforts arrivent.

L’assistant ne put s’empêcher de jeter un œil à la jeune fille qui s’était écartée des autres ouvriers. Elle restait prostrée, assise sur un lit aux couvertures défaites, avec son ami qui gémissait dans ses bras. Posipi avait posé sa patte sur le bras de la jeune fille dans un signe qu’il espérait encourageant pendant que Négapi gardait les yeux rivés sur la pauvre salamandre.

Watt enleva ses lunettes, réfléchissant au fait qu’attendre n’était pas la meilleure option pour le petit pokémon. Peut-être devraient-ils… non, cette possibilité risquait juste d’empirer les choses. Et puis, le reptile allait sans doute tenir jusqu’à ce qu’ils soient libres, du moins il l’espérait.

- Je vais prévenir les autres de ce qu’on a décidé et… Voltère ?

Le champion était parti rejoindre Serena en laissant en plan son assistant et ami.

- Comment va-t-il ? s’enquit le vieil homme.

Il tendit une bouteille d’eau à la dresseuse. Serena en but une gorgée pour rassurer le champion, mais elle avait l’impression que le liquide se bloquait dans sa gorge. Le monstre dans ses bras gardait sa gueule ouverte pour respirer et la flamme au bout de sa queue rivalisait à peine avec la lueur d’une bougie.

- A quoi tu pensais ? murmura la jeune fille sur un ton de reproche.

Le pokémon inconscient ne pouvait pas lui répondre. Serena se souvenait encore de son visage alors qu’il mettait toute son énergie pour les sauver. Il avait eu peur, à tel point qu’elle se demandait s’il n’avait pas revécu un moment de son passé. Elle s’en voulait, non seulement elle n’avait pas pu le protéger, mais en plus elle avait laissé de douloureux souvenirs se réveiller chez son ami. Et maintenant…

- Est-ce qu’il va aller mieux ? questionna la dresseuse sans perdre des yeux son ami.

Voltère se détourna. A cause de son manque de jugement et de ses mauvaises réactions, il avait mis en danger la vie de la jeune fille. Il avait été tellement lamentable en tant que champion que c’était un faible reptile qui avait dû rattraper ses erreurs. Et maintenant… il était prêt à attendre pendant que les pokémons dehors se faisaient voler leur énergie comme de vulgaires piles. C’était pitoyable, il était…

- A quoi je pensais ! hurla de rage le vieillard.

Le champion ne perdit pas de temps pour remettre sa veste en même temps qu’il se dirigeait vers la sortie.

- Qu’est-ce que tu fais ? cria Watt en se plaçant devant la porte les bras écartés.

- Si je ne peux pas le réinitialiser à partir d’une zone sécurisée, je n’ai qu’à me rendre directement à son centre nerveux.

Le spécialiste des types électriques fit un pas sur le côté, essayant de passer la défense de son ami.

- Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu n’as pas pu y accéder à distance alors tu te dis pourquoi ne pas y aller en personne. C’est sûr ! C’est beaucoup plus simple ! Une vraie balade de santé à condition de ne pas se faire foudroyer par ces foutus bras mécaniques !

- Tu me prends pour un dresseur débutant !? Je peux très bien…

- Pour une fois je suis d’accord avec Watt, intervint Adèle. Tes pokémons sont peut-être plus puissants que la moyenne, mais ils ne résisteront pas au drainage électrique que leur infligera Magnet.

- Et aucune personne ici n’a de pokémons entrainés au combat, sauf si tu veux les laisser se faire massacrer par notre chère amie l’intelligence artificielle, renchérit l’assistant.

- Je n’avais pas l’intention de demander de l’aide, grommela Voltère.

- On doit attendre, dit Watt d’une voix douce comme s’il essayait de charmer le vieillard. Tu verras, tout se passera bien et…

Watt se tourna vers la dresseuse qui s’était approchée avec son pokémon toujours dans ses bras. L’assistant pesta, qu’elle ne lui montre pas cette salamandre agonisante pour le faire changer d’avis. Mais Serena ne cherchait pas à ce que Watt se sente coupable, tout ce qu’elle voulait c’était…

- Je viens avec vous.

Sa voix était calme, résolue et pourtant on ne pouvait se détacher de l’impression qu’elle allait bientôt se briser. Le vieillard serra les dents, c’était bien la dernière chose qu’il souhaitait.

- Toi, tu dois veiller sur Salamèche, rappela-t-il.

Serena regarda son pokémon. Il respirait de manière irrégulière et d’autres écailles se noircissaient.

- Salamèche a besoin d’aller au centre pokémon, se crispa la jeune fille avant d’à nouveau soutenir le regard du champion. On doit à tout prix quitter cet endroit !

Que pouvait-il répondre à cela ? Surtout avec le type feu inconscient qui émettait des râles gutturaux, voir même bulleux à certains moments.

- Ce n’est pas une solution, essaya quand même Adèle. Je sais que tu te fais du souci pour Salamèche, mais c’est beaucoup trop dangereux.

- Lui ça ne l’a pas empêché d’agir ! explosa la jeune fille. Et moi j’ai juste regardé alors je… J’en ai assez de le décevoir !

Voltère voyait que les jambes de Serena tremblaient comme si elle était sur le point de s'effondrer.

- Ça va être dangereux, prévint une dernière fois l’inventeur.

La jeune fille baissa la tête et se dirigea d’un pas lent vers Adèle avant de lui tendre son jeune ami.

- Serena… il ne voudrait pas ça, refusa la femme en se reculant.

- Et moi je ne veux pas le perdre, vagit la jeune fille.

- Et tes autres pokémons ? Tu les embarques dans cette histoire sans leur demander leur avis alors que c’est eux qui vont courir le plus de risque et…

Ce fut comme une invitation pour les autres amis de Serena qui sortirent tous ensemble de leur capsule. Pandespiègle jeta un œil au faux-pokémon avant de rabaisser ses lunettes de soleil devant ses yeux.

- Pan, pandespiègle ! assura le garnement en plaçant une feuille entre ses dents, suivi de l’assentiment des deux autres monstres.

- Les amis…

Serena s’approcha à nouveau d’Adèle et planta son regard dans celui de la femme.

- Nous devons le faire, affirma-t-elle.

Adèle s’apprêtait à répliquer, à tout faire pour empêcher la jeune fille de se rendre sur les lieux. Mais au moment où elle ouvrit la bouche, l’employée sentit une vibration au niveau de sa poche. La femme soupira, de toute façon elle ne pourrait pas convaincre la dresseuse. Elle prit le pokémon de feu dans ses bras et se contenta de dire :

- Si tu ne reviens pas, Salamèche sera tout seul.

Serena caressa une dernière fois la tête de son pokémon avant de rejoindre Voltère qui l’attendait sur le pas de la porte. Son assistant ne bougeait pas, aussi blanc que les neiges du Mont Couronné.

Salamèche, je ne te laisserai pas partir sans moi, se promit Serena.

Les deux lapins électriques la regardaient partir. Ils hésitaient à la rejoindre, cette étrange fille qui aimait leur danse sans intérêt.

Les frères tardèrent trop, la porte se ferma avec un claquement qui fit tressaillir l’entièreté des employés. Ils étaient partis et avaient laissé les ouvriers dans le silence. Un silence rythmé par les râles d’un monstre.

Abandonne-moi. Abandonne-moi avant que je te fasse souffrir. Avant que tu me...

Les derniers morceaux de sa raison s’effritèrent et il s’abandonna aux abysses qui l’invitaient de leurs doux murmures, lui promettant un agréable repos.


***


Bouillant, brûlant, étouffant. Sacha fondait, perdait sa forme, devenait liquide. La chaleur se calma, il sentit son être se rapprocher, fusionner, se solidifier. Puis il eut mal. Affreusement mal, comme si on l’écrasait et qu’on l’obligeait à prendre une forme qu’il n’avait pas choisi. Enfin, on le plongea dans un liquide glacial et sa forme se figea.

Sacha ouvrit les yeux. Un homme à la barbe grise le regardait. Ses yeux étaient rougis, ses joues noircies par la suie. Sacha voulait parler, mais sa bouche restait immobile et puis… son corps ? Il ne sentait que son visage et les doigts du vieillard qui le tenaient. Mais le reste de son être avait disparu.

- On dit qu’un artisan insuffle sa volonté dans ses créations. J’espère que tu as compris la mienne.

Sa création ? Qu’est-ce que cet homme lui racontait ? Et qu’il commence par le lâcher !

- Voilà que je commence à croire à ces vieilles légendes, soupira l’artisan. Mais bon, je ne compte pas uniquement sur elles pour m’aider.

Sa voix était ferme, résolue, fatiguée, elle fit frissonner Sacha. L’homme leva la tête, rompant pour la première fois le contact visuel.

- Alors tu acceptes ?

Sacha ne pouvait pas bouger, son regard restait fixé droit devant lui. A qui cet homme parlait-il ? Qu’est-ce qu’il allait devenir ? Le vieillard baissa à nouveau la tête pour le contempler, Sacha se sentit transpercer par les prunelles grises.

- Parfois, il est nécessaire de changer, murmura l’homme.

Sacha ouvrit les yeux. Le fourneau, l’inconnu, tout cela avait disparu. Il était dans les bras de quelqu’un. Ce n’était pas Serena.

- Saaa… gémit le monstre qui sentait à nouveau son corps douloureux.

- Ne t’agite pas, lui conseilla Adèle.

Et Serena ? Où était-elle ? Il se souvenait de l’éboulement, mais qu’était-il arrivé ensuite ?

- Ta dresseuse est partie avec Voltère pour régler la situation.

Tout en disant cela, l’employée avait souri, cherchant à se montrer rassurante. Sacha commença à gigoter, il se fichait de ce que pouvait lui raconter cette femme. Il voulait voir Serena !

- Reste calme, voulut le raisonner Adèle.

Le monstre de feu lui mordit la main, la forçant à le lâcher. Le faible monstre s’écrasa au sol, sa peau à vif le brulait et il avait un goût de sang dans la bouche.

- Salamèche ! s’écria la femme.

- Saaaa ! siffla le pokémon la dissuadant de s’approcher.

- J’ai promis à Serena de veiller sur toi alors ne… Arrêtez-le !

Sacha se fit plaquer au sol sans grande difficulté. Les mains qui le pressaient finissaient de faire tomber les écailles dévascularisées.

- Sal…

Une violente toux le prit. Il avait du mal à respirer. Posipi et Négapi s’étaient approchés et essayaient de le calmer. Ils se montrèrent d’abord diplomate, mais face à l’entêtement du monstre, Négapi finit par exploser :

"Tu vas juste la gêner !"

Sacha gardait son visage contre le sol froid. Une gêne ? C’était ce qu’ils pensaient ? Si Pikachu était avec lui, s’il était toujours un dresseur, personne ne lui dirait cela !

Il eut à nouveau la sensation que son corps se liquéfiait, si seulement il n’avait pas changé… Est-ce que je serais avec Serena ?

Non. Evidemment que non. Et cela lui avait toujours convenu. C’était grâce à cela qu’il pouvait voyager le sourire aux lèvres. Et pourtant… pourquoi je n’y arrive pas.

Sacha sentit à nouveau la forme de son corps de reptile, la flamme au bout de sa queue qui brulait avec peine. Il voulait devenir maître pokémon, il voulait voyager avec son meilleur ami, c’était son rêve. Mais il n’arrivait pas à oublier Serena.

Ses mains le picotaient, comme si des décharges les parcouraient. Il poussa un gémissement tout en se recroquevillant sur lui-même.

Les lapins se regardèrent, ayant du mal à croire qu’il s’agissait du même pokémon plein d’énergie qui les avait aidés un peu plus tôt. Maintenant, ce faible monstre qui geignait semblait perdu, incapable de savoir quelle direction il devait prendre.

Le reptile avait fermé les yeux. Il haletait, sa flamme faiblissait. De la détresse, c’était ce que les deux frères percevaient. Tout ça… parce qu’il n’était pas avec elle.

Les autres humains avaient lâché le reptile, contemplant le pauvre être qui gémissait au sol. Adèle s’approcha, s’agenouilla pour caresser la tête du pokémon qui ne bougeait pas.

- Maintenant, tu dois te reposer, murmura-t-elle d’une voix apaisante.

La flamme du reptile s’était encore ternie sous le regard des deux lapins. Ils en étaient convaincus maintenant, Salamèche ne devait pas rester ici. Les monstres électriques joignirent leurs pattes, laissant les électrons se déplacer entre leurs deux corps.

- Ne faites pas ça ! cria Adèle comprenant ce qu’ils s’apprêtaient à faire.

Des éclairs traversèrent la pièce dans tous les sens, forçant les travailleurs à se reculer. Quand les choses se calmèrent, la mécanicienne remarqua que les monstres avaient disparu et que la grille d’une bouche d’aération gisait à terre.

- Si ça les amuse, soupira de lassitude la femme.


***


- Menace pour New Lavandia. <Zzz> Elimination des virus. <Zzz>

Serena se démenait pour ne pas que son équipe et elle-même succombent aux assauts de la machine. Elle avait mal aux oreilles avec cette alarme qui n’arrêtait pas de sonner et cette lueur stroboscopique rouge vif lui brulait les yeux.

- Rou !

La dresseuse sauta sur le côté, évitant de justesse un des câbles qui se tortillait hors des murs. Pas de doute, cette salle était la propriété de Magnet et il aimait le faire savoir aux intrus.

- Ça va ? s’inquiéta le champion.

Serena se mordit la lèvre. Ce n'était pas le moment de s'en faire pour elle. Salamèche souffrait en attendant son retour, Nymphali gémissait de douleur dans sa pokéball à cause d'un des pièges de Magnet et ses deux amis avaient besoin d'elle pour trouver une ouverture. Une ouverture qui n'arrivait pas.

- On doit vite en finir.

Elle donna un nouvel ordre, espérant que cette fois ses pokémons franchiraient les défenses de l’I.A.

- Sa !

Serena tourna la tête vers un des murs. Cette voix ça ne pouvait pas être…

- Serena ! hurla Voltère.

L’éclair qui fonçait sur la dresseuse fut bloqué de justesse par un pokémon au pelage bleu. Il secoua sa crinière jaune en pique qui émettait quelques étincelles. L’élecsprint du champion grognait contre la machine et labourait le sol de ses griffes acérées. Mais Serena ne pensait pas à remercier son bienfaiteur, trop occupée à regarder autour d’elle.

- Reste concentrée ! rappela Voltère.

- J’ai cru entendre Salamèche, paniqua la jeune fille.

- Tu te fais des idées, il est en sécurité avec les autres et…

Voltère s’arrêta de parler. Elecsprint se débattait, espérant s’extraire du câble qui l’avait piégé. Le bras mécanique raffermit sa prise et le pokémon cria de douleur pendant que son énergie se faisait aspirer. Le champion se dépêcha de le rappeler dans sa pokéball mais la gaine se tordit et évita le rayon de lumière.

Le champion jura, cela n’empêcha pas Magnet de vider les réserves électriques du monstre. Sa besogne achevée, le bras noir relâcha sa proie qui tomba lourdement au sol avec un geignement de douleur.

- Ça va aller mon vieux. Repose-toi dans ta pokéball, dit Voltère sans réussir à masquer les tremblements de sa voix.

Elecsprint était son dernier pokémon en état de se battre et il venait de le perdre. Maintenant, il ne pouvait compter que sur la jeune dresseuse et les deux pokémons qui lui restaient.

- Roussil lance Déflagration ! Et toi Pandespiègle, Lame de Roc !

Les pinces percutèrent les rochers alors que le plastique des gaines fondait avec un sifflement. Une mauvaise odeur se répandait dans toute la pièce et mettait à mal l’odorat développé des pokémons.

- On y est presque ! encouragea la jeune fille.

Serena fut plaquée contre le mur. Les mors enserraient sa gorge, juste assez pour la faire suffoquer sans lui briser la nuque. La jeune fille se brisait les ongles sur le métal froid, ses inspirations se transformaient en un aigu stridor.

- Elimination <Zzz> Ah ah ah ! <Zzz> Détendez-vous, votre niveau de stress est à… <Zzz> Retournez dans les zones <Zzz> sécurisées.

Les pensées de Serena se confrontaient les unes aux autres. Elle entendait ses pokémons crier alors qu’ils mettaient tout en œuvre pour essayer de la rejoindre. Y arriveraient-ils à temps ? Elle avait encore le droit d’abandonner, elle devait abandonner ! Et pourtant… Les doigts de Serena se resserrèrent sur les bouts de métal qui la retenaient alors que son rythme cardiaque ralentissait.

- Je…ne veux pas… le décevoir…

Les autres bras de l’I.A s’étaient approchés. Certains se chargeaient en électricité et les autres gardaient leurs pinces ouvertes pour mieux voir le spectacle.

- <Zzz> Virus identifié. Elimination du virus.

Serena tremblait, l’intérieur de sa gorge était en feu, la peau de son cou était glacée. Elle émit un gémissement de terreur en voyant une pince chargée d’éclair s’approcher de son visage. Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je dois faire !? Elle ferma les yeux, se pressant contre le mur derrière elle comme si elle pouvait s’y enfoncer.

Au milieu des cris stridents de la sirène, un autre bruit se fit entendre. Magnet ne comprenait pas, aucun des êtres qu’il surveillait sous ses yeux artificiels n’auraient pu le produire. Il remarqua alors un problème : une des grilles d’aération de la salle n’était plus à sa place.

Il approcha une fibre optique vers les boîtes en carton récemment écrasées et découvrit trois petits pokémons. Les deux frères se relevèrent en sursaut, le poil hérissé face aux affreux tentacules qui se rapprochaient.

Quant au troisième monstre, il se relevait péniblement, offrant comme obole aux cartons qui avaient amorti sa chute ses écailles et son sang.

- Sa… cracha-t-il en direction de la machine.

Il s’extirpa du papier rigide, laissant une trainée rouge affadie par la matière brune. Négapi lui attrapa le bras, lui interdisant de plus avancer. Sacha se dégagea de la prise, prêt à en découdre même si pour cela il devait oublier les supplications de son corps. Mais il commettait une lourde erreur en pensant qu’il était le maître absolu de ce tas de muscle. Son corps abandonna, se rebellant contre les ordres d’un cerveau despotique. Le roi du sauvetage était maintenant allongé au sol, incapable d’imposer de nouveaux mouvements à ses muscles rigides.

La machine ne s’intéressait pas au parasite écroulé à terre. En revanche, les deux petites piles qui l’accompagnaient avaient l’attention de ses multiples faux-yeux. Bien que ce ne serait qu’un maigre repas pour son appétit toujours croissant. Les circuits imprimés de Magnet durent vite se reconcentrer sur les pokémons qui s’étaient frayés un chemin jusqu’à leur dresseuse et lui avaient fait perdre quelques bras mécaniques au passage.

Ils l’ennuyaient. L’I.A enroula un de ses câbles autour du reptile impuissant et le tira pour le ramener au centre de la pièce. Ces virus baissaient leurs gardes au moment où l’un d’eux subissait des dégâts. Il avait bien l’intention d’en tirer parti.

- Salamèche ! s’égosilla sa dresseuse.

Les câbles décapités se contorsionnaient dans les airs pendant que ceux encore intacts maintenaient pokémons et humains éloignés de la scène principale.

- M… mèche, essaya Sacha d’un gémissement peu vigoureux.

Ce n’était pas cela qui dissuaderait le séviper de ramper vers lui avec la foudre qui vibrait sur ses crocs. Magnet accorda une seconde au pokémon, une seconde pour qu’il puisse entendre l’air crépiter autour de lui, pour qu’il puisse admirer la lumière prête à le châtier, pour que la dresseuse perde ses derniers espoirs de sauver son ami.

- <Zzz> Elimination des virus, <Zzz> récita-t-il sa litanie.

L’éclair jaune se dirigea vers le reptile. Inarrêtable, inexorable, inévitable. Sacha ne le quitta pas du regard, ses dernières écailles se dressèrent, sa flamme crépita et…

"Arrête !" hurla le métamorphosé.

Serena ne pouvait pas comprendre. Le visage de Sacha se désagrégea lorsqu’elle se jeta devant lui, ses yeux se révulsèrent alors qu’elle criait entourée par la lumière vive. Elle s’écroula et il ne la lâcha pas du regard, pas une seconde.

Elle restait là, sans bouger, étendue sur le sol. Sacha tendit son bras, voulant l’atteindre, la toucher. Il n’y arrivait pas, ils étaient encore trop loin l’un de l’autre.

- S… Sss… SA ! essayait-il de prononcer le prénom de sa dresseuse sans y parvenir.

Les doigts de la jeune fille bougèrent, elle ouvrit un œil et laissa échapper un sourire de soulagement.

- Je suis arrivée à temps, articula-t-elle avec peine.

Sacha ne pouvait plus s’empêcher de trembler. Il ne comprenait pas. D’habitude c’était lui qui se sacrifiait pour les autres, pas l’inverse. C’était douloureux, la voir blessée le faisait souffrir, bien plus que ses blessures qui le brûlaient. La respiration sifflante de Sacha s’intensifiait. Il manquait d’air, il étouffait.

- N’aie pas peur. Je… je vais te protéger.

Elle avait à peine réussi à prendre appui sur ses coudes qu’elle s’écroulait à nouveau. Et le câble se rechargeait en énergie, prêt à finir le travail. La main tremblante de Serena trouva la direction de la poche de son manteau. Elle sentit entre ses doigts le petit objet sphérique et l’agrippa comme s’il s’agissait du trésor le plus précieux qui soit.

Sacha regardait avec appréhension la pokéball que tenait désormais son amie. Elle n’allait tout de même pas…

- Je sais que tu détestes ça. Mais juste cette fois, mets-toi à l’abri, supplia-t-elle.

Sacha ne répondit pas. Pourquoi est-ce qu’il s’entêtait ? Il avait son rêve à accomplir et Serena n’était qu’une amie de plus, une amie à qui il avait dit au revoir, une amie qui avait ses propres objectifs. C’était très bien. Comme ça il pouvait partir sans causer de douleur. Et surtout… tu ne me détesteras pas.

Le rayon rouge quitta la sphère, enlaça le pokémon dans sa lueur. C’était le mieux à faire. Se cacher dans une pokéball, laisser le monde tourner autour de lui pendant que le temps se serait arrêté dans son petit monde. Sacha sentait son corps se distordre, comme s’il se liquéfiait pour se fondre avec la lumière qui l’absorbait.

Un murmure. Un bref murmure passa dans sa tête sans qu’il n’en saisisse le sens. Mais c’était important, c’était une question importante, cela il l’avait compris. La lueur rouge qui entourait l’ancien humain vira au bleu et se dissipa sans avoir absorbé le monstre à l’intérieur de la sphère.

- Ce n’est pas le moment, haleta la jeune fille en crispant sa main sur la capsule défectueuse.

L’air vibrait, la prochaine décharge n’allait plus tarder. Sacha ne tremblait plus, son visage le brulait. Il se releva et boita vers les sévipers en caoutchouc qui lui faisaient face.

Pourquoi tu te sacrifies pour moi ? C’est tes rêves que tu mets en jeu !

- Reviens ! Tu n’es pas…

Un faux mouvement fit gémir de douleur Serena. Non ! Elle ne pouvait pas rester derrière ! Pas quand il était en danger !

Cette fois, le pokémon feu n’échappa pas à la foudre de Magnet. Son corps brula et se déchira. Pourquoi… pourquoi tu ne m’abandonnes pas pour ton rêve ? La douleur était si intense qu’elle effaçait le monde autour de lui. Il ne la voyait pas. Il ne voyait pas Serena qui rampait, tendait sa main dans un ultime espoir de l’extraire de la lumière mortelle.

- SALAMECHE !

Serena avait senti sa gorge se déchirer sous l’effort. La forme de son pokémon continuait de vibrer devant elle, entouré par le halo électrique.

"Je voudrais y croire."

Serena tressaillit. Salamèche s’était tourné vers elle. Il ne souriait pas, il ne cherchait pas à se montrer rassurant. Tout ce qu’elle voyait, c’était un enfant au bord des larmes, un enfant qui avait besoin d’elle.

- Reste avec moi, chuchota Serena.

Un bref instant, le visage du reptile se recouvrit d’une matière noire. Les cristaux épousaient les traits du monstre avant de s’en détacher, de prendre leurs propres formes. L’entièreté du faux-corps s’illumina alors d’un bleu vif.

Sacha le sentait, une nouvelle vague d’énergie le parcourait, lui donnait un second souffle. Il regarda ses mains qui s’élargissaient. S’il acceptait de changer, pourrait-il revenir en arrière ? Il ferma son poing, la lumière bleue se dissipa révélant un corps rouge.

- Reptin ! hurla Sacha.

La foudre qui l’entourait se mit à ramper sur le corps écailleux pour rejoindre ses mains et s’y concentrer. Il s’élança vers l’avant, prêt à faire payer le bras qui avait osé blesser sa dresseuse. Mais les câbles se rassemblèrent en masse pour bloquer le nouveau danger. L’électricité que contrôlait Sacha se dissipa au moment où elle entra en contact avec le caoutchouc, mais le faux pokémon n’en avait pas fini. Ses nouvelles griffes s’illuminèrent et il déchira l’amas grouillant.

Toutefois, il restait encore assez de câbles à l’I.A pour une nouvelle attaque. Sacha plaça ses bras devant lui, se préparant au choc. Mais les éclairs furent soudain déviés et se dirigèrent vers Posipi. Le pokémon grimaça mais ne s’écroula pas. Il souriait même, se moquant de la machine incapable de mettre un faible lapin électrique hors combat. Et son frère à l’autre bout de la salle poussait le vice encore plus loin en riant sans retenue face à l’être qui l’avait tant terrifié.

"Cette Serena, elle voulait qu’on lui en montre plus," s’amusa Posipi.

"Elle ne va pas être déçue, ça va être un vrai spectacle !" renchérit Négapi.

Leurs joues crépitaient alors qu’ils se tenaient au milieu des restes de bras que Magnet avait perdu dans la bataille.

- Elimination des virus, <Zzz> répéta la machine.

Elle renvoya une décharge qui comme la précédente s’arcbouta et dévia vers l’un des lapins. L’électricité de l’I.A était comme piégée, obligée de suivre un chemin tout tracé jusqu’à rejoindre un des deux lapins qui s’empressait alors de se réfugier derrière la barrière de gaines.

- Un dipôle ! Vous êtes des génies ! s’exclama Voltère.

Magnet n’était pas aussi enjoué que son créateur. Il envoya ses pinces contre les piles rebelles, bien décidé à les mettre hors service.

- <Zzz> Nouvelle cible prioritaire. Elimination.

Encore un bras de perdu, puis un deuxième, un troisième. La vue de Magnet se réduisait, mais cela ne l’empêchait pas de voir le sourire de la renarde et du panda qui le défiaient.

- Serena ! appela Voltère.

- Je sais, grimaça-t-elle.

Elle prit appui sur un de ses bras sans toutefois chercher à se relever. Encore quelques inspirations, oublier la douleur et enfin crier pour couvrir les sons stridents de cette pièce, pour qu’ils puissent entendre ses ordres malgré sa voix éraillée.

Les derniers câbles gesticulaient sous les torrents d’attaques. Le champ de vision de l’I.A ne couvrait plus que quelques points et ses circuits imprimés calculaient à toute vitesse les options qui lui restaient.

- <Zzz> Recherche d’une solution. <Zzz> Recherche. Recherche. <Zzzzzzzzzz>

C’était le moment. Le champion courut à toute vitesse vers une armoire au fond de la pièce. Il serra les dents, s’attendant à se prendre une décharge avant qu’il n’ait pu entrer le code... Mais l'enveloppe métallique était déjà ouverte.

- <Zzz> Mon ami, inutile d’en arriver là. <Zzz.>

Voltère ne l’écouta pas. Les blocs mémoires étaient là, de simples boîtes plastiques contenant tout ce qu’était l'intelligence artificielle. Magnet n’était que ça après tout. L’inventeur fut sans pitié, il enleva méticuleusement les composants pour mettre un terme à cette histoire qui n’avait que trop duré.

- <Zzz> Erreur <Zzzzz> Erreur <ZZZZZZ> Répétait sans arrêt le robot.

- C’est fini, décréta le champion.

Les câbles s’immobilisèrent. Tout le monde retenait son souffle, doutant encore que le champion ait réussi. Puis les longues gaines noires se rétractèrent dans les murs pendant que la voix récitait ses derniers mots.

- Arrêt du contrôle automatique. <Zzz> Ah… Ah… Ah. <Zzz> Passage en mode manuel.

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