Les Train Twins

Chapitre 16 : Lucario

13687 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/10/2021 21:42

Chapitre 16

 

Lucario

 

Entre Bonville et Voilaroc se dressait une petite montagne aux flancs verdoyants. Près de la cime d’un arbre gigantesque, une lucario femelle restait recroquevillée sur elle-même, en boule, pour former un cocon protecteur comme l’aurait fait un racaillou ou un venipatte. Elle somnolait mais restait en alerte. Elle avait délibérément choisi un endroit très isolé pour profiter de la sécurité du silence. Si un ennemi arrivait, elle l’entendrait immédiatement. Son pouvoir d’aura lui permettait de capter les présences hostiles sur plus d’un kilomètre.

Les jours passant, la fatigue avait finalement eu le dessus sur sa peur, elle ferma les yeux… Puis redressa brusquement le torse, elle avait fini par s’endormir bien malgré elle. Pendant combien de temps ? Dans la panique, elle laissa échapper ce qu’elle tenait contre son ventre. Dans un réflexe extrêmement rapide elle rattrapa son précieux trésor avant qu’il ne tombe de l’arbre. Un frisson d’angoisse lui parcourut tout le corps, le pire aurait pu arriver... Avec de grands yeux inquiets, elle examina l’œuf bleuté et tacheté sous toutes les coutures. Elle découvrit avec horreur qu’il était fendu. La lucario avait les larmes aux yeux, elle geignit pour commencer une longue plainte mélancolique lorsqu’elle se rendit compte que l’œuf bougeait. Elle cligna des paupières sur ses yeux humides et réexamina son œuf, il était tout chaud entre ses pattes. Les fissures n’étaient pas dues à un choc : son œuf était simplement en train d’éclore. Un petit sourire se dessina sur les babines bleues de Lucario. Avec la fatigue et le stress, elle commençait à s’imaginer le pire sans raison…

En temps normal, les lucario vivent en meute, la plupart du temps dans les montagnes. Autrefois, il existait une colonie au-dessus des ruines de Bonville, mais avec le développement des villes, de nombreux dresseurs étaient venus pour capturer les pokémon et les lucario qui n’avaient pas été emprisonnés avaient fui. Seule une poignée était restée dans la région, dont les parents de Lucario. Son mâle avait disparu peu de temps après la ponte de l’œuf, elle ignorait ce qu’il lui était arrivé (il avait été capturé alors qu’il arpentait la route 214 à la recherche de nourriture pour sa femelle). Seule avec son œuf, Lucario était très vulnérable malgré l’immensité de ses pouvoirs. Pour veiller sur son œuf, elle était restée éveillée plusieurs jours d’affilé, elle atteignait ses limites mais son bébé allait enfin naitre, même si sa surveillance allait s’avérer encore plus difficile, elle allait enfin pouvoir se déplacer plus facilement. Lucario serrait fermement contre elle son œuf en train de se fendiller petit à petit. Un éclat de coquille s’arracha du bas de l’œuf et une petite patte noire sortie de la mince ouverture.

Alors que lucario contemplait son œuf, son aura réagi. De nombreux pokémon se dirigeaient vers elle… Au creux de ses bras, l’œuf continuait de se disloquer, des morceaux de coquille effritée tombaient par dizaine au pied de l’arbre et le petit riolu presque éclos gigotait contre le ventre de sa maman. Lucario serra contre elle le demi-œuf et son bébé se retrouva le museau dans la fourrure de la poitrine de Lucario. Alors, pour la première fois, le nouveau né gémit.

« Ri… Riolu… » Lucario baissa les yeux pour admirer son fils. Riolu agita les paupières et lentement il ouvrit les yeux. Dans la lueur du jour, ses petites pupilles de bébé avaient du mal à distinguer la silhouette de sa mère mais il sentait son odeur, il ressentait aussi la chaleur et la douceur de son poil. Lucario était partagée entre la joie de découvrir sa progéniture et l’anxiété liée aux troupeaux de pokémon qui se dirigeaient vers son arbre.

Son petit fermement agrippé à sa fourrure, Lucario escalada les plus hautes branches jusqu’à trouver un point de vue suffisamment dégagé pour apercevoir la menace. En contrebas dans la vallée, elle apercevait de gigantesques monstres de métal aux longs cous et aux dents acérées en train d’arracher des arbres et de creuser le sol. Lucario n’avait jamais vu de bulldozer ni de pelleteuse de sa vie, alors cette vision était presque apocalyptique pour elle. Heureusement, ces horreurs étaient loin et ne semblaient pas venir par ici. En revanche, les centaines de pokémon qui les fuyaient accouraient vers son arbre. Alors que les premiers groupes passaient en courant près du tronc, les vibrations de leurs pas lourds et rapides se ressentaient jusqu’à la cime. Elle se cramponna aux branches. Riolu ne comprenait pas ce qu’il se passait, il venait à peine de naître et il fut assailli par les auras négatives de dizaines de pokémon effrayés. En fixant les monstres métalliques dans la vallée, Lucario se dit qu’il valait mieux être prudente et s’éloigner comme les autres.

Dans la montagne et sa petite forêt, un vent de panique animait les pokémon sauvages et ils fuyaient en masse vers l’est et le sud. Lucario passa d’arbre en arbre en sautant entre les branches, son bébé dans les bras. C’était dangereux mais moins que de descendre au sol et de risquer d’être piétinés par un troupeau de rhinocornes dévalant la colline. Le pauvre riolu collé à sa mère entendait aussi le monstrueux vrombissement des pokémon qui chargeaient, il ne savait pas ce que c’était mais ses jeunes oreilles le faisaient souffrir, tout comme son aura rayonnant dans son corps frêle. Il entendait des cris apeurés d’autres espèces de pokémon que la sienne.

Les arbres étaient de plus en plus rares, Lucario ne savait plus où sauter pour fuir. Elle s’immobilisa au sommet du dernier arbre accessible et scruta le décor à la recherche d’un chemin sûr, mais elle n’avait pas fait attention à la fragilité de la branche sur laquelle elle était posée. Dans un craquement sonore, le bois se brisa et elle tomba dans le vide sans avoir le temps de se rattraper. Elle eut juste le réflexe dans sa chute de se retourner pour protéger son bébé entre ses bras, blotti contre son ventre. Elle se cogna dans plusieurs petites branches qui ralentirent sa chute et se fracassa finalement au sol. Elle grimaça avant de recevoir une buche cassée sur le crâne et de s’évanouir.

Son bébé braillait. Lentement, la femelle pokémon rouvrit les yeux, le décor ondulait et une migraine lui cisaillait le crâne. Son premier réflexe fut de baisser les yeux sur son riolu. Il n’avait pas la moindre égratignure mais il pleurait à chaudes larmes, terrorisé sur le poitrail de sa mère. D’une patte, Lucario le serra un peu plus contre elle, elle porta l’autre à sa tempe. Elle sentit une coupure sous ses doigts, elle regarda sa paume, du sang – son sang – ruisselait dessus. Elle était blessée à la tête. Ses yeux pivotèrent de sa patte ensanglantée à son fils, de son fils au chemin qui s’étalait devant elle. La terre avait été piétinée par le passage massif de pokémon. D’autres arrivaient encore, elle le sentait grâce à son aura, elle les entendait aussi… Elle fut dépassée par un ponyta et un malosse affolés. Malgré la douleur, elle se redressa et préféra couper à travers les bosquets et les champs de hautes herbes. Elle avait l’esprit embrumé, elle ne savait plus où elle était… Elle bouscula un simularbre qu’elle avait pris pour un vrai végétal mais le pokémon était beaucoup plus dur. Il semblait aussi perdu qu’elle.

« Lu… Luc… Dit-elle.

- Simuaa. »

Le pokémon dressa sa patte en forme de branche et la pointa dans une direction, il n’avait pas l’air sûr de lui. Lucario se souvenait qu’il y avait un lac au cœur des bois au sud de la montagne, elle l’avait vu lorsqu’elle n’était encore qu’une riolu et que sa meute était descendue à la recherche d’un point d’eau pendant une canicule. Elle estimait que c’était le meilleur refuge qu’ils pourraient trouver, l’endroit était isolé et elle pourrait se nourrir de magicarpes. Soudain, elle commença à ressentir sous ses coussinets un nouveau tremblement dans le sol, c’était un autre troupeau de pokémon fonçant dans sa direction. Ils étaient encore loin mais se rapprochaient dangereusement, des tropius visiblement si elle se fiait à son aura. Il fallait s’éloigner au plus vite. Lucario prit sur elle et ignora la douleur, elle se mit à courir droit devant elle en serrant fort son petit contre elle, il pleurait toujours. Elle allait plus vite qu’un insécateur et sautait avec plus d’agilité qu’un kangourex, mais parfois sa vue se troublait et elle perdait l’équilibre et son sens de l’orientation. Le choc à la tête avait été plus violent qu’elle ne le pensait au départ, même son aura en était perturbée. Lucario traversa un nouveau bois. Elle fonça à travers les arbres serrés vers un point lumineux, elle pensait qu’il s’agissait d’une clairière mais elle se retrouva au beau milieu du domaine de l’hôtel Grand Lac.

Elle s’arrêta, fixa le sol pavé de pierres grises, lisses et froides. Elle écarquilla les yeux, sidérée, au milieu des bâtisses aux murs blancs et aux toits bleus, jamais dans la nature on ne voyait de telles couleurs. Où était-elle tombée ? Et ces odeurs… Ça sentait l’humain à plein nez mais pas que : la peinture, la javel, le savon, les épices grillées, autant de fragrances qu’elle n’avait jamais senti et qu’elle était totalement incapable d’identifier. Des touristes en tongs, avec leurs tenues d’été, leurs enfants et leurs sacs de plage en osier s’arrêtèrent pour regarder cette pokémon surgit de nulle part. Lucario croisa le regard de certains, elle se mit à grogner en resserrant ses pattes autour de son petit. Les touristes eux étaient trop perplexes et habitués aux pokémon du Grand Marais d’à côté pour prendre peur. Lucario l’ignorait mais c’était la période de festival cradopaud à Verchamps et l’hôtel participait aussi aux festivités, habituellement tranquille il était noir de monde ce jour-là. Son pouvoir s’affolait, elle captait trop d’auras différentes pour faire le tri et les comprendre. Une petite fille sortit une sucette de sa bouche pour parler, elle tira fort sur la manche de sa mère :

« Regarde manman, un pokémon ! Il est beau, c’est quoi ? C’est quoi ? »

Les gens dévisageaient Lucario avec curiosité, elle se sentit agressée. Son riolu ressentait la peur de sa mère et toutes ces auras envahissantes, ses pleurs redoublèrent d’intensité. Les yeux du riolu commençaient à s’habituer au monde, très vite les images des humains et de leurs constructions vinrent s’ajouter aux auras, aux sons, à ce brouhaha constant depuis qu’ils avaient quitté leur arbre dans la montagne…

Lucario regardait frénétiquement de tous les côtés à la recherche d’une voie dégagée. Elle reprit au hasard sa course folle. Elle passa à côté d’un manège, une musique entraînante braillait dans les hauts parleurs de l’attraction, sa migraine lui fusilla le cerveau.

« Oh mais ce pokémon tient son bébé. Ca doit être une femelle. » S’extasia une passante.

Lucario poussa un cri menaçant à l’adresse de l’humaine pour la dissuader d’approcher. Plusieurs enfants se mirent alors à pleurer, leurs auras de jeunes humains dégageant une brusque anxiété. Lucario, prenant cela comme une nouvelle menace, bondit sur le toit d’azur d’un pavillon de location.

 « Eh ! Descends de là toi ! » Cria un employé de l’hôtel alerté par un client.

Lucario aurait voulu lancé une aurasphère mais avec son petit dans les bras c’était trop compliqué et dangereux. La pokémon sauta à nouveau et s’enfuit à toute vitesse en escaladant tout ce qu’elle pouvait avec ses puissantes jambes et un seul bras comme appui, l’autre tenant fermement son riolu. Du haut d’un lampadaire, elle aperçut au bout de la rue une pâture et un chemin menant vers la forêt. Elle se jeta au milieu de la foule incrédule et poussa un sprint endiablé pour sortir de cet enfer rempli d’humains et de cradopauds domestiques. Sa tête lui faisait horriblement mal. Heureusement, elle et son petit étaient enfin hors de danger…

Ils étaient désormais dans une prairie déserte. Lucario se reposa contre une barrière en bois pour reprendre son souffle. Elle regarda un instant son riolu et le berça pour qu’il arrête de pleurer. Un goélise se posa près d’elle sur la clôture, il espérait venir picorer quelques restes dans les poubelles du festival un peu plus tard. Lucario en profita pour lui demander quelle direction elle devait prendre pour rejoindre le Lac Courage. Ils n’étaient plus très éloignés, alors le gentil goélise s’envola pour la guider, Riolu avait cessé de pleurer et elle reprit sa course, à petites foulées cette fois, en suivant le vol du pokémon oiseau.

Lucario n’était visiblement pas la seule à avoir trouvé refuge près du lac… Sur ses rives, des ponyta, des rhinocornes et bien d’autres espèces de pokémon étaient en train de se désaltérer. La femelle observa son reflet dans l’eau. Sa coupure au crâne avait cessé de saigner, elle la nettoya à l’eau claire, elle n’avait pas l’air de s’infecter. La cicatrisation devrait se passer au mieux, alors pourquoi continuait-elle d’avoir des migraines qui allaient et venaient ainsi ? Lucario préféra penser à autre chose. Elle attrapa son petit riolu qui attendait sagement au bord du lac et le plongea dans l’eau pour le laver. C’était la première fois qu’il était en contact avec de l’eau, alors le petit pokémon piailla de mécontentement. Sa mère continua malgré tout de lui donner son bain.

Riolu était affamé, depuis sa naissance il n’avait pas encore mangé. Sa mère s’enfonça dans l’eau et attendit patiemment que des poissons approchent. A la manière d’un ursaring, elle planta sa griffe acier dans une petite poissirène imprudente. Les pokémon terrestres autour d’eux la regardèrent avec une certaine appréhension, espérant ne pas être les prochaines victimes. Les lucario étaient omnivores mais comme ils étaient d’excellents chasseurs, ils consommaient beaucoup de viande. La plupart des autres espèces de pokémon se méfiaient des carnivores et les évitaient, pour leur propre sécurité, à moins d’avoir un corps robuste. Aussi, Lucario et son petit se retrouvèrent vite en seule compagnie des pokémon sol et roche.

Riolu savoura son tout premier repas avec sa mère. Elle partit ensuite lui cueillir des baies pour le dessert. Elle était épuisée, une fois le stress envolé il ne restait que la fatigue d’avoir veillé des jours entiers sur son précieux œuf et d’avoir couru à travers la montagne de Bonville. Elle s’installa confortablement contre un tronc d’arbre avec son riolu lové dans ses bras. Le petit souriait enfin, apaisé. Il sentait la chaleur relaxante du corps de sa mère, son odeur rassurante, la douceur de sa fourrure et la tendresse de ses six doigts posés sur son dos.

A l’aube, riolu se réveilla de bonne humeur. Avide de découvrir son environnement. Il partit se balader dans les buissons aux alentours en quête de nourriture. Il se fia à son odorat pour trouver ce qu’il cherchait : un arbre à baie. Il s’efforça de se souvenir ce que sa mère lui avait appris la veille. Les baies roses juteuses et sucrées soignaient le poison, les plus nourrissantes étaient les sitrus malgré leur forte acidité, mais lui ce qu’il préférait c’était les baies oran.

Riolu chargea ses petites pattes de fruits et s’en retourna au nid familial. Il était content de lui et il espérait que sa mère serait fière elle aussi en constatant qu’il avait bien écouté ses conseils. Lorsqu’il arriva au nid, Lucario dormait encore. Il n’osa pas la déranger alors il posa les baies près de la paillasse et attendit. Il regardait le lac, savourant la tranquillité qui régnait dans cet endroit. Leurs seuls voisins, des maraistes, étaient les pokémon les plus silencieux et calmes que riolu et lucario auraient pu trouver, des voisins idéaux en somme. Une heure passa et sa mère ne se réveillait toujours pas. A bout de patience, Riolu décida d’aller jouer dans la paillasse. Il sauta sur sa mère en poussa de petits cris aigus et joviaux.

« Rio ! Riolu ! Rio ! »

Mais sa mère ne bougea pas d’un pouce. Riolu s’immobilisa, un frisson glacé lui parcourut l’échine, il venait de se rendre compte qu’il ne ressentait plus son aura… Il fourra son museau sous la tête de Lucario et voulu faire bouger le haut de son corps mais elle était tellement lourde. La panique envahit peu à peu l’esprit du pokémon. Il poussa de toutes ses forces sur les épaules de sa mère pour retourner son corps inerte et froid. Il réussit tant bien que mal à l’étendre sur le dos. Elle ne bougeait pas, elle ne respirait pas : Lucario était morte.

 « Riolu ! RIOLU ! RIOLUUUU !!!! »

Lorsque Riolu comprit que quelque chose de terrible s’était produit, il s’effondra à quatre pattes à côté de sa mère et cria, hurla de toutes ses forces, mais plus rien ne pouvait ramener sa mère à la vie. Un fin filet de sang avait coulé des narines de Lucario pendant son sommeil, les suites d’une hémorragie interne qui avait commencé après sa chute de l’arbre la veille. Riolu pleura toutes les larmes de son corps.

Des jours durant, le jeune pokémon resta auprès du cadavre de sa mère, à se lamenter. Quelques maraistes s’étaient approchés pour lui donner des baies et pour essayer de lui expliquer, mais il était trop jeune pour comprendre la mort. Il espérait encore que sa mère se réveille subitement et se soigne. Puis, un matin, il se releva enfin et se décida à quitter le nid. L’odeur du corps de sa mère dont la décomposition avait commencé l’indisposait trop. Quand il fut éloigné, les maraistes creusèrent un trou dans le sol et enfouirent la dépouille. Ce n’était pas un rituel, simplement une habitude sanitaire qu’avaient pris certaines espèces de pokémon face au corps sans vie d’un des leurs, mais certains déposèrent tout de même des fleurs et des feuilles... Riolu avait observé les maraistes de loin. Après un dernier regard pour la tombe de fortune de sa mère, il quitta les rives du lac et s’enfonça dans la forêt en prenant la direction de l’Ouest.

Il marcha plusieurs jours, il avait beau être fatigué, il n’avait pas envie de dormir, il pensait trop à sa mère… S’il fermait les yeux, il ne verrait qu’elle. Alors jours et nuits il marcha. Il ne sentait pas la faim non plus, pourtant un matin son ventre se mit à émettre des sons inquiétants, ceux d’un estomac de pokémon affamé. Epuisé, Riolu s’arrêta près d’un arbre à baies où des fouinettes étaient déjà en train de se nourrir. Riolu n’osait pas s’approcher, depuis sa naissance il n’osait pas s’approcher des autres pokémon. Sa mère n’avait pas eu l’occasion de lui dire à qui il fallait faire confiance ou pas, il se souvenait vaguement du goélise et des maraistes, c’est tout, alors il se méfiait et ne savait pas s’y prendre avec les autres. Tout ce qu’il constatait, c’était qu’il n’y avait aucun autre riolu, ni aucun autre lucario.

Riolu regardait avec crainte et envie l’arbre à baies encerclé de petites fouinettes. Finalement, l’une d’entre elles apporta gentiment quelques baies pour nourrir ce riolu bien plus jeune qu’elle. Les autres fouinettes couinèrent d’inquiétude à l’adresse de leur congénère trop confiante : c’était un carnivore ! Un bébé carnivore certes, mais un carnivore tout de même. Le jeune pokémon ne comprenait pas tout, mais il perçut tout de même grâce à son aura l’angoisse des fouinettes et l’altruisme profond de celle qui avait eu pitié d’un pauvre orphelin. Il se mit à pleurer en mangeant ses baies ceriz. Il avait envie de suivre les fouinettes bienveillantes, mais elles prirent peur, elles pensaient qu’il les avait pris en chasse. Apeurées, elles s’enfuirent en courant pour le semer et le bébé pokémon se retrouva à nouveau seul livré à lui-même.

L’âme en peine, il reprit sa marche solitaire vers l’ouest. Il finit par traverser complètement la forêt et se retrouva face à une immense tour grise sinistre de marbre et de pierre. Riolu plissa le front comme un humain froncerait des sourcils, il ne savait pas ce que c’était, mais il trouvait ça laid. Ses rares souvenirs associaient cette construction étrange aux plus petites installations en pierres blanches qu’il avait aperçues le jour de sa naissance alors que sa mère courrait à travers l’hôtel Grand Lac. Mais au moins ici, c’était silencieux.

Il avait faim, à nouveau il partit en quête de nourriture. Il vit plusieurs pokémon sauvages s’enfuir en courant ou se dissimuler dans les hautes herbes et ce n’était pas à cause de lui. Une sensation étrange lui saisit le ventre, hérissant ses poils et lui glaçant l’échine, c’était son aura qui était en alerte. Il ignorait de quoi il s’agissait, sa mère n’étant plus là pour lui expliquer comment fonctionnaient les pouvoirs spécifiques des riolu et des lucario. Effrayé par ses propres sensations, son instinct lui dit de faire comme les autres pokémon et de se cacher. Il fit ce qu’aurait fait sa mère : il escalada rapidement un arbre et se cacha dans son feuillage. En contre bas, un cortège funéraire se dirigeait vers la tour perdue. Une demi-douzaine d’étranges pokémon bipèdes et sans poil mais couverts de tissus marchaient lentement d’un air solennel en portant sur un brancard un corps enveloppé dans un linge blanc. Même si leur aura était différente, plus lourde, plus triste, presque lugubre, Riolu trouvaient qu’ils ressemblaient à ceux qu’il avait vu de l’autre côté de la forêt, près des maisons blanches… Il ne savait pas encore ce qu’étaient les humains. Une patte mauve inerte de shaofouine pendait hors du brancard.

Lorsque les humains ressortirent de la tour une heure plus tard, il n’y avait plus de brancard et plus de shaofouine. Le jeune riolu ne comprenait pas tout ce qu’il voyait, mais il eut l’impression que ce qui était arrivé à ce shaofouine était la même chose que ce qui était arrivé à sa mère. Cet immense cénotaphe le mettait mal à l’aise, il avait l’impression qu’il était dangereux. A la nuit tombée, des feuforêves et des fantominus se mirent à flotter autour de la tour perdue. Riolu voyait des pokémon spectre pour la première fois. L’aura des pokémon spectre était atypique, il n’avait jamais senti quelque chose comme ça et encore une fois il ne savait pas comment analyser cette sensation oppressante. Contrairement aux autres pokémon, les fantômes ne redoutaient pas les carnivores comme riolu. Au contraire, les fantominus étaient plutôt sociables et taquins, alors l’un d’entre eux vint voir le jeune pokémon perché sur son arbre.

« Fanto fanto !

- Riolu ! » (J’ai faim !) Répondit Riolu.

Fantominus ne pouvait pas l’aider, la plupart des pokémon spectre n’ont pas besoin de manger pour survivre. Il réfléchit malgré tout et lui demanda de le suivre. Lorsque Riolu comprit que le fantominus voulait l’emmener à l’intérieur de la tour perdue, il refusa d’y entrer.

« Rio riolu ! » Protesta le bébé, convaincu qu’il ne sortirait pas vivant de ce lieu.

Fantominus était perplexe, il renonça à tenter de convaincre riolu et il entra lui-même dans la tour pour rejoindre ses copains spectraux. Riolu mourrait de faim, il vit plusieurs rattatas et des laporeilles sortir de la tour avec les bras chargés de baies et d’autres aliments qu’il ne connaissait pas comme du pain, des lava cookies ou des poffins. Il essaya d’interpeller l’un d’eux.

« Rio riolu ! »

Tétanisé par la présence du carnivore, les pokémon détalèrent à toute vitesse, un laporeille maladroit laissa tomber quelques denrées avant de reprendre sa course folle pour sa survie. Riolu se sentait dépité, pourquoi autant de pokémon avaient peur de lui ? Pitoyable, il ramassa le gâteau et le renifla. Ça sentait la baie oran mais aussi d’autres choses qu’il ne connaissait pas, comme le sucre et la crème. Il avait trop faim, et si un laporeille pouvait en manger pourquoi pas lui ? Les pokémon spectre dansaient autour de lui, c’était la première fois qu’il avait un vrai contact amical avec d’autres créatures que sa mère.

« Rio riolu rio riolu…

- Fan-fan !

- Feufo feufo ! »

Riolu leur posa des dizaines de questions. Où étaient-ils ? A quoi servait cette tour ? D’où venait cette nourriture ?

Les fantômes lui racontèrent l’histoire de la tour perdue, qu’il s’agissait d’un cimetière construit par les hommes pour honorer la mémoire de leurs pokémon et qu’ils venaient déposer des offrandes sur les tombes. Riolu avait du mal à comprendre : les humains, la mort, tout était bien trop complexe pour son jeune âge. Les spectres avaient fini par comprendre que la mère de Riolu était décédée, alors ils essayèrent de lui expliquer que c’était pour des pokémon dans son état que la tour avait été installée. Tout ça effrayait beaucoup Riolu. Il demanda plus de nourriture, les pokémon renoncèrent à expliquer le pourquoi du comment des offrandes, mais l’un d’eux le prévint de ne pas rester sur la route, sinon il se ferait capturer.

 « Fanto, fan fan fanto. » (Tu dois retourner dans la forêt, s’ils te voient les humains vont te capturer.)

- Rio riolu ? (C’est quoi la capture ?) Demanda Riolu.

- Fanfan, fantomi… » (Tu n’as pas besoin de savoir, fais juste attention sur les chemins dégagés…)

Avant l’aube, riolu reprit alors sa marche dans la forêt. Il jeta un dernier regard mélancolique à la tour perdue, elle était le symbole du lien entre les humains et les pokémon, mais Riolu n’y voyait qu’un monument macabre lui rappelant sans cesse l’absence de sa mère…

Cette fois, Riolu marcha vers le sud-est. Il essayait de trouver des bonnes cachettes pour dormir. Son ingéniosité se développait mais sans adulte pour le guider la vie était très dure. Il ne savait pas chasser, alors il était condamné à vivre comme un herbivore. Il vit des pokémon se battre pour de la nourriture, il fut lui-même obligé d’affronter un goupix pour atteindre un arbre à baies. La faim lui tiraillait trop le ventre, il avait surmonté son appréhension des autres pokémon et s’était approché. Le goupix l’avait repoussé avec des flammèches accompagnées d’un hurlement intimidant. Riolu avait pris peur et avait reculé, mais il avait tellement faim et il voyait bien que goupix n’allait rien laisser sur l’arbre à baies, alors Riolu s’était de nouveau approché. Cette fois, il anticipa l’attaque et sauta par-dessus les flammèches. Goupix fut obligé de passer aux attaques physiques. Il chargea avec animosité, Riolu était beaucoup plus jeune que lui et inexpérimenté, mais il n’était pas plus petit et la force propre à son espèce était déjà en lui. Il encaissa une charge, puis une autre et, finalement, son instinct poussé par son aura s’éveilla en lui et ses muscles réagirent d’eux même. Il lança une riposte. Le jeune pokémon fut surpris par sa propre force : il repoussa le goupix loin de l’arbre avec une facilité déconcertante. Le petit renard avait déjà bien mangé, il n’avait pas envie de se battre au point de se blesser pour dévorer les trois petites baies restantes. Il jeta un dernier regard sombre au petit riolu avant de s’éloigner. Le fils de Lucario était soulagé et fier de lui. Après son déjeuner, il reprit sa marche.

Quelques jours plus tard, après une matinée entière de marche, Riolu atteignit un grand marais plutôt charmant. C’était un vrai paradis humide pour pokémon, peuplé de keunotors, de rozboutons et de marills joyeux et visiblement bien nourris. Riolu retrouva même les silhouettes familières d’axolotos et de maraistes. Le très jeune pokémon chercha l’endroit le plus paisible pour s’y installer. Cette fois, il était bien décidé à se fabriquer un nid. Il s’assit un instant dans l’herbe près d’un étang pour reposer ses petites pattes meurtries par ces journées de marche et finalement il s’assoupit sans s’en rendre compte, exténué. Il ne se réveilla que le lendemain matin et, à sa grande surprise, des baies étaient posées près de sa tête, des baies qu’il n’avait encore jamais vues. Il les renifla pour vérifier qu’elles n’étaient pas empoisonnées. Un vieux maraiste l’observait depuis une bonne heure assis à quelques mètres de lui.

« Maaaa, maa…

- Rio rio riolu ? Demanda le jeune pokémon, il pensait que c’était lui qui lui avait apporté ces baies.

- Ma, ma. Maaaaar… » Le pokémon lui répondit par la négative et lui souhaitait un bon appétit.

Riolu mangea de bon cœur ce qu’il avait sous la patte. Cependant, après le repas, il fut pris d’un violent mal de ventre, non pas à cause des baies mais parce qu’il repensait subitement à sa mère… La solitude le pesait, comme le manque de tendresse. Après quelques heures de ruminations mélancoliques, Riolu décida de retrouver le bienfaiteur qui lui avait si gentiment apporté des baies. Il explora les marécages, interrogeant les quelques pokémon qu’ils croisaient et qui n’avaient pas peur de lui. Personne ne savait rien, Riolu était déçu. Alors qu’il commençait à se résigner, un gros tarpaud en train de se prélasser au bord d’une mare lui expliqua.

« Tar, tarpaud paudar tarpaud. Paud, tarpaud. Tarpaud dar. »

(« Ah oui, ça m’est arrivé aussi quand j’étais blessé. Je sais qui sont tes anges gardiens. Viens avec moi. »)

Riolu suivit docilement le pokémon eau, il l’emmena plus au sud. Les deux pokémon escaladèrent quelques rochers pour avoir une meilleure vue et tarpaud hocha la tête pour désigner quelque chose. Riolu, encore court sur pattes, grimpa sur les dernières pierres pour voir ce que son nouvel ami voulait lui montrer. Le pokémon écarquilla les yeux avec horreur, devant lui se trouvait encore une construction humaine. Il y avait des rails de métal en plein milieu de la végétation, ils traversaient le marais de part en part comme une énorme balafre. Au bord des rails, une plateforme en béton avait été coulée en guise gare. Un escalier en pierre descendait ensuite vers la pelouse. Au-delà, Riolu et Tarpaud pouvaient apercevoir un grand parc marécageux entretenu et rempli de pokémon de toutes sortes, avec des niches en bois de toutes les tailles, aménagées par des humains, certaines contenaient de la nourriture, d’autres servaient d’abris. Riolu vit également des humains se balader au milieu des pokémon, certains avaient l’air de leur lancer des trucs dessus, le jeune pokémon se crispa devant la scène, il n’aimait pas les auras qu’il ressentait.

« Riolu riolu ? » (Ce sont des humains qui m’ont nourri ?) Demanda Riolu avec une certaine sidération.

« Tar. Tarpaud tar tarpaud. (Oui, ils font ça souvent pour se donner bonne conscience.)

- Riolu riolu lu ? Rio riolu ? (Qu’est-ce que ces monstres font aux pokémon ? C’est quoi cette lumière rouge ?)

- Tar tarpaud. (Ca c’est la capture). »

Riolu vit un faisceau de lumière rouge jaillir de l’objet rond couleur camouflage qu’avait lancé un humain. Le marill situé face à lui disparut alors. Riolu était à la fois terrorisé et fou de rage. Il ne comprenait toujours pas le concept de la "capture", pour lui, Marill venait purement et simplement de disparaître de la surface du globe tout comme sa mère et le shaofouine de la tour perdue. Le jeune pokémon poussa un cri strident. Il sauta du rocher sur lequel il était posté avec tarpaud et s’enfuit à toutes jambes vers le nord.

« Tar tarpaud ? » (Mais où vas-tu ?) Cria le pokémon eau.

Riolu ne lui répondit pas. Il apercevait une végétation dense et la cime d’arbres immenses, il courait pour les rejoindre. Il s’installerait dans la zone la plus sauvage possible, la plus isolée, la plus éloignée des hommes. Il ne voulait plus jamais en voir un seul, qu’importe s’il devait affronter des pokémon méchants ou agressifs, ils seraient toujours moins dangereux et moins mystérieux que les humains. Il avait vu un parasect affronter un scarhino quelques jours plus tôt, c’était violent mais il avait retenu quelques trucs, et puis il avait déjà battu goupix… Ce n’était pas si difficile que cela, avec un peu d’entraînement il deviendrait aussi fort que sa mère ou peut-être plus encore. Peu lui importait la vie qu’il mènerait, tout ce qui comptait c’était de ne plus jamais voir d’humain, de ne plus jamais les entendre et de ne plus jamais ressentir leur aura. C’est ainsi que riolu termina son voyage initiatique de pokémon pour finalement retourner au cœur de la forêt de Verchamps et s’y installer pour toujours...

 

Quinze ans plus tard…

Le concours de la "Voix des Forêts" inaugurait le festival le vendredi après-midi. Comme il y avait eu une pré-sélection sur démo vidéo, seuls vingt groupes étaient auditionnés. Les Train Twins étaient le cinquième groupe à passer sur scène. Les Irish Japanese, eux, devaient jouer le samedi, ils avaient donc tout leur temps libre et s’étaient hâtés pour avoir une bonne vue sur la scène du concours. Evidemment, ils voulaient voir les Train Twins en situation mais ils étaient aussi très curieux de découvrir les autres candidats.

Le jury était composé de cinq personnes, dont le président du festival, un quinquagénaire avec une barbe de père noël et de vieilles sandales à moitié dépouillées. L’un des autres membres du jury avait l’allure globale d’un cradopaud, à Verchamps au moins il ne faisait pas tâche dans le décor. Les trois autres membres étaient des femmes, il y avait une représentante de la Devon SARL qui sponsorisait le festival et son concours, une journaliste-chroniqueuse musicale de Doublonville assez célèbre et enfin la flûtiste de Rotombourg, Maki Anderson, surtout connue pour avoir travaillé sur des musiques de films produits à Pokéwood.

Les candidats étaient tous rassemblés à l’arrière de la scène, ils attendaient leur tour avec un certain émoi. Ils avaient tous obéi à la règle farfelue demandant aux participants du festival de porter un vêtement vert. C’était assez ridicule et visuellement criard mais qu’importe, même avec l’immense t-shirt de Bill sur le dos, Jenny restait la plus sexy. Le premier groupe était enfin en place, c’était un groupe de reggae. Il tranchait nettement avec le style des Train Twins mais il tranchait surtout avec le deuxième groupe de participants : des musiciens dark métal que Shoko avait l’air d’apprécier plus particulièrement.

Au fond de sa forêt silencieuse, Lucario somnolait au sommet de son arbre quand soudain, son aura le réveilla brutalement. Il ouvrit grand les yeux, tout était calme autour de lui, pas un paras, pas un étourvol n’avait bougé dans les feuillus voisins mais son aura s’affolait, une menace planait à moins d’un kilomètre de là. Il se redressa et tendit l’oreille, il se concentra pour sentir les vibrations de l’air et posa ses pattes à plat contre le tronc d’arbre pour essayer de capter celles du sol à travers l’écorce. Ça y est, il sentait… Il se figea. C’était comme le jour de sa naissance.

Quelques secondes plus tard, un troupeau de tropius passait au pied de son arbre, leurs pas lourds faisaient trembler le sol et les vibrations se ressentaient jusqu’à la cime des arbres. Ils couraient vers le nord tandis que des étourmis affolés s’envolaient sur leur passage en partant dans la même direction. Lucario, dressé au sommet de son arbre, se mit à trembler, ce n’était ni vraiment de la peur, ni de la colère, c’était ses souvenirs de Riolu qui remontaient sans crier gare. Il revit sa mère dans des flashs, il ressentait la terreur et l’agitation ambiante autour d’elle lors de sa course folle à travers la montagne de Bonville et la forêt de Verchamps. Il revivait le vent de panique qui avait soufflé sur la forêt, obligeant sa mère à fuir et à mourir d’une blessure stupide. L’histoire se répétait... Il serra férocement son poing avec une ferme détermination, une boule de rage dans le ventre, il ne fuirait pas. Sa mère avait suivi le troupeau, lui, il remontrait le courant. Il fonça vers le sud.

Alors qu’il sautait d’arbre en arbre avec une agilité sans pareille, il finit par identifier ce qui effrayait tant ses camarades pokémon. Des sons étranges, beaucoup et forts, ils résonnaient dans les bois se répétant en écho à travers les branchages. Lucario plissa les yeux : ça, c’était un coup des humains, forcément. Il accéléra sa course. Dans sa paume, une orbe d’énergie tourbillonnait déjà, il se tenait prêt à combattre.

Sur la scène du "Son des Forêts", le quatrième groupe de musique folklorique sinnohenne remerciait son public avant de céder la place. En back-stage, Jessy, Jenny et Fry se regardaient à tour de rôle, ils ne parlaient pas, le trac montait. Fry réalisa qu’ils n’avaient même pas discuté de ce qu’ils feraient s’ils gagnaient le concours. Il avait compris que les filles voulaient partir à Kalos, mais il était clair qu’elles ne l’emmèneraient pas dans leurs valises. Qu’importe, il était enfin arrivé sur le continent, il pouvait faire la ligue de Sinnoh ou celle de Kanto si les filles repassaient par le Bourg Palette avant de prendre l’avion. Il espérait secrètement que Jenny lui prêterait son wailord ou son tortank pendant son absence. Evidemment, négocier avec Jenny signifiait qu’il aurait sans doute à payer de sa personne mais il était prêt à ce "sacrifice" qui n’en était pas un, bien au contraire. Libéré de ses engagements, il pourrait enfin céder à ses envies naturelles. Perdu dans ses pensées, Fry ressentait malgré tout une petite amertume, il aimait beaucoup jouer de la musique avec les filles et il n’avait pas envie que cela s’arrête maintenant, Kalos pourrait peut-être attendre…

Jenny était impressionnée par la capacité de Fry à influencer Jessy. Sa sœur était très têtue mais il arrivait à lui faire changer d’avis à coup d’arguments raisonnables en plus. Pourtant Jenny restait tendue. Elle n’en avait pas parlé à ses deux partenaires mais elle avait fait une liste d’autres concours de musique se déroulant à Sinnoh, anticipant déjà l’échec de celui-là.  Seule Jessy gardait une certaine sérénité, même si le jugement des Irish Japanese et son changement de plan de dernière minute l’avaient un peu chamboulée. Elle finit par sourire avec son arrogance légendaire.

« Vous êtes prêts ?

- Il faut bien… Répondit Jenny avec une petite moue.

- Ouaip, lâcha Fry en réalisant qu’il était malgré tout un peu nerveux.

- Rairai, confirma simplement Pit.

- Rai ! Ajouta Chu avec un peu plus d’entrain.

- Ramram !!! Brailla John, lui il était encore plus confiant que Jessy, ce qui réussit à amuser la rouquine.

- Alors let’s go ! »

Le technicien du son leur fit signe d’approcher. Les spectateurs furent étonnés de voir les raichu et ramboum monter sur scène avec leurs dresseurs, y compris les Irish Japanese, car s’ils savaient pour John, ils ignoraient ce que les jumelles comptaient faire avec leurs souris électriques.

Pour éviter de perdre trop de temps entre les groupes en déplaçant tous les instruments, la batterie utilisée était prêtée par l’organisation, les Train Twins avaient juste apporté leur guitare électrique. C’était déjà assez perturbant pour Jenny de ne pas jouer de la basse, elle ne voulait pas se compliquer encore la tâche en jouant sur une guitare inconnue. Le reste de leurs instruments étaient gardés près de leur tente, sous la vigilance de lockpin et braségali.

L’agent du staff s’occupa de brancher la guitare et de faire les essais avec Jenny, tandis que Fry s’installait sur la batterie et vérifiait une dernière fois que Ramboum se souvenait bien de tout le morceau. Les deux raichus s’avancèrent vers le devant de la scène, ils saluèrent le public en se tenant par la patte, cela amusait beaucoup les spectateurs. Un autre bénévole aidait Jessy à régler le micro, il n’y avait pas eu de souci avec les quatre groupes précédents alors ce fut vite fait.

Tout le monde était prêt, les raichu regardaient Jessy, et Jessy se retourna pour regarder ses deux musiciens. D’un signe de tête, ils lui indiquèrent qu’ils étaient prêts, elle hocha la sienne en réponse et ils commencèrent à jouer. Ramboum était surexcité et lorsque les spectateurs réalisèrent qu’il crachait du son pour accompagner son dresseur-batteur, ils l’acclamèrent avec des cris d’encouragement et de surprise. Les raichus se lancèrent dans leur chorégraphie, ils ne la maitrisaient pas complètement et à l’origine elle n’était pas prévue pour cette chanson-là, mais il fallait faire le show et ça, ils l’avaient bien compris, à force d’observer leurs dresseuses sur scène. Jessy attendit sagement que ses amis terminent l’introduction. Elle jeta un regard foudroyant au jury puis se mit à chanter :

« Parfois je me demande ce que tu m’as fait,

Et l’effet que tu me fais…

Dans quel état je me retrouve à chaque fois,

Que je fais face à toi…

Une technique secrète, ou un combo parfait,

Drôle de combat que je perds à chaque fois.

Tout devient flou, je suis éblouie.

Une onde folie m’envahit,

Tu es mon pire ennemi… »

Jessy entama le refrain en poussant sa voix comme un rugissement, sa prestation n’avait plus rien à voir avec sa démonstration devant les Irish Japanese, elle avait retrouvé sa fougue et son envie de gagner. La puissance de sa voix galvanisait ses trois partenaires, ils jouaient à fond comme jamais.

« Et je suis paralysée

Par tes mots !

Je suis empoisonnée

Par ta peau !

La brûlure sur mon âme,

C’est ta faute !

Prisonnière de tes flammes,

Bien trop hautes !

Je suis totalement gelée !

Confuse et apeurée !

Endormie par ton chant singulier,

Je me sens paralysée… »

Alors que le groupe terminait son premier refrain, Lucario surgit de la forêt et se percha sur la cime du dernier arbre avant la clairière. Il écarquilla les yeux en voyant des installations humaines partout. Certes, elles n’avaient pas l’air très solides, ça n’avait rien à voir avec ce qu’il avait vu à la Tour Perdue ou à l’hôtel Grand Lac, mais ils envahissaient la forêt, encore une fois, le Grand Marais ne leur suffisait pas. Ce qui l’inquiétait surtout c’était cette marée humaine, ou plutôt cette jungle humanoïde, toute de vert vêtue, amassée devant ces étranges arbres de métal couverts de tentures brunes et vertes. Ils étaient si nombreux, comme un troupeau de vortentes, une véritable armée… Et ce boucan du diable, plus assourdissant qu’une nuée de corboss, il faisait trembler le sol comme un troupeau de rhinocornes en train de charger et toute la végétation alentours. Leur aura n’était pas hostile mais elle était bizarre, pleine d’exaltation, d’euphorie et de besoins primitifs exacerber : boire, crier, danser, baiser... Pire que des pokémon, Lucario n’aimait pas ça.

Lucario aperçut les voltorbes grésillant dans la pelouse, reliés par des câbles aux grands boitiers noirs, il ignorait de quoi il s’agissait mais ça n’avait pas l’air très sain pour eux. Avec son aura, il ressentait la peur des pokémon dans la forêt autour de lui, eux non plus n’aimaient pas ce brouhaha mais ils étaient faibles, si faibles… C’était à lui d’intervenir et de chasser ces humains, définitivement. Il toisa de son regard royal et hautain la foule grouillante comme une colonie de fermites, lentement il leva sa patte qui tenait l’aurasphère et s’élança dans la clairière.

La sphère d’énergie explosa au milieu du public, des hurlements stridents de terreur et de douleur s’élevèrent au point de couvrir la musique. Lucario se dressa au-dessus de la scène, sur la poutre de métal transversale, il préparait déjà sa deuxième aurasphère. Il y eut un blanc de quelques secondes, sourd comme un black-out, avant que la panique génère un raz-de-marée humain. Une autre boule d’énergie s’abattit à nouveau dans la plaine. Les spectateurs couraient et se piétinaient dans le désordre le plus total, tentant de fuir la menace invisible aux yeux des Train Twins mais bien réelle pour tous les autres, même si rares étaient ceux qui avaient remarqué le lucario.

« Put*** il se passe quoi ?!? » Brailla Fry en lâchant ses baguettes. Jenny avait enlevé précipitamment la sangle de la guitare et elle se dirigeait vers l’escalier de la scène.

« Il faut descendre de là immédiatement ! » Cria-t-elle à Fry et sa sœur.

- Mais les instruments ?!?

- On s’en fout ! Il faut sau… »

Un craquement sonore résonna au-dessus de leur tête, accompagné d’un tremblement de toute l’installation. Jessy ne réussit pas à maintenir son équilibre et tomba à terre, Ramboum se jeta sur son dresseur pour le protéger, l’une des poutres de l’ossature métallique de la scène se détacha et s’écrasa sur la scène avec en dessous d’elle Jenny et Pit. Fry et Jessy plaqués au sol hurlèrent à l’unisson !

« Jenny !!!

- Rai !!! » S’égosillait Chu à un mètre du point de chute.

Jessy se déplaça jusqu’à sa soeur à quatre pattes et à toute vitesse comme un vigoroth. Jenny était consciente mais elle mit quelques secondes à réaliser ce qui venait de se passer.

« Jenny ça va ?!? »

Fry rampa jusqu’aux jumelles en regardant de tous les côtés. Son ramboum crispé en position d’attaque, prêt à riposter contre n’importe quel assaillant.

« J’ai… J’ai rien je crois… Balbutia Jenny.

- Ne bouge surtout pas ! Ordonna Fry qui avait toutes les peines du monde à ne pas paniquer. On va te dégager de là ! »

Il dégoupilla la pokéball de son scarhino. Contrairement à Jenny qui, par chance, était juste coincée sous l’assemblage métallique, sans blessure apparente, Pit s’était pris un projecteur sur la tête et s’était évanoui.

« Faites… Faites vite, c’est lourd… » Souffla Jenny oppressée.

Chu avait assisté à la scène, complètement tétanisé, sa précieuse dresseuse et son frère adoré étaient écrasés par la poutre en métal. Dans sa petite tête de pokémon l’angoisse et la rage se mélangèrent, il péta un plomb en réalisant que son frère était blessé. Il descendit en un seul bond de la scène en ruines et chercha le responsable de ce désastre. Grâce à son flair, il le repéra immédiatement. L’atmosphère autour du raichu se chargea d’électricité, la fosse désormais déserte s’était transformée en champ électrifié. Tout son corps crépitait, son regard sombre et assassin avait la noirceur d’un soir de tempête, ses joues étaient telles des ampoules rayonnantes d’une lumière blanche terrifiante et aveuglante. Il lança le plus puissant fatal-foudre de toute sa vie. A travers l’orage, une ombre bleue furtive traversa la pâture devant la scène pour échapper au fatal-foudre, et une nouvelle orbe lumineuse jaillit de nulle part pour frapper Chu de plein fouet. L’ampleur de l’attaque valait presque son fatal-foudre et elle le projeta une dizaine de mètres en arrière, Chu se claqua le dos contre un arbre et tomba K.O.

Sur scène, Ramboum et Scarhino avaient soulevé la poutre et Fry avait extirpé Jenny de sa prison de métal, Jessy s’était occupée de Pit. Elle tenait entre ses bras son pokémon inconscient. Des larmes perlaient au coin de ses yeux mais elles restaient bloquées, Jessy n’avait pas pleuré depuis des années. Elle renvoya raichu dans sa copainball pour le protéger et descendit de la scène en sautant depuis le rebord bancal. Fry, Jenny et Ramboum prirent l’escalier. Ils se retrouvèrent tous dans la fosse au moment où Chu se faisait projeter par l’aurasphère.

« Chu !!! » Hurla Jenny à s’en arracher les cordes vocales. Jessy dégaina une pokéball, elle n’eut pas le temps de l’ouvrir alors qu’une série d’explosions faisait trembler le sol. Dans la panique, les voltorbes lançaient des attaques destructions en chaine. Les souffles mirent le feu aux herbes les plus proches, aux tentes et aux scènes, le feu déjà intense risquait de se répandre. Les bénévoles du festival étaient complètement dépassés par les évènements. L’un d’eux avait appelé les secours mais dans combien de temps arriveraient-ils et que pourraient faire la police et les pompiers face à une telle menace pokémon ?

Quelque part dans le chaos, les Irish Japanese libérèrent tous leurs pokémon aquatiques pour lutter contre les flammes : pingoléon, lézargus, maraiste et le motisma de Shoko qui prit la forme d’une machine à laver. Fry, très secoué, s’efforçait de rester concentrer, il libéra sa békipan et son colhomard pour éteindre les flammes. Jenny libéra son givrali, son laser glace pouvait servir même si le contact des flammes était dangereux pour elle. Jenny était folle d’inquiétude pour son raichu, elle commença à courir dans sa direction en dégoupillant une autre pokéball. Elle avait laissé son lockpin et son braségali à la tente pour garder leurs affaires, elle espérait qu’ils allaient bien mais en attendant elle n’avait plus sur elle que wailord, totalement inutile dans une telle situation, et altaria.

« Non Jenny ! Reste ici c’est trop dangereux ! » Beugla Fry.

Jenny n’écoutait pas, escortée par son altaria elle fonça vers son raichu. Jessy avait fini par libérer aquali pour lutter contre l’incendie et son galopa car il était le seul à pouvoir circuler librement au cœur des flammes, mais depuis elle ne disait rien et restait immobile au milieu du carnage, le menton et les yeux relevés elle scrutait le décor pour voir quel pokémon était responsable de ce foutoir. L’adversaire n’était toujours pas visible, soit il se cachait, soit il se déplaçait si vite qu’il n’était pas possible pour un humain de l’apercevoir.

Un nouvel orbe de lumière traversa la plaine, il aurait pu exploser sur Fry et Jessy mais un mur lumière se dressa devant eux et les protégea de l’explosion. Le gros magnézone de Rem était arrivé par derrière. Les Irish Japanese débarquèrent tous les quatre, Shoko était encerclée par l’ensemble de ses pokémon spectre. Jenny à la lisière de la forêt prit son raichu évanoui dans ses bras. Elle était bouleversée mais son altaria piaillait totalement alarmé, c’était trop dangereux de trainer ici.

« Alta ! Alta ! »

L’oiseau bleu sentit la menace, il se retourna et utilisa un chant canon au hasard. Jenny renvoya Chu inconscient dans sa copainball.

« Altaaa ! »

Altaria se prit une boule d’énergie dans la poitrine sous le regard sidéré de Jenny.

« Sweet ! »

L’altaria avait anticipé le risque et avait utilisé sa rune protect, il fut projeté en arrière mais ne tomba pas K.O. En revanche il n’était plus assez proche de Jenny pour la protéger. C’est alors que le pyrobut de Loyd surgit pour attraper la rouquine dans ses bras et la ramener auprès de ses amis au pas de course et en quelques sauts acrobatiques de haute volée. Rem, Shoko, Bill, Loyd, Fry et Jessy se tenaient en étoile, dos à dos, instinctivement ils se sentaient plus en sécurité de cette façon. Palarticho escortait les pokémon eau focalisés sur la lutte contre l’incendie. Lucario ne voulait pas que la forêt brûle, alors il les laissait globalement tranquilles et ne s’en prenait qu’aux installations humaines.

« Put*** mais ils sont combien ?!? S’écria Bill en regardant frénétiquement autour d’eux les silhouettes bleues et noires filer d’un bout à l’autre de la pâture entre les flammes et les ruines. Shoko, son regard sombre toujours inébranlable lâcha :

« Il est tout seul.

- Hein ?!? Releva Fry dans son dos.

- C’est impossible ! S’écria Rem.

- Je te dis qu’il est tout seul. » Répéta Shoko d’une voix ferme.

Le regard de Jessy se durcit, elle avait observé attentivement son environnement et les attaques, elle avait deviné de quel pokémon il s’agissait. Aucun autre que lui ne pouvait produire des aurasphères… Jenny aussi avait compris. Elle détestait Shoko mais elle la croyait sur parole quand elle disait que le pokémon était seul et son esprit vif analysa la situation.

« Il utilise la vitesse extrême ! Shoko a raison, il ne doit y avoir qu’un seul Lucario ! »

Loyd et Rem échangèrent un regard. Ils s’en voulaient de ne pas s’en être rendu compte plus tôt.

« Ok… Alors il faut qu’on l’immobilise. » Annonça Fry en sortant une nouvelle pokéball. Rem l’imita, dos à dos, les deux adolescents lancèrent leur capsule en même temps.

« Katy !

- Lux !

- Vous n’y arriverez pas avec une cage-éclair, il est trop rapide ! Intervint Jenny.

- T’inquiète pas pour ça, répondit très vite Rem. Shoko !

- Je sais, regard noir ! »

L’ectoplasma et le magirêve de Shoko utilisèrent la même technique pour repérer le lucario.

« Ecto… Fit l’ectoplasma pour signifier qu’il l’avait trouvé.

- Parfait. Lance, verrouillage, ordonna Shoko à son lanssorien avant de se tourner vers son motisma. Motisma, fais ce que tu sais faire.

- Motiiii ! »

De tous les pokémon présents, motisma était le seul à être de bonne humeur et heureux d’être dans cette ambiance apocalyptique. Rem savait à quoi s’attendre, mais Fry fut complètement dérouté. Motisma sembla se disloquer, ses éclairs d’énergie se répandirent comme autant de tentacules d’une pieuvre électrique, elles relièrent entre eux ectoplasma, magirêve, lanssorien et les deux luxray. Katy poussa un cri de surprise : elle n’avait jamais ressenti ça avant ! Ses yeux voyaient à la fois comme ceux d’ectoplasma et ceux de lanssorien, le monde n’était plus qu’une succession d’ombres et de silhouettes, mais au milieu de ce brouillard spectral, elle voyait très distinctement le lucario et son pelage bleu, il bougeait comme au ralenti.

« Cage-éclair ! » Cria Rem. Son luxray obéit et Katy aussi, même si ce n’était pas la voix de son dresseur, elle savait que c’était le bon moment.

Lucario ne s’y attendait pas, l’aurasphère qu’il préparait dans sa patte et qu’il s’apprêtait à lancer sur les pokémon de Shoko explosa dans sa patte alors qu’il se faisait paralyser par la foudre. Tous les muscles de son corps se crispèrent, il posa un genou à terre. C’était la première fois qu’un de ses adversaires le touchait, son aura l’alertait : il devait se mettre à l’abri rapidement, déjà les pokémon de Shoko préparaient leurs ball’ombres. Les dresseurs purent enfin contempler leur adversaire à quelques mètres d’eux.

« Luc… »

Il leva les yeux et jeta un regard plein de haine aux sept humains face à lui. Puis, dans un bond impressionnant mais considérablement ralenti par rapport à ce qu’il était capable de faire en temps normal, il prit la fuite en direction des arbres les plus proches. Sur les quatre ball’ombres, seule celle de magirêve toucha sa cible à la patte arrière droite.

Jessy serra les dents, le regard rempli de colère. Elle restait immobile, silencieuse, les muscles bandés et les yeux rivés sur Lucario. Le pokémon était énervé, mais aux yeux de Jessy, il semblait aussi jubiler de voir tous ces humains grouiller ainsi comme un essaim d’apitrini dont on aurait défoncé la ruche. Il contemplait son œuvre du haut de son arbre.

« Espèce... de... salopard... » Grogna la jeune maitresse Pokémon. D’un geste brutal, elle libéra son dracaufeu et grimpa aussitôt sur son dos.

« Eh Jessy tu fais quoi là ?!? S’exclama Fry les yeux exorbités.

- Graw ? Demanda Etna.

- Emmène-moi là-haut… Dit Jessy avant d’ajouter avec un sourire tordu à moitié fou : on va donner la raclée de sa vie à ce lucario. »

Etna hocha le museau et s’envola aussitôt en direction de la cime où se tenait lucario.

« Jessy non !!! » S’égosilla Jenny en panique. Fry sortit du cercle des dresseurs, son instinct guidait ses gestes et il sauta sur le dos de galopa. Le pokémon s'élança aussitôt à la poursuite de sa dresseuse téméraire et de son collègue dragon. Lucario regarda le dracaufeu et sa dresseuse, il n’avait jamais vu cette race de pokémon jusqu’à présent. Il plissa ses yeux remplis de haine, il lança une aurasphère pour les tenir à distance puis il s’enfonça un peu dans la forêt en sautant d’arbre en arbre. La dracaufeu effectua un immelmann pour éviter l’orbe d’énergie, Jessy fermement accrochée à son cou. Les autres dresseurs en contrebas étaient sidérés, ils hurlaient après Jessy mais elle ne les écoutait pas et avec son dracaufeu elle pénétra dans la forêt pour suivre Lucario. Etna était gênée par le feuillage pour voler à travers les arbres, mais elle arrivait tout de même à suivre son adversaire ralenti par la cage-éclair.

Dracaufeu avait aussi peur de mettre le feu à la forêt en utilisant son lance-flamme, Jessy un peu moins, car tous leurs pokémon eau étaient déjà en train d’éteindre un incendie.

« Draco-rage ! »

Lucario sauta pour éviter l’attaque qui calcina la branche sur laquelle il était posé quelques secondes plus tôt. Il bondit sur la cime d’à côté, jeta une nouvelle aurasphère sur Etna mais au même moment, le lanssorien de Shoko surgit derrière lui et utilisa son dracossouffle. Il fut obligé de bondir à nouveau pour l’éviter et presque aussitôt ce fut au tour de l’altaria de Jenny d’apparaître au milieu du feuillage et de cracher son propre draco-souffle. Lucario riposta avec un draco-choc. Il toucha lanssorien mais altaria évita l’attaque de justesse. Lucario se maudissait pour s’être fait avoir par la cage-éclair, ses mouvements étaient raides et lents. Occupé face aux deux dragons, Lucario ne faisait plus attention à Jessy et son dracaufeu.

« Etna dépose moi sur cet arbre-là !

- Graww… Objecta la pokémon, inquiète pour sa dresseuse.

- Fais ce que j’dis.

- Graww… »

Dracaufeu descendit de quelques mètres et Jessy sauta sur la branche qu’elle lui avait désignée. Pit était K.O, Médie occupée à éteindre les flammes de l’incendie et galopa ne pouvait pas grimper aux arbres, alors il ne restait à Jessy que trois pokémon pour l’épauler : dracaufeu, mysdibule et tengalice. Jessy fit signe à Etna de se tenir prête à attaquer lucario et dégoupilla la pokéball de tengalice pour l’appeler en renfort. Fry et Galop arrivèrent au pied de son arbre accompagnés par luxray et scarhino, ils étaient tous préoccupés pour la sécurité de Jessy.

« Jessy ! Cria Fry avec une réelle peur dans la voix.

- Reste pas là c’est dangereux ! Lui dit la rouquine sans le regarder.

- Put*** je sais bien que c’est dangereux !!! Descend de là ! Laisse-le s’enfuir !

- Même pas en rêve… » Siffla Jessy entre les dents.

Avec deux nouveaux draco-chocs, lucario réussit à abattre lanssorien et altaria, ils atterrirent à quelques mètres de chaque côté de Fry, Katy dû faire un bond de côté pour éviter de se faire écraser par altaria. Néanmoins, les deux dragons avaient bien fatigué lucario, déjà handicapé par la paralysie partielle de la cage-éclair. Lucario et Jessy se toisèrent, la rouquine était encadrée par sa tengalice posée sur la branche voisine et Etna qui faisait du sur-place en battant ses grandes ailes de dragon. L’adversaire principal de lucario était Etna, Walkyrie, elle, faisait rempart de son corps pour protéger Jessy et n’attaquait que lorsqu’elle avait une ouverture.

Fry était vraiment très inquiet pour Jessy. Contrairement à l’épisode des trafiquants de queueramoloss, où il savait qu’elle allait gérer toute seule, la puissance de lucario était si faramineuse qu’il doutait sérieusement qu’elle et ses pokémon puissent vaincre un tel monstre sans soutien. Lucario avait déjà réussi à vaincre Chu, Sweety et Lance, c’était une prouesse extraordinaire. Comme ses pairs, Fry ne comprenait pas comment un pokémon sauvage, relativement jeune en plus, avait pu atteindre un tel niveau par ses seuls moyens, mais ce n’était pas le moment de se poser des questions existentielles.

« Marvy va l’aider ! Aéropique ! »

Le pokémon insecte de Fry était le seul à pouvoir grimper aux arbres. Scarhino s’agrippa au tronc et l’escalada à toute vitesse. Arrivé à quelques mètres de lucario, il se propulsa dans les airs, déploya ses ailes noires et fonça en chandelle sur son adversaire. Avec son aura, lucario l’avait senti venir : il évita l’aéropique, il évita aussi les tranch’herbes de tengalice et la tranche de dracaufeu, mais il avait trop d’adversaires pour pouvoir riposter. Lucario rageait intérieurement, ces lâches l’attaquaient en meute tellement ils étaient faibles. Il cherchait une ouverture, pour ça il devait mettre de la distance avec ses adversaires. Il sauta sur l’arbre voisin, son attitude laissait penser qu’il envisageait de prendre la fuite, Jessy refusait catégoriquement cette idée.

« Suis-le Etna ! Toi aussi Wal ! » Cria Jessy en sautant sur le dos de sa tengalice.

Walkyrie hocha son nez pointu et bondit tel un ninja sur l’arbre suivant avec sa dresseuse cramponnée à sa crinière blanche. Galop, toujours avec Fry sur son dos, ne lâchait pas son entraineuse des yeux non plus. Etna slaloma entre les arbres, ce n’était pas évident car ils étaient trop rapprochés, le scarhino de Fry suivit le mouvement, il fut le premier à rattraper lucario. Il tenta un close-combat que lucario évita grâce à sa détection avant de riposter aussitôt. Scarhino encaissa la riposte et lui donna un koud’korne. Lucario bloqua l’attaque et le repoussa violemment. Marvy grimaça, il n’avait jamais affronté un combattant aussi fort. Dracaufeu jaillit de la végétation et fonça sur lucario. Là encore, il l’avait sentie venir grâce à son aura mais il ne put complètement éviter les flammes de sa draco-rage balayant le paysage sur le passage d’Etna. Jessy sur le dos de sa tengalice surgit à son tour du feuillage. Perchée sur sa branche en face de l’arbre où se tenait Lucario, elles bloquaient le passage de lucario désormais encerclé entre Etna, Walkyrie et Marvy. Il ne pouvait pas non plus descendre de l’arbre, car au sol se trouvaient luxray et galopa prêts à l’accueillir avec des éclairs et des lances-flammes.

La maitresse pokémon observait sa cible. Il lui lança un regard oblique avant de lentement se tourner vers elle. Avec une hostilité affichée, il créa une aurasphère dans sa paume et la lança dans sa direction. Jessy se crispa un peu mais ne dit rien, elle avait une confiance absolue en Walkyrie. La tengalice utilisa une technique vent violent pour renvoyer la boule d’énergie vers Lucario avant qu’elle ne les atteigne. Dracaufeu profita de l’ouverture pour cracher sa draco-rage. Lucario n’esquiva pas cette fois, il se jeta à travers les flammes sous le regard médusé d’Etna et il utilisa un draco-choc contre la dracaufeu. Son poil était roussi par les flammes mais malgré la douleur il était encore en état de combattre. La puissance du draco-choc propulsa Etna vers le sol, le pokémon arracha une dizaine de branches énormes sur son passage, ce draco-choc était encore plus terrible que ses aurasphères, c’était sa plus puissante attaque. Lucario atterrit sur la branche voisine de Walkyrie et Jessy en fléchissant les genoux. La maîtresse pokémon n’avait pas besoin de regarder par terre pour savoir qu’Etna n’était plus en état de se battre, elle avait déjà dégainée la pokéball de Mysdibule, son dernier atout…

« Jessy ! Arrête ! » Brailla Fry en contrebas à côté de la dracaufeu évanouie. Il était horrifié par ce qu’il voyait. Jessy l’entendit à peine, elle se concentrait sur le lucario. Le pokémon jeta un rapide coup d’œil à ce deuxième humain qui trainait dans son périmètre avec ses deux pokémon, il n’aimait pas ça. L’espace d’un instant, il envisagea de changer de cible… Il haïssait tellement les humains.

« C’est moi ton adversaire ! Gronda Jessy. T’occupe pas de lui !

- Lou ! »

Scarhino en entendant les cris d’angoisse de son dresseur s’était à nouveau lancé à l’action, bien décidé à aider Jessy et les siens dans leur affrontement. Les deux pokémon combat se lancèrent dans une lutte physique intense au sommet des arbres. Au sol, galopa trépignait avec nervosité, le pokémon feu gérait mal la frustration de ne pas pouvoir aller aider sa dresseuse. Fry était descendu de son dos et réfléchissait à un autre moyen d’aider Jessy. Les attaques électriques de Katy étaient trop risquées à cette distance, elles pouvaient toucher Wak, Marvy ou Misdy.

Mysdibule, fraichement sortie de sa ball, observait attentivement le combat entre Scarhino et Lucario, elle sentait la tension ambiante, elle avait besoin d’un maximum d’informations sur son adversaire avant de se lancer dans la mêlée. Face à face, lucario et Marvy lancèrent chacun un close-combat, le choc fut rude et Lucario réussit à faire tomber le scarhino, le pokémon déploya alors ses ailes et décrocha en vrille pour ne pas heurter le sol.

« Tempête verte ! »

A peine scarhino avait il chuté de la branche que Jessy avait réagi, il fallait saisir l’ouverture. Les feuilles acérées comme des shuriken cisaillèrent la peau de lucario, il commençait à fatiguer... Même si son aura l’avertissait des attaques il n’avait pas le temps de réagir. Scarhino arriva en volant derrière la tempête verte et cracha une dard-nuée. Le Lucario lança une aurasphère surpuissante qui acheva le scarhino.

« Marvy !!! » S’affola Fry en regardant son pokémon tomber lourdement à terre. Le sol trembla sous son poids. Fry se jeta à genoux auprès de lui mais fixait toujours la cime, il était persuadé que Lucario allait finir par tuer Jessy, il ne savait pas comment la faire descendre. Il ne comprenait pas pourquoi Walkyrie ne prenait pas les choses en main et ne la descendait pas de force.

La tengalice, au contraire, déposa sa dresseuse sur la branche et se prépara à combattre frontalement Lucario avec l’aide de Misdy. A cet instant, Jessy était presque aussi impassible que Shoko, elle savait que désormais Walkyrie ne pourrait plus la protéger des attaques de lucario, mais elle l’acceptait. Avec son expérience du dressage, des combats et de la capture, elle voyait bien que malgré sa force hors du commun le lucario atteignait ses limites. Il était à leur merci. Jessy et ses deux femelles passèrent à l’action, elles ne laissèrent pas plus d’une seconde de répit à lucario.

« Phytomixeur ! Doux parfum ! »

Baisser sa précision, baisser son esquive, il fallait le couper de tous ses atouts. Il était déjà ralenti par la cage-éclair et la fatigue, Jessy voulait le transformer en concombaffe. Mais Lucario luttait, il était d’une tenacité improbable, dans son instinct de survie il puisait les dernières forces dont il avait besoin pour abattre ses deux adversaires. Il prépara sa dernière aurasphère, il réfléchit aussi vite qu’il le put à la cible idéale… Tengalice semblait trop rapide, mysdibule était un meilleur choix, mais au dernier moment, Lucario visa Jessy. Walkyrie se jeta aussitôt sur la trajectoire pour encaisser à la place de sa dresseuse, dans un ultime réflexe elle lança une extrasenseur alors que l’orbe d’énergie la propulsait en arrière. Lucario encaissa la vague psychique en se crispant et tengalice atterrit évanouie dans le feuillage d’un arbre voisin, elle gisait inconsciente, ses bras et ses jambes pendant dans le vide.

Lucario regarda à nouveau Jessy, il percevait son aura, jamais il n’avait perçu aussi clairement une aura humaine, elle était transcendante... D’une férocité digne de solgaleo. Jessy fronça les sourcils, elle était en colère, au moins autant que l’était Lucario et contrairement au pokémon épuisé, elle, elle avait encore toute sa vigueur. Tous ses pokémon s’étaient sacrifiés pour elle, elle en avait assez et elle ne pouvait plus compter que sur l’aide de sa mysdibule. Sur sa branche, elle commença à avancer pour se rapprocher du lucario sur la branche d’en face. Fry avait le souffle coupé, figé, gelé, paralysé, il attendait la catastrophe. Il ne pouvait rien faire. Mysdibule non plus n’était pas rassurée, mais elle n’avait pas le temps de réfléchir, elle s’élança sur le lucario et le mordit au bras avec sa mâchoire gigantesque.

« Luccc ! »

Le pokémon combat hurla de douleur, il n’avait jamais vu de mysdibule de sa vie et ne savait pas à quoi s’attendre. Le coup de la deuxième mâchoire dans l’appendice, il était trop fatigué pour l’avoir vu venir. Lucario n’avait plus assez d’énergie pour utiliser ses aurasphères, il ne lui restait plus que l’option attaques physiques, même s’il était considérablement affaibli, il pouvait encore riposter ou lancer une griffe acier. Il tenta de se dégager mais cette petite pokémon était solide comme l’acier de son type. Il changea de tactique et utilisa son strido-son, mysdibule s’acharna avec une mâchouille.

« Luuuccc ! »

Lucario hurla à nouveau et finit par utiliser une charge-os pour se débarrasser de mysdibule. Misdy fut contrainte de lâcher sa cible et elle se rattrapa de justesse à une branche en y plantant ses crocs acérés. Avec l’agilité d’un simiabraz, elle opéra une rotation autour de la branche et revint dessus, prête à entamer le prochain round. Lucario aurait pu être impressionné s’il n’était pas aussi tendu, le danger était trop grand. Jessy se rapprocha encore, mysdibule lui grogna dessus, elle prenait trop de risque. Lucario les toisaient toutes les deux, s’il arrivait à se débarrasser de cette dernière mysdibule, il pourrait fuir vers la forêt et aller se reposer, ce n’était clairement pas cette humaine suicidaire qui réussirait à le retenir, malgré son aura intense.

Lucario tenta le tout pour le tout, il se jeta sur mysdibule dans un close-combat, elle se protégea avec un mur de fer, alors son adversaire frappa encore et encore. Elle tenta une force-poigne, Lucario résista, tout son corps tremblait sous l’effort. Il chargea comme un dingue et mysdibule asséna un coup-bas. Lucario trébucha mais se rattrapa, il avait vécu et combattu toute sa vie dans les arbres. Il utilisa ruse contre mysdibule, elle tomba à genoux, éreintée. Lucario fut soulagé l’espace d’une seconde mais, sans qu’il ne s’y attende, Jessy courut sur sa branche, sauta par-dessus sa petite pokémon et se rua sur Lucario. Elle s’agrippa férocement à la fourrure beige de son poitrail et de sa main de libre elle lui donna un coup de poing dans le museau. Une giclée de sang jaillit des narines du pokémon.

« Luc ?!? »

Le pokémon écarquilla les yeux, sidéré par cette humaine qui le harponnait sans le moindre gramme de peur dans le regard. Sourcils froncés, les yeux électriques, Jessy planta son regard dans celui de Lucario, c’était la première fois qu’il voyait un humain d’aussi près… Les deux êtres se jaugeaient, tentaient de s'intimider par le regard et de prouver à l'autre qui était le plus puissant. Elle n'était qu'une humaine, une simple humaine… Pensait Lucario, mais il restait pétrifié par la stupéfaction. Et cette aura... Comment un humain pouvait le défier de la sorte ? Jessy avait un plan. De la sacoche à sa taille, elle sortit un petit sac de para-spore de son maskadra qu’elle avait toujours sur elle en cas d’urgence. Elle profita de l’instant de sidération de lucario pour lui écraser violemment sur le museau. Le pokémon eut un mouvement de recul, il manqua de perdre l’équilibre et Jessy avec lui. Il toussa, cracha et dans un dernier réflexe, griffa Jessy au cou et aux bras. Elle encaissa la douleur et ne lâcha pas Lucario. Le para-spore pénétra ses bronches, brûlant son gosier, il généra presque aussitôt une migraine atroce et ses muscles étaient en train de le lâcher complètement.

Lucario et Jessy commencèrent à vaciller, le pokémon était paralysé, il n'était plus qu'à moitié conscient. La rouquine, dans un effort démentiel pour rester débout et maîtresse de ses mouvements, fourra à nouveau sa main dans sa sacoche et dégoupilla une hyperball neuve. Elle l'appuya contre la tête du pokémon. La capsule se referma sur Lucario et Jessy, sans appui, tangua puis bascula en avant. Fry poussa un sprint, il voyait que son amie allait tomber comme une pierre et il ne se concentrait que sur cette vision. Dans un rebond impressionnant de plusieurs mètres, Galop tenta de récupérer sa dresseuse, elle roula sur son dos ce qui ralentit sa chute mais elle glissa de sa croupe. Fry se jeta sous le point de chute de Jessy et la réceptionna entre ses bras. La force d’attraction et le choc manquèrent de le faire tomber mais il rattrapa son équilibre avec l’agilité peu commune du surfeur émérite qu’il était, tout en gardant la rouquine serrée contre lui.

Le premier réflexe de Fry fut de regarder le visage de Jessy, il sentait sa respiration : elle était en vie. Galopa revint au trot vers lui et huma sa dresseuse pour s’assurer lui aussi qu’elle allait bien. Fry examina rapidement le reste de son corps, en dehors d’une griffure superficielle au cou, allant de sa joue jusqu’à l’épaule, Jessy n'avait pas d’autre blessure apparente. C'est là qu'il remarqua que, malgré son évanouissement et sa chute, elle tenait toujours fermement serrée dans sa main la ball blanche et jaune contenant désormais Lucario.

Tout en soupirant, Fry regarda le visage de la jeune fille dans les vapes. Elle lui paraissait si paisible et si belle maintenant qu'elle s'était assoupie dans ses bras.

« T’es complètement folle, vraiment complètement folle... »

 

A suivre…

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