Mechamon Iris
VI - Safrania
Chapitre 46 - Meurtri
Vingt-quatre septembre.
Après que le groupe d’Ember ait quitté le camp, je sors finalement de la tente médicale, prêt à rejoindre le groupe du major.
Je repense à la visite de ma partenaire, ce matin, qui me disait au revoir d’une voix tremblante. Afin de nous éviter une longue conversation à propos de notre séparation temporaire, j’ai fait semblant de dormir tout le long.
Ce n’était pas facile. J’aurais aimé la rassurer. J’aurais aimé lui demander pardon. Mais ce n’est pas le plus important, dans l'immédiat. Et puis elle est entre de bonnes mains avec Eri—
…
“A.. Azul ?!”
“Erika…”
Alors que je marchais dans le camp, la tête dans les nuages, me voici maintenant nez à nez avec celle que j’ai toujours considérée comme étant ma cousine. Que fait-elle ici…? Le groupe d’Ember est pourtant déjà parti pour Safrania.
Un silence pesant s’installe, alors que nous fuyons mutuellement le regard l’un de l’autre. Il y avait une ambiance étrange depuis sa déclaration de l’autre jour. Et il semblerait que cette ambiance soit toujours présente…
“Tu ne devrais pas te reposer…?” Demande-t-elle, jouant avec une de ses mèches en tournant la tête dans une direction aléatoire.
Je pourrais lui répondre, mais j’ai le sentiment que si je le fais, la conversation prendra une tournure déplaisante. Je décide donc de dévier le sujet.
“Et toi ? Tu n’es pas avec Ember ? Le major a pourtant dit qu’elle partait avec une amie.”
Les yeux verts de la jeune femme se posent finalement sur moi, alors que son expression semble plus calme.
“Hah ? Il devait parler d’Anzu.”
“Anzu ? Anzu Fuschia ?” Je demande, incapable de cacher mon étonnement.
“Oui. C’est elle qui nous a informés pour Safrania. Elle dit que le boss de la mafia est—”
“Je sais,” je me permets de l'interrompre, sachant que le sujet est sensible pour elle.
Mais alors le clan Fuschia aurait décidé de nous aider ? Pour de vrai cette fois-ci ? Où serait-ce un caprice de leur princesse ?
Dans tous les cas, Anzu est une bonne combattante, même sans son Soldat. Ember est entre de bonnes mains.
“Du coup, tu ne m’as pas répondu. Qu’en est-il de toi ?” Je repose la question. Selon sa réponse, peut-être que je devrais aborder le sujet de ma prochaine destination.
“Oh. Euh… Je vais à Céladopole. J.. Juste pour y récupérer quelque chose que j’ai oublié…”
“Pardon ?!” Ma voix se hausse par réflexe, alors que je fais un pas en direction d’Erika.
Après avoir fui la capitale, y retourner serait de la folie. Il est certain que la Team Rocket y a laissé quelques membres infiltrés. Sans parler de la Ligue, qui doit être au courant pour sa connexion avec nous. Son statut de membre du clan Kimono ne pourra pas la protéger de tout.
“L.. Le Major a assigné quelques soldats à ma protection ! Et puis c’est quelque chose de très important,” dit-elle en reculant de deux pas, tendant ses bras afin d’établir une distance de sécurité entre elle et moi.
Je vois mal ce qu’elle aurait pu oublier de si important. Mais soit. Je n’ai pas le temps de la convaincre. De plus, elle sera probablement plus en sécurité à Céladopole qu’à Safrania.
“Fais attention à toi. Ne va pas prendre des risques stupides,” j’ajoute en soupirant.
“Promis ! Quant à toi…” son regard se pose sur les nombreux bandages éparpillés sur mon corps. “Repose-toi, d’accord ? Tu l’as bien mérité.”
Son sourire triste est difficile à regarder. Mais j’acquiesce quand même. Et après que nous nous soyons dits « au revoir », je la regarde partir, ma conscience bloquée sur le mensonge silencieux que je venais de lui communiquer.
“La pauvre. Elle est tombée amoureuse du mauvais bougre.”
Mes yeux se tournent en direction de la voix grave qui venait de prononcer ces mots. Un vieil homme aux longs cheveux bleutés et au regard lourd se tient à côté de moi, observant la silhouette d’Erika s’éloigner peu à peu.
“Je ne vois pas en quoi cela vous concerne. Et si vous alliez voir ailleurs si elle y est ?” Mes mots sont aussi tranchants que les lames d’un rasoir, alors que je sens mon sang commencer à bouillir.
“J’donne mon avis si j’veux, gamin. Et j’en ai rien à foutre que cela te plaise ou pas.”
Dit-il en partant en direction du groupe du major. Je ne sais pas pourquoi ce connard m’attaque gratuitement de la sorte, mais j’espère ne pas avoir à faire à lui durant la mission.
La route entre Parmanie et Safrania est longue. Et elle l’est encore plus lorsqu’on emprunte un trajet abandonné traversant divers sentiers et chemins de terre contournant des villages dont les noms n’apparaissent même pas sur les cartes.
Finalement, nous arrivons à la Route 11 aux alentours de vingt-et-une heures. Nous tendons les tentes sur un morceau de plage abandonnée, au milieu des déchets et des cadavres de tentacool séchés sur le sable.
Cela me rappelle la dernière nuit passée en compagnie de Léo, du professeur et de son assistant. Juste avant la bataille de Carmin sur Mer. Beaucoup de choses sont arrivées depuis. Je me demande s’ils vont bien là où ils sont.
Bref. La nuit fut courte. À l’aube, nous étions déjà de nouveau en voiture, parcourant les routes de campagne afin d'accéder aux abords de la Route 6.
Nous nous arrêtons définitivement dans les collines au sud de Safrania, puis installons un camp de fortune dans des vieilles ruines datant de l’Ère Divine.
Bien que mes blessures ne soient pas totalement guéries, la plupart d’entre elles ont presque fini d’être cicatrisées. Je n’ai donc aucun mal à aider autour du campement. Le seul véritable problème étant mon œil droit, qui semble prendre plus de temps à se régénérer.
Maintenant que j’y pense, ce n’est pas la première fois que cet œil est crevé. La même chose est arrivée il y a deux ans, lorsque j’étais laissé pour mort dans le cockpit du Venus-R. La différence étant qu’à l’époque, quelqu’un où quelque chose m’a rapidement soigné.
Une fois que tout est installé, le major appelle tout le monde pour une réunion stratégique. Je peux voir tous ses subordonnés se mettre en ligne, écoutant ce que leur chef a à leur dire.
Personnellement, je ne suis sous les ordres de personne. Cela ne veut pas dire que je ne vais pas coopérer. Mais je refuse de faire preuve de soumission.
“Nous allons décider du rôle de chacun, mais commençons déjà par choisir qui ira enquêter en ville. Nous ne pouvons pas lancer l’offensive sans un plan. Et ce plan dépendra des infos que nous aurons,” annonce le Major, marchant de gauche à droite en observant ses subordonnés d’un œil vif.
Le rôle d’éclaireur me conviendrait parfaitement. Je connais Safrania. Et, surtout, je connais la Team Rocket. Je saurais donc reconnaître leurs membres s’ils sont infiltrés en ville.
Mais avant que je n’ai le temps de lever le bras pour me proposer, je vois quelqu’un s’avancer face au Major. Il s'agit du vieux con d’hier…
“J’ai l’habitude des missions de ce genre.”
“Ce n’est pas faux… Mais ça me fait chier de t’envoyer seul, Sean. Ces fils de putes ne jouent pas avec les mêmes règles que nous,” répond le Major, observant les autres soldats, qui semblent hésiter à se proposer.
Ils n’ont pas tort d’être réticents. Ces hommes et ces femmes sont jeunes pour la plupart. Ils ont peut-être de l’expérience en combat, mais pas en infiltration.
Soupirant longuement, je lève finalement la main. J’aurais préféré être seul plutôt que de devoir me coltiner le vieux connard aux cheveux bleus, mais tant pis. Nous ferons avec.
Je soulève la bouche d’égouts au-dessus de ma tête, m’extirpant de l’endroit nauséabond avant de tendre une main à papy juste derrière.
“Ça ira,” répond-il en ignorant mon geste, sortant à son tour.
Nous sommes désormais dans une ruelle, à l’arrière d’un vieux resto abandonné. Le vieux ne m’a pas posé de question vis-à-vis du passage, mais, pour la faire courte, nous sommes entrés via un vieux tunnel relié aux égouts de la ville.
Ce dernier est caché par un champ de maïs, au bord d’une rivière coulant au sud de Safrania. Si je ne connaissais pas la ville et ses alentours comme ma poche, nous n’aurions jamais pensés à ce passage.
Safrania est connu pour être le carrefour de Kanto. Une ville par laquelle tout le monde passe. De ce fait, à l’instar de Céladopole, Safrania est également séparé en divers districts. La différence étant que la ville est plus petite que la capitale, et que ces districts n’ont pas un rôle administratif, mais plus culturel.
Ces nombreux districts culturels sont répartis autour d’un plus grand district, au centre de Safrania. Le District Central, ou l'on trouve le siège de nombreuses entreprises, principalement orientées vers la recherche et le développement technologique. Ainsi que la gare centrale servant de terminus au chemin de fer transcontinental.
Il s’agit d’un endroit un peu chaotique, avec beaucoup de verticalité, incitant à l’utilisation des nombreux ascenseurs et escalators disponibles dans les rues.
C’est dans ce district que se trouve le quartier général de la Sylphe. Et puisque nous ne sommes pas si loin du centre-ville, je propose à mon partenaire du jour d’aller y jeter un coup d'œil. Chose qui ne semble pas lui plaire.
“Ce n’est pas dans mes méthodes. Normalement, on recueille un max d’infos avant de s’approcher du nid.”
“En temps normal, je serais d’accord avec toi, mais le fait est que je connais très bien la ville et la Team Rocket. Les risques sont donc réduits. C’est pourquoi je propose de gagner du temps en attaquant le centre-ville avant d’enquêter dans les « sous-districts ».”
“C’est en se permettant des choses de la sorte qu’on se fout dans la merde, gamin.”
“Et c’est en refusant de changer ses habitudes qu’on devient un vieux con,” je réponds, avant d’avancer sans l’attendre, mettant ma capuche afin de dissimuler au mieux mon identité. “Allez papy, on bouge.”
Ce dernier me suit, à contre-coeur, mettant sa propre capuche de son poncho militaire.
En arrivant au District Central, une chose saute directement aux yeux. Il y a beaucoup plus de monde ici que dans le district où nous étions précédemment. Mais surtout, j’ai l’impression que la plupart des gens marchant dans la rue sont des membres de la mafia, dissimulés.
Je fais alors signe à mon acolyte pour me suivre dans un bâtiment. Il s’agit d’un immeuble de seize étages, relativement petit en comparaison avec les gratte-ciel qui habillent le paysage.
Nous montons au dernier étage, et accédons au toit. Après avoir la certitude que nous sommes seuls au sommet, je m’avance vers le bord afin d’avoir une meilleure vue de la rue dans son ensemble.
“Vu ta réaction, j’imagine que ce sont tous des ennemis,” demande Sean, observant les autres buildings.
“Pas tous, mais presque. Tu cherches des snipers ?”
“Non. C’est moi, le sniper,” répond-il d’un ton aussi aimable que d’habitude.
J’en déduis que ce sera son rôle le jour de l’opération. Si c’est le cas, j’ai vraiment hâte de confier mes arrières à un type qui me déteste…
Décidant de le laisser faire son propre repérage, je commence à prendre note des mouvements autour de la Sylphe SARL. Il y a juste un problème : leur QG est énorme. En fait, si je devais le décrire, je dirais qu’il s’agit d’un grand complexe en forme de S (ou d’infini si on prend en compte les plus petites sections) posté au milieu de la seconde plus grande ville du pays.
Il faudra plusieurs jours pour couvrir tout le périmètre autour de la Sylphe. Et plusieurs personnes. Sauf si…
“Bougeons vers un autre district. J’aimerais acheter quelque chose.”
“Des caméras ?” Demande le vieux, visiblement déjà au courant.
“Nous sommes sur la même longueur d’onde pour une fois. Nous ne sommes pas loin du District Johtonnais. Je propose d’y faire un tou—”
“Non. Tout sauf les johtonnais.”
… Hein ? C’est quoi son putain de problème avec les johtonnais ? Nous sommes dans une mission d’infiltration, et ce connard pense que c’est le moment d’être raciste ?
“T’as un problème avec—”
“Il y a le District Hoen non loin d’ici également. J’irais voir s’il y a un bar d’ouvert pour y enquêter pendant que tu achètes le matos.”
Il ne me laisse pas en placer une. Peu importe. Ce n’est pas comme si nous devions obligatoirement commencer par le District Johtonnais. J’en parlerai avec le Major plus tard.
Le District Hoen est, comme tous les autres districts culturels, très orienté autour de la culture qu’il représente. Les bars et restaurants respectent le thème d’une île de l'archipel, tandis que les magasins proposent des produits souvent originaires de là-bas également.
Nous ne sommes pas venus faire du tourisme, cependant. Je prends donc une vingtaine de caméras, que le commerçant ne me fait pas payer. Il s’est montré très compréhensif lorsque je lui ai expliqué ce pour quoi je suis à Safrania.
Le nombre de membres de la Team Rocket dans ce district est beaucoup plus réduit comparé au District Central. Il est donc plus simple de se déplacer dans les rues, et d’aborder les commerçants pour avoir des infos.
Leurs renseignements diffèrent de ceux que Sean pourra obtenir dans un bar. Le bar est un lieu où les langues se dénouent. Les commerçants, eux, sont comme des caméras humaines, enregistrant le quotidien des personnes dans les rues.
Sans parler du fait que, tout comme moi, ils ont la capacité de différencier un véritable habitant de Safrania d’un sbire déguisé.
Je prends donc note de tout ce que les commerçants m’ont partagé, puis je pars rejoindre mon acolyte dans le bar où je l’ai laissé plus tôt. Le Verre Mi Lava. Un établissement connu pour ses cocktails corsés, mais surtout pour son ambiance chaude à la nuit tombée.
C’est un bon choix pour enquêter. L’alcool et l’atmosphère luxurieuse des lieux sont parfaits pour faire ressortir des secrets qui ne devraient pas atteindre nos oreilles en temps normal. Et aussi, c’est le genre d’endroit qui est complètement vide tant que le soleil n’est pas encore couché.
En entrant, je vois que Sean est assis au bar, aux côtés de ce qui me semble être une chanteuse un peu trop alcoolisée. Comme dit précédemment, le bar est vide, hormis ces deux clients ainsi que le barman, qui à l’air un poil trop fatigué.
“Oooh~ ! Un autre homme beau et mystérieux ! Et jeune cette fois-ci…” dit la chanteuse, se balançant sur sa chaise en rigolant stupidement.
“Désolé poupée, mais lui son délire, ce sont les johtonnaise,” répond Sean, dans un rire gras.
“Il s’est trompé de district…?” Demande sa nouvelle amie, dans un premier degré presque inquiétant.
Je m’avance vers le vieux, le fixant d’un regard froid.
“Tu as les infos, au moins ? Ou t’es juste venu payer des verres à une prostituée ?”
“Hey ! Je suis pas une… prosti… hic… Oh, et merde !” Réclame la femme alcoolisée avant d’allonger sa tête sur le comptoir, probablement partie pour une sieste.
Sean claque la langue, me faisant un geste de la main pour que je dégage.
“Tu me gènes dans ma mission gamin. Pars faire un tour, j’te retrouve après.”
“Je t’ai laissé trente putain de minutes dans ce bar,” je dis, d’un ton sec en frappant mon poing sur le comptoir. “On n’a pas de temps à perdre.”
“Hey. Calmez-vous,” intervient le barman, me jetant un regard méfiant. “Je ne veux pas de ça dans mon bar.”
Mon attention se tourne naturellement vers lui. Sean se frotte les yeux, pressentant ce qui est sur le point de se produire, mais ne cherchant pas à intervenir.
“Vous comprenez pourquoi nous sommes ici ?”
“Z’êtes des militaires, c’est ça ? Dans ce cas, allez libérer la ville au lieu de créer davantage de pro—”
Tendant mon bras, j’attrape le col du barman, le tirant dans ma direction afin qu’il soit obligé de me fixer dans les yeux… où plutôt dans l'œil, mais bref. Les verres sur le comptoir tombent et se brisent au sol alors que je lui parle avec une voix venimeuse.
“C’est bien facile de se laver de toute responsabilité, espérant que les autres fassent tout le boulot, hein ? Si tu souhaites qu’on vous sauve de la Team Rocket, il va falloir parler.”
“H.. Hey ! Lâchez-moi !! Vous êtes complètement fou !!!”
“Laisse-moi deviner, la mafia te paie pour collaborer avec eux ?”
Son corps tremble alors qu’il cherche désespérément à se libérer de mon emprise. Mais cela n’a que pour effet de renforcer l’étreinte de ma main sur son col.
“É.. Évidemment que non !!!”
“Parle dans ce cas !” Mon haussement de voix crée chez lui un choc. Comme un coup invisible, touchant directement une peur que j’ai moi-même créée.
Après que le barman ait craché toutes ses infos, nous sortons de l’établissement, laissant une liasse de billets sur le comptoir, où la chanteuse dormait toujours.
“Je n’aime pas tes méthodes,” me dit Sean, à peine sorti, me lançant un regard noir.
“Et je suis censé en avoir quelque chose à foutre ?” Je lui réponds, avançant dans la rue sans même prendre la peine de me tourner vers lui.
“Quand on enquête dans un bar, on prend le temps de créer un lien avec les clients et le barman. C’est un lieu sacré pour les éclaireurs.”
Je comprends ce qu’il veut dire. Comme précisé plus tôt, les infos que l'on obtient dans ce genre d’endroit sont très différentes et ont souvent beaucoup plus de valeur que ce que l'on entend de la bouche d’un commerçant.
Il est donc important de maintenir une bonne entente avec les gens qui détiennent ces informations. Mais le fait est que nous n’avons pas le luxe du temps. Et je me fiche pas mal de ruiner ma réputation auprès d’un bar de Safrania.
Sean profite du fait que nous passons par une ruelle pour poser lourdement sa main sur mon épaule afin de me forcer à m’arrêter. Je soupire longuement, puis me tourne finalement vers lui.
“Quoi encore ? On a nos infos, et des cams à installer.”
“Si ça continue, c’est toi qui vas niquer notre opération,” dit-il, me fixant droit dans les yeux d’un air grave.
“Écoute papy… Si j’ai fait ça, c’est justement car on manque de temps. On ne peut pas prendre le risque d’être exposés.”
“Je n’ai pas attendu que tu sois né pour faire ce genre de mission, gamin. Est-ce que tu comprends ce que j’essaie de te dire ?”
J’attends la suite, silencieusement. Mon estime du gars étant déjà beaucoup trop basse pour que ses mots ne m’atteignent d’une quelconque manière.
“C’était pareil pour la johtonnaise à Parmanie. Et aussi pour la raison qui t'a poussé à me suivre à Safrania. Tu ne fais confiance à personne,” dit-il, lâchant enfin mon épaule.
Comme je le pensais, ce type ne sait pas de quoi il parle. Si je ne faisais confiance à personne, je n’aurais pas inclus Ember et Anzu à mon plan lors de la bataille de Parmanie. Je ne me serais pas allié au major non plus. Et je n’aurais jamais laissé Ember partir sans moi.
“J’vois dans ton regard que tu ne me crois pas. Mais tu as menti à ta petite amie au camp. Et tu es venu t’imposer dans le bar tout à l’heure. Quant à la gamine que tu as laissé partir avec Farida… C’est de toi dont tu n’as pas confiance.”
…
Mon poing se serre avant que je ne fasse un pas en direction de Sean, le fixant d’un regard noir.
“Je me suis efforcé à rester poli jusqu’à maintenant, mais si tu dis un mot de plus…”
“Tu agis comme une bête blessée. Montrant les crocs à tous ceux qui t’approchent pour donner l’impression que tu es toujours aussi fort. À tel point que tu ne te contente plus que d'agir sans même réfléchir aux conséquences sur le long terme.”
Mon sang bouillonne dans mes veines. Je veux frapper ce vieux jusqu’à ce qu’il ne puisse plus dire un mot de plus. Mais le peu de raison qu’il me reste retient mon poing de se décocher dans sa gueule.
De son côté, Sean se contente de soupirer longuement, avant de poursuivre sa marche.
“J’ai été comme toi, autrefois. Et je sais que peu importe ce que j’te dirais, tu n’en feras qu’à ta tête,” poursuit-il, d’une voix lourde. “Nous avons assez perdu de temps. Allons-y.”