Les Train Twins
Chapitre 15
Le Son des Forêts.
Les Irish Japanese logeaient dans une petite auberge. Elle était accolée à un restaurant doté d’une scénette pour les artistes où ils avaient leurs habitudes. Le patron les invitait régulièrement à jouer, ils ne se faisaient pas payer pour ça et, en échange, eux ne payaient pas les chambres pour la nuit et pouvaient répéter sur place en dehors des services.
Jessy et Fry étaient passés récupérer Jenny à la bibliothèque avant rejoindre le pied à terre des jeunes de Galar. Jenny avait clairement fait la gueule lorsque Fry lui avait exposé son idée, mais comme elle l’avait déjà expliqué : elle était pragmatique avant tout. Or, Fry avait raison : les Irish Japanese pouvaient être de bons conseils, ils avaient plus d’expérience et ils étaient en train de passer pro. Lorsque Fry et les jumelles débarquèrent à l’auberge, un pyrobut vigoureux était en train de porter une grosse caisse de batterie. Il était aidé par un lézargus qui apportait les toms. Bill et Rem installaient leurs instruments sur la terrasse du restaurant pour la soirée. En voyant débarquer les deux rouquines, Bill se mit à rayonner comme un héliatronc en plein lance-soleil.
« Mais qui voilà ! J’étais sûr que je vous manquerais trop !
- Pas vraiment non, répondit Jenny avec un sourire poli.
- Vous aussi vous transportez vos instruments avec vos pokémon ? » S’exclama Jessy, étonnée de voir un autre groupe faire comme le leur. La pachirisu de Rem vint renifler sa ceinture de pokéballs pour lui faire comprendre qu’elle voulait voir Pit.
« Ouaip ! Mais ce sera bientôt de l’histoire ancienne, expliqua Bill. Rem et moi on est en train de passer notre permis. On va se payer une camionnette genre Mystery Machine et en route pour l’aventure ! »
Grâce à cette discussion, Fry et les jumelles comprirent que les Irish Japanese étaient tous majeurs ou presque, seul Loyd n’avait pas encore fêté ses dix-huit ans car il était né au mois de novembre. Ce fut justement sur le dos d’une immense guériaigle unysienne que Loyd atterrit dans le pré à côté de l’auberge.
« C’est bon les gars, j’ai trouvé un nouvel ampli ! J’espère que ça ira.
- Merci Loyd ! C’est quand même la merde quand le matos nous lâche à deux jours d’une date… Râla Rem en prenant le boitier que lui tendait Loyd.
- On va l’essayer tout de suite ! Déclara Bill en donnant une tape amicale dans le dos de Rem. Comme ça les Train Twins vont pouvoir mesurer l’étendue de nos talents !
- Au fait pourquoi vous êtes là ? » Demanda Loyd. Bill et Rem étaient trop contents de revoir les jolies jumelles pour leur poser frontalement la question. Depuis la fenêtre de leur chambre à l’étage de l’auberge, Shoko observait ses partenaires et leurs nouvelles connaissances avec son regard perçant insondable. Son motisma flottait près de sa nuque. Il grésillait d’excitation, visiblement la présence de puissants dresseurs lui donnait envie d’aller se battre. Jessy était trop fière pour avouer le motif de leur venue, idem pour Jenny, alors ce fut à Fry de se jeter à l’eau. Il demanda aux garçons de les aider à évaluer leurs chansons, ils acceptèrent tous les trois avec enthousiasme. Rem fit de grands signes à sa petite amie collée à la vitre pour qu’elle les rejoigne, au grand dam de Jenny.
Comme ils venaient d’installer leurs instruments pour répéter, ils laissèrent les Train Twins s’en servir. Fry sortit John de sa pokéball. Jessy avait aussi libéré Pit pour qu’il joue avec pachirisu et le motisma de Shoko s’incrusta sans état d’âme avec les deux pokémon électriques. Avec une certaine gêne que Fry ne lui connaissait pas et que Jenny lui connaissait peu, Jessy s’installa pour chanter et jouer de la guitare électrique. Il lui fallut quelques secondes, presque des minutes, d’adaptation pour accepter le fait que ses œuvres allaient être jugées par des gamins à peine plus vieux qu’elle et qu’elle venait à peine de rencontrer. Les Irish Japanese étaient tous les quatre installés alignés sur des chaises en bois du restaurant, les yeux rivés vers Jessy et ses comparses. Elle jeta un rapide coup d’œil à Fry et sa sœur pour vérifier qu’ils étaient prêts. Même John hocha positivement la tête, Ramboum n’avait pas à intervenir sur la première chanson mais il continuait de s’exercer dessus dès qu’il le pouvait en écoutant son dresseur attentivement. Jessy chanta a capella les premières phrases des "Maîtres de demain" avant que les trois ados ne commencent à jouer de leurs instruments. Elle mettait clairement moins d’entrain que sur l’île sept, Jenny se disait que les Irish Japanese la rendaient vraiment nerveuse, ce n’était pas commun chez Jessy. Sa jumelle n’avait pas vu ça depuis l’épisode du Oh que si !
A la fin de la chanson, Fry se sentit obligé de gérer les dialogues, car Jessy n’était pas en état de faire la conversation et Jenny dégageait une telle aura d’hostilité contre Shoko qu’il n’était pas prudent de la laisser parler.
« Ça c’est la chanson qu’on va présenter au concours, mais Jessy en a écrit une autre que je trouve personnellement géniale.
- Bah vas-y, balance, répondit simplement Bill incroyablement sérieux brusquement.
- Ouais, ok… Jess ? »
La jeune fille ne dit rien, elle se contenta de donner sa guitare à Jenny, il n’y avait pas de basse sur ce morceau. Fry fit signe à John de se mettre en place. En dehors de Shoko qui restait impassible, les trois autres se demandèrent ce qu’ils fabriquaient avec leur ramboum. Jessy se crispa sur le micro à pied et prit une profonde inspiration en attendant que Jenny et Fry commencent à jouer. Presqu’aussitôt, John les accompagna en complétant les percussions, le visage de Loyd s’illumina alors comme un lanturn. Après une introduction instrumentale très rock, Fry arrêta de taper sur sa batterie et laissa son ramboum gérer tout seul avec Jenny pour accompagner Jessy sur son premier couplet. Jessy chantait seule d’un bout à l’autre de la chanson.
« Parfois je me demande ce que tu m’as fait,
Et l’effet que tu me fais…
Dans quel état je me retrouve à chaque fois,
Que je fais face à toi… »
A ce moment, Ramboum se tut et Fry recommença à jouer de la batterie.
« Une technique secrète, ou un combo parfait,
Drôle de combat que je perds à chaque fois. »
Tout devient flou, je suis éblouie.
Une onde folie m’envahit,
Tu es mon pire ennemi… »
Sur le refrain, Jessy semblait prendre confiance et se mit à chanter avec plus de puissance, même si elle était loin d’y aller fond comme elle était capable de le faire. Jenny se concentrait intensément sur la guitare pour ne pas se planter. Ramboum, tout fou, se mit à nouveau à cracher des percussions en complément de Fry.
« Et je suis paralysée
Par tes mots !
Je suis empoisonnée
Par ta peau !
La brûlure sur mon âme,
C’est ta faute !
Prisonnière de tes flammes
Bien trop hautes !
Je suis totalement gelée !
Confuse et apeurée !
Endormie par ton chant singulier,
Je me sens paralysée… »
Fry arrêta de nouveau la batterie et laissa son pokémon faire les percussions sur le couplet suivant.
« Et quand j’essaye de me soigner,
C’est souvent là que tu réapparais…
Une vampigraine aspire mon cœur,
Et elle aseptise toute ma douleur… »
A nouveau, Fry et John se donnèrent le relais :
« Sournois comme une ombre portée,
Je suis à bout, je devrais abandonner…
Mais c’est pire qu’une malédiction !
Une provoc, une attraction,
Et c’est reparti pour un tour de chanson. »
Et pour le refrain, le dresseur et son pokémon reprirent en duo. Contrairement aux jumelles, toujours nerveuses et concentrées, les deux mâles eux se déchainaient.
« Et je suis paralysée
Par tes mots !
Je suis empoisonnée
Par ta peau !
La brûlure sur mon âme,
C’est ta faute !
Prisonnière de tes flammes
Bien trop hautes !
Je suis totalement gelée !
Confuse et apeurée !
Endormie par ton chant singulier,
Je me sens paralysée…
Prise dans ton magnépiège,
Ou dans une tempête de neige…
Je t’aime trop, j’te déteste ou bien les deux !
Je ne fais plus la différence entre les deux ! »
L’espace de deux phrases, les musiciens cessèrent de jouer pour que Jessy chante a capella, les Irish Japanese purent alors apprécier la délicatesse de sa voix :
« Et je suis paralysée par tes yeux…
Il n’y a plus d’issue pour nous deux… »
Puis, tous les membres des Train Twins reprirent ensemble la mélodie pour le refrain final :
« Et je suis paralysée
Par tes mots !
Je suis empoisonnée
Par ta peau !
La brûlure sur mon âme,
C’est ta faute !
Prisonnière de tes flammes
Bien trop hautes !
Je suis totalement gelée !
Confuse et apeurée !
Endormie par ton chant singulier,
Je me sens paralysée !
Je me sens paralysée !!!
Je me sens paralysée…
Je me sens paralysée !!!
Je suis totalement gelée !
Confuse et apeurée !
Endormie par ton chant singulier,
Oui tu m’as paralysée… »
Et la chanson se termina avec un bref duo Jenny-John. Jessy s’était un peu lâchée sur la fin, mais elle était malgré tout encore très intimidée devant les Irish Japanese. Les musiciens posèrent leurs instruments, Fry frappa dans la patte de son pokémon pour le féliciter avant de regarder Rem et les autres avec un de ses sourires plein de beau-gossitude. Les jumelles, elles, restaient raides. A l’exception de Loyd qui avait des étoiles plein les yeux en regardant Ramboum, les Irish Japanese avaient tous l’air très sérieux, Bill avait même perdu son sourire.
« La deuxième est nettement mieux, déclara Rem sur un ton professoral.
- Mais vous deux vous n’êtes pas au point, déclara Shoko en pointant brièvement Fry et Jenny du bout du doigt.
- Elle veut dire pour la deuxième chanson ! Intervint rapidement Rem en captant le regard foudroyant de Jenny, il n’avait pas non plus envie de vexer Fry.
- Je suis d’accord avec Rem ma cocotine, dit enfin Bill à l’adresse de Jessy. Votre deuxième chanson est mieux : il y a plus d’émotion dedans, elle est poignante et ça parlera plus aux gens que ton ego-trip de maitresse pokémon, sans vouloir te vexer. Mais Shoko aussi a raison : vous n’êtes pas encore prêts pour la jouer dans un concours. »
Jessy soutint le regard appuyé de Bill, un flot d’insultes lui traversait l’esprit, à l’encontre de Bill mais aussi de Fry qui l’avait convaincu de venir faire une démonstration aux Irish Japanese. Elle détestait la critique.
« Vous avez appris à Ramboum à imiter la batterie ?!? C’est carrément démentiel ! » Brailla soudainement Loyd en faisant sursauter ses trois partenaires. Le jeune homme si réservé bondit de sa chaise, il était fasciné par John, le pokémon avait compris qu’on parlait de lui et il se sentait fier. La voix de Loyd était beaucoup plus aigüe à cause de l’excitation, on aurait cru entendre une fillette.
« Loyd est notre batteur, précisa Rem.
- Je joue aussi du piano mais quand je me mets au clavier il n’y a plus personne sur la batterie. » Détailla Loyd, irrésistiblement attiré par le ramboum. Il s’approcha du pokémon et lui caressa l’arrière des oreilles.
« On avait songé à adopter un gorythmic mais j’aurais jamais pensé faire ça avec un ramboum ! C’est une idée de génie !
- Ah euh… Merci. » Finit par répondre Fry, circonspect.
Des passants curieux s’étaient arrêtés pour écouter les Train Twins et les premiers clients du restaurant étaient en train d’arriver pour le diner.
« Concrètement vous feriez quoi à notre place ? » Insista Fry, il sentait qu’ils allaient devoir libérer la place. Rem et Bill avaient l’air de réfléchir sérieusement à leur réponse, mais Shoko répondit avant eux sur son ton sec et glacial :
« A votre place on ne participerait pas à un concours sans être au point.
- Shoko ! » S’offusqua Rem, il était parfois outré par le manque d’empathie de sa copine. Les jumelles la toisaient avec une animosité sans pareil, la jeune sinnohenne n’en fut pas ébranlée une seule seconde. Bill intervint en posant une main sur l’épaule de Shoko, elle jeta un regard dédaigneux en biais sur ses longs doigts touchant sa clavicule.
« Moi perso je tenterais la deuxième chanson, tant pis si vous êtes pas au top. Le rythme déchire tout, il faut y aller à fond avec votre ramboum et ta voix de sirène, dit-il à Jessy.
- Je suis d’accord avec Bill ! Lança Loyd avec un grand sourire et beaucoup plus d’enthousiasme.
- Désolé mais il faut qu’on s’installe pour jouer… Fit doucement Rem en s’approchant de Jenny pour récupérer la guitare. Vous pouvez rester si vous voulez, on peut se faire un bœuf après le service, ce serait sympa. »
Malgré la violence de l’avis de Bill et Shoko qui les avait pas mal ébranlés, les Train Twins restaient dévorés par la curiosité et ils décidèrent de rester à l’auberge pour assister au concert privé des Irish Japanese, c’était en quelques sortes leur dernière répétition avant le festival. Toute la salle était réservée, alors ils s’installèrent en bord de terrasse sur des chaises pliantes que le patron du resto leur avait dégoté, une caisse en bois retournée en guise de table.
Le groupe savait mettre l’ambiance ; ils avaient commencé par jouer leur adaptation d’une vieille chanson folk ultra connue de Galar : "Le lougaroc et la sabelette". Partout dans le monde les gens connaissaient cette musique, chacun avec sa version, et ce fut l’occasion pour les membres des Irish Japanese d’exhiber leur maîtrise multiple des instruments. A la grande surprise des spectateurs, Fry, Jessy et Jenny inclus, Loyd débuta le morceau avec une intro à la flute, debout derrière sa batterie. Au bout de quelques secondes, Shoko l’accompagna au violon, puis ce fut au tour de Rem et Bill de les suivre à la guitare, électrique pour Bill, acoustique pour Rem. Alors Loyd rangea sa flûte et se rassit derrière sa batterie. Lorsque les percussions et les cordes furent à l’unisson, Rem entama le chant. Rem et Shoko s’alternaient pour les chants, en solo ou en duo selon les chansons. Parfois Bill et Loyd faisaient les chœurs. La voix de Loyd était plutôt agréable mais étrangement très aigue pour un homme et elle s’entendait à peine dans le flux musical. La combinaison des quatre voix dans quatre timbres différents était atypique mais efficace. Les jumelles étaient obligées d’admettre qu’ils étaient vraiment doués et, contre toute attente, c’était Jenny la plus énervée par cet état de fait. Après deux reprises, leur troisième chanson était une de leurs créations inédites. Rem était à la basse, Bill à la guitare électrique et Loyd toujours à sa batterie. Shoko avait posé son violon pour le moment et s’accrochait au micro. Quand Shoko se mit à chanter de sa voix suave et ténébreuse, elle dégageait un tel charme, une telle aura, à la fois envoutante et oppressante, que Fry en avait des frissons dans tout le corps. Il comprenait mieux pourquoi Rem avait craqué pour cette pince-sans-rire.
« Je te regarde dans l’ombre,
Obsédée par tes formes…
La perfection de tes traits,
Me réveille d’outre-tombe.
Et si tu es la norme,
Je serai ton portrait.
La fugacité de ton être…
Si je ne peux paraître,
Je serai toi au prix de ta vie. »
La mystimaniac entama le refrain avec Loyd comme choriste, sa voix était décidément très douce et aigue comme un castrat.
« Je rêve de boire ton sang !
De t’arracher la peau… *la peau*
De dresser mon linceul dans tes lambeaux.
De te voir en dedans,
C’est la chanson de Mimiqui !
*C’est la chanson de Mimiqui !*
Ta beauté me fait souffrir,
Tu nourris mes envies,
Je t’aime à te faire mourir !
C’est la chanson de Mimiqui… »
Et Shoko enchaina avec le deuxième couplet en jetant un regard sombre, charnel et pénétrant à la foule.
« La chaleur de ton corps,
Rempli de ta vigueur,
De tes angoisses et de ta peur.
Je vais assembler tes os,
En totem à ta gloire,
Tu seras le plus beau…
Je suis née de tes cauchemars,
Le pokémon inachevé,
Le pikachu déchiqueté… »
La position lascive de Shoko en robe noire et blanche avec son micro à trépieds entre les bras n’avait presque rien à envier au strip-tease de Jenny sur la plage de l’île Citrus. Le spectacle était hypnotique mais les paroles mettaient plus d’un spectateur mal à l’aise, d’autres au contraire avaient l’air d’adorer. Tout le monde avait arrêté de manger.
« C’est la chanson la plus dégueulasse que j’ai entendu de ma vie… Dit Jenny en se frottant nerveusement le haut des bras.
- Je me demande bien comment elle peut en venir à écrire des chansons comme ça, ajouta Fry sur le ton de la conversation.
- Oh c’est facile, c’est plus ou moins ce que je ressens quand tu m’énerves. » Répondit Jessy sans quitter la chanteuse des yeux. Fry lui jeta un regard terrifié, Jessy le perçut de côté et lui lança :
« Je plaisante Fry. »
Le garçon soupira puis se mit à rire nerveusement. Bien malgré elle, Jessy sourit à son tour, satisfaite de sa blague. Shoko chantait à nouveau le refrain avec Loyd :
« Je rêve de boire ton sang,
De t’arracher la peau,*la peau*
De dresser mon linceul dans tes lambeaux.
De te voir en dedans,
C’est la chanson de Mimiqui !
*C’est la chanson de Mimiqui*
Ta beauté me fait souffrir,
Tu nourris mes envies,
Je t’aime à te faire mourir !
C’est la chanson de Mimiqui… »
*C’est la chanson de Mimiqui*
Shoko lâcha son micro pour récupérer son violon et en joua pendant une vingtaine de secondes lors de la partie instrumentale. La chanson était vraiment enivrante et belle, une fois qu’on dépassait le côté sordide de l’histoire du pokémon spectre rêvant d’assassiner un pauvre pikachu innocent.
« C’est la chanson de Mimiqui…
Je t’offre l’immortalité,
Pour toujours ton reflet.
C’est la chanson de Mimiqui !
Je rêve de boire ton sang,
De t’arracher la peau,
De dresser mon linceul dans tes lambeaux.
De te voir en dedans,
C’est la chanson de Mimiqui !
Ta beauté me fait souffrir,
Tu nourris mes envies,
Je t’aime à te faire mourir !
C’est la chanson de Mimiqui… »
Les applaudissements des convives étaient plus forts que pour leurs deux premiers morceaux. Les Irish Japanese jouèrent pendant deux heures, à la fin du service alors que le restaurant se vidait progressivement, Rem et Bill firent signent aux jumelles et à Fry de venir jouer avec eux. Bill prit son saxophone en lançant encore une blague salace. Loyd semblait vraiment heureux de pouvoir se mettre au clavier et laisser la batterie à Fry. Shoko avait pris son violon, c’était difficile de savoir ce qu’elle pensait réellement derrière son petit sourire sournois et ses yeux noirs, mais Fry avait l’impression qu’elle était aussi contente qu’une autre guitariste accompagne Rem pour se concentrer sur son violon. De tous les musiciens, c’était probablement Ramboum le plus heureux. Avec bienveillance, Rem vint montrer à Jenny quelques astuces sur la guitare basse, la rouquine était ravie de pouvoir faire les yeux doux sans en avoir l’air au petit ami de Shoko, c’était fourbe et mesquin, mais elle adorait ça.
Les Train Twins rentrèrent au centre pokémon à deux heures du matin, complètement lessivés par leur journée, pourtant il leur fallait se lever tôt le lendemain pour marcher avec tout leur fatras jusqu’au lieu du festival. Heureusement, les pokémon de Jenny et de Fry s’étaient reposés, à l’exception de Ramboum. Comme ils s’entendaient bien, les Train Twins et les Irish Japanese avaient convenu de faire la route ensemble. Loyd possédait un galopa de Galar. Tout comme Galop, il portait une partie des équipements. Les deux montures s’étaient regardées longuement, comme s’ils admiraient leur propre reflet dans un miroir déformant, la scène était assez cocasse, et touchante d’une certaine manière. Le Zéblitz de Rem était lui aussi mis à contribution. Le pyrobut appartenait à Loyd et le lézargus à Bill. Braségali et Lockpin étaient toujours aussi mécontents de devoir porter les instruments des jumelles, cependant la présence d’autres pokémon qu’ils n’avaient jamais vu avant égaya leur périple.
Loyd et Rem collaient littéralement Fry pour le questionner sur son ramboum, ils se comportaient comme de vraies groupies. De fait, Jenny restait constamment près d’eux, elle ne disait rien, se contentait d’écouter attentivement leurs bavardages avec son sourire charmant figé, satisfaite d’être en compagnie de ces trois beaux garçons, même si parfois son esprit décrochait de la discussion et vagabondait… A deux ou trois reprises, elle songea à Scott, sa conversation lui manquait. Cette idée l’agaçait mais elle n’y pouvait rien. Tout comme Jenny défilait au milieu de sa rangée de beaux gosses, Bill se pavanait entre Shoko et Jessy. La petite asiatique semblait totalement imperméable au comportement exubérant de Bill, Jessy pour sa part se retenait pour ne pas l’étrangler. Marcher l’énervait, elle aurait voulu s’asseoir sur le dos d’un wailord avec des pattes pour pouvoir répéter.
Le festival était installé au nord, dans la forêt de Verchamps, entre le Grand Marais et le Lac Courage. Il leur fallut près de six heures de marche pour enfin arriver sur les lieux du "Son des forêts". Un homme maigre aux cheveux longs et emmêlés les accueillit en souriant béatement. Il portait un large t-shirt vert foncé où étaient imprimées en belles lettres blanches calligraphiées le nom du festival. Pour une obscure raison, l’homme empestait les effluves d’ortide.
« Bienvenue à vous les jeunes.
- Merci… Répondit poliment Fry, bien qu’un peu sceptique sur l’allure du bonhomme.
- Je vois que vous avez amené tout votre matos… C’est cool ça, cool… J’espère que vos trucs n’consomment pas trop mais c’est cool quand même. Venez, je vais vous monter où vous installer. »
Les sept musiciens le suivirent docilement accompagnés par leurs pokémon, les pattes chargées de malles et de valises. Ils traversèrent une partie du terrain où allait se dérouler trois jours durant le festival de musique. Il y avait des tentes en toiles de jute partout, certaines n’étaient plus de leur première fraicheur. Ils se seraient crus dans un camp scout du siècle dernier. La plupart des organisateurs s’affairaient vivement pour tout installer, mais leur look laissait pantois : partout des fleurs, des pieds nus et des tissus en lin, mais surtout un constant nuage de fumée parfumée qui montait à la tête et rappelait l’odeur des rafflesia en pleine fleuraison. Au bout d’un moment, Jenny fut trop intriguée par l’ambiance et le décor et elle interrogea leurs nouveaux compagnons.
« Vous étiez déjà venus vous ? Demanda Jenny à Loyd alors qu’ils suivaient leur guide.
- Bill et moi non vu qu’on vient de Galar. Shoko ?
- Jamais, Rem non plus.
- C’est votre première fois à tous ? Vous connaissez quand même le concept de notre festival ? Demanda le hippie.
- On vient juste pour le concours donc non, répondit Jessy.
- Chaque année les organisateurs choisissent une forêt quelque part dans le pays pour y jouer de la musique trois jours durant. On est ouvert à toutes sortes de musique : rock, classique, reggae, jazz ou même du rap… Mais la seule chose qu’on demande aux groupes c’est de respecter l’environnement du lieu. Pas de pollution, pas de produit chimique, pas de béton, d’alu ou je ne sais quoi d’autre. Que du naturel, de la musique et de la bonne humeur. On fait même nos propres binines bio si vous voulez.
- On est mineurs, précisa Jenny.
- Ils sont vraiment graves… Murmura Jessy, elle se fit rappeler à l’ordre par un coup de coude de Fry.
- L’an dernier on a choisi la forêt de Jade à Kanto, vous connaissez ?
- Ouais…
- Oui… » Répondirent tour à tour les deux jumelles. Tous les dresseurs qui démarrent leur voyage initiatique à Kanto sont fatalement obligés de traverser la forêt de Jade.
« Au fait, vous êtes quel groupe ?
- Les Train Twins.
- Les Traine-touines ? Quel nom bizarre.
- Nous sommes dresseuses et nous sommes jumelles, fin de l’histoire, répliqua sèchement Jessy.
- Cet idiot va réussir à nous l’énerver… Marmonna nerveusement Jenny à l’oreille de Fry.
- Et nous, nous sommes les Irish Japanese ! Déclara Bill d’une voix forte.
- Ah ouais les p’tits gars de Galar, je me souviens avoir vu votre démo, c’était cool. Ah par contre vous n’auriez pas des vêtements verts à vous mettre ?
- Pardon ? Du vert ? Répéta Jenny, elle n’était pas sûre d’avoir bien entendu.
- Oui, c’est la seule autre règle ici. Voyez pour l’image du festival on aime les couleurs peace qui rappellent de la nature, votre ami là en jaune et marron ça peut passer mais vous le rouge et le noir ça rappelle trop le sang, le feu, c’est trop agressif.
- Non ! On n’a pas de vert ! Je sais qu’on est rousse mais est-ce qu’on a des têtes de tournicoton ? S’énerva Jessy.
- Jess s’il te plaît… » Souffla Jenny en grinçant des dents, mais sa sœur ne s’arrêta pas, cet ahuri ramollo l’agaçait depuis un bon moment déjà.
« On aime le rouge alors on porte du rouge, on n’aime pas le vert alors on ne porte pas de vert. C’est quoi votre prochaine demande ? Des fleurs dans les cheveux ? Des pokémon plantes qui projettent des para-spores sur scène ?
- Jess du calme. » Finit par intervenir Fry. Il s’adressa ensuite à leur guide qui faisait les gros yeux, visiblement il ne s’attendait pas à une telle réaction de la part de la rouquine.
« Je crois pas qu’elles aient du vert à se mettre… » Il jeta un rapide coup d’œil à Jenny qui hocha la tête négativement.
« Vous inquiétez pas, on va vous dépanner, intervint joyeusement Bill. C’est pas pour rien que ma famille vient d’Isolarmure, c’est verdoyant à la Saint Patrick c’est moi qui vous le dit !
- Cool man… » Répondit le hippie. Jessy aurait voulu crier qu’il n’avait pas à leur dire comment s’habiller mais sa sœur la pinçait fermement au poignet pour la dissuader d’ouvrir la bouche à nouveau.
« Louise ! Je t’amène deux nouveaux groupes : les Aïe-riches Japanize et les Traine Touines. »
Une jeune femme blonde aux cheveux hirsutes se retourna vers le gars du staff. Elle portait le même t-shirt que lui et tenait un carnet en papier recyclé entre les mains. Elle baissa les yeux sur son bloc note et chercha le nom des groupes.
« Alors les Irish Japanese vous êtes là, emplacement quatre. Vous par contre ça ne me dit rien comme groupe les Train Twins…
- Elles viennent pour le concours.
- Ah ok, répondit la blonde en changeant de page. Du coup emplacement trente-six. »
Chacun des groupes avait sa propre tente en toile de jute. Les voisins des Train Twins regardèrent les filles s’installer avec le même regard que des écremeuhs devant un train, et la métaphore ne rendait pas justice aux écremeuhs.
« Tout le monde est défoncé ou quoi ? » Lança Jessy à ses deux compères, aucun n’osa répondre par l’affirmative mais ça leur paraissait évident. Jessy était parfois très candide sur certains aspects.
« Rai rai rai ! » Les raichus des jumelles, à peine sortis de leurs copainballs, semblaient très excités, comme quand ils avaient rencontré les pokémon de Rem pour la première fois. Jessy râla et suivit les deux pokémon à travers le camping du festival, cela devenait agaçant ces fugues à répétition. Les deux souris électriques filèrent vers l’arrière d’une scène et tombèrent sur un troupeau de voltorbes. La zone ressemblait à un champ de mine : il y avait au moins une quinzaine de pokémon sphériques couchés dans la pelouse. Des électrodes étaient scotchées à leurs corps et reliées par des câbles noirs qui se perdaient dans les herbes en direction des scènes.
« C’est quoi tout ça ? S’exclama Jessy à voix haute.
Un membre du staff de passage s’arrêta pour lui répondre.
- T’as sous les yeux notre alimentation principale en énergie. C’est complètement écologique et facile à transporter. Les voltorbes sont parfaits : en pokéballs et hop le tour est joué ! »
Jessy, fascinée, se rapprocha des voltorbes alignés. Certains dormaient paisiblement mais ils continuaient pourtant de dégager un peu d’électricité, une sorte de mode économique naturel. D’autres regardèrent la jeune dresseuse s’approcher d’un œil méfiant.
« Vôltôrbre… »
Un vrombissement constant entourait les pokémon électriques et Jessy sentait tous ses poils se dresser sous l’effet de la statique, elle avait un peu la même sensation que sur l’île de Foudre.
« Pi pi pachi ! »
La pachirisu de Rem débarqua à son tour, suivie de près par son dresseur.
« J’vais finir par croire que le courant passe entre nous, plaisanta Rem lorsqu’il aperçut Jessy au milieu de ses raichus et des voltorbes.
- Ta blague est pourrie, tu passes trop de temps avec Bill ! » Répliqua Jessy avec humour. Ce n’était pas évident à déceler mais le jeune homme sortait avec Shoko, alors il avait l’habitude des filles à l’allure faussement rigide.
« Comment ils font pour récupérer leur électricité ? » S’interrogea Jessy plus pour elle-même que pour Rem. Intérieurement elle regrettait l’absence de Scott, lui il aurait pu lui expliquer facilement.
« Ah ça je sais ! Grâce à ceci ! »
Rem était content d’avoir enfin un sujet pour captiver la rousse tête brûlée. Il fouilla dans son sac et lui présenta fièrement un boîtier noir.
« C’est un adaptateur de courant portatif créé spécialement par la Sylph Sarl pour récupérer l’électricité des pokémon et la redistribuer sous forme classique dans un circuit domestique, mais c’est surtout utilisé par des gens comme nous, les nomades. »
Jessy observa attentivement l’étrange installation ; effectivement, tous les capteurs et les fils accrochés aux voltorbes étaient reliés à une énorme boîte noire dont Rem tenait la miniature entre les mains. Elle n’avait pas fait attention lors de leur battle contre les Irish Japanese, trop obsédée par l’idée de vaincre Bill, pourtant Rem avait déjà utilisé cette méthode avec son magnézone pour alimenter la guitare électrique des jumelles.
« Je ne connaissais pas du tout ce genre d’appareil… Mais ça ne fait pas de mal aux pokémon ? S’inquiéta Jessy.
- Absolument pas ! Dans le cas contraire, je ne l’aurais jamais utilisé sur les miens ! » Déclara Rem en caressant le menton de sa pachirisu hissée sur son épaule.
Jessy imaginait d’ores et déjà toutes les possibilités qu’offraient ce petit miracle de la technologie pour elle, sa sœur et leurs raichu, c’était autrement plus pratique que le générateur de Scott.
« Et ça coûte combien ? Demanda la rouquine.
- Le mien m’a coûté 3000 pokédollars, mais je pense qu’un truc comme le leur doit dépasser les 10 000…
- Ah oui quand même… »
Jessy grimaça, 3000 pokédollars c’était quasiment le prix d’un billet pour Kalos, elle ne risquait pas de les dépenser pour acheter un tel appareil, mais elle se disait que ça valait le coup d’y réfléchir quand même. Rem et Jessy eurent beaucoup de mal à éloigner leurs pokémon électriques du champ de voltorbes. Il fallait régler l’histoire des vêtements verts, ce qui agaçait passablement Jessy.
Shoko n’avait qu’une seule robe verte, elle ne pouvait donc pas dépanner les jumelles. Rem était moins musclé que Fry mais il faisait à peu près le même gabarit alors il lui prêta un de ses t-shirts. Dans la tente des Irish-Japanese, le champion enleva son t-shirt sans la moindre gêne pour essayer celui de Rem. Le sourcil droit de l’impassible Shoko vibra très légèrement devant le torse apollonien, imberbe et sculpté de Fry. Il enfila le t-shirt de Rem, la différence de musculature était telle entre les deux jeunes hommes que le tissu épousait la forme de ses pectoraux et le moulait énormément, l’effet était encore pire que lorsqu’il était torse nu.
« Euh… On va peut-être demander à Bill du coup. » Dit maladroitement Rem alors que Jenny et Shoko restaient figées comme des statues devant le beau Fry. Le jeune champion se retrouva à nouveau le ventre à l’air et confia le t-shirt à Jessy. Elle, elle devrait nager dedans et ça lui convenait très bien.
« Tu ne l’essayes pas ? Demanda Bill avec un grand sourire vicieux.
- Comme tu veux… »
L’espace d’un instant, une bouffée de joie l’envahit accompagnée d’une lueur lubrique dans le regard mais il fut très vite refroidi en voyant Jessy enfiler le t-shirt par-dessus son débardeur rouge.
« C’est bon, ça ira. Merci Rem. Quelle connerie de règle à la con… » Grommela Jessy.
Bill était le plus grand de l’équipe et on pouvait affirmer qu’il avait une petite collection de vêtements verts, alors il sortit de sa valise deux t-shirts immenses. Fry était enfin à l’aise mais Jenny se demandait ce qu’elle allait pouvoir faire de ce parachute couleur feuillajou... Les jumelles retournèrent à leur tente pour s’habiller convenablement. Lorsque Jenny revint un bon quart d’heure plus tard à la tente des Irish Japanese, elle trouva Loyd tout seul, ou presque puisqu’il était avec son pyrobut en train de jouer à la balle. La rouquine portait le t-shirt de Bill comme une robe. Elle l’avait resserré à sa taille avec une ceinture en cuir, le tissu lui arrivait à mi-cuisse et, évidemment, elle ne portait pas de collant. Les épaules et le col étaient si larges qu’on voyait ses clavicules et le haut de son bras gauche, alors que le tissu tombait négligemment sur le côté. Elle était affriolante vêtue de la sorte, Loyd savait que lorsque Bill la verrait il serait insupportable et qu’il refuserait sans doute de laver son t-shirt après pour garder son odeur...
« Où sont les autres ? Demanda Jenny.
- A la buvette, tous, enfin sauf ta sœur, je ne l’ai pas vu.
- Elle est en train de répéter. Elle a l’air arrogante comme ça mais c’est une grande nerveuse, elle a souvent besoin d’évacuer son stress et elle ne sait pas faire autrement qu’en combattant ou en jouant de la musique.
- Ça ne m’étonne pas, répondit gentiment Loyd.
- Et toi tu n’es pas à la buvette ?
- Je suis mineur encore.
- Fry aussi, ce n’est pas ça qui l’arrête ! Rigola la rouquine.
- Tu veux qu’on les rejoigne ?
- Tu es gêné d’être en tête à tête avec moi ? Fit Jenny, les bras croisés dans le dos, avec un petit sourire coquin.
- Euh, non… » Répondit le jeune homme sur un ton hésitant avant de rire nerveusement. « Enfin si, un peu sans doute… »
Jenny élargit son sourire.
« Ça te tente une petite balade ? »
Les deux adolescents partirent se promener le long des arbres bordant le festival. Personne n’avait encore branché d’instrument électrique ni de haut-parleur, mais il y avait de la musique dans l’air. Jenny et Loyd flânaient côte à côte au son des guitares, des banjos, des djembé et des harpes. La nuit était en train de tomber sur la belle forêt de Verchamps.
Loyd était sensible aux charmes de Jenny mais il ne se comportait pas comme la plupart des garçons gravitant autour d’elle. Il était plus discret, plus délicat, poli sans être distant. C’était encore différent du comportement de Scott ; le blondinet était un vrai gentleman, mais au-delà de sa timidité et de son altruisme, Jenny lisait dans ses yeux le même désir charnel que chez les autres. Loyd n’était pas comme ça, il y avait quelque chose de romantique et de chevaleresque dans son attitude, elle n’avait jamais vu cela auparavant. Imaginant qu’il était peut-être homosexuel, elle avait glissé quelques allusions et c’est aussi pour cette raison qu’elle lui avait fait du pied lors de leur premier repas en commun, elle voulait tester sa réaction. Il était clair qu’il aimait les filles, mais il restait très ingénu pour un jeune homme de dix-sept ans et Jenny trouvait cela craquant.
« Alors, vous avez décidé quelle chanson vous allez jouer demain ?
- Fry a réussi à convaincre Jessy de jouer "Problème de statut" comme vous nous l’avez conseillé, mais je t’avoue que je ne suis pas très rassurée…
Loyd offrit un sourire doux et apaisant à Jenny.
- Ta sœur et toi vous êtes vraiment très jolies. Je sais que c’est trivial de dire ça comme ça mais parfois ça suffit pour gagner ce genre de concours. En plus vous avez ramboum. Vous ne devez pas vous en faire, Shoko et Bill peuvent être durs parfois mais justement : s’ils vous trouvaient nuls, ils vous l’auraient dit sans détour.
- Tu te ranges souvent à leur avis, tu dois bien avoir ta propre opinion non ?
- Oui mais je ne suis pas très à l’aise pour formuler mes critiques.
- Elles sont tout autant légitimes que celles de tes amis pourtant.
- Je n’aime pas faire du mal aux gens, c’est tout. »
La phrase de Loyd titilla l’esprit de Jenny, pas forcément dans le bon sens : ça lui rappelait Scott. Lui aussi disait qu’il n’aimait pas blesser les gens en donnant son avis. Elle ressentait un petit pincement au cœur qu’elle aurait eu du mal à expliquer. Les deux adolescents se fixèrent un long moment en silence au clair de lune, ils étaient comme deux noctali en pleine contemplation mutuelle. Jenny songea à Fry un bref instant, il n’y avait pas de raison pour qu’il n’y ait que lui qui s’amuse avec des filles faciles comme Azura. Alors, tout doucement, avec un sourire terriblement séduisant, Jenny se rapprocha de Loyd. Il faisait sa taille, elle n’avait pas besoin de se mettre sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Le jeune homme était comme hypnotisé, il ferma les yeux et laissa la belle rousse venir déposer un baiser délicat sur bouche entrouverte. La sensation des lèvres de Loyd sur les siennes était étrange, Jenny n’avait jamais ressenti ça avant. Ce n’était pas désagréable mais il y avait une sorte de parfum inhabituel, indéfinissable, elle se demanda si c’était parce qu’il venait de Galar. Lorsqu’elle éloigna son visage de celui de Loyd, le jeune homme semblait ému et confus, presque honteux.
« Je… Je suis désolé, mais je suis déjà amoureux.
- Vraiment ? S’étonna sincèrement Jenny. Loyd hocha positivement la tête.
- De Shoko.
- Hein ? » Jenny ne s’attendait absolument pas à cette révélation. Elle perdit son sex-appeal en un instant et grimaça, elle mit quelques secondes avant de retrouver sa prestance habituelle et se força à afficher la mine courtoise et chaleureuse qu’elle tentait de garder en toutes circonstances. D’une voix posée, elle demanda :
« Mais je croyais que Shoko et Rem…
- Oui, la coupa net Loyd, les joues rosies. Je sais, je sais que Shoko ne m’aime pas et que je ne l’intéresse pas, mais je ne peux pas faire abstraction de mes sentiments. Je suis désolé. »
"Qu’est-ce qu’ils lui trouvent tous ?" pensa Jenny, franchement perplexe, avant de répondre avec gentillesse :
« Je comprends. C’est vraiment noble de ta part.
- Moi je croyais que toi et Fry vous étiez en couple ou un truc du genre.
- Ah non, soupira Jenny. Monsieur se refuse à moi tant qu’on voyagera ensemble.
Elle lui fit un clin d’œil.
- Pas grave, mais toi et lui vous ne savez pas ce que vous loupez ! »
Jenny laissa Loyd tranquille et partit rejoindre sa sœur près de leur tente. Loyd la regarda s’éloigner en s’essuyant le front, il était soulagé. Il avait apprécié le baiser mais il ne savait pas du tout comment il aurait pu gérer la suite…
A suivre…