Mechamon Iris
VII - Cramois’îles
Chapitre 51 - En eaux troubles
Combien de jours se sont écoulés depuis mon retour de Safrania ? Je n’en ai aucune idée. Peut-être qu’à une époque, j’aurais pu vérifier la date et l’heure sur un des nombreux appareils présents dans ma chambre. Mais ces dispositifs sont désormais en morceaux, éparpillés aux quatre coins de la pièce.
Mon existence est devenue si chaotique, que je ne sais plus quoi penser. Le passage du temps me terrifie. L’extérieur de cette chambre également. Qui suis-je ? Green Chen ? Le Professeur ? Est-ce que ces deux entités sont la même personne ?
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que toutes ces questions me hantent l’esprit soudainement ? Tout était si simple avant qu’Azul ne revienne d’entre les morts… Son retour a éveillé chez moi un sentiment d’espoir, mêlé à une angoisse grandissante.
Je pensais qu’en le tuant à nouveau, je serais libéré. Je pourrais récupérer Scarlett et vivre la vie dont je rêve depuis tant d’années. Mais alors qu’il était sur le point de chuter vers sa mort, à la Sylphe SARL…
J’ai hésité.
Une part de moi souhaitait le tuer avant qu’il n’atteigne le sol. Mais une autre part me hurlait de ne pas le laisser mourir.
Qu’aurais-je fait si Olga ne m’avait pas interrompu ?
…
“... je l’aurais probablement sauvé…”
L’idée ne m'avait jamais traversé l’esprit, mais si Scarlett est avec lui, alors je n’ai plus besoin de le tuer. Il me suffit de les rejoindre. Il me suffit de me battre à leurs côtés.
Alors que mon cœur s’emballe en imaginant une vie avec les deux personnes que j’aime le plus sur Terre, la porte de ma chambre s’ouvre, balayant au passage les ordures habitant le sol.
“Tsk…” La Dame de glace claque de la langue en entrant dans la pièce, me regardant avec du dégoût. Comme si je faisais partie des déchets. “Tu as au moins eu la décence de te nourrir à ce que je vois. Mais il serait temps que tu sortes pour assumer les conséquences de tes crimes, tu ne penses pas ?”
Je me contente de la fixer sans rien dire. Il est inutile de discuter avec cette femme. Je suis incapable de la comprendre. Comme tous mes autres congénères, mais Olga est à un autre niveau.
Perdant patience, elle s’approche de moi d’un pas assuré. Attrapant le col de mon pull, elle n’a aucun mal à me forcer à me lever. Je vois alors mon reflet pour la première fois en plusieurs jours, dans son œil de verre.
“Ton petit jeu à Safrania m’a été utile au final, je ne vais donc pas te réprimander pour cela. Mais une question me taraude. Qu’allais-tu faire lorsqu’Azul était en chute libre ?” Son œil rose me fixe comme s’il sondait mon âme.
Ravalant ma salive, j’hésite à répondre. Jusqu’à présent, je n’en ai fait qu’à ma tête, pensant qu’il s’agissait d’une affaire personnelle. Mais Azul est l’ennemi de la Ligue. Et ce, depuis plus de deux ans maintenant, puisque Lance souhaitait le voir mort, la veille de la bataille de Tohjo.
Finalement, Olga reprend la parole avant que je n’aie le temps de trouver une réponse.
“Tu as été suffisamment fou pour penser à le sauver… Alors que c’est toi qui l’as mis dans cette situation, à la base.”
Ses mots tranchent profondément dans ma chair. Mes oreilles se bouchent naturellement tandis que mes muscles se contractent.
Elle a raison… Si je ne l’avais pas tué, il y a deux ans, Azul n’aurait pas à vivre tel un fugitif. Il n’aurait pas à se battre pour sa survie. Il faut que je les rejoigne vite, lui et Scarlett—
“Quoi ? Tu penses pouvoir faire comme si de rien n’était ?” demande Olga, d’une voix froide. “Personne ne te pardonnera, Green Chen. Pour tous les crimes que tu as commis.”
…!
Mes mains tremblent tandis que je les colle à mon visage. Ma respiration s'accélère, alors que je repense à toutes mes victimes. Toutes les personnes qui sont mortes par ma faute.
Qu’ai-je fait…? Pourquoi ai-je fait tout ça ? Pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi POURQUOI ?!
La Dame de glace me relâche au sol, avant de se tourner en direction de la sortie, son regard perçant toujours par-dessus son épaule.
“Lance a dit que nous n’avons plus besoin de toi. Tu es libre de partir où tu le souhaites. Ou alors, tu peux continuer de pourrir dans cette déchetterie.” Dit-elle, avant de sortir. Les claquements de ses talons résonnant dans le couloir alors qu’elle s’éloigne peu à peu, me laissant de nouveau sombrer dans le désespoir.
“Quatre unités aériennes à bâbord !”
Les membres de l’équipage du Mitsu-Marin, un petit bateau de transport de marchandise partant du port de Parmanie en direction des Cramois’îles, se mobilisent aux quatre coins du vaisseau, lançant l’alerte générale.
“Veuillez immobiliser votre navire immédiatement ! Que tous les passagers se réunissent sur le pont, nous allons procéder à un contrôle !”
Une voix résonne à travers les hauts-parleurs d’un petit bateau de la garde côtière de Kanto, tandis que quatre Skar, des Mechamon Soldats aériens appartenant à la Ligue, n’encercle notre propre navire.
“Ici le capitaine du Mitsu-Marin. Donnez-nous un instant pour jeter l’ancre…”
Le capitaine, un homme portant une longue moustache tombant comme des mèches sur chaque côté de sa bouche, me fait signe pour que j’aille préparer mon Soldat.
Je m’empresse, discrètement, en longeant les nombreux conteneurs que nous transportons, de rejoindre celui qui abrite mon mecha. Ce dernier est entrouvert par défaut, pour justement pouvoir agir vite en cas d’urgence. Je me glisse donc à l’intérieur, faisant désormais face à ma nouvelle machine : l’Eevolv-S.
Son design change quelque peu comparé à celui que je pilotais autrefois, mais on reconnaît quand même son appartenance à la famille des Eevolv rien qu’en le regardant. Bref, qui dit nouveau Soldat, dis nouvelle Pokéball. Je sors donc ma Superball de la poche de ma veste.
Cette nouvelle version du dispositif est la même qu'utilisait Green, lors de notre bataille à Safrania. Apparemment, il l’aurait développé avec l’aide de la Sylphe SARL. L’idée d’utiliser quelque chose qu’il aurait créé me dégoûte un peu, mais il serait stupide de cracher sur de meilleures armes…
La Superball permet, entre autres, de créer des macros. Des ordres prédéfinis, permettant au Soldat d'exécuter des actions plus complexes à la simple pression d’une combinaison de boutons. Le tout, bien évidemment, à distance.
Nous ne sommes pas encore au niveau de contrôle que possède Ember sur son mecha, mais on ne va pas dire non au progrès.
Quoi qu’il en soit, j’utilise la fonction de base de ma Pokéball bleue afin d’ouvrir le cockpit de l’Eevolv-S, avant de me glisser à l’inté— Hah ?
“Mm ?”
Crunch. Une fille à la chevelure chaotique lui retombant sur le visage me regarde, en mangeant lentement une chips qu’elle tient dans sa main. Son visage étant uniquement éclairé par la lumière de son pc portable.
…
Une clandestine ? Non. Je suis le seul capable d’ouvrir le cockpit, logiquement. Est-ce que les ingénieurs l’ont oubliée avant qu’on ne quitte Safrania…?
Plus je la fixe, et plus la jeune fille se met à trembler. Les restes de sa chips se brisant entre ses doigts alors qu’elle tente de bafouiller des mots incompréhensibles.
J’ai oublié de le mentionner, mais le cockpit de l’Eevolv-S est particulièrement spacieux. Un espace suffisamment grand pour y caler une seconde personne au-delà du pilote se trouve juste derrière le siège. J’ai toujours cru qu’il s’agissait d’un espace de stockage.
“Azul ? Est-ce que tu es prêt ?”
La voix d’Ember, ma partenaire, résonne dans l’habitacle, via le système de communication. Je me penche donc à l’intérieur afin d’appuyer sur une touche pour lui répondre.
“Donne-moi un instant.”
Attrapant la capuche de la créature clandestine habitant ma nouvelle machine, je commence à la tirer vers l’extérieur, de force.
“N.. N.. Non ! Attends ! T.. Tu ne peux pas m’expulser !! C.. Ce Soldat est mon nouveau chez-moi !!!” hurle-t-elle en se débattant.
Cette fille est complètement folle… De toutes les espèces de vermines que je pensais trouver un jour dans mon cockpit, je n’aurais jamais cru qu’un être humain serait la première à y élire son domicile.
“Ton nouveau chez-toi, ce seront les putain de fonds marins, lorsque j’en aurais fini avec les Skars à l’extérieur !”
“H.. HAH ?! N.. NOOOON !! AU SECOURS !!!”
Alors que la squatteuse s’accroche au siège comme si sa vie en dépendait, la voix d’Ember nous parvient à nouveau. Il semblerait que j’aie omis de mettre mon micro en muet dans notre canal de communication.
“M.. Morgane ?! Que se passe-t-il ?!”
“EMBEER ! IL VEUT ME TUER !! CE TYPE EST ENCORE PLUS FOU QUE MES ANCIENS COLLÈGUES !!!”
Un instant… « Morgane » ? J’arrête de la tirer et me contente de la fixer à nouveau. Analysant son apparence.
“... C’est toi la Sorcière de la Ligue ?”
Elle acquiesce furieusement, des litres de sueurs coulant le long de sa peau. Mais sa tête se stoppe alors soudainement, comme si elle venait de prendre conscience de quelque chose. Elle bouge alors sa tête de gauche à droite, tout aussi frénétiquement, ses longs cheveux noirs balayant l’air à chaque mouvement.
“J..J..J.. Je ne suis plus la Sorcière de la Ligue !!! J.. Je suis la Sorcière de la rébellion maintenant ! Enfin non… Attends…” Elle fait une pause, réfléchissant deux secondes avant de se corriger. “Je suis la Sorcière de l’Eevolv-S !!!”
“Ah ouais…”
Sur ces mots, peu convaincu, je jette définitivement Morgane en dehors de mon Soldat. Cette dernière poussant un gémissement de douleur lors de l’impact entre son visage et le sol.
Enfin, je m’assois sur le siège du pilote, poussant un léger soupir en fermant le cockpit.
“C’est bon. Je suis pr—”
Avant que je n’aie le temps de finir ma phrase, je vois une silhouette féminine essayer de se glisser dans le cockpit dans une scène digne d’un film d’horreur, alors que les portes se ferment peu à peu.
“E.. Espèce d’idiote !!” Je crie, attrapant le poignet de cette conne de sorcière, la tirant de toutes mes forces avant que le cockpit ne se ferme totalement.
Je n’arrive pas à croire que cette fille parvienne à m'essouffler en si peu de temps, là où Koga et Giovanni ont eu à se donner beaucoup plus de mal pour y parvenir…
“J.. Je suis une partie intégrante de ce Soldat maintenant…” dit-elle, également à bout de souffle, son corps allongé horizontalement sur mes genoux, avant que mon poing ne rencontre son crâne. “AIE !”
“Heureusement, j’ai pu éviter que tu ne dises ça après que l’habitacle ne retire le « M » de ton prénom…”
Ponctuant ma phrase, un Clonk résonne dans le cockpit, confirmant que celui-ci est enfin fermé. Morgane se met alors à hurler d’horreur, se rendant finalement compte qu’elle venait de frôler la mort la plus stupide de la lignée de ses ancêtres.
“Azul… Je ne sais pas ce que vous faites avec Morgane, mais les membres de l’inspection sont en train de monter à bord. Alors prépare-toi au combat !” Dit Ember, sa voix traduisant un semblant de jalousie. Si elle savait…
Poussant l’idiote de sorcière de nouveau sur son coussin à l’arrière, je me prépare à une sortie imminente.
L’Eevolv-S possède de nombreux avantages comparés à son prédécesseur. L’un d’entre eux étant son adaptabilité.
Évidemment, la lignée des Eevolv a toujours eu ce trait, de par leur capacité à changer du mode canin au mode humanoid, où d’un style de combat à un autre grâce à la pierre élémentaire leur servant de générateur.
Mais ce nouveau modèle est d’autant plus adaptable, grâce à la pierre Foudre offerte par le Clan Kimono, en remerciement pour la libération de Madoka. Cette dernière permet au Soldat d’entrer en Jolt Mod, créant un puissant champ électrique autour de la machine.
Ce champ peut servir de source d'énergie, mais elle sert aussi à activer la capacité secrète de l’Eevolv-S : la Conversion.
C’est une capacité puissante, mais difficile à exécuter avec précision, car elle demande au pilote d’entrer et gérer un grand nombre de commandes. Les ingénieurs de la Sylphe m’ont dit qu’avec les avancées en intelligence artificielle, cette technologie sera totalement opérationnelle dans quelques années.
Malgré cela, ils ont quand même décidé de rendre l’option disponible. Je suppose qu’ils savaient que j’arriverais à en faire bon usage, malgré les limitations imposées.
“E.. Euh…” La voix de Morgane m’ôte de mes pensées, alors qu’elle essaie discrètement d’obtenir mon attention, depuis son siège passager improvisé. “Je propose qu’on entre en Jolt Mod dès notre sortie du conteneur… J..Je peux gérer la Conversion depuis mon pc…”
…
“C’est donc à ça que tu sers.”
“C..C..C’est déjà pas mal, non ?!!”
Une fois de plus, la réalité nous rattrape. Farida, l’une de nos alliées à bord du Mitsu-Marin, nous signale par radio que les membres de la Ligue qui ont abordé notre navire ont été interceptés. C’est donc à notre tour de jouer.
Je décide alors enfin de sortir l’Eevolv-S de son conteneur, le passant directement en Jolt Mod.
“Jolt - On”
Suivant la voix grésillante pré-enregistrée annonçant l’activation du Jolt, des éclairs émanent de la machine, couvrant cette dernière alors que je la propulse, sous sa forme canine, en direction d’un des quatre Skar encerclant notre bateau.
Sous sa forme électrique, l’Eevolv-S gagne également en vitesse d'exécution. Ses réponses instantanées sont extrêmement agréables pour moi en tant que pilote, mais j’ai le sentiment qu'une erreur pourrait arriver à tout moment si je baisse trop ma garde…
Quoi qu’il en soit, notre machine se propulse rapidement dans les airs, faisant paniquer le Skar adverse, qui tire une rafale de lasers dans notre direction, plutôt que de tenter une esquive. Une grave erreur…
“Conversion activée !” crie Morgane en tapant sur les touches de son clavier, toujours assise sur son coussin, derrière mon siège.
Les tirs adverses sont alors absorbés par la barrière d'électricité qui enveloppe notre Soldat. Et, grâce à la présence de la Sorcière qui gère actuellement les commandes de la Conversion, le plasma absorbé est rapidement assimilé, formant des griffes laser au bout des pattes de l’Eevolv-S.
La Conversion, comme le nom l’indique, est une capacité qui utilise l'énergie abondante produite par la pierre Foudre afin d’absorber, puis d’assimiler certains types de matières.
Cela ne fonctionne pas sur tout, et la technologie est encore expérimentale, mais nous l’avons déjà testé dans certaines situations, comme face à du plasma, ou à de l’eau, par exemple.
Ainsi, mettant les pleins gaz, j’ordonne à ma machine d'accélérer sa propulsion, puis plante ses griffes de plasma dans les deux ailes du Skar, les lui « déchirant », lui ôtant ainsi sa capacité à voler.
Je le pousse ensuite en direction de l’eau, m’assurant que l’Eevolv-S retombe sur le bateau.
“Et d’un. Plus que trois !”
“Plus qu’un !” Affirme Ember, dans le canal de communication, me contredisant par la même occasion. “Je m’occupe du dernier !”
En observant les radars, je constate qu’en effet, deux des Skars présents, en plus de celui que nous venons de vaincre avec Morgane, ont été vaincus.
“E.. Elle est vraiment forte…” Marmonne ma colocataire de cockpit, avec des étoiles dans les yeux.
Je ne peux m’empêcher de sourire à sa remarque. Mes yeux collés sur les écrans de ma machine, alors que j’observe celle d’Ember, fendant les airs afin d’abattre sa nouvelle cible dans un mouvement s'apparentant plus à une danse aérienne qu’à une attaque.
“Difficile de rivaliser avec une légende.”
Le Vyzard. La machine légendaire du Chevalier Dragon, réputée pour être le Mechamon Soldat le plus puissant que possède Kanto.
Après que Giovanni ait échoué à le récupérer, la Sylphe SARL a accepté, a contre-coeur, de laisser Ember repartir avec. En effet, comme nous le soupçonnions, la clé pour cette machine était la même que pour son prototype. Le drone sphérique que nous avons rencontré à Céladopole. Et ce drone ne répond qu’à Ember, pour le moment.
Après avoir ligoté les gardes-côtes sur leur bateau, au milieu de la mer, le Mitsu-Marin reprend le large en direction des Cramois’îles.
Suite à la libération de Safrania, comme l’avait promis la Dame de Glace, nous avons joui d’un mois de tranquillité. Mais ce cadeau d’Olga comportait un piège. La position centrale de Safrania sur la carte.
En effet, si nous attendions le dernier jour pour quitter la ville, où que nous tentions d’y élire un QG définitif, nous aurions eu beaucoup de mal à la défendre. Surtout en considérant nos ressources limitées comparées à la Ligue.
Nous sommes donc partis après trois semaines, et avons dispersé nos forces à travers Kanto, formant divers groupes se dirigeant tous dans la même direction : Jadielle.
Il s’agit d’une ville au nord de Bourg-Palette, relativement proche de la Route Victoire. La route menant au Plateau Indigo, le quartier général du gouvernement.
Lorsque le clan Kimono nous a contactés, nous offrant au passage la pierre Foudre, ils en ont également profités pour nous informer des mouvements de l’armée rebelle johtonnaise.
Je ne sais pas grand-chose à propos d’eux, mais leur situation a évolué ces derniers jours, après plus de deux ans de défaites répétées face à la Ligue.
Pour la faire courte, ils souhaitent coordonner un assaut sur la base principale du gouvernement. En ajoutant leurs forces à l’équation, nous sommes arrivés à la conclusion que nous aurons peut-être une chance si nous saisissons cette opportunité.
Évidemment, avec Ember, nous serons probablement au centre de l’attention. Mais c’est un risque que je suis prêt à prendre. Pour avoir une chance d’offrir une vie paisible à ceux que j’aime.
Bref, puisque nous possédons les unités les plus puissantes de l’armée rebelle kantonnienne, il a été décidé que nous rejoindrons Bourg-Palette par la mer, en partant de Parmanie.
Notre groupe est naturellement composé de quelques subordonnés de Bob, mais aussi et surtout de membres du clan Fuschia.
Certains leaders, tels que Bob, Madoka, où sa fille, Anzu, sont partis avec d’autres groupes. Erika ayant décidé de rester avec sa « sœur » du clan Kimono.
De notre côté, Farida a décidé de se joindre à nous pour s’assurer qu’Ember continue son entraînement. Et Morgane a juste élu domicile dans le cockpit de mon Soldat, je suppose…
Sur notre chemin, nous ferons une escale aux Cramois’îles. Un archipel kantonnien composé de neufs îles, dont l’île principale sert à de multiples recherches, que ce soit sur la biologie, la géologie, où encore la sociologie. Donc des domaines très différents de ceux abordés à Safrania.
“Nous ferons notre escale sur l’île Un, si cela ne vous dérange pas.” Propose Farida, alors que nous partageons tous un repas à l’intérieur du bateau.
“L’île Un ? Des îles Sevii ?” Je demande, ne prenant que très peu d'initiative dans ce voyage. En effet, si je connais plutôt bien Kanto et ses villes, je ne peux pas en dire autant de ses territoires maritimes…
Farida acquiesce. “C’est l’île la plus développée de l’archipel, après Cramois’île. Les îles Sevii ont longtemps été associées à un territoire dangereux dû à l’activité de pirates dans le coin. Mais depuis la fin de la guerre, les eaux sont beaucoup plus calmes.”
Je vois… En effet, ce sera peut-être une meilleure option si nous souhaitons rester un minimum discret, plutôt que de rejoindre l’île principale.
Comme dis plus tôt, les Cramois’îles sont un archipel composé de neuf îles. Les îles Sevii, un groupe composé de sept îles portant des noms de chiffres. L’île Écume, une île difficile d’accès, supposément liée à l’Ère Divine. Et enfin, l’île principale, qui est beaucoup plus populaire que les autres et beaucoup plus développée.
Alors que Farida semble satisfaite qu’on ait tous accepté sa proposition, mon regard se tourne vers Ember, qui fixe son assiette d’un air anxieux.
Depuis notre « fusion », la communication entre nous deux est devenue… compliquée. De son côté, j’ai le sentiment qu’elle a plein de choses à dire, mais qu’elle ne sait pas comment convertir ses pensées en mots.
Pour ma part, j’ignore ce qui me retient réellement. Peut-être que son stress est contagieux ? Où alors j’ai juste peur de la brusquer ?
…
Finalement, je décide de me lever de table, quittant la pièce en laissant les membres de l’équipage partager des plaisanteries entre eux.
Mais alors que mes pas résonnent dans les couloirs étroits du Mitsu-Marin, une voix m’interpelle, suivant le bruit sourd d’une porte qui se referme.
Je me retourne, et constate qu’Ember m’a suivi. Elle fixe le sol, comme si le simple fait de me regarder était trop difficile pour elle.
“Demain… Le bateau restera toute la journée au port, n’est-ce pas…?”
“Oui.” Je réponds en essayant de garder mon calme, mais je sens que même ma voix diffère de d’habitude.
“Dans ce cas, est-ce que tu veux bien qu’on aille quelque part, juste toi et moi ?” Demande-t-elle, relevant ses yeux rouges dans ma direction, comme pour sonder ma réaction.
Mon cœur s’emballe. Comme je le pensais, ma propre anxiété n’est pas le produit de la sienne. J’ai juste peur. Peur de la réalité qui se cache derrière la fille que j’ai protégée et vue grandir tout au long de cette année.
J’accepte sans poser de question, la gêne reprenant alors possession de nous. Nous finirons par repartir, chacun dans notre coin.