Mechamon Iris
VI - Safrania
Chapitre 49 - Changement de paradigme
Bien que je sois sûr d’avoir visé juste, la balle que je viens de tirer a totalement raté sa cible, se logeant dans la baie vitrée derrière Giovanni.
Il a esquivé avant que le tir ne retentisse… Je suppose que les rumeurs à propos de sa force ne sont pas à prendre à la légère.
“Tu as de la chance. Il se trouve que j’ai un peu de temps pour jouer avec toi. D’ici quelques minutes, la Masterball sera entre mes mains,” sur ces mots, Giovanni pointe son flingue dans ma direction, tirant à son tour.
J’en profite alors pour jeter le sac à dos, que j’avais déjà partiellement enlevé, en direction du projectile.
Au contact avec la balle, les grenades à l’intérieur explosent, actionnant au passage tous les fumigènes que j’avais emmené avec moi.
Un épais brouillard se forme alors dans le bureau, nous privant moi et mon adversaire de l’un de nos cinq sens : la vision.
“Oh ? Je vois que tu as appris une chose ou deux durant ton séjour à Parmanie !” Dit-il, dans un ton presque enthousiaste. “À moins que ce soit notre dernier combat qui t’ait inspiré ?”
Comment est-il au courant pour Parmanie…? Non. Ne le laisse pas t’impressionner, Azul. Il a dû suivre nos mouvements lorsque nous avons quitté Céladopole. Je doute, cependant, qu’il sache précisément ce qu’il s’est passé dans la Forêt Spectrale.
Ayant mémorisé la composition de la pièce, je circule dans les ténèbres sans soucis, me rapprochant discrètement de ma cible, après avoir échangé mon flingue par un couteau.
Cependant, à l’instant où je m’apprête à l’attaquer, mon corps s’arrête net. Des bruits de pas… Ce sont ceux de Giovanni. Il n’est plus au même endroit.
C’est inquiétant. Je ne l’ai pas entendu se déplacer avant. Ce qui veut dire qu’il me laisse délibérément entendre le son de ses pas.
La fumée se rapproche peu à peu du plafond. Lorsque l’alarme à incendie retentira, le système de sécurité s'activera également. Les extincteurs automatiques et le système d’évacuation de fumée s’actionneront alors.
Je dois donc faire vite avant que la lumière ne revienne dans la pièce. Je ne tomberais pas dans le piège tendu par mon adversaire. Me déplaçant toujours discrètement, je profite des dernières secondes d’obscurité afin d’agir.
Comme je l’avais prédit, le dispositif anti-incendie s’active, mettant ainsi un terme au brouillard que j’ai créé plus tôt.
Sous une pluie artificielle, Giovanni réapparaît aux yeux de tous, un regard de chasseur parcourant la pièce à la recherche de sa proie.
“Tu en as profité pour te cacher ? Voilà qui est décevant. Moi qui te pensais plus violent…” Dit-il, avant de s’arrêter, ses yeux se tournant doucement en direction de l’endroit où le vieux PDG était assis quelques minutes plus tôt. “Oh… ?”
Soudain, le parrain de la mafia se retourne, tirant une balle en direction de la porte du bureau, sans même prendre la peine de viser.
Par chance, la balle se logea dans le mur du couloir, épargnant le PDG et moi-même d’un possible sort funeste.
“Allez-y. Courez. Et ne vous arrêtez pas,” le regard fatigué du vieil homme s’illumine alors qu’il m'entend prononcer ces mots.
“Et vous—”
“J’ai encore des choses à régler. Faites vite.”
Presque à contre-coeur, le vieux se dépêche d’enjamber le corps des sbires sur le sol afin de courir à travers les couloirs de son propre quartier général.
De son côté, Giovanni perd peu à peu son sourire, me regardant avec une expression mêlant le dégoût et la déception.
“Je ne comprends pas… Ça ne te ressemble pas.”
Rengainant mon couteau, je ressors mon pistolet-mitrailleur, me déplaçant dans la pièce en conservant mes distances avec mon adversaire.
“Vous n’avez pas besoin de comprendre.”
Entendant ma réponse, la frustration sur son visage s’intensifie. Ses veines de plus en plus apparentes tandis que son regard s’assombrit peu à peu.
“On dit souvent qu’en laissant vivre un héros trop longtemps, ce dernier finit par endosser le rôle du méchant un jour. Je vois que la même règle s’applique aux anti-héros. Plus le temps passe, et plus leurs âmes se purifient dans un semblant de justice…”
Ce type m'exaspère. Non seulement il a tort de croire que je puisse être plus pur qu’avant, mais en plus sa manie à dramatiser chaque aspect de ce qui l'entoure est fatigante. Il serait temps que quelqu’un le ramène à la réalité.
Tenant fermement mon pistolet-mitrailleur, je cours à travers la pièce, vidant mon chargeur dans sa direction. S’il est capable d’esquiver un tir de pistolet, je doute qu’il en soit de même pour une rafale de tirs.
Et, effectivement, Giovanni opte pour une autre alternative. La défense. Ce dernier évite les premiers tirs en courant dans la direction opposée à la rafale. Une fois au niveau de la table de bureau, le parrain de la mafia attrape cette dernière, la jetant dans ma direction avec une force phénoménale. Arrachant au passage les câbles des écrans qui se trouvaient dessus.
Je me vois alors contraint à stopper mes tirs, plongeant rapidement derrière un des nombreux Soldats stationnés dans la salle. La table en bois s’explosant sur le sol, à l’endroit où j’étais plus tôt.
Ses muscles ne sont pas vraiment dissimulés en général, mais même pour un homme aussi bien bâti, sa force est réellement terrifiante.
Profitant de ce moment de répit, Giovanni jette le grand manteau qu’il conserve toujours sur ses épaules au sol.
“Il est temps de passer aux choses sérieuses !” hurle-t-il, avant de foncer dans ma direction.
Toujours à couvert, je finis de vider mon chargeur dans sa direction. Mais ses mouvements sont parfaits, et en bondissant et penchant son corps dans divers angles, mon adversaire parvient une fois de plus à éviter les balles.
Le voyant se rapprocher dangereusement, je jette mon arme au sol, et dégaine rapidement un couteau afin d’intercepter sa charge.
Une fois à mon niveau, il tente de se saisir de mon bras, mais je me décale suffisamment, longeant la jambe du mecha derrière lequel j’étais caché, afin de le contourner en évitant son assaut.
Mais cela ne fonctionne qu’à moitié. Suivant mes mouvements avec une fluidité remarquable, Giovanni contourne également le mecha. Enchaînant les tentatives de coups avec ses mains et ses pieds, visant soit à me désarmer, soit à me faire perdre mon équilibre.
Cette technique…
“Haha ! Tu sais d’où proviennent mes coups, pas vrai ?!” Demande-t-il, le retour de son sourire montrant que cet homme continue de considérer cela comme un jeu.
“Le style de la feuille-morte…”
Son rire s’intensifie à ma réponse, confirmant ainsi mes doutes… Le bourgeon. La fleur. Le fruit. Et enfin, la feuille-morte. Tels sont les quatre styles de combat enseignés par le dojo Leeves, depuis des générations maintenant.
Personnellement, je connais des techniques de chaque style, sans pour autant les maîtriser. La maîtrise requiert, en effet, un travail sur plusieurs décennies et un dévouement exclusif dans un des quatre styles.
Même mon père ne maîtrise pas tous les styles de son art à la perfection. Bien que son niveau soit, naturellement, beaucoup plus élevé que le mien.
Chaque style a son propre rôle. Le bourgeon comprend des techniques défensives. La fleur, quant à elle, prend une direction plus artistique, jouant sur le mental de l’adversaire afin de l'impressionner.
Le fruit et la feuille-morte sont deux styles beaucoup plus offensifs. L’un se basant sur des attaques lentes et explosives. L’autre, à l’inverse, sur des coups plus rapides et précis.
Pour le moment, mes connaissances des arts de combats de ma famille font que j’arrive encore à prédire ses coups. Mais cela ne va pas durer. Je le vois accélérer de plus en plus.
Il faut que je tente un contre ! Ainsi, me concentrant du mieux que je peux, je change soudainement le rythme de ma respiration. C’est un exercice douloureux et fatigant, mais nécessaire lorsqu’on a la prétention d’utiliser plusieurs styles de combat.
J’attends le bon moment, et, avec une grande précision, utilise mes mains afin de me saisir des poings de mon adversaire. La force de mes doigts, ma respiration, l’angle… Tout étant calculé afin de compenser la force émise par mon ennemi, afin qu’il ne puisse plus sortir de mon emprise.
Art Leeves - Style du Bourgeon—
Soudain, alors que je mets ma technique à exécution, je me saisis bien de la main gauche de Giovanni, mais sa main droite glisse le long de mon avant-bras avant de finalement entrer en contact avec mon épaule.
Une vive douleur retentit dans mon bras alors que j’essaie désespérément de fuir en reculant.
Merde… J’ai manqué de précision ! Probablement à cause de ce putain de bandage sur mon oeil !!
“Tu es bon, Azul ! Cependant, tu as fait une erreur en venant m’affronter dans cet état déplorable !!”
Sans blague…
Je m’arrange pour que chaque coup que je ne suis pas capable d’esquiver parte dans mon côté droit, me procurant toujours plus de douleurs à chaque os que cet enfoiré me brise. Je retiens mes cris, et mon souffle s’épuise rapidement également.
Il a totalement pris le contrôle de la situation. Je ne pourrais pas remporter ce combat… C’est termin—
Alors que j’acceptais peu à peu la défaite, la baie vitrée derrière moi se brise. Après quoi une giclée de sang sort de la main de Giovanni, dont le visage se fige sur une expression de surprise.
“C’était mon dernier cadeau, gamin…”
Sean ? C’est lui qui a tiré ? Mais cet angle… Et surtout, la vitre n’était-elle pas renforcée ? Ha. Mes tirs plus tôt l’ont fragilisée.
Je profite du fait que mon adversaire se tienne la main, pensif, pour reprendre mes distances.
“Est-ce que tout va bien ?” je demande au sniper, un peu inquiet suite à ce qu’il a dit.
“Tu as mieux à faire, actuellement, que de te préoccuper pour un vieux croulant comme moi…” répond-il, d’une voix faiblissante. “Un jeune comme toi… ne peux pas… mourir ici…”
“Sean…?”
……
Aucune réponse…
“Qui aurait cru qu’un sniper pourrait nous atteindre dans cette pièce… Je suppose que cela marque la fin de notre petit jeu,” dit Giovanni, observant toujours sa main d’un air fasciné, un doigt manquant à l’appel.
De sa main intacte, Giovanni attrape un vieux téléphone portable dans une de ses poches. Le genre d’appareil qu’utilisent ceux qui agissent dans l’ombre, afin d’éviter tout traçage.
Après avoir appuyé sur deux boutons, il amène le dispositif à son oreille. Son intérêt pour moi semble avoir totalement disparu.
Que faire…? Même sans un doigt, il est toujours dans un meilleur état que moi. Devrais-je poursuivre le combat malgré tout ?
J’avais pour plan de le vaincre afin de débarrasser Kanto de son organisation une bonne fois pour toutes, quitte à me sacrifier… Mais si je continue, je risquerai juste de mourir en vain.
“Dans ce cas, dépêchez-vous de me la ramener,” dit-il avant de raccrocher, se tournant ensuite dans ma direction. “La Masterball est prête. Dans deux minutes, je deviendrai le nouveau Chevalier Dragon.”
Je ne peux pas l’arrêter… Je n’en suis pas capable…
Giovanni soupire en me regardant. La déception sur son visage est de plus en plus apparente.
“Tu n’as plus rien à apporter à l’histoire, hein ? Puisque c’est comme ça, je propose, qu’au moins, tu aies la mort dramatique que tu mérites.”
Les pas de l’homme au regard de serpent résonnent dans l’espace autour de nous, tandis qu’il se rapproche d’une immense trappe au centre de la pièce.
“Tu voulais revoir ces deux gamines… c’était quoi leurs noms déjà…? Cristina Cross et Claire Dolford ?” poursuit-il, posant sa main ensanglantée sur un levier avant de le tirer d’un coup sec. “Amusez-vous bien.”
Dans un bruit mécanique aussi pesant que l’ambiance déjà présente, la trappe s’ouvre, laissant un élévateur (probablement servant à l’exposition des Soldats développés par la Sylphe) monter à notre étage.
Peu à peu, des particules dorées sortent de la trappe, augmentant en quantité au fur et à mesure que l'élévateur se rapproche.
Finalement, mon sang se glace dans mes veines, alors que je constate la silhouette monstrueuse de la créature remontant peu à peu des enfers.
Des parties organiques telles que des mains affreusement grandes, des os, des cheveux, des plumes ou même des pattes d’oiseaux sont reliés par des parties mécaniques rappelant le style du Soldat de Green.
Au centre de ce qui est clairement un crâne humain, se trouve inséré un cristal doré, duquel émane des particules d'énergie, alimentant le reste du corps.
C’est un cristal de Rappel. Et en vue des mèches de cheveux rouges accrochés au crâne, je pense connaître l’identité exacte de la créature en face de moi…
“Chris…”
Mon visage se déforme dans une grimace mêlant le dégoût et la tristesse. Nous avons échoué. Je suis désolé, Erika…
Sous les rires maniaques de Giovanni, ainsi que les râles assourdissants de la créature, le bandage à mon œil se décroche. Une vision floue, rougeâtre, se présente à moi.
La silhouette gigantesque du monstre me fonce dessus, dans une course aussi folle que terrifiante.
Mon corps me fait mal…
Mon coeur aussi…
Je n’ai plus la force de me défendre.
Alors que l’énorme main de la chose inhumaine se saisit de mon corps, broyant mes os, un hurlement de douleur quitte mes lèvres.
Du sang coule de tous mes orifices, comme s’il essayait désespérément de s’extraire de mon corps.
Enfin, dans un cri difforme, Chris, où ce qu’il reste d’elle, jette mon corps par la baie vitrée. Je vois alors mon objectif s’éloigner, alors que je tombe vers ma mort.
Le temps semble ralentir. Je repense à ces derniers mois, voyant le reflet de ceux que j’aime dans les traînées de sang dans les airs, qui suivent la chute de mon corps.
Tout était parfait. La vie était difficile, certes, mais parfaite quand même. J’ai rencontré des personnes qui ont enrichi mon quotidien. Je me suis battu pour eux. J’ai gagné et perdu pour eux.
Un léger rire quitte ma gorge. Pourquoi ces souvenirs m’amusent autant ? Est-ce la vie dont j’ai toujours rêvé ? Pas exactement… Mais j’aime cette vie.
Désolé Major, je ne suis pas le héros que vous imaginez. Mais je suis content que notre relation se soit un peu améliorée.
Sean aussi. Tu es probablement déjà mort. Mais je regrette de ne pas avoir écouté tes conseils.
Anzu, j’espère que les affaires avec ton père s'arrangeront. Et que ce que je t’ai appris servira le moment venu.
Erika… Il semblerait que je n’aie jamais été à la hauteur de tes attentes. Que ce soit pour tes sentiments, mais aussi pour la mission de sauvetage de tes amies. Je suis tellement désolé…
Désolé Chris. Je sais que je ne suis pas directement fautif de ton sort. Mais j’aurais aimé faire plus.
Léo. Professeur. Stagiaire. Haha… J’imagine que je ne vous dois plus d’excuses à ce niveau-là ? Merci. Pour tout…
Green… Tu auras eu ce que tu voulais finalement, hein ? Bien que je ne sache pas exactement ce que tu cherches…
Ma vision s’assombrit de plus en plus, et ma conscience avec elle… Mais je n’ai pas fini…
Ember…
Tu…
“AZUL !!!”
…me manques… terrible… ment—
“AZUUUUUUUUUUL !!!!!!”
…Hein… ?
Tournant mon regard vers le bas, je vois le Proto-Vyzard, en vol stationnaire, le cockpit ouvert. À l’intérieur, une jeune fille aux cheveux noirs me tend les bras en hurlant mon nom à pleins poumons.
D’une voix cassée et faible, j’essaie de prononcer son nom également, mais le temps reprend son cours normal, et ma chute se termine avant que je n’aie le temps de prononcer la dernière syllabe de ce dernier.
C’est étrange. Tout est si sombre, soudainement. Et mon corps est léger comme une plume. C’est comme si toute la douleur que je ressentais plus tôt s’était évaporée…
Est-ce que c’est ça, la mort ? Un sentiment de flottement, couplé à une chaleur douce envahissant nos sens ?
AZUL !
Cette voix… Ember ?
OUI !
Pourquoi est-ce que j’arrive encore à entendre sa— un instant, elle vient de me répondre ?
Ressaisis-toi… Tu n’es pas mort.
Mais… Que se passe-t-il ? Je ne comprends pas…
Une voix dans ma tête m’a dit que tu étais en danger. Je suis donc venu aussi vite que possible et j’ai vu ton corps en train de tomber de super haut !
Une voix dans ta tête…? Maintenant que j’y pense, ta voix semble résonner dans mon crâne.
Quand tu es tombé dans mon cockpit, j’ai senti ma peau fondre ! Ça ne faisait pas mal, mais la sensation était vraiment super bizarre !! Un peu comme—
Comme à Carmin-sur-Mer.
On est en train de se transformer en magical girl à nouveau ?!
Alors c’est encore arrivé… Je suppose qu’il vaut mieux ça que de mourir. Mais quels seront les effets secondaires cette fois ?
Effets secondaires ?
Ah. Merde. C’est vrai qu’elle peut entendre mes pensées…
HEY !
Peu importe. Ce n’est pas le moment. Concentrons-nous sur le combat à venir.
NON ! Je vais en profiter tant que je peux entendre tout ce que tu penses.
Hein…? Depuis quand est-elle suffisamment intelligente pour saisir des opportunités…?
Insulte-moi encore une fois et je chante la chanson de Twinkle jusqu’à ce que tu l’aies en tête à tout jamais !!!
Tout sauf ça !
Haha ! C’est encore plus amusant que ce que j’imaginais !
Allez. Dépêche-toi de poser tes questions qu’on en finisse.
… Qu’est-ce que tu fais à Safrania ? Tu es blessé… Et la Team Raclette est super dangereuse ! C’est à cause de ça que tu étais sur le point de…?
Ember…
Réponds !
…
J’ai été stupide. Je savais que sans l’Eevolv, la mission serait suicidaire. Mais nous n’avions plus nulle part où aller. Même à Parmanie. Tant que la Ligue et la mafia existeront, tu ne seras en sécurité nulle part.
Hein…? Mais je—
C’est étrange. Il y a encore quelques mois, j’aurais priorisé ma vie sur toute autre chose. Mais plus maintenant. Je veux te voir heureuse. Tel est mon souhait le plus cher.
Espèce d’idiot.
Hey… Je t’ai laissé fouiller dans mes secrets et c’est comme ça que tu me remercies ?
Comment je suis censée être heureuse si tu meurs ?!
Ça serait peut-être difficile au départ. Mais le temps aurait pensé tes plaies et—
Le temps que j’ai passé avec toi, ces derniers mois, était beaucoup plus riche que tout ce que je pourrais vivre sans toi ! C’est pourquoi je sais que je ne m’en remettrais jamais…!
… Très bien. Je m’excuse.
Ça n’a pas l’air très sincère…
Ce n’est pas comme si je pouvais te mentir dans cet état. Si ?
Hmm… Ok ! Maintenant, dis-moi ta couleur préférée !
Rouge. Ember, ce n’est vraiment pas le moment de jouer…
J’en profite pour en apprendre plus sur toi ! Ta nourriture préférée, maintenant !
Je concentre mon esprit afin d’ouvrir de nouveau les yeux. Les lumières des néons se reflétant dans les gouttes qui s’abattent sur nous, créant une impression de pluie de cristaux.
HEY ! Pourquoi t’as pas répondu ?! C’est de la triche !! Et puis pourquoi tu parles comme dans un livre…?
En observant notre nouveau corps, je constate que beaucoup de choses ont changé comparé à la forme que nous avions pris à Carmin-sur-Mer. Notamment la lance qui nous sert d’arme, dont la pointe est devenue une lame.
Probablement, car l’Eevolv a été remplacé par le Proto-Vyzard. D’ailleurs, nous étions seulement capables de nous propulser avec, autrefois. Mais maintenant, la lance peut aussi rester en vol stationnaire.
Les flammes qui parcouraient autrefois notre corps ne sont plus. Mais, en contrepartie, une sorte de visière étrange est attachée à notre visage, nous montrant diverses informations plus ou moins utiles.
Concentrant notre regard sur une silhouette au-dessus de nous, nous parvenons à zoomer, voyant un homme au regard de vipère, s'apprêtant à monter l’échelle d’un hélicoptère par la baie vitrée brisée du bâtiment.
Giovanni…! On ne peut pas le laisser s’enfuir !!
C’est lui, le chef des Raclettes ? Il est beaucoup plus imposant que ce que laisse sous-entendre le nom de son groupe…
“Azul… Il semblerait que j'aie sous-estimé ton lien avec cette fille. Soit. J’accepte ma défaite. Mais nous nous reverrons !”
Woah ! On peut l’entendre d’ici ?! C’est fou tout ce qu’une magical girl peut—
TU NE M'ÉCHAPPERAS PAS ! GIOVANNI !!!
Utilisant les propulseurs de la lance à pleine puissance, nous fendons le ciel pluvieux de Safrania en laissant une traînée blanche derrière nous.
A.. Azul ?! Calme-toi ! Je peux sentir tes émotions !! Ça me fait mal !!!
Mais alors que nous nous rapprochons rapidement de l’hélico, une chose énorme se jette de la baie vitrée. Déployant ses grandes ailes dorées desquelles s’échappent des particules de la même couleur.
Q.. Qu’est-ce que c’est que ce truc horrible ?!! Ça fait super méga peur !!!
Cristina Cross.
Hein ?! Mais… C’est le nom d’une des amies d’Erika, non ?!
Oui. Et elle est bien décidée à nous empêcher d’atteindre cet hélicoptère…
Comment a-t-elle fini comme ça ?! C’est affreux !
D’un cri strident, la créature mi-organique, mi-mécanique se propulse dans notre direction, laissant derrière elle une grande quantité de particules.
Chevauchant notre lance comme une sorcière chevaucherait son balai, nous esquivons la charge du monstre !
Profitant de cette opportunité, nous reprenons la trajectoire menant à l’hélico.
Mais la créature s’arrête alors dans les airs, se tournant dans notre direction, la mâchoire ouverte, de l'énergie s'accumulant dans celle-ci.
Merde…! Voyant ce que notre adversaire prévoit de faire, nous penchons notre lance sur le côté, abandonnant la poursuite afin d'esquiver le rayon laser qui illumine alors les cieux de Safrania.
Du coin de l'œil, nous constatons que l’hélicoptère a aussi esquivé, de justesse, l’attaque de la créature. Ils sont maintenant en train de s’éloigner, nous laissant seuls pour gérer cette nouvelle menace.
…
Azul. Je comprends ce que tu ressens. Je le ressens également. Mais ce n’est pas le moment ! Si on n’arrête pas Cristina…
Je sais.
Un nouveau hurlement, plus affreux que les précédents, résonne à travers la ville. C’est comme si le monstre est tellement en colère qu’il en souffre physiquement…
À nouveau, la créature se propulse dans notre direction. Nous décidons alors de rentrer dans le bâtiment C de la Sylphe SARL, par la baie vitrée depuis laquelle je suis tombé plus tôt, afin de mener le combat dans une zone plus restreinte.
Cela devrait limiter les risques de victimes collatérales. En plus d’augmenter nos chances d’attaques, le combat aérien étant peu pratique.
Une fois à l’intérieur, nous bondissons de la lance, gardant cette dernière en main alors que nos pieds mécaniques glissent sur le sol lisse du bureau du PDG.
Wow… Il y a plein de robots ici ! Attends… C’est quoi ce Soldat là-bas ?!! Il ressemble au mien, mais en plus grand !!!
Le Vyzard… À ce que je vois, Giovanni n’a pas pu en prendre le contrôle, malgré le fait qu’il ait une soi-disant boule magique.
Une boule magique ?!
Peu importe. Notre adversaire arrive.
Ses ailes totalement déployées, le monstre s’arrête à notre étage, entrant dans la pièce par la même fenêtre que nous, s’aidant de ses bras et de ses jambes absurdement grandes, écrasant les bouts de verre sous son poids.
La vision est horrifique. Si je ne faisais pas qu’un avec Ember, mon corps serait probablement de nouveau paralysé sur place.
Mais alors que la créature se rapproche, doucement, dans une cacophonie mêlant les grincements mécaniques de ses jambes aux râles profonds d’une bête affamée… une silhouette se discerne dans les particules d’énergies émises par le cristal sur son crâne.
D̷̹̤͚̝̕é̷͙̰̆̈s̵̟͓̅̄ö̶̝̲̭́̆͒̈́̀l̸̠̭̇͊́̈́ẹ̴̜́̇.̶̙̞̬̈́.̸̹̳̋.̶̢̙̮̻̌̿͛͑̈ ̷̥̻͝Å̵̭͇̭̝̳̇̾̍̋b̸̹̬͑̈́͜d̴̫͕̝̬̠͛̇̈́͠û̴̡̯̼l̴̳̺͒̔.̴̯͈̼̱̤͑̃.̵̦̄̒.̷̗̏͒…!
T̷͖͇͓̓ù̷̱̻ͅ m’avais p̷̥̋ŕ̴͈̫͉́͒é̸͔̌v̷̠͐͜e̶̬̜̦͐n̴̡͙̗͂̽ṵ̸̡̪͑̏͝… M̷̰̕͝å̵̖̘͔̈́̉ỉ̸͚s̸̛̫͇͇̆ ̶̧̗̓̀ͅj̵̖̙̓̐͆ẻ̶̙͝ ne t’ai p̴͔̱̀̕͝â̵͉͇͕s̵̥̝̙̋ ̵̹̃é̸͈̹̖͐c̷̠͚̯͗̓̅o̷̥͋ų̵̜͂͐ͅt̶͙͉̊̾̍é̵̲͔̲͘…
Chris… Tu es toujours consciente ?
Pas pour l̴͖̈o̷̍͜n̵͇̔g̷͓̈t̶͙͘e̷͎̊m̴̦̈́p̶̤̕s̴̭̕…
E.. Elle peut parler dans notre tête elle aussi ?!
Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que la Team Rocket t’a fait ?!
Le C̶̡̗̀͑̈ḣ̷̨̲͚͉̐̓͠r̵͙̞̠̰̀̏͐y̵͉̏̔̈́͗s̸͈̲̻̖͑͛̏̈́ă̵̦̼̰̑ñ̸̼̮t̸̗͕̆̂̔̓͜h̶͚̗̄͗̚͝è̸͈͚͍̤͒̽̕m̷͍̕e̴̠̖̲͒̎̋̑… Poison… J̸͙͙̱̾͆͝ȩ̵̨͗̃̔ ̴̡̹̠̦̑͑̕s̶̩̥͙͌̋͑͗u̵̢͓͋̃͘͝i̶̮͚͌͒ş̵̘̊ ̸̙̯͒̿m̵̛͕̗̬̉̐̅ͅo̷͓͎̿͝r̴͙̎͐̕ͅͅt̵̪͈̜́͋̐ḙ̴͕̌̒͠…
Ils ont utilisé le cristal pour te ramener à la vie ?
Non… C̷̨̛̟̭͇̓̈͊̅e̴̘͉͓̟͖̣͑̊̀ ̸̗͓͎̘̒̏̍n̶̘͙̹̗̮̆̉'̵̣͐̅̐͜ē̸̟̃̚s̷͕̦̈́̑t̷̝͍͖̜̊̈̃́̇̓ ̴͔̭̻̯͔͆͒̾̒͠͠p̸̟͖͈̬͚̓̏͘ä̴̟̩͔̗́͊̃͘s̸̡̢̘̻͉͗ ̷̠̳͍̾͂̑̿͑̓d̷̜̱́͑̆͐͝ḙ̴̛͚̻͓̔̏̽̀̊ ̴̢͎̻͚̜̙̓l̷̝̹̒̾á̸̦ ̴͓̠̲͖̄̋͗̀͊̈́v̸͔͈̂͋ḯ̵̯͖̑e̷̤͔̣̯͕̼̐… Je suis ṃ̵̛̗̱͇͌͌̄o̶̻̳͙̠̺͚͌͒r̷̦̪̗̀̑̈́̚ţ̸̮̜̿e̴̪͌̄͐… M̸̨̮͈͚̘̔̀̊̆̚a̶̳̩̤͂̌͒̒̇͘î̷̹̻́̋̂̒ś̵̤̲̠̖̗̩̃̾ ̸̢̰̯̩̳̆͌j̷̠͈̇͝'̴̣̭͕̗͙̰́̎͝ä̴͕̭̺͎̟̀͛͆̔̌ͅi̴̻̋̄̌̌ ̸͍̳͓̥̻̖̉̔̋͗̐͝s̶̝͔̝͋̿i̷̞̱̎ ̶̝͂̈́͜m̸͚̠̺̮̈͆ą̵̝̞͒̀̈́̎l̴̜͓̭͋̓…
Je ne comprends pas ce qu’elle dit… Azul ! Elle va bien ?! On peut encore l’aider, pas vrai ?!
…
Où est Claire Dolford ?
À̵͖͇͌̃ ̶̩́͗ḽ̵͑'̵̠̒i̴̭͋ň̴̪͘t̶̰̭͗é̶̪̖͒r̸͕̊̌i̷̛̘e̴̢̜͛̄ư̸̤r̴̪̼̃… Elle me c̵̫̥͛̈́ö̶̜́͑ñ̶̲ẗ̵̨̬́͘r̷͙̊ô̴͈̕̕l̸̡͍̑ĕ̷̮… La T̵̨̘̓͠e̸̖̾̀ả̸̗͖m̸̝̣̍̋ ̸̭͛Ȓ̴̟ö̵̳c̸̜̍̃k̶̼̾e̶̝̿t̶̩̝̂̓ l’a t̶̩̀̔o̷̱̝̽r̴̟̿̚t̶̥̮͗̓ŭ̶̗r̶͙̪̈́̏é̸̠͎͆̀e̴̙͗͠… Elle a p̷̙͓̌e̶̡͊͛u̵̩͈̽͠r̷̫͊̐…
À l’intérieur…? Notre regard se pose sur le buste mécanique du monstre. C’est là que l'on trouve le cockpit d’un Soldat, en général. Claire est là-dedans ?
J̵̙̥̦̮̓͜͝e̵̟̪͚͎̠̽͋̿̈́̍̏̔ ̵̭̭̥́͑̂̑͝v̵͍̜̩͇̯̥̤̇́̇o̷̬͔̅ͅů̷̡̜͔̭͉̇̈́s̵̻̠͙̣̟̯͐́ ̵̢͚̹̯͍̮̎e̷̡̢̹̹͈͈͆̍̄̐͜͠n̴̘͚͇̬̂͗ ̶̩͚̀͛̔͝s̶͍͚̪͖̯̆͑ͅͅư̶̧̍́̌̏̇͝p̷̛̼̘̰̺͖̱͐̃̚̕p̸̠͐̈̿l̴͖͉͚̰̯̄i̶̛̭̝͇̫̅̌̐̔͛e̴̪̖̩̳͒̆̿̄̚͜ͅ… Sauvez-la.
Le monstre ! Il s'apprête à nous attaquer à nouveau !!
Ember. Finissons-en.
Je n’ai pas tout compris, mais cette fille a l’air de souffrir beaucoup… Est-ce qu’on doit la tuer…?
Elle est déjà morte. Nous allons la sauver de cette malédiction !
Dans un nouvel hurlement strident, faisant vibrer les vitres encore intactes dans la pièce, la bête nous charge à nouveau. Balançant ses bras en avant, cette dernière se prépare à nous écraser sous la paume de sa main.
Mais, confiants, nous arrêtons le coup d’une main, bloquant celle-ci sur place a l’aide d’une puissante énergie émanant de notre corps !
Bourgeon…
Alors que sa deuxième main arrive afin de nous balayer, nous utilisons notre lancée afin d’asséner des coups rapides et précis, tranchant ses doigts les uns après les autres. Procurant ainsi un hurlement de douleur chez notre adversaire, qui recule d’un pas.
Feuille-morte…
Avant que la créature n’ait le temps de se ressaisir, nous faisons tourner la lance autour de notre corps. Les mouvements presque hypnotiques de notre arme calment peu à peu les râles et les cris de notre cible.
Fleur…
Profitant de ce nouvel avantage, nous posons alors nos pieds sur la lance, qui se propulse déjà en direction du buste du monstre adverse. Mais celle-ci se stoppe net avant qu’elle ne puisse l’atteindre. Concentrant notre force dans la paume de notre main, nous frappons violemment le buste, explosant la carcasse mécanique en morceaux.
Fruit…
Au cœur des ténèbres, dans un mélange d’os et de câbles, une jeune fille au regard terrifié nous fixe, bouche bée. Son corps tremble. Les bouts de ses doigts sont noirs et sa bouche grande ouverte est dépourvue de dents.
A.. Azul…! C.. C’est…!
CONCENTRE-TOI, EMBER !
Prenant toujours appui sur la lance, nous bondissons en l’air afin de faire face au crâne de Chris. Une fois de plus, le temps semble ralentir. Dans les orifices oculaires de cette dernière abritent des particules dorées, formant ce que nous imaginons être un regard.
Merci. Dites à Erika que…
Notre poing se concentre en énergie, des particules blanches s’échappant de celui-ci avant que le coup ne parte avec une violence explosive en direction du cristal reposant au centre du crâne de notre adversaire.
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Son ultime hurlement résonne avec celui de la jeune femme meurtrie, à l’intérieur de sa carcasse. Le cristal de Rappel explose en mille morceaux, créant une pluie de poussière dorée dans la pièce.
C’est fini… Tu peux désormais reposer en paix… Chris.
…
Je suis désolé que tu aies eu à faire ça, Ember…
Non… Ne le sois pas. Je suis contente qu’on ait pu l’aider…
En effet… Le monde est cruel. C’est pourquoi—
C’est pourquoi je ne te laisserais plus te battre seul !
…Ha ?
Tu passes ton temps à protéger tout le monde… Mais qui te protège, toi ?!
Je n’ai pas besoin d’être protégé.
Arrête, Azul. Tu sais que tu ne peux pas tout faire tout seul. Mais je sais aussi que tant que tu vivras, tu continueras de te battre pour les autres.
Ember…? Ta voix…
Continue de protéger les autres. Continue de me protéger… Je m’occuperais de te protéger toi ! Jusqu’à la fin…
La voix d’Ember devient de plus en plus lointaine, alors que celle-ci semble changer peu à peu. Prenant une intonation plus mature. Plus… adulte.
Le monde autour de moi s'obscurcit alors. Mon esprit sombrant doucement dans l’inconscience.