Donjon Mystère - La porte du devenir

Chapitre 6 : Pour autrui

4731 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/12/2021 19:53

      Il… vient de partir…

Je devais le protéger, c’était mon rôle. Mais Nidoran vient de partir.

Je ne suis qu’un bon à rien !

Voilà ce que je ne cessais d’exclamer pensivement, en m’effondrant face à l’horizon de ce monde inconnu. Les larmes me venaient, c’était plus fort que moi.

- (Bulbizarre) *snif* Nido… je suis tellement désolé… !

Elle s’avança, je sentis sa chaleureuse présence me caresser le bulbe. Sylveroy me tapota le dos, mais à quoi bon ? Elle ne peut pas comprendre cette sensation, celle d’être un horrible frère… !

- (Sylveroy) J’aurai aimé ne pas partager ce sentiment, Bulbizarre.

Elle se mit à genoux à mes côtés.

- (Sylveroy) Mais nous faisons tous des erreurs. Avec le temps, j’ai compris que le plus important était la capacité à pardonner d’autrui. S’il te condamne, alors tu dois vivre à jamais dans le remord, comme moi.

- (Sylveroy) Hélas, je ne pense pas que ce soit le cas de ton petit frère.

- (Bulbizarre) Comment peux-tu en être aussi sûre ?

- (Sylveroy) … Je ne sais pas. C’était simplement agréable, de marcher à vos côtés. Une relation fraternelle aussi sincère, qu’aurais-je donné pour ne serait-ce qu’y penser, à l’époque où j’étais à ta place ?

- (Bulbizarre) Qu’est-ce que tu racontes ? Je… *snif* je lui ai menti, ! J’ai fait tout l’inverse de ce que je m’étais promis de devenir, en quittant Bourg-Trésor ! Combien de temps a-t-il fallu que je l’attende ? Celui qui me considéra, pour la première fois de ma vie, comme autre chose qu’un pauvre mioche qu’on ne peut que regarder de haut !?

- (Sylveroy) Un modèle d’inspiration ?

- (Bulbizarre) Un héros… ! Il me donna confiance en moi, il fit comprendre aux autres leurs erreurs, il m’apprit à leur faire face et… à les comprendre ! C’est comme ça que nous sommes devenus une famille, et c’est dans cet état que Nidoran devait nous rejoindre. On devait l’accueillir comme notre nouveau petit frère, alors pourquoi… ? Pourquoi est-ce que je lui ai menti ?

- (Sylveroy) Pour le protéger, et tu le sais.

- (Bulbizarre) Oui et résultat, je n’ai plus la capacité de le protéger ! Parce qu’il ne me fait plus confiance, parce que je lui ai menti. La vérité, c’est que oui, la vie de Nido m’importe bien plus que celle de Sabelette ! Je savais qu’elle souffrait, j’ai parfaitement compris ce qu’il se passait, le soir où sa mère est venue la chercher à l’orphelinat. Mais je m’en fichais, parce que Nido, lui, allait bien. J’ai consacré tout mon temps libre à son éducation, tout ce que je voyais, à ce stade… ce n’était que son bonheur ! Et maintenant, à cause de mon égoïsme, eux deux sont en danger…

- (Sylveroy) … Alors que décides-tu de faire ?

- (Bulbizarre) Je… je ne sais pas, Sylveroy. Je ne suis pas un héros.

- (Sylveroy) Penses-tu ?

- (Bulbizarre) Et toi… ? Tu dois toujours mettre la main sur ton compagnon, pas vrai ? Qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ?

- (Sylveroy) J’irai le chercher en temps voulu. En attendant…

Elle se releva à son rythme, fixant du regard non pas le château de Nidoqueen, mais bien le chemin qu’il fallait parcourir pour y parvenir.

- (Sylveroy) Nidoran m’a ouvert les yeux, et je refuse de les refermer comme si de rien n’était.

- (Bulbizarre) Comment ça… ?

- (Sylveroy) Ce peuple, il n’est pas à elle. Je refuse d’y croire, plus après ce que Nidoran a réussi à faire.

Oui, c’est vrai qu’il a convaincu le Racaillou d’arrêter l’affrontement. Il est encore si jeune, il ne connait rien à la vie et pourtant… son sens de l’amitié, de la compassion et de sa morale a fait qu’il trouva les mots justes. C’était… vraiment improbable, je n’en reviens toujours pas.

- (Sylveroy) Repenses-y, peut-être que cela t’aidera.

- (Bulbizarre) Quoi… ?

- (Sylveroy) Le sens de l’amitié, de la compassion et de sa propre morale. Cela t’est-il si difficilement accessible, ou vous faut-il absolument un diplôme, dans votre monde, pour être qualifié de héros ?

Je… je n’avais pas vu les choses comme ça. À peine commençai-je à y penser, que Sylveroy me tourna le dos pour s’élancer vers l’horizon du territoire à la terre rouge, cette fois-ci sans emprunter les voies étroites.

Moi, je restai bloqué sur ses dernières paroles.

Qu’est-ce qu’un héros ?

 

La porte du devenir – Chapitre 6 : Pour autrui

 

- Les gars, regardez !

- J’hallucine, c’est elle !

- Elle est encore en vie !?

Sylveroy était au milieu d’un grand terrain vide. En d’autres termes : tout le monde la voyait. Un groupement de Pokémon se forma face à elle, des Pokémon comme Racaillou, c’est-à-dire petits et en mauvaise forme physique. Tous avaient deux points commun : des hommes de type sol. Leurs accoutrements étaient affreusement simples. Ils ne protégeaient pas du froid pour, au contraire, laisser dégager une odeur de transpiration très désagréable.

En la voyant approcher, ils serrèrent tous les poings. Mais elle ne paniquait pas, bien au contraire.

- (Sylveroy) Mes salutations, messieurs.

- Dégage… ! Hors d’ici, ennemie de la reine !

- T’as de la chance d’être née avec autant de pouvoirs, sinon on… !

- (Sylveroy) Calmez vos ardeurs, je ne suis pas venu vous causer des ennuis. Bien au contraire, je viens vous tendre une main.

- Quoi… ?

Tous se regardèrent avec inquiétude. Personne ne semblait la croire.

- Arrête… ! Va-t’en ou on te chassera par nos propres moyens !

- (Sylveroy) … Comment ?

… Le silence régna.

- (Sylveroy) Comment comptez-vous vous y prendre ? La seule capable de me vaincre est dans ce château, et même si je vous laissais le faire, vous n’iriez pas la chercher me combattre.

Ils baissèrent tous la tête, ils n’avaient plus de cartes en main.

- (Sylveroy) Alors s’il vous plaît, écoutez-moi.

- Qu’est-ce que tu veux, à la fin !?

Elle soupira, avant de s’incliner poliment. De là où j’étais, je devais plisser les yeux tellement je ne comprenais pas ce geste. Avais-je loupé un dialogue ? Je ne pense pas, si j’en crois la tête de tous ceux à qui étaient destinées ces excuses :

- (Sylveroy) Pardonnez-moi. Depuis le jour où elle vous demanda de détruire mon royaume, depuis cet événement, le seul où elle vous servit véritablement de cheffe ; j’ai cédé. Moi qui m’étais juré de chercher à comprendre autrui, j’ai préféré agir par fainéantise. Au lieu de vous pardonner, je vous ai condamné.

Je… je vois. Elle applique la façon de penser de Nido pour se racheter. C’est très honorable. En face, ils ne semblent pas savoir quoi répondre, c’est un peu mignon, ah ah…

- Et… maintenant ? Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse de tes excuses ?

- (Sylveroy) Je ne cherche pas à vous convaincre. En revanche, si je peux vous aider pour quoique ce soit, alors demandez-moi.

- Euh… d’accord… ? Merci, je suppose, maintenant pars… ?

- Attends ! Peut-être qu’elle ne ment pas ?

- Tu rigoles !? Elle est trop bizarre, une reine n’agit pas comme ça !

- Personnellement, si je peux avoir quelques mains fortes supplémentaires pour terminer la construction de mon foyer, j’dirai pas non.

- Pfff… ! Elle se fout de nous ! Tu crois qu’elle va se salir les mains pour…

- (Sylveroy) Avec grand plaisir.

- Hein !?

- Sérieux ?

Sérieux… ? En guise de réponse, elle lui hocha simplement la tête. C’est une drôle de façon de se faire pardonner, mais j’apprécie. En fait, je ne compte pas rester les bras croisés non plus !

- (Bulbizarre) Je participe aussi !

- C’est quoi, ça !?

- (Sylveroy) Un passager. Il est avec moi.

- (Bulbizarre) Appelez-moi Bulbizarre, et je vous promets de faire de mon mieux pour améliorer votre quotidien !

Exclamai-je avec le sourire. Et alors que je m’attendais à me faire juger du regard, je ne les vis qu’esquisser un bref mouvement d’épaule. Aucune moquerie, aucun jugement, aucun regard hautin.

… Ça change de l’extérieur.

Tout le monde se dirigea donc vers la maison de cet habitant. J’imagine qu’ils voulaient tous la preuve de la « prétendue » bonté, évidemment avérée, de Sylveroy. Et alors que je me préparais à trouver une petite maisonnette certes en ruine, mais tout de même faite de planches avec des murs et une porte, quelle fut ma surprise face au bloc creusé auquel je fis face. Un tas de foin servait de lit et une crevasse de réserve d’eau. Le haut du bloc faisait office de toiture, et c’est absolument tout.

- (Bulbizarre) Vous… vivez là ?

Quelle question stupide, j’avais ma réponse en baladant mon regard aux alentours. Chaque bloc avait une surface de creusée pour servir d’espace privé, un espace sans aucune intimité, un espace d’à peine plus de trois mètres carrés.

- On manque de foin en ce moment, le climat se rafraîchit.

- (Sylveroy) Je peux vous en créer.

- Avec tes pouvoirs psychiques, tu veux dire ?

- (Sylveroy) Tout est toujours une question de volonté.

- (Bulbizarre) Sylveroy, attends… ! Et si tu faisais plus que ça ?

- (Sylveroy) J’écoute.

- (Bulbizarre) Tu sais, de l’autre côté de la trappe, les maisons sont un peu plus larges. Les murs plus épais, l’architecture plus sophistiquée avec des fenêtres et une porte d’entrée. Avec un terrain aussi grand pour si peu de monde, on pourrait même leur imaginer un jardin !

- Fenêtre ?

- Porte ?

- Jardin ?

Ils… ne savent pas ? Pourtant, ils n’ont qu’à se tourner vers le château de leur reine, ils n’ont qu’à mettre un mot sur toute cette structure à laquelle ils ne pourront jamais poser une patte.

Sylveroy se tourna après ces mots. Elle dévisagea le château avec doutes, avant de simplement baisser la tête.

- (Sylveroy) Je pensais au mien. Je n’ai jamais eu la force de le reconstruire.

- (Bulbizarre) Pourquoi ?

Non, je sais pourquoi. Tu étais seule, n’est-ce pas ?

- (Sylveroy) Pas seule, seule contre tous.

- (Bulbizarre) … Dans ce cas, profitons du fait que ce ne soit plus le cas, Sylveroy. Faisons-le ensemble !

Et là, je suis certain d’avoir distingué l’esquisse d’un sourire sur son visage !

- (Sylveroy) Bien. J’ai souvenir des habitations de mon époque, mais votre modernité attire ma curiosité. Alors guide-moi, Bulbizarre, montre-moi les progrès de vos architectes.

- (Bulbizarre) Ah ah, je ne serais pas le meilleur représentant, ça c’est sûr ! Mais ça va être marrant, alors commençons ! Déjà, il nous faudrait de la pierre !

Et soudainement, un tas de pierre se forma face à moi. Ils étaient entourés d’une aura rose et flottaient légèrement au-dessus du sol. Clairement, elle avait une maîtrise impeccable de ses pouvoirs.

Alors on en profita ! Les villageois, eux, ne commencèrent qu’à peine à s’extasier.

Je lui donnais les instructions, et elle les exécutait de manière approximative. Bon, la base en pierre ne fut pas compliquée. Je me suis inspiré de l’architecture de Bourg-Trésor, aux maisons carrées, bien plus qu’à Bourg-Lavaley où tout était un peu plus ovale. C’était plus simple pour Sylveroy aussi, qui n’avait qu’à empiler les blocs avant de les sceller avec ceux du dessous, comme si elle mettait de la colle extra-forte directe et sans l’odeur désagréable qui allait avec ! Puis, des murs en bois. De lourdes planches solides qui isolaient du froid, d’épais troncs stables qui isolaient du son, d’impénétrables racines qui permettaient l’intimité de chacun. Des toits en pierre et de l’exacte même couleur que la terre rouge de ce territoire pour ne pas que cela se voit trop de loin, comme depuis les scintillantes fenêtres du château de la reine, par exemple.

Puis, on s’occupa de l’intérieur : dalles en pierre pour monter, plancher en bois en base de sol et construction d’une échelle pour un accès au grenier. Au rez-de-chaussée, une vraie réserve d’eau et des récipients pour en récolter aisément. Une cheminée, des ressources pour l’alimenter ainsi qu’un espace dédié entièrement à l’hygiène. À l’étage, un vrai lit, avec une couverture et un oreiller. Ces pauvres gens ne passent pas l’examen de la guilde d’exploration non plus, pas la peine de les faire dormir sur des tas de pailles !

On conclut le tout avec une grande et épaisse porte en bois, minutieusement attachée et dont la serrure diffère pour chaque nouvelle résidence de créée. Le clou ultime dans l’introduction de ce nouveau concept : son jardin privé.

Tous nous dévisagèrent avec de gros yeux, quand on leur confia à chacun la clé de leur nouveau chez soi. C’était silencieux à en devenir gênant, alors je demandai une dernière chose à Sylveroy.

- (Sylveroy) Que l’on se repose ici ?

- (Bulbizarre) Ouais, difficile de jauger le temps quand le ciel est entièrement noir. Mais j’me sens rincé, et mieux vaut être au meilleur de notre forme, quand on confrontera la reine !

- (Sylveroy) Très bien, je te suis.

- (Bulbizarre) Ah ah, merci ! Dans ce cas, occupons-nous aussi des festivités !

- Quoi… ? Quelles festivités, que sommes-nous supposés acclamer !?

Elle prit les devants. Je n’eus pas même à le lui suggérer, elle le créa avant que je n’ouvre la bouche. Un grand feu de camp, aux flammes chaudes et chaleureuses ! Il refaucha leur corps, à défaut de ne pas savoir comment exprimer celui de leur cœur. Ce n’est pas grave, je ne tiens pas à être remercié.

Je souhaite juste me faire pardonner.

- (Bulbizarre) Vos nouvelles conditions de vies, ah ah !

Qu’importe à quel point votre pauvreté compte pour Nidoqueen. Ce n’est pas ma reine. Moi, je ne vois qu’un groupe de Pokémon à qui l’on n’a jamais appris à dire « à l’aide ». Je n’ai rien fait, en soi, c’est Sylveroy qui peut tout créer par la pensée. Mais… c’était agréable.

Disons que je m’en sais encore capable.

Maintenant, je sais que je peux encore te sauver, Sabelette… !

La soirée fut longue, mais tellement apaisante. Pourtant, ça a bougé ! Je ne sais pas jouer de la musique, je laisse l’honneur à ma grande sœur, Vivaldaim, qui a commencé à apprendre le piano parce que l’école en avait un de poussiéreux. Hélas, j’ai commis l’erreur de récupérer un bout de boit pour le tapoter en rythme contre le sol, alors que nous dégustions les délicieuses et sucrées pommes roses du territoire. Les autres semblaient happés par le tempo, alors Sylveroy créa tout un tas de blocs aux contenances différentes et me les entoura. Chacun des tapotements que j’exécutais sur un bloc faisait un son différent, oui, comme une sorte de batterie. Mais là, le VRAI côté magique de ses pouvoirs me permit de sortir une mélodie malgré mon niveau inexistant dans ce domaine. Et du coup… les autres se sont mis à danser !

Sérieux, je n’arrive pas à croire que j’ai fait danser tout un village en jouant de la batterie ! Dans quel mon j’ai atterri !?

- (Sylveroy) L’irréalisable n’est-il pas amusant ?

- (Bulbizarre) Hein ? Si, ah ah, bien sûr que si !

Ouais, c’est vrai qu’on y est encore. Le diner s’est terminé, tous les villageois regagnent… ou gagnent pour la première fois leur maison pour y passer une nuit de folie, j’en suis certain. Quelques-uns m’ont remercié, d’autres d’un simple mouvement de tête, mais tout le monde souriait.

Là, le feu a beaucoup diminué. Sylveroy et moi sommes les derniers à être devant. Oh là là, j’adore cette ambiance, j’ai l’impression qu’il est quatre heure du matin et que je n’ai pas le droit de veiller aussi tard ; mais que d’un autre côté… personne ne m’en voudra jamais d’avoir gardé les yeux ouverts un peu plus longtemps, si ?

C’est si agréable, de se sentir utile.

- (Bulbizarre) Merci beaucoup, Sylveroy. Tout cela, c’est grâce à toi.

- (Sylveroy) Merci à toi, mon ami. J’ai de tels pouvoirs depuis la nuit des temps, et ai hélas appris à les considérer comme une malédiction. Les utiliser aux services des autres ? Jamais cela ne m’avait traversé l’esprit. Alors attendre qu’un enfant trop idéaliste pour son monde me fasse comprendre à quel point je… n’avais pas le choix, en fin de compte…

- (Bulbizarre) Comment ça ?

- (Sylveroy) Ce n’est pas un cadeau. Ce que l’on vient de faire, je considère tout cela comme un devoir.

- (Bulbizarre) … Alors nous sommes deux. Un pouvoir à mettre au service de ceux qui ne savent pas ou plus crier à l’aide. Il faut leur montrer que ce n’est pas normal, de vivre sous un tel règne. Qu’est-ce que je raconte ? Ce n’est pas un règne, elle ne les a jamais considérés ! Cette Nidoqueen… sérieux, elle craint tellement !

- (Sylveroy) Je ne comprends pas ses ambitions. Elle détruit uniquement pour se montrer supérieure, elle veut humilier non pas avant tout, mais seulement humilier ses adversaires. Sinon, elle m’aurait abattue il y a bien longtemps.

- (Bulbizarre) J’ai cru comprendre qu’elle avait attaqué ton château ? C’est pour ça qu’il était en si mauvais état, que beaucoup de parties n’étaient pas rénovées ?

- (Sylveroy) Oui, c’était il y a deux ans. Elle était aux côtés de tous ceux qui nous entourent actuellement. Mes pouvoirs les effrayaient, mais pas elle. Elle me confronta et me massacra. Et alors que j’étais au sol, alors qu’elle avait l’opportunité de m’éliminer… elle me regarda juste de haut, avant de me forcer à « admirer » la destruction de tous mes biens. Elle corrompit mon seul ami et me le vola, puis ils s’en allèrent sans ne rien prendre de plus que ma dignité. Jamais ils n’empiétèrent sur mon territoire, jamais ils ne revinrent après ça.

- (Bulbizarre) Et pourtant elle te pensait morte, tout à l’heure, non ?

- (Sylveroy) Elle devait parler de mon esprit.

- (Bulbizarre) Hum. Et… le sceau ?

Je me tournai en direction de la Montagne Fougueuse.

- (Bulbizarre) Pourquoi ne le traverse-t-elle pas, si elle cherche tant à affronter des gens ?

- (Sylveroy) Elle ne le peut pas et heureusement.

- (Bulbizarre) Le sceau ne fonctionne pas sur elle ?

- (Sylveroy) Son concepteur l’a conçu de manière à agir uniquement sur les Pokémon de son monde. Comme vous venez du sien, toi et les deux petits, vous n’aurez aucun problème à l’emprunter. D’ailleurs, je pense que c’est pour cela qu’elle en a après votre amie.

- (Bulbizarre) Quoi, Sabelette ?

- (Sylveroy) Elle veut l’utiliser comme un moyen d’accéder au monde extérieur. La former à son… image, je suppose.

- (Bulbizarre) Quelle angoisse… ! Vivement qu’on la sorte de là !

- (Sylveroy) Je ne te le fais pas dire.

- (Bulbizarre) Et… sinon, ce fameux concepteur ? Qui est-il ? Comment tu sais qu’on vient du même monde ?

- (Sylveroy) C’est… une longue histoire.

Elle baissa la tête et diminua timidement le ton de sa voix. Je comprends ce genre de malaise, je sais ce qu’il signifie.

- (Sylveroy) Tu penses ?

- (Bulbizarre) Je pense surtout que tu n’as pas à avoir honte de ton passé. Jamais je ne te jugerai, Sylveroy, je te le promets. J’veux dire, c’est à ça que servent les amis, pas vrai ?

- (Sylveroy) … Certainement.

- (Bulbizarre) Si tu veux, on fait ça doucement. Ne donne pas de noms, seulement des rôles et des actions.

- (Sylveroy) … Très bien. Dans ce cas, on peut dire que… tout commença avec deux formidables Pokémon. Leur rôle… ? Me sauver.

Ils m’avaient trouvé en forêt, apparemment en très mauvais état. C’est un don chez les types psy, de sentir leur compère en situation de danger. Selon eux, mon esprit hurlait à l’aide. Mais je ne mesurais pas plus haut que trois pommes, les rouges, celles de votre monde. Ils m’ont donc ramené jusqu’à chez eux, ont pris soin de moi puis… m’ont laissé dans le berceau. Un autre nouveau venu allait bientôt arriver, mais ils me l’ont quand même donné.

En d’autres termes, ils m’avaient adopté.

Les années passèrent, et je grandis à ses côtés. J’étais sa petite sœur, même si j’étais née avant. Disons que lui comprenait tout du premier coup, il était beaucoup plus ingénieux.

La culture qu’ils nous enseignaient était spirituelle. « Ne place aucune confiance en la technologie, étudie seulement ton esprit ». C’est ce que je fis, mais lui dévia quelques regards vers l’interdit pour progresser plus rapidement. Encore aujourd’hui, je suis certain qu’il ferait mine de détester les progrès techniques, pour en réalité s’en servir afin de mieux comprendre son propre esprit, ses propres pouvoirs. Il ferait la paire avec un scientifique.

Un jour, quelque chose le perturba. Il sentait d’autres présences, des vies enfouies profondément dans les abysses du monde, tout du moins à Bourg-Lavaley, notre village natal. Je ne le pris pas au sérieux, et il n’en devint que plus distant.

La dernière fois que je le vis, il y a cinq ans, il était face à la trappe de notre père. Elle menait à son atelier, mais plus personne n’avait osé y mettre les pieds depuis qu’il… bref, il avait accompli l’impensable. Un autre monde, il avait conçu un passage vers un autre monde, vers ces voix qu’il n’avait cessé d’entendre depuis ce jour.

Il me demanda de le traverser, il voulait me prouver qu’il avait raison. Alors je m’exécutai, avant de me réveiller dans un territoire vide au ciel noir. Un faisceau lumineux me faisait face, mais je n’arrivais à l’emprunter. J’étais coincé ici, seule et sans personne pour venir me chercher.

- (Bulbizarre) Et… c’est tout ? L’histoire s’arrête là !?

- (Sylveroy) La suite ne le concerne plus.

- (Bulbizarre) Mais… pourquoi ? Pourquoi n’est-il pas revenu te chercher !?

- (Sylveroy) Je devais l’avoir déçu.

- (Bulbizarre) Et alors, c’était ton frère !

- (Sylveroy) J’étais adoptée…

- (Bulbizarre) ET ALORS !?

… Le silence régna, à la suite de ma question. Je l’avais hurlé en bondissant du rondin de bois sur lequel je m’étais affaissé, peut-être un peu trop enragé par cette injustice. Mais…

- (Bulbizarre) Ça ne se fait pas. Ce type… *soupir* il me répugne !

- (Sylveroy) Navrée de t’avoir mis dans de tels états.

- (Bulbizarre) Non, ah ah, t’inquiète, je suis juste saoulé pour toi. Et… après ? Tu as bâti ton propre château ici ?

Elle me hocha la tête.

- (Sylveroy) Après trois ans dans la solitude, un Pokémon s’est montré. Son pelage noir, sa chevelure violette fantomatique, ses sabots fumeux, son museau qu’il usait pour relever le mien… il voulait me réconforter. Et il y est parvenu, ce sans prononcer le moindre mot. Alors c’est moi qui l’ai nommé : Spectreval, et ça lui a plu. Ensemble, nous avons construit notre royaume, je commençais à retrouver goût aux pouvoirs psychiques. Puis… il y a deux ans…

- (Bulbizarre) Oui, Nidoqueen est apparu dans ta vie.

- (Sylveroy) Et tu connais la suite de l’histoire.

- (Bulbizarre) Sacrée vie, en effet. Écoute, je… je te présente mes excuses pour ce que j’ai pu te dire plutôt, à propos de notre rôle dans cette histoire. Je ne voulais rien entendre pour ne pas avoir à me sentir coupable de te laisser seule. Tout ce qui comptait pour moi, c’était de rentrer à la maison avec Nidoran et c’est tout. Mais après cette soirée…

Je jetai un dernier regard à toutes ces constructions, à tous ces bons moments passés autant aux côtés de ma nouvelle amie, que de ces villageois incapables de cacher de fortes émotions. Certains pleuraient carrément de joie, j’ai… j’ai fait pleurer de joie quelqu’un… !

- (Bulbizarre) … J’ai compris ce que signifiait être un héros. Pas besoin de participer à un entraînement physique atroce pendant une année complète pour agir comme tel, pas besoin d’un fichu bout de papier pour prétendre être capable de comprendre les autres ! Parce qu’un héros, c’est juste quelqu’un qui donne de soi pour autrui et rien d’autre !

Je l’aperçu me sourire, c’était réconfortant. Je ne pense pas être un héros, du moins pas tant que je n’aurai pas entièrement sauvé, autant littéralement que psychologiquement, Sabelette et Nido de là. Et encore, je suis responsable d’une partie de tout ce bazar, et ce n’est pas être un héros, de réparer ses erreurs. Mais si j’arrive à agir comme tel, si j’arrive à revenir à la maison avec ces deux-là à mes côtés, avec Spectreval au côté de Sylveroy et avec une assurance pour la reine de ne plus jamais faire de mal à qui que ce soit… alors tout sera parfait !

On éteignit finalement le feu, il fallait que l’on récupère avant d’atteindre le château de la reine. Sylveroy, je ne sais pas si tu m’entends, mais sache que ton histoire m’a beaucoup touché. J’ai bien compris que tu ne voulais pas revenir sur ton passé, très bien, je ne t’en demanderai pas plus. Mais concernant le présent, concernant ce que nous pouvons encore changer… je te promets de tout, absolument TOUT faire pour ramener Spectreval à tes côtés !

Et sur ces pensées… je m’endormis.

- (Sylveroy) … Merci, Bulbizarre… *snif*

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