Derkomai's Mask

Chapitre 1 : Les gypsophiles n'ont pas encore éclos

3289 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/01/2024 15:39

Le vide… c’est ce que l’on aurait pu penser au premier abord, mais si on observait bien, si on se concentrait suffisamment, on pouvait apercevoir de fins fils dorés flotter dans ce monde où l’on ne pouvait définir s’il était d’un blanc immaculé ou d’un noir profond.

Si on avait suffisamment de patience pour attendre, il était possible d’assister à un étrange spectacle. Les fils se rapprochaient, petit à petit, donnant à la fin ce que l’on aurait pu comparer à une corde dorée. Alors qu’elle continuait de s’expandre, une créature lumineuse aux yeux colorés apparue éclairant ce monde avant de disparaitre aussi vite qu’elle était venue. Le fleuve doré continuait son ballet, imperturbable, grandissant, se mouvant, se séparant en deux parties exactement similaires… Similaires ? Non, il y avait une infime différence. Un voile épais déchira l’espace, séparant les deux fleuves.

Laissons celui d’origine qui disparait dans un lieu inconnu et suivons son alter ego qui redevient de simples fils.

Des milliers de formes identiques se forment à partir de ces liens dorés, et l’une d’elle, l’une d’elle est issue de la singularité, elle n’aurait jamais dû exister et pourtant de cette toute petite erreur va naitre un tout nouveau voyage !

A moins que cela ne soit la fin de tout ce que nous connaissons…


***


Près de la Forêt de Jade, une petite bourgade des plus paisibles se réveillait avec les premiers rayons du soleil. Les cris des pokémons matinaux invitaient les habitants à sortir de leur doux sommeil et à profiter de cette nouvelle journée qui s’annonçait des plus paisibles. Un jeune garçon tardait pourtant à ouvrir les yeux, il ramena sa couette pour couvrir davantage son visage et ainsi se protéger de l’agression du soleil et des bruits extérieurs. Les rayons de lumières changèrent alors de cible pour effleurer le pelage jaune d’un pokémon somnolant à côté de son maître. Une stratégie qui s’avéra payante puisque la petite bête ne tarda pas à ouvrir grand la gueule en un bâillement qui découvrait ses petits crocs.

- Pikachu ! cria-t-il soudain.

Une tête émergea de sous les couettes baillant à son tour, mais laissant rapidement place à un grand sourire.

- Prêt pour une nouvelle journée mon vieux copain ?

- Pikapi ! sourit à son tour la souris électrique.

Le jeune dresseur se changea rapidement et descendit dans le salon pour découvrir un savoureux petit déjeuner posé sur la table.

- Tu as bien dormi ? demanda une jeune femme déposant un bol de lait devant son fils et de la nourriture au pied du petit monstre.

- Oui, merci maman, répondit l’intéressé en mordant dans une énorme tartine de confiture.

- Tu es rentré si tard hier... ça n'a pas été facile de quitter Kalos, n'est-ce pas ?

- C'était un bon voyage, un très bon voyage, avoua le garçon.

Il conta ses différentes rencontres, les combats qu’il avait livrés en compagnie de ses pokémons, la ligue, l’attaque de la team Flare. Et bien entendu, il décrivit en détail ses amis : Lem, l’inventeur génial malgré le fait que ses machines avaient l’habitude de finir leurs vies dans une énorme explosion. Clem, la petite sœur pleine d’énergie adorant les pokémons. Et enfin Serena, une performeuse de talent lui ayant été d’une grande aide tout au long de son voyage. Il ne tarissait pas d’éloges au sujet de la jeune fille bien qu’il n’évoque jamais, au cours de son récit, le tendre baiser qu’il avait reçu comme adieu. Il préférait même l’oublier, sachant pertinemment qu’il ne la reverrait pas avant un long moment.

- Cette Serena semble être une amie précieuse, remarqua sa mère.

- C’est normal ! On a voyagé ensemble à travers tout Kalos et vécu énormément de choses. En plus, je l’avais déjà rencontrée au camp d’été du professeur Chen !

- Le camp d’été… Mais oui ! Maintenant que tu m’en parles, je me souviens d’elle. Elle est partie peu de temps après. Tu étais tellement triste de ne pas avoir pu passer plus de temps avec elle, se remémora sa mère avec nostalgie.

- Je ne m’en souviens pas vraiment mais…

- Mais… attendit sa mère.

- C’est vrai que la quitter hier m’a fait comme un pincement au cœur, finit par dire Sacha les yeux dans le vague.

Sa mère émit un léger rire en comprenant que cette jeune fille était quelqu’un de vraiment particulier pour son fils.

- Qu’est-ce qu’il y a maman ?

- Moi !? Oh rien, je me disais juste que tu avais un peu grandi, se moqua-t-elle.

Sacha finit d’avaler son déjeuner, mis sa casquette sur ses cheveux noirs toujours en bataille tandis que son fidèle Pikachu sautait sur son épaule.

- Je vais déposer mes pokémons chez le professeur Chen ! déclara le garçon en enfilant sa veste.

- Laisse-moi le temps de faire la vaisselle, je t’y accompagne.


***


La petite famille était proche du laboratoire, Sacha pouvait apercevoir une forme noire près de la bâtisse. Il décida d’aller voir cela de plus près et partit en courant laissant la jeune femme derrière lui. Une fois suffisamment proche, il put distinguer un hélicoptère. Se demandant la raison de la présence d’un tel objet contrastant avec le paysage général, il se précipita dans le laboratoire en criant:

- Professeur Chen !

Il se stoppa net en voyant le vieux scientifique en compagnie d’un autre homme. Semblant avoir la cinquantaine, il était un peu plus grand que Chen mais portait la même blouse si caractéristique des hommes de science. Son visage était parcouru de quelques rides et arborait une barbe noire, en revanche son crane était vierge de tous cheveux. Le plus marquant était probablement ses yeux qui avaient la particularité d’être dorés les rendant luisant lorsqu’ils entraient en contact avec les rayons solaires.

- Sacha, ne rentre pas de manière aussi intempestive ! Si j’étudiais un pokémon, il se serait déjà enfui, le rabroua le chercheur.

- Désolé, dit Sacha penaud en se grattant la tête.

- Allons cher ami, il est normal qu’un jeune de son âge soit plein d’énergie, et il ne nous a pas vraiment dérangés, rassura l’inconnu tout en posant ses yeux dorés sur le dresseur de Pikachu.

La mère de Sacha arriva à cet instant, le professeur Chen soupira avant de commencer les présentations :

- Professeur Edivo, je vous présente Sacha, un jeune dresseur auquel j’ai offert ce Pikachu, et voici sa mère : Délia.

Le fougueux garçon ne le laissa pas finir les présentations.

- Vous aussi vous étudiez les pokémons ? demanda Sacha tout excité à Edivo.

- Bien que j’aie quelques connaissances à leurs sujets, je suis en réalité archéologue, répondit l’intéressé avec un léger sourire.

Sacha se sentait tout de suite moins intéressé et son Pikachu, lui, avait déjà mis pied ou plutôt patte à terre pour se lancer dans une petite exploration de la maison de son ancien maitre. Pendant ce temps, le professeur Edivo se lançait dans une grande description de ses recherches. Sacha commençait à s’ennuyer et ne comprenait pas vraiment tout le charabia scientifique, mais il ne voulait pas interrompre le chercheur pour en quelque sorte se faire pardonner de sa précédente interruption.

- Vois-tu, dans la ville antique découverte par mon équipe il y avait ces masques, expliqua-t-il tout en pointant du doigt quelques objets sur la table.

L’un d’eux retint particulièrement l’attention du dresseur. D’un noir profond, il avait la même bouche grande ouverte que les autres mais adoptait une apparence plus animale. Suivant son regard, Edivo sourit.

- Je vois que tu as l’œil mon garçon ! Celui-ci est différent des autres, nous l’avons baptisé Derkomai. Comme je l'expliquais au professeur, il dégage une puissante énergie ressemblant étrangement à celle des pokémons. J'espérais en venant ici y voir un peu plus clair sur ce phénomène.

- Et vous ne vous êtes pas trompés, j'ai bien l'intention de tout mettre en oeuvre pour percer ses secrets, assura Chen.

Pikachu avait suivi la conversation d’une oreille. Intrigué par la description de l’antique objet qu’il ne pouvait voir depuis le sol, il s’approcha et d’un bond se retrouva sur la table. Il tomba ainsi nez à nez avec un visage affreusement grimaçant le faisant reculer dans un sursaut de surprise et de peur. Il percuta le précieux Derkomai qui voltigea dans les airs risquant de subir un triste sort lorsqu’il percuterait le sol. Sous le cri de son pokémon, Sacha s’élança pour rattraper l’élément archéologique. Il se retrouva dos au sol, juste en dessous, tendant les mains, mais le masque moqueur lui échappa et atterrit sur son visage.

A cet instant, une lumière rayonna dans le laboratoire, éblouissant les spectateurs. Lorsqu’ils rouvrirent les yeux, la stupéfaction s’empara des quatre témoins ou plutôt sept, en comptant ceux qui espionnaient par la fenêtre. Une étrange scène s’offrait à eux : sur le sol il ne restait plus que les vêtements du garçon qui bougeaient légèrement. Au bout d’un moment, une tête orangée ressemblant à un lézard en sortit. Le monstre saisit l’étoffe entre ses courtes pattes griffues et s’en dégagea pour laisser apparaitre un corps écailleux et une queue ornée à son bout d’une flamme brulante.

- Un… salamèche… articula le professeur Chen non sans difficulté.

Le pokémon regarda autour de lui surpris avant d’observer ses pattes et de crier :

- Sala… Salamèche !?

La petite salamandre plaqua ses pattes devant sa bouche, son visage déformé par le choc d’entendre sa propre voix. Les autres n’en menaient pas bien large non plus et finalement seul Pikachu réagit et sauta au côté du pokémon feu. Ils échangèrent quelques mots, puis Pikachu saisit le visage de Salamèche et le tira de toutes ses forces. Constatant que cela ne servait à rien, la souris jaune se stoppa, résignée.

- Que s’est-il passé ? Où est Sacha ? demanda paniquée Délia devant le silence des scientifiques.

- Je crois qu’il est devant nous, finit par répondre Edivo.

- Comment ?! s’écrièrent en cœur les deux autres adultes.

- Eh bien, dans la ville antique, il y avait des tablettes racontant des transformations d’humains en pokémons… Mais je croyais qu’il s’agissait d’images symboliques, de rituels métaphoriques ou même de contes de l’époque. Je ne pensais pas que cela pouvait vraiment arriver.

- Attendez ! Ne me dites pas que vous n'avez aucune idée de comment lui rendre sa forme normale ! paniqua le spécialiste des pokémons.

L’archéologue réfléchit, passant sa main dans sa barbe et fermant les yeux semblant plonger dans une profonde méditation. Lorsque ses pupilles réapparurent, il déclara :

- Le mieux est qu’il m’accompagne à Hoenn, c’est là-bas que j’ai découvert la citée Atellanes dont sont originaires les masques. Peut-être trouverons-nous des indices pour lui rendre sa forme d’origine.

Chen et Délia acceptèrent de laisser le jeune dresseur sous les soins d’Edivo. Seul Pikachu refusa de rester au laboratoire voulant accompagner et protéger son dresseur, sans compter le fait qu’il était responsable de cette situation. Sacha, sous sa forme de Salamèche, confia ses pokémons au professeur du Bourg Palette puis suivit le professeur Edivo bien qu’il ait un peu de mal à se déplacer étant donné ce nouveau corps qu’il n’avait pas l’habitude de contrôler.

La team Rocket les suivait du regard, une nouvelle occasion incroyable se présentait à eux. S’ils parvenaient à attraper Pikachu le dresseur dans son état actuel ne pourrait pas aider son ami. Ils sourirent en murmurant :

- Chance !

Le barbu aida Sacha à monter dans son hélicoptère et s’installa aux commandes. La team de bandits les suivait de près, se préparant à l’attaque. Cependant, l’engin décolla rapidement. Trop rapidement pour le trio qui se retrouva suspendu dans les airs, accrochés aux emports.

Le professeur Edivo n’était pas un mauvais pilote, pourtant il semblait prendre un malin plaisir à conduire son jouet en négligeant toutes règles de sécurité. C’est ainsi que Sacha, Pikachu et la team Rocket se retrouvèrent ballotés dans tous les sens. A un moment, la souris électrique excédée de s’être pris la porte de l’appareil tenta de lancer sa fétiche attaque tonnerre. Heureusement Sacha l’en empêcha juste à temps, même s’il commençait vraiment à avoir le mal de l’air…

De son côté, Délia était en train de rentrer chez elle, espérant que tout se passerait bien pour son fils. Elle s’arrêta un instant pour observer les minuscules fleurs blanches qui avaient poussé près de sa maison. Elles baissaient la tête, refusant d’ouvrir leurs pétales. Quand vous réveillerez vous ? interrogea la mère.


***


La conduite du chercheur se calma enfin, il prit son micro et dit en s’amusant à imiter les pilotes de ligne :

- Il est actuellement dix-sept heures, heure locale, nous arrivons dans la région de Hoenn, veuillez-vous préparer à attacher vos ceintures… suis-je bête, je les ai supprimées ! finit-il avec un rire gras.

- Sala… soupira Sacha.

- Pikapi ! entendit-il soudain.

Il se tourna vers son ami, le découvrant enfermé dans un cube coloré. Le bruit du rotor s’était fait plus fort et un vent froid s’engouffrait dans la petite cabine. Sacha mis son bras devant son visage pour se protéger de la poussière qui blessait ses yeux.

- Mèche ? questionna-t-il.

Des rires de différents timbres lui répondirent alors qu’il distinguait, dans le cadre de la porte désormais ouverte, l’éternel trio de malfaiteurs.

- Qu’est ce qui se passe derrière ? demanda le scientifique.

- Nous emmenons Pikachu, vieux fou ! déclara Jessie.

Miaouss s’approcha du cube emprisonnant le pokémon, mais Sacha s’interposa entre les deux découvrant ses crocs.

- Tiens, le morveux s’énerve ! se moqua Miaouss face au pitoyable dresseur.

Le chat déchanta vite lorsqu’il lui griffa le visage. Le monstre se recula de quelques pas tout en frottant de ses coussinets ses nouvelles balafres.

- Saleté ! cria Miaouss.

Jessie et James se regardèrent et d’un signe de tête entendu, décidèrent que l’occasion était trop belle pour ne pas prendre leur revanche sur le morveux. Les deux bandits appelèrent leurs pokémons qui ne cachèrent pas leur joie d’être à nouveau dehors. La seiche frottait son corps bleu contre le torse de son maître pendant que la citrouille enlaçait la femme avec ses longs cheveux semblables à des bras. Leurs dresseurs les rappelèrent vite à l’ordre, ils devaient travailler avant de pouvoir s’amuser.

- Sépiatop, Rafale Psy ! ordonna James.

- Branchitrouye, Ball ’ombre ! suivit Jessie.

Dans une parfaite synchronisation, les deux monstres concentrèrent leur énergie pour la projeter sur le faible reptile. Sacha tenta d’esquiver, mais une nouvelle secousse le fit trébucher. Son menton percuta le sol d’une manière qu’il n’était pas prêt d’oublier. Le rayon coloré et la sphère ténébreuse frôlèrent le haut de son crâne et finalement percutèrent la cage juste derrière lui. Le cube grésilla, ses parois se distordirent et finalement il explosa créant au passage un épais nuage de fumée. Sous le choc, l’hélicoptère fit une embardée et tous les occupants furent libérés pendant quelques secondes de la pesanteur avant d’être brusquement plaqués contre les différentes parois.

Pikachu se relevait difficilement après que l’engin ait retrouvé un semblant d’équilibre. Ses oreilles sifflaient et sa vision était brouillée à cause de l’amas compact de poussières. Il tourna la tête à droite, puis à gauche avant de se retourner. Le vent frappait son visage et ramenait encore plus de poussière dans ses yeux déjà larmoyants. Cependant, il pouvait deviner en face de lui les formes humaines de ses ennemis jurés ainsi que l’ombre des deux créatures qui lévitaient autour d’eux. Les joues rouges du monstre crépitèrent, son poil se hérissa. Il ne pensait qu’au danger en face de lui et face à cela il n’y avait qu’une seule réponse possible.

Pikachu ne fit pas attention aux jurons du monstre chat lorsqu’il sauta dans les airs, tout comme il ne chercha pas à savoir où était son maître lorsque le tonnerre s’échappa de son corps. L’éclair fatal fendit la fumée et quelques secondes avant l’impact, la souris aperçut des écailles orange briller sous l’effet de la vive lumière. Il était trop tard pour arrêter l’attaque, elle percuta de plein fouet la Team Rocket ainsi que Sacha les faisant s’envoler vers d’autres cieux.

Le cri de Pikachu s’étouffa dans sa gorge. C’était de sa faute. C’était encore de sa faute ! Le petit être, désemparé devant le sort qui s’acharnait sur son ami, se précipita vers la porte grande ouverte de l’appareil.

- Calme-toi ! lui intima le professeur craignant qu’il ne fasse une bêtise.

- Pika ! s’énerva le pokémon.

- On va tenter de le retrouver depuis les airs, essaya Edivo avec un sourire qui se voulait rassurant.

- Pi…

Ils cherchèrent le métamorphosé dans un certain rayon, sachant que les lois de la gravité universelle avaient probablement empêché qu’il n’atterrisse trop loin. Mais ils eurent beau sonder ce qui les entourait depuis les airs, la forêt en forte densité rendait peu efficace la recherche aérienne.

- Ça ne sert à rien de continuer, décréta le pilote.

- Pika ! refusa le pokémon.

- De toute façon on va bientôt être à court de carburant, on doit se rendre dans une grande ville pour refaire le plein. Je vais contacter le professeur Seko, il est proche du périmètre où aurait pu atterrir ton dresseur. On pourra lui demander de l’aide pour le retrouver.

Pikachu accepta non sans quelques réticences. Alors que l’engin s’éloignait, il jeta un dernier regard vers la forêt où était perdu son ami.

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