Derkomai's Mask
Chapitre 2 : Ce glaïeul a la couleur des flammes
5048 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 28/01/2024 16:01
Une grande forêt protégeait le petit village de Bourg-en-Vol permettant comme seul lien avec l’extérieur la présence de la « route 101 » noyée au milieu de la végétation. Les voyageurs préféraient éviter ce lieu regorgeant de vie car il pouvait réserver quelques mauvaises surprises aux imprudents.
Le début de soirée qui s’annonçait faisait perdre petit à petit son éclat à cet océan de verdure et les rayons lumineux peinaient à frayer leurs chemins au travers des épais feuillages. Une jeune fille en son sein prenait grand soin de ne pas s’écarter du chemin. Elle évitait agilement les flaques de boue qui parsemaient la route afin de ne pas salir ses bottes marrons, ni sa robe rose surmontée d’une longue veste rouge qu’elle gardait ouverte laissant à découvert un fin ruban bleu noué à son col. Pour compléter cet ensemble elle portait un chapeau de feutre de la même couleur que sa veste duquel s’échappaient ses cheveux bruns, plutôt courts pour une jeune fille, mais mettant bien en valeur ses yeux d’un bleu azuré. Elle lançait des regards inquiets autour d’elle à cause de tous les bruits qui s’échappaient des coins obscurs et impénétrables.
La voyageuse déglutit péniblement. Le professeur Platane, qui lui avait offert son premier pokémon, avait conseillé de se rendre chez le professeur Seko avant d’entamer son voyage. C’est pour cette raison qu’elle faisait route vers Bourg-en-vol. Elle se sentait de plus en plus effrayée. Après tout, cela faisait depuis longtemps qu’elle n’avait pas voyagé seule. Sans oublier le fait qu’elle avait oublié de prendre une tente ce qui risquait de rendre sa nuit inconfortable si elle n’arrivait pas rapidement chez le professeur.
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas une queue noire de pokémon qui reposait sur le chemin et marcha dessus. La conséquence ne se fit pas attendre, deux grahyènas sortirent des buissons les poils hérissés et les babines retroussées. Surprise, la jeune fille tomba en arrière. L’attaque subite des deux hyènes ne lui laissa pas le temps de sortir une de ses pokéballs. Elle put juste mettre ses bras devant son visage et fermer les yeux comme ultime réflexe de protection. Néanmoins, elle ne ressentit aucune morsure. Lorsqu’elle rouvrit ses yeux bleus, un grand pokémon rouge et jaune aux poignets enflammés se tenait devant elle. Elle comprit rapidement que ce braségali avait fait fuir ses deux attaquants.
- Est-ce que tout va bien ? entendit-elle.
Serena ne s’attendait pas à découvrir une fille de son âge. Charmant ruban d’ailleurs, cette alternance de rouge et de blanc se détachait bien au milieu des cheveux bruns et donnait une impression de légèreté qui s’accordait avec le reste de la tenue. Mais était-ce le moment de faire ressortir son goût de la mode ? Vu le regard inquiet de la dresseuse en face d’elle, Serena comprit que non et qu’elle était restée trop longtemps sans rien dire.
- Oui et c’est grâce à toi. Je te remercie, tu m'as vraiment sauvée face à ces deux pokémons.
Sa voix tremblait. L’attaque l’avait plus secouée qu’elle ne le pensait, à croire que les crocs blanchâtres des monstres étaient plus terrifiants qu’un mégalithe géant menaçant de détruire toute sa région.
- Rejoindre le laboratoire du professeur Seko n’est pas toujours simple, surtout sans pokémon, grimaça sa sauveuse.
Serena saisit la main qu’elle lui tendait, un peu vexée qu’on la prenne pour une débutante venant chercher son premier pokémon. Et en même temps, c’était compréhensible vu sa piètre prestation d’il y a quelques minutes.
- En vérité je viens de Kalos, se dépêcha-t-elle d’expliquer en dépoussiérant ses vêtements. Je m’appelle Serena, et c’est le professeur de cette région qui m’a conseillée de voir celui d’Hoenn et… Je n’ai pas eu le temps de sortir une pokéball, avoua-t-elle finalement rouge de honte.
- Oh… comprit-elle son erreur. C’est ton premier voyage en dehors de ta région ?
Serena acquiesça timidement.
- Et tu te sens perdue depuis que tu es arrivée, continua la dresseuse de Braségali.
- Plutôt, oui, concéda la kalosienne. C’est la première fois que je quitte Kalos alors…
Serena s’arrêta face au sourire chaleureux et complice de sa sauveuse.
- Tu peux me croire, tu auras toujours cette sensation à chaque nouvelle région que tu visiteras. Mais un petit coup de pouce ne fait jamais de mal alors… Il se trouve que je connais plutôt bien Hoenn et que je me rendais moi-aussi chez le professeur Seko, finit-elle avec un clin d’œil malicieux.
- Tu veux dire…
- Ne crois pas non plus que je t’aide sans rien attendre en retour. A vrai dire, tu tombes plutôt bien : cela faisait un moment que je me disais que je devrais visiter Kalos, mais il me manquait une information capitale avant de m’y rendre.
Serena déglutit, se demandant quel genre de renseignements on souhaitait lui soutirer.
- Quelles sont les boutiques où ils vendent les meilleures pâtisseries ?
La kalosienne se laissa aller à un éclat de rire, soulageant ses nerfs de la pression qui les comprimait depuis qu’elle avait quitté l’aéroport.
- Je ne devrais pas avoir trop de mal à t’aider…
La fin de sa phrase resta suspendue dans les airs, attendant que l’inconnue l’attrape, ce qu’elle fit sans hésiter :
- Flora. Je m’appelle Flora, ravie de te rencontrer.
Elles se sourirent mutuellement avant d’être prises d’un fou rire. Il prit fin dès qu’elles entendirent un buisson bouger. Braségali et Flora se mirent en position tandis que Serena sortait une de ses pokéballs se préparant à un nouvel assaut. Mais ce fut un salamèche qui apparut et rapidement il s’effondra à terre. Les deux jeunes filles, une fois l’état de surprise passé, s’élancèrent vers le petit pokémon. Elles remarquèrent bien vite qu’il était blessé et en état de paralysie.
- Est-ce qu’il y a un centre pokémon dans les parages ? demanda affolée Serena, sachant que son navi-map était inutile dans cette nouvelle région.
- Non, mais le professeur Seko pourra sans doute l’aider.
La dresseuse de Kalos prit délicatement dans ses bras le pokémon feu. Juste le toucher suffisait à le faire gémir et la flamme au bout de sa queue était si faible qu'elle craignait de l'éteindre juste en respirant trop fort.
Trop absorbée par la détresse du petit monstre, trop inquiète de ce qu'il adviendrait si elle ne se dépêchait pas, Serena partit en courant vers le laboratoire du professeur. Pourtant, si ses pensées avaient quitté le métamorphosé un instant, si elle avait levé les yeux quelques secondes, elle l'aurait vu. Ce pokémon rosé à peine dissimulé au milieu des arbres. Ce pokémon qui ferma les yeux, songeur, avant de disparaitre dans un éclat de lumière.
***
Les dresseuses arrivèrent rapidement à destination. Flora frappa vigoureusement à la porte, celle-ci s’ouvrit sur un petit homme trapu et barbu relativement jeune. Son visage s’éclaira lorsqu’il reconnut la dresseuse auquel il avait offert son premier pokémon, mais il redevint sérieux en constatant la mine inquiète des deux jeunes filles essoufflées. Il ne mit pas longtemps à comprendre le problème en voyant que l’une d’elle tenait dans ses bras un pokémon mal en point. Le professeur n’attendit pas les explications, il retourna dans sa maison en les invitant à entrer.
Le laboratoire était désert, Seko prit une trousse de soin dans ses affaires en désordre puis se dirigea dans un coin de la pièce où se trouvait une table d’auscultation.
- Mes assistants sont déjà partis, mais je devrais m’en sortir. Posez-le sur cette table et allez-vous assoir, déclara le chercheur en bon professionnel.
Serena posa avec précaution le salamèche et alla s’assoir sur le canapé au fond de la pièce à côté de Flora. La jeune dresseuse joignit ses deux mains contre sa poitrine la mine inquiète, ce que la native d’Hoenn remarqua.
- Il est entre de bonnes mains, tenta-t-elle de rassurer son amie.
Serena, à cette remarque, se rendit compte de la position de ses mains. Elle se dépêcha de les séparer étonnée que ce geste qu’elle faisait en présence d’un certain dresseur revienne si rapidement. Elles attendirent pendant un long moment jusqu’à ce que le médecin improvisé revienne les voir.
- Le plus dur est passé, maintenant il a juste besoin d’une bonne nuit de sommeil.
Ces paroles apaisèrent immédiatement les deux dresseuses.
- En fait Flora, tu ne m’as pas encore présenté cette jeune fille, dit malicieusement Seko espérant détendre l’atmosphère.
- C’est vrai ! Je viens tout juste de la rencontrer elle s’appelle Serena et est originaire de Kalos.
- Ce salamèche est ton pokémon ? demanda le professeur à cette nouvelle connaissance.
Cette dernière secoua négativement la tête.
- Je venais tout juste de rencontrer Flora et c’est à ce moment qu’il est apparu.
- Etrange… marmonna le scientifique.
- Pourquoi ? demanda Serena.
- Les salamèches sont plutôt rares dans cette région, on les trouve préférentiellement à Kanto. Et encore, à l’état sauvage ce ne sont pas les plus simples à débusquer. Je me demande donc s’il n’a pas un dresseur, exposa-t-il son raisonnement.
- Il suffira de lui poser la question une fois réveillé, proposa Flora.
- Bon, je vais me replonger dans mes recherches ! dit Seko en s’étirant. Et vous, que comptez-vous faire ?
Serena dirigea son regard vers la table de soin. La flamme du petit pokémon luisait encore faiblement et il était parcouru de quelques soubresauts spastiques.
- J’aimerais rester auprès de Salamèche au moins jusqu’à ce qu’il se réveille.
- Moi aussi ! la soutint Flora.
Le professeur sourit face aux deux jeunes filles.
- Bien sûr, restez autant de temps qu’il vous plaira.
Elles le remercièrent et restèrent au côté du convalescent. Pour calmer un peu l’angoisse de l’attente, elles commencèrent à discuter. Flora ne tarda pas à révéler qu’elle aussi était coordinatrice. Cela surpris grandement la kalosienne. En voyant la puissance de Braségali elle s’était immédiatement imaginée que la dresseuse participait aux combats d’arènes. Le visage de Serena se décomposait au fur et à mesure qu’elle écoutait les péripéties de son ainée. Flora n’avait pas seulement participé aux concours d’Hoenn, mais aussi de bien d’autres régions éloignées et même si elle n’avait jamais obtenu le titre suprême, elle s’était placée plusieurs fois en tant que finaliste. La performeuse novice se sentait beaucoup moins confiante dans son projet, elle avait peut-être été un peu trop présomptueuse de croire qu’elle pourrait gagner face à des dresseurs aguerris par des années de concours.
- Et toi Serena, tu comptes participer aux concours ? demanda Flora.
Serena répondit par l’affirmative quoique peu assurée. Le visage de la dresseuse de Braségali s’illumina immédiatement, elle aimait toujours rencontrer des gens qui partageaient sa passion et elle avait hâte d’affronter cette fille venue d’une région inconnue.
- Je suis sûre que nos combats seront splendides, commença à imaginer la coordinatrice.
Le visage de Serena pâlit d’un coup pendant que ses yeux s’écarquillaient. Encore incertaine d’avoir bien compris elle répéta :
- Des combats ?
- Oui, lors de la deuxième phase, arqua un sourcil Flora sans comprendre la réaction de la jeune fille.
Serena se sentit soudain prise de panique. Elle n’était pas au courant qu’il y avait des combats, elle croyait qu’il fallait juste réaliser des performances comme à Kalos. Elle comprenait mieux pourquoi Braségali était aussi endurci malgré qu’il ne fasse pas de combats d’arènes.
- Ça ne va pas ? s’inquiéta Flora.
- Je… je n’étais pas au courant pour les combats. A Kalos, nous ne faisions que des performances.
- Donc tu n’as jamais fait de matchs officiels, comprit la coordinatrice.
Le regard de Serena s’assombrit, c’était la triste vérité. Ce n’était plus seulement un problème d’expérience, mais bien de compétence. En l’état actuel des choses elle n’avait absolument aucune chance de l’emporter.
- Je ne pourrai pas gagner, murmura la jeune fille.
- Ne dis pas ça ! Même si tu n’es pas habituée, je suis sûre que tu t’y feras très vite.
Serena n’était pas aussi emballée que la fille d’Hoenn, elle crispa ses mains contre sa robe rose et expliqua avec un sourire triste sur les lèvres :
- Quand j’ai quitté Kalos, je pensais avoir obtenu suffisamment d’expérience. Mais maintenant que je suis arrivée, que je me retrouve seule, je n’arrête pas de douter et de me demander si je serai à la hauteur. Il serait peut-être plus judicieux que je prenne du temps pour m’entrainer avec mes pokémons avant d’entrer dans la compétition…
Sacha en avait assez entendu et il n'avait plus d'intérêt à feindre le sommeil. Il ouvrit les yeux, sa vision était encore un peu trouble, mais elle ne tarda pas à s'éclaircir pour enfin revoir les deux visages qu'il connaissait si bien. Les jeunes filles s'arrêtèrent de parler et ne cachèrent pas leur soulagement en voyant le petit être sortir des limbes de l'inconscience. Serena, oubliant ses sombres pensées, adressa un grand sourire au pokémon feu qui sentit immédiatement son cœur se réchauffer et ses douleurs s’apaiser. Seko, alerté par les soudaines exclamations de joies, arriva dans la pièce se rassurant dès qu’il vit le blessé réveillé.
- Tu as pris ton temps pour émerger de ton sommeil. Je vais être obligé d’inviter ces jeunes filles à manger et dormir ici. Je ne peux tout de même pas les laisser repartir dans la nuit, fit il mine de gronder le pokémon.
- Merci beaucoup ! acceptèrent-elles avec joie cette invitation indirecte.
Serena se leva de son siège et demanda respectueusement :
- Puis-je utiliser votre cuisine ?
- Je n’y vois pas d’inconvénients, s’esclaffa le scientifique.
- Moi aussi je sais cuisiner ! s’exclama Flora. Et puis ce sera plus amusant de préparer le repas à deux.
La dresseuse aux yeux bleu n’eut pas le temps de décliner la proposition, elle se retrouvait déjà entrainée dans la cuisine par sa nouvelle amie. Sacha restait allongé sur la table, sa tête lui tournait et ses oreilles bourdonnaient encore. Il essayait pourtant de garder un œil ouvert et se concentrait sur les bruits de vaisselles et de casseroles qui s’entrechoquaient ainsi que la voix de Flora qui demandait quelques précisions sur le temps de cuisson. Prit d’un vertige, il ferma les yeux et reposa sa tête sur la table. La voix de Serena était trop faible par rapport au reste de la cacophonie pour qu’il puisse l’entendre. La jolie voix de Serena, rêvassa-t-il au milieu de la confusion de ses pensées.
***
Le professeur avait maintenant le champ libre pour achever ses derniers dossiers. Mais ses plans furent rapidement avortés par une sonnerie venant de l’autre côté du laboratoire. Il se leva non sans un grognement en sortant son ventre bedonnant de sous son bureau pour partir répondre à l’appel de son visiophone. Il alluma l’appareil, grattant sa barbe pendant que l’écran noir se colorait rapidement pour laisser apparaitre le visage d’un vieil homme. L’énervement d’il y a quelques secondes se fana lorsqu’il reconnut l’éminent archéologue aux yeux dorés d’Hoenn.
- Comment allez-vous professeur Edivo ?
- J’ai quelques soucis… J’ai perdu un salamèche près de chez vous et je me demandais si vous pourriez m’aider à le retrouver.
- Un salamèche… deux jeunes filles m’en ont justement ramené un il y a quelques heures.
- Était-il blessé à cause d’une attaque électrique ? demanda le professeur plein d’espoir.
- Effectivement, il était paralysé…
- C’est probablement lui ! cria l’homme aux yeux dorés.
- C’est votre pokémon ?
- Non, c’est plus compliqué que cela, pourriez-vous me le montrer s’il vous plait ?
- C’est-à-dire qu’il a encore besoin de repos, je ne pense pas qu’il puisse…
Il fut interrompu par une petite patte qui exerçait une pression sur son pantalon. Le pokémon le suppliait de ses grands yeux de reptiles de l’aider à atteindre l’appareil beaucoup trop haut pour lui.
- Tu ne devrais pas te lever, le rabroua Seko en le portant à la hauteur du visiophone.
- Sala, dit-il avec un léger salut de la patte.
De l’autre côté, une souris électrique apparut en criant de soulagement. Les oreilles dressées, son visage se parait d’une grimace à chaque nouvelle écorchure qu’il discernait sur les écailles orange.
- Attendez, ce pikachu… commença à reconnaitre Seko.
- Vous le connaissez ? Il s’agit du pokémon de Sacha Ketchum.
- Qu’est-ce que cela signifie ? Je connais bien Sacha et jamais il ne laisserait seul son Pikachu ! s’énerva le chercheur, soudain suspicieux envers l’archéologue.
- Inutile d’hausser la voix professeur, Sacha se trouve justement entre vos mains, le calma immédiatement Edivo comprenant qu’il était plus simple de tout expliquer.
- Sacha ! cria plus fort qu’avant Seko, mais il fut stoppé par une patte se plaçant contre sa bouche.
- Sa ! indiqua le métamorphosé, sa griffe faisant signe de garder le silence.
Personne ne comprenait la raison de ce geste si soudain. Pikachu commença à lui parler et Sacha lui répondit. Les deux professeurs suivaient la discussion enflammée selon le visage de la souris d’abord étonnée, passant du refus à la colère pour finalement sembler accepter, sans empêcher un grognement mécontent. Les deux scientifiques une fois tout terminé regardaient les deux pokémons de manière perplexe. Sacha le remarquant commença à faire des mimes tout en montrant la cuisine. Le chercheur pokémon réussit tant bien que mal à décrypter les mouvements rapides :
- Je crois qu’il veut rester avec ces dresseuses.
Salamèche s’empressa de confirmer cette interprétation puis Pikachu commença lui aussi à faire des mimes que le professeur Edivo parvint à comprendre. Il compléta ainsi la version de son collègue arrivant à la « traduction » suivante :
- Il veut aider une de ces filles durant son voyage, mais il ne veut pas qu’elle soit au courant. Il pense que si elle apprend sa véritable identité elle tentera de l’aider à tous prix même si cela signifie négliger son voyage et son rêve. J’ai bon ?
Les deux pokémons joignirent leurs pattes en un cercle pour montrer que le génial archéologue avait raison. Le professeur Seko, fort de ces explications, crut comprendre de qui Sacha parlait et lui demanda :
- C’est Flora que tu veux accompagner ?
La salamandre démentit immédiatement cette version d’un hochement de tête. Soudain, un nouveau vertige le prit et il dut rapidement s’assoir tout en fermant les yeux pour atténuer la désagréable sensation.
- Donc il s’agit de cette Serena, en déduisit logiquement Seko.
- C’est beau l’amour ! se moqua soudain Edivo, surprenant tout le monde.
Surtout Sacha qui devant cette remarque réouvra les yeux et rougit. Il essaya de répliquer, mais sa voix s’éteignit dans une quinte de toux.
- Ne t’agite pas, tu as encore besoin de repos ! s’énerva son soigneur. En fait, comment s’est-il retrouvé dans cet état ? demanda le scientifique curieux.
- C’est une drôle d’histoire. Tout est de la faute d’un masque antique, expliqua l’archéologue.
Le professeur Seko était surpris, mais il préféra écourter la conversation pour éviter de fatiguer le blessé.
- Ne t’inquiète pas Sacha, je veille sur ton Pikachu et je vais continuer mes recherches pour te faire retrouver ta forme normale, rassura Edivo. Néanmoins, si tu changes d’avis durant la nuit, nous t’attendrons demain dans la ville de Rosyères, rajouta l'archéologue avant que l’écran ne redevienne noir.
L’appel finit, Sacha n’avait rien d’autre à faire à part retrouver le confort de son lit provisoire. Seko, quant à lui, n’avait plus vraiment le cœur de se replonger dans ses recherches. Il faut dire qu’un humain qui se transformait en pokémon avait de quoi déstabiliser n’importe qui, même un scientifique qui avait vu plus d’une curiosité du monde pokémon. Le teint encore pâle, il se décida à vérifier que tout se passait bien pour ses deux invitées qui s’affairaient aux préparatifs du repas.
- Vous aviez l’air agité professeur. Les nouvelles n’étaient pas bonnes ? demanda Flora en fine observatrice.
- Ne vous inquiétez pas, tout va bien, répondit le professeur. J’ai regardé si ce Salamèche avait un dresseur.
- Et alors ? demanda Serena intriguée.
- C’est en fait un pokémon sauvage, on dirait que je ne connais pas encore bien cette forêt. Elle recèle toujours son lot de surprise, rit Seko quelque peu crispé.
Sacha dans la pièce d’à côté pouvait entendre les éclats de rire et les discussions animées. Il mourrait d’envie de les rejoindre, mais ses membres endoloris le firent vite renoncer. Il les entendit sortirent discrètement de la cuisine et monter dans leur chambre à l’étage, faisant au passage grincer les escaliers. Il ressentit alors l’immensité de cette pièce obscure. Lorsqu'on était seul, sans personne à ses côtés on sentait un froid glacial s’insinuer en nous. De mauvais souvenirs remontaient en lui. Il pesta, c’était la première fois depuis sa rencontre avec Pikachu qu’ils refaisaient surface.
C’est vraiment une mauvaise journée, pensa Sacha.
Il entendit à nouveau les escaliers grincer et une présence s’approcher. Il se retourna, la flamme de sa queue illuminant des yeux bleu azur. La jeune fille sembla surprise et gênée qu’il soit réveillé, mais lui fit finalement un de ses grands sourires dont seule elle avait le secret et lui tendit une profiterole tout en murmurant :
- J’espère que tu vas vite te rétablir.
Salamèche saisit la friandise et s’en délecta goulument, la jeune fille ne put empêcher un léger rire de franchir ses lèvres.
- C’est étrange, tu me rappelles un dresseur avec qui j’ai voyagé.
Elle s’en alla quand il eut fini tout en lui souhaitant une bonne nuit. Finalement… peut-être pas si mauvaise que ça. Et il sombra dans un profond sommeil.
***
Le réveil était dur pour la jeune performeuse, ses yeux refusaient de s’ouvrir et après tout elle n’était pas pressée, personne ne l’attendait.
- Allez debout ! entendit-t-elle soudain, alors que la lumière s’intensifiait parvenant à traverser la barrière de ses paupières.
Elle se leva en baillant pour découvrir le visage souriant de Flora.
- Ça te dit de venir chez moi ? demanda la coordinatrice.
- Hein ? Comment ? Pourquoi ? se perdit celle qui venait tout juste d’ouvrir les yeux.
- J’habite à Clémenti-ville, ce n’est pas très loin et c’est plus amusant de faire le voyage avec une amie. Donc tu m’accompagnes et tu n’as pas le choix ! ajouta la démone, faisant frissonner Serena.
Devant un tel ordre elle se dépêcha de se changer, manger, mettre à jour son navi-map grâce au professeur et de dire au revoir au maître de maison.
- Bonne route ! dit le vieil homme encore dans les brumes d’un matin difficile.
Il les regarda s’éloigner jusqu’à ce qu’elles disparaissent dans la végétation. Il se tourna vers l’intérieur de sa maison, Salamèche toujours en train de dormir.
- Salamèche… Sacha ! s’écria-t-il soudain en le réveillant.
Il avait laissé partir les filles en oubliant complètement que le métamorphosé voulait les suivre. Dès que le pokémon s’en rendit compte, et après les excuses de Seko, il quitta le laboratoire à toute vitesse en oubliant même son petit déjeuner.
***
Les deux nouvelles amies marchaient côte à côte sur le chemin sinueux traversant la forêt qui les mènerait à Clémenti-Ville. Suivant leurs traces, une petite salamandre orangée courait du mieux qu’elle pouvait espérant les rattraper avant de s’effondrer de fatigue.
Il finit enfin par les voir au loin. Soulagé, le petit monstre s’arrêta le souffle court. Le bruit de cette respiration haletante ne tarda pas à attirer l’attention des deux jeunes filles. Elles se retournèrent en même temps jusqu’à ce que leur regard se pose sur… sur rien en fait. Le chemin était désert, pas le moindre signe de vie.
Notre petit Salamèche s’était caché dans les fourrés à l’instant où elles s’étaient arrêtées. Pour quelle raison ? Sacha ne savait tout simplement pas comment demander à Serena de l’emmener avec elle. Lui qui ne pouvait désormais se faire comprendre que grâce à de grands gestes, la communication risquait d’être difficile. Et puis, pour une raison qu’il ignorait, le fait de s’imaginer ces grands yeux bleus se poser sur la faible créature qu’il était devenu le rendait nerveux et quelque peu honteux.
L’ancien garçon aurait pu rester caché jusqu’à ce que les deux dresseuses partent, mais sa queue, qu’il avait tendance à oublier, le trahit en dépassant de sa cachette. Elles ne mirent pas longtemps à remarquer la petite flamme sortant des arbustes et s’approchèrent discrètement. Une fois suffisamment proche Flora dit avec un grand sourire :
- On t’a trouvé Salamèche.
Le concerné sursauta et se retourna rapidement en bougeant les bras de manière désordonnée et en poussant de petits cris. Il s’arrêta en voyant le visage dur de Serena, les poings posés sur les hanches. Cette attitude ne lui disait rien qui vaille. Elle lui demanda quelque peu énervée :
- Que fais-tu ici ? Tu devais rester avec le professeur Seko pour te reposer !
- Allons Serena… Je sais que tu t’inquiètes pour lui, mais maintenant ça ne sert à rien de le gronder, tenta de la calmer Flora.
Puis elle se tourna vers le pokémon feu en lui faisant la proposition suivante :
- Est-ce que tu veux nous accompagner ?
La réponse de Salamèche se traduisit en un cri de joie accompagné d’une attaque Flammèche. Les deux voyageuses esquivèrent agilement les petites flammes qui finirent leur course dans les arbres. La conséquence ne mit pas longtemps à apparaitre sous la forme d’une nuée de papinox légèrement brulés et surtout en colères. Serena, Flora et Salamèche devant cet essaim se dépêchèrent de fuir, mais le fait que Sacha était toujours peu dégourdi dans son corps fit qu’il trébucha, s’étendant lourdement au sol à la merci des pokémons insectes et de leurs attaques Rafale Psy. Heureusement, deux puissants Lance-flammes se heurtèrent aux attaques ennemies les neutralisants dans une explosion. Sacha put voir Serena et Flora aux côtés de leurs fidèles Roussil et Braségali.
- On ne voulait pas vous blesser, mais il est hors de question qu’on vous laisse faire du mal à Salamèche ! cria Serena tandis que les deux pokémons utilisaient à nouveau leurs flammes pour faire fuir leurs poursuivants.
Une fois tout danger écarté, les filles s’approchèrent de Salamèche qui se relevait péniblement. Serena s’accroupit à son niveau lui demandant s’il allait bien. Mais Sacha complètement dépité ne lui prêtait pas attention, trop occupé à fixer le sol.
- Salamèche ? Tout va bien ?
Il sembla sortir de sa torpeur et esquissa un léger mouvement affirmatif de tête en signe de réponse.
- Tant mieux. Mais tu dois faire plus attention quand tu utilises tes flammes, dit d’une voix douce Serena.
Même si aucun reproche ne transparaissait dans sa voix, Sacha s’en voulait de lui avoir attiré des ennuis alors que son but premier était de l’aider. Il serra ses petits poings. Au fond de son âme naissait une question douloureuse : avait-il bien fait de la suivre ?