Derkomai's Mask
Chapitre 8 : Laisse-moi rejoindre le pré de l'Asphodèle
4042 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 04/02/2024 19:28
Malgré la journée éprouvante, Serena avait passé le reste de sa soirée à cuisiner au centre pokémon. J’avais fait de mon mieux pour lui apporter mon aide, mais la cuisine n’était vraiment pas mon fort. Roussil s’était donc chargée de la cuisson pendant que Pandespiègle et Nymphali choisissaient les ingrédients. Même quand ils cuisinaient, Serena et ses pokémons travaillaient en équipe. Et moi dans tout ça ?
- Salamèche, tu peux faire cuire la pâte avec tes flammes, me demanda Serena.
Je frappai mon torse lui faisant signe qu’elle pouvait compter sur moi. Roussil me regardait pas très rassurée et tirait le tablier de sa dresseuse tout en disant : « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée ». La renarde exagérait, je pouvais m’en sortir. Je mis toute mon énergie dans cette attaque flammèche et… la pâte autrefois jaune avait complètement noircie et exhalait une odeur âcre.
- Ce n’est pas grave, voulut me rassurer Serena.
Pandespiègle riait aux éclats devant ma mine déconfite pendant que Roussil soupirait devant ce gâchis. Nymphali s’était approchée et frottait ses rubans colorés contre mon dos en guise de soutien. Je levai la tête au moment où Serena me tendait une cuillère en bois.
- Tu peux mélanger ce qu’il y a dans le bol, s’il te plait.
Je savais qu’elle me prenait pour un jeune pokémon et qu’elle ne voulait pas que je me sente mis à l’écart. Mais j’étais déjà mauvais dans ce domaine quand j’étais humain alors en pokémon… Roussil ne me laissa pas plus hésiter et me poussa vers le bol pour que je prenne mes fonctions. Au point où j’en étais de toute façon. Je devais tenir l’énorme cuillère avec mes deux mains pour pouvoir la bouger convenablement. Le bol de métal tanguait à chacun de mes mouvements, menaçant de répandre son contenu sur la table. J’essuyai mon front couvert de sueur une fois ma besogne achevée, je ne m’en étais pas si mal sorti finalement. Serena se mit à rire, qu’est-ce que j’avais encore fait ? Je compris en voyant mon reflet sur la surface du bol : mes écailles étaient couvertes de pâte visqueuse. Serena sortit un mouchoir de sa poche et m’essuya. Ses gestes étaient doux, mais j’avais vraiment l’impression d’être un enfant.
- Ta-dam ! Un salamèche tout propre.
La flamme au bout de ma queue crépita. Serena était vraiment…
- Tes écailles sont bizarres.
Je regardai mes bras, effectivement elles avaient à nouveau pris une teinte foncée et en plus ça avait l’air d’empirer.
- Je devrais demander conseil à l’infirmière Joëlle, c’est peut-être une allergie, s’inquiéta-t-elle.
Elle ne me laissa pas le temps de protester ni de m’enfuir. Serena m’amena voir la soignante et lui expliqua rapidement mon problème. L’infirmière se contenta d’un sourire avant d’expliquer :
- C’est une réaction naturelle. Quand la température d’un salamèche augmente, son flux sanguin s’accélère et les capillaires au niveau de ses écailles se dilatent pour dissiper la chaleur. C’est un mécanisme de régulation supplémentaire à la flamme caudale. Mais je suis surprise que tu l’aies remarqué, le changement est si discret que les dresseurs ne s’en rendent pas compte d’habitude.
- Je vois, se rassura Serena, mais je ne comprends pas pourquoi sa température a augmenté alors qu’on ne faisait que cuisiner.
- Il n’a pas eu d’émotions particulières comme de la peur par exemple ? s’enquit Joëlle.
Je voyais bien que Serena réfléchissait, elle sembla abandonner le cours de ses pensées et dit :
- Il est encore jeune, peut-être que c’est lié à ça.
L’infirmière ne démentit pas cette version, de toute façon trouver la cause n’était pas si important. Serena retourna donc aux fourneaux et parvint enfin à finir notre repas. Je fus surpris en voyant le plat qu’elle me tendait. Contrairement aux croquettes habituelles, ces boulettes étaient colorées et dégageaient une bonne odeur. Serena semblait attendre que je me décide à goûter. Cette fois je ne rechignai pas et croquai la préparation. C’était bon, très bon même, au point d’en oublier que c’était de la nourriture pokémon.
- On dirait que ça te plait, se rassura Serena.
Comment avait-elle deviné mes pensées ? Je suivis le regard de ma dresseuse et me rendis compte que ma queue était en train de jouer les métronomes. J’en avais assez que toutes mes émotions soient aussi lisibles.
- Salamèche, si je refais ce genre de nourriture, tu la mangeras ?
Je soupirai, elle tenait vraiment à ce que je mange comme un pokémon. Mais devant tous les efforts qu’elle avait faits, je ne pouvais pas refuser.
- Mèche, sala, marmonnai-je.
- Parfait ! Maintenant il faut qu’on décide de notre prochaine destination, décréta ma dresseuse.
« Ma dresseuse. » Ce n’était pas la première fois que j’employais ces mots en parlant de Serena. A quoi je jouais au juste ? Serena avait repris confiance en elle, je n’avais donc plus de raisons de rester. Et puis je devais manquer à Pikachu. Il était grand temps que je le retrouve et que je m’occupe de mon problème. Je regardai Serena qui dégustait son repas en souriant et en parlant avec ses pokémons. C’était le bon moment. Je m’éclipsai discrètement, ma récente expérience au marché m’avait bien fait comprendre que je ne pourrais pas rejoindre Pikachu par mes propres moyens, mais j’avais une petite idée pour remédier à ce problème. Les visiophones du centre étaient dans un coin assez isolé et par chance, aucun dresseur n’était présent. J’avais donc le champ libre pour passer mon coup de fil. Un petit peu d’escalade et j’atteignais mon but ! Alors, le numéro du professeur Seko était… je tapais sur les touches et attendais en espérant ne pas m’être trompé. Heureusement, le visage du professeur ne tarda pas à apparaitre et je me félicitai de ma mémoire.
- Alors ça y est ? comprit-il immédiatement.
J’acquiesçai, l’heure était venue de reprendre le chemin vers mon rêve de devenir maître pokémon.
- Serena est au courant ? me demanda-t-il.
Il ne valait mieux pas, elle devait poursuivre ses concours sans se soucier de moi et pour cela elle ne devait rien savoir.
- Elle risque de s’inquiéter si tu disparais comme ça.
- Sala.
- Enfin, peu importe. Je viendrai demain matin te chercher. Je crois me souvenir que la salle de concours n’est pas très loin du centre, on pourrait s’y retrouver. Comme cela Serena ne se rendra compte de rien.
Le plan me paraissait bon, je remerciai une dernière fois le professeur avant de rejoindre mon amie. Elle était en train de réfléchir à notre itinéraire sa tablette rose en main. Je n’avais pas à douter, c’était le mieux à faire. Serena risquait d’être attristée par mon départ, mais je savais qu’elle s’en remettrait rapidement avec le soutien des autres. Serena était forte. Elle n’avait pas besoin de moi pour réaliser son rêve…
***
Mon amie était partie prendre sa douche sans se douter le moins du monde de ce que je manigançais. Pour l’instant il fallait que je me repose, la journée avait été éreintante et demain risquait de ne pas être de tout repos non plus. Je profitais un peu du lit avant que ma dresseuse ne sorte. Le matelas moelleux et les couvertures toutes douces, ça me manquait. Je jetai un coup d’œil à ma flamme, si je ne faisais pas attention ce lit allait se transformer en un tas de cendre. Serena sortit enfin de la pièce d’à côté vêtue de son pyjama, vu ses bâillements elle n’allait pas tarder à prendre place sous les couvertures. Je me plaçai au bord du lit sans pour autant me résoudre à descendre, le sol froid et dur que j’avais testé la nuit précédente n’était pas l’idéal pour se reposer.
- Tu veux dormir avec moi cette nuit ?
Sous la surprise je perdis l’équilibre et tombai tête la première sur le plancher. Comment pouvait-elle proposer ça ? C’était une fille, j'étais un garçon, transformé en salamèche, mais un garçon quand même ! Dormir dans le même lit c’était juste impossible ! Je gesticulais dans tous les sens et couinais pour bien lui faire comprendre mon refus.
- Tu as peur de brûler les draps ?
C’était aussi une raison et ce n’était pas négligeable. Et puis plus que les draps, je craignais que le pyjama de mon amie s’enflamme. Mais Serena n’avait pas l’air prêt à prendre mes protestations en compte. J’essayai de m’échapper, mais elle me rattrapa avec facilité et me coinça dans ses bras. Je me débattais, mais ce n’était pas très efficace, surtout que je craignais de la griffer si j’y allais trop fort. Elle s’allongea dans le lit avec moi toujours serré contre elle.
- Je n’ai pas osé te le proposer les nuits précédentes comme tu avais l’air décidé à dormir sur le sol. Mais tu sais, chez Marco on a dormi ensemble et je n’ai pas été brûlée.
Je me figeai. On avait dormi ensemble ? Je ne m’en souvenais pas… il faut dire que je m’étais endormi si vite chez le marin que je n’avais rien dû remarquer.
- Maintenant que j’y pense j’aurais dû faire plus attention, reprit-elle, mais je me souviens qu’à ce moment, même quand ta flamme touchait mon pyjama il ne se passait rien. Je pense que quand tu es calme et détendu tes flammes ne brûlent pas et ça doit être pareil pour les autres salamèches.
L’idée de pouvoir à nouveau dormir dans un lit n’était pas désagréable, mais on était beaucoup trop proche pour ne pas dire collé l’un à l’autre. Comment j’étais censé me détendre dans cette position ? Et puis ça ne réglait pas le principal problème !
Serena se mit à passer sa main sur ma peau écailleuse. Elle commençait par le haut de ma tête, passait par ma nuque, longeait mon dos jusqu’à la base de ma queue et elle recommençait, encore. J’avais l’impression que mes écailles bougeaient, suivaient le mouvement qu’elle leur appliquait. Un nouveau passage m’arracha un soupir. Je pouvais deviner chaque relief de sa main, je ne pensais qu’à ça. Qu’est-ce que tu me faisais Serena ? J’avais l’impression de perdre la raison. Mes muscles se détendaient, mes paupières s’alourdissaient, mes épaules pesaient une tonne. Je… Je… les bras de Serena sont si… rassurants.
***
Je m’étais levé avant Serena ce matin. Je n’osais pas trop bouger, elle me tenait toujours contre elle si bien que je percevais sur mon visage le souffle de sa respiration. Ses cheveux luisaient sous la lumière de ma flamme et tombaient sur sa joue. Ce n’était pas le moment de rester sans bouger à la regarder dormir ! Je me dégageai de ses bras en espérant ne pas la réveiller. Je me sentais mal à l’idée de partir sans rien dire. J’espérais qu’elle ne me cherche pas, qu’elle comprenne que j’étais parti de mon plein gré. Il fallait encore ouvrir la porte, toujours un vrai défi avec ma taille. Je réussissais après plusieurs tentatives et un peu de contorsion à atteindre et faire tourner la poignée. La porte grinça. Je restais suspendu à la poignée, espérant que le bruit n’ait pas réveillé mon amie. Serena marmonna quelques mots incompréhensibles mais ne se réveilla pas. Je soufflai et me dépêchai de partir.
Les rues étaient désertes, il n’y avait guère que les cornèbres qui s’étaient montrés matinaux. Le parking devant la salle de concours était complètement vide, j’étais arrivé beaucoup trop tôt au lieu de rendez-vous. Je m’installai sur un banc et attendais que Seko arrive. Ma queue se balançait dans le vide, marquant les secondes qui passaient. Je levai la tête vers l’écran géant du bâtiment, au lieu des publicités et des retransmissions de performances, il se contentait d’indiquer l’heure. 7h01… pour le coup, j’étais vraiment en avance et le professeur ne risquait pas d’arriver de sitôt.
- Hey ! Qu’est-ce que tu fais là toi ? m’interpella un homme en uniforme.
Pas bon ! Je m’enfuyais, mais le garde ne me lâchait pas et je ne risquais pas de le semer avec mes jambes beaucoup trop courtes. Par chance, le complexe qui accueillait les concours était ouvert. Je m’engouffrai à l’intérieur et fuyais vers les gradins. Bien caché au milieu des milliers de fauteuils, le garde n’avait aucune chance de me trouver. Une fois l’homme parti, je sortais de ma cachette. Ma récente défaite me revenait en mémoire et avec elle l’envie de prendre ma revanche.
"Allez Sacha, n’y pense plus !" m'encourageai-je.
Je quittais la salle de concours et me trouvais un petit coin tranquille à l’extérieur. C’était une ruelle étroite où de nombreux objets étaient laissés à l’abandon. J’hésitais sur ce qui allait me tomber dessus entre les tas de cartons en équilibre précaire ou les morceaux de tôle rouillés. Mais au moins d’ici, je pouvais observer toutes les allées et venues sans me faire remarquer. Au début, il n’y avait que des agents d’entretiens avec leurs balais et les éboueurs qui soulevaient les poubelles débordantes de déchets. Ensuite, des voitures rutilantes envahirent le parking. Je voyais les gens à l’intérieur des véhicules faire les derniers ajustements de leur coiffure ou de leur maquillage. Très vite, les adultes quittèrent leurs abris de métal, certains étaient bien habillés, d’autres un peu moins, mais tous regardaient avec anxiété leur montre. Et malgré ce nombre affolant de personnes qui inondaient les interstices entres les voitures trop serrées, il n’y avait aucune trace du professeur. La foule disparaissait petit à petit et j’attendais toujours entre ces deux murs humides. Je levai les yeux vers l'écran géant, il était presque midi et l’odeur de moisissure devenait insoutenable. Mais qu’est-ce qui lui prenait autant de temps ?
- Vous l’avez-vu ! entendis-je crier.
C’était une voix pleine d’espoir, une voix que je connaissais bien. Je sortis discrètement la tête de ma cachette. Elle était là, à l’entrée, parlant avec l’homme qui m’avait récemment pourchassé. Je ne devais pas me faire remarquer et… ma queue fit tomber un tas de tuyaux. Ils percutèrent à la fois les plaques de métal et les cartons faisant tout s’écrouler sur moi. Je m’extirpai in extremis, mais j’avais quitté ma cachette et me retrouvais sous le soleil avec ma peau bien orange de reptile. Même si elle était loin, avec tout le brouhaha que j’avais provoqué elle n’allait pas tarder à me remarquer. J’attendais et finalement elle cria le mot fatidique :
- Salamèche !
Je détalai en courant, très vite suivi par Serena. J’étais vraiment trop lent ! Si je ne trouvais pas une solution elle allait m’avoir. Je tournai dans une ruelle et tombai sur un cul-de-sac. Par chance, le mur était vieux et parsemé de trous dont l’un d’eux assez large pour que je m’y engouffre. J’entendis Serena crier, mais j’étais déjà passé de l’autre côté au prix d’une éraflure au genou. Je reprenais mon souffle affalé contre le mur, il s’en était fallu de peu.
- S’il te plait reviens, entendis-je murmurer.
Sa voix brisée me donna quelques remords. Serena me voyait comme son pokémon, c'était normal qu'elle cherche à me retenir. Je réagirais sans doute de la même façon si un de mes amis s’enfuyait sans rien dire. Mais elle devait comprendre que j’avais ma propre voie à suivre tout comme elle avait la sienne. Elle serait triste pendant quelques jours, mais elle m’oublierait vite. Roussil, Nymphali, Pandespiègle, ils étaient là pour elle. Moi, je n’avais fait que lui donner un petit coup de pouce et ça s’arrêtait là.
- C’est parce qu’on a perdu hier que tu ne veux plus de moi comme dresseuse ?
"Bien sûr que non ! Ça n’a rien à voir !"
Mais elle ne pouvait pas me comprendre, surtout si elle ne voyait pas mon visage.
- J’ai eu peur en ne te voyant pas ce matin, j’ai cru qu’on t’avait enlevé... mais en définitive c’est toi qui es parti de ton plein gré. Je suis désolée. Si seulement je m’étais rendue compte hier que tu n’allais pas bien.
Même si je ne pouvais pas la voir, je l’entendais renifler et sa voix tremblait. Je restais un moment à regarder le ciel bleu. Est-ce ça irait vraiment si je la laissais ?
Un grésillement. Le bruit que je venais d’entendre n’était qu’un écran qui diffusait en boucle diverses publicités. Il n’était pas de première jeunesse, les images n’arrêtaient pas de se brouiller accompagnées de ce bruit agaçant qui ressemblait à un vieux poste de télévision dont on aurait monté le son trop fort. Serena continuait de parler, mais je ne l’écoutais déjà plus. Je voulais revoir Pikachu, devenir maître pokémon. Ce n’était pas les premiers adieux que je faisais et sans doute pas les derniers. C’était comme ça que fonctionnaient les voyages. Je me levai et m’éloignai du mur, je m’éloignais de Serena et de sa voix silencieuse. Les cornèbres me regardaient, ils cachaient leurs visages à l’aide de leurs chapeaux de sorcière pour faire leurs messes-basses. Mais je pouvais quand même les entendre croasser quelques moqueries. Je ne devais pas m’en préoccuper, c’était dans leur nature.
- Ne pars pas sans moi, entendis-je.
Je m’arrêtai. Malgré les grésillements électriques, j’avais entendu sa voix. Pourquoi disait-elle ça ? C’était la première fois qu’on me demandait de rester… Les cornèbres prirent leur envol, je les entendais se plaindre de la bruyante humaine.
"On va la faire taire," proposa l’un d’eux très vite approuvé pas ses comparses.
Je me retournai. C’était la première fois qu’on refusait que je poursuive mon rêve. Je traversai le trou dans le mur me plaçant entre Serena et les cornèbres.
"Pourquoi tu refuses de m'abandonner !" hurlai-je.
Mes griffes s’illuminèrent et manquèrent de peu les plumes noires des pokémons. Ceux-ci avaient repris de la hauteur et croissaient des insultes à mon encontre. Je jetai un œil à mes mains, ce n’était pas mon attaque habituelle que je venais d’utiliser. Mais les cornèbres foncèrent à nouveau sur moi m’empêchant de plus réfléchir, je crachai mes flammèches que les pokémons volants évitèrent sans peine. Je manquais toujours de précision… L’un des monstres saisit ma queue entre son bec m’arrachant un cri de douleur. Puis sans perdre un instant, l'oiseau de malheur me souleva dans les airs me laissant pendre dans le vide. La douleur était insupportable, ma queue allait se détacher à force ! Un vent rose frappa le pokémon ténèbres de plein fouet l’obligeant à me lâcher. Serena en bas tendait les bras, cherchant maladroitement à se placer sur ma trajectoire. Elle parvint à m’attraper mais se déséquilibra et tomba. Nymphali s’était approchée de nous pour vérifier que tout allait bien.
- Tu es revenu, entendis-je murmurer.
Elle me serra si fort contre sa poitrine que j’étouffais. Je tapotais son bras, suppliant qu’elle me libère au plus vite. Elle me relâcha enfin me laissant voir ses yeux rougis. Est-ce qu’elle avait pleuré ?
- Je te promets de faire mieux la prochaine fois.
Je soupirai, elle croyait toujours que c’était pour ça que j’étais parti. Elle frotta ses yeux, mais les larmes menaçaient toujours de couler
"Tu sais Serena," je posai mon front contre celui de ma dresseuse, "je n’aime pas te voir pleurer."
- Salamèche ?
Je me libérai de ses bras, ennuyé par ce que je venais de faire. Je grattai ma joue, finalement je n’étais pas parti. Roh ! Après tout je pouvais bien rester encore un peu avec elle ! Serena avait l’air d’avoir retrouvé le sourire, elle jeta un coup d’œil par-dessus mon épaule puis me proposa :
- Tu veux qu’on passe au centre pokémon ?
Ma queue était toute tremblotante à cause de la douleur et on voyait encore la trace du bec de l’autre oiseau imprimé en rouge vif sur mes écailles. Effectivement, une petite visite chez l’infirmière Joëlle n’était pas de refus.
***
Seko cherchait aux alentours de la salle de concours où pouvait bien être son jeune ami. Il regarda sa montre, il avait vraiment beaucoup de retard, mais le trajet était long de chez lui à Poivressel, même en voiture. Et il avait dû régler deux trois choses avant de partir. Après un énième tour, le professeur dû se rendre à l’évidence que la salamandre était absente. Peut-être que Sacha n’avait pas trouvé la bonne occasion pour s’éclipser ou, plus simplement, n’était pas parvenu à sortir de sa pokéball. Le mieux était d’aller directement voir au centre.
En passant devant une des fenêtres, un élément attira tout de suite son attention et il préféra observer discrètement. La jeune Serena parlait à la petite salamandre. Le professeur ne pouvait pas entendre ce qu’ils racontaient, mais leurs mouvements étaient amplement suffisants. Elle pinça la joue du petit monstre qui parut gêné et se détacha rapidement de la prise avec quelques petits cris. Seko s’attendrit devant ce spectacle, même s'il était aussi un peu énervé que le jeune garçon lui ait fait perdre sa matinée et une bonne partie de son après-midi pour rien.
- Je ne me ferai pas avoir la prochaine fois, pesta-t-il.
Le professeur espérait que Sacha l'ait entendu à travers les épais carreaux car il ne rentrerait pas dans le centre pour le lui répéter. L'homme se détourna de la fenêtre, décidé à partir sans se faire remarquer. Mais au bout de quelques pas, il ne put s'empêcher de regarder une dernière fois le centre où riaient la dresseuse et son pokémon.
- De toute façon, tu n’as pas l’intention de me rappeler, soupira Seko.