Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 65 : L'escouade Anti-RS

11792 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/04/2022 16:13

      La prison Corvaillus. Se situant au-dessus du Continent Ouest, il s’agit d’une fondation faite d’acier et couvrant un périmètre de deux kilomètres de long pour soixante-mètres de hauteur. Avant Octobre 235, elle comptait six-cent-cinquante-huit détenus. Aujourd’hui, elle dépassait le millier. Le fils du défunt créateur des lieux, lui-même devenu Corvaillus il y a deux décennies, s’exprima sur le sujet.

« - (Corvaillus) Il est évident que l’intervention de Pharamp, mais surtout de l’éclair rouge nous força à renforcer nos effectifs, nos règles, notre indulgence et notre fondation elle-même. Certains considèrent leurs actions comme insensées ; comment peut-on techniquement arrêter autant de hors-la-loi ? Sont-ils considérés comme des êtres vivants, à ses yeux ? La question mérite de lui être posé, quand on se penche sur l’état de certains de nos détenus, ainsi que toutes les dépenses de l’entreprise pour le matériel médical, depuis ces trois derniers mois. Mais de mon point de vue, je vois cela comme un défi. Notre société est-elle capable de réguler toutes les injustices ? Ma prison en est la preuve, et jamais nous ne serons submergés par l’adversité, quoi que l’on nous envoie. »

Sa réponse en avait fait frissonner plus d’un. Entourée d’eau, les seuls criminels à s’être échappés de la fondation étaient tous de ce même type. Ce fut il y a treize ans, et ils étaient cinq. Trois d’entre eux sont morts depuis, les deux autres emprisonnés sous terre à une position inconnue. Et depuis, plus personne ne s’y tentait. Même Roitiflam, avait patiemment attendu la fin de sa peine, avant de devenir le criminel le plus recherché du monde.

Un criminel qui, en cette scintillante journée du 13 Avril 236, se trouvait sur un navire de charge, à cinq kilomètres de ladite prison. Il l’observait avec des jumelles, alors que Flagadoss tournait en rond à côté de lui. Il n’avait pas l’air fin, pourtant sa concentration était titanesque.

- (Flagadoss) Vous êtes sûr qu’on ne peut pas se rapprocher encore un peu ?

- (Roitiflam) Ne prenons pas plus de risques. Ton objectif est de passer ces cinq kilomètres de détection, ce serait bête d’échouer avant même de commencer l’opération. As-tu tout ce qu’il te faut ?

- (Flagadoss) Voyons voir ça…

Il ferma les yeux, se tourna vers la prison et laissa son esprit psychique faire le reste.

- (Flagadoss) Je sens son esprit. Il est conscient. La clé à molette que vous m’avez donnée m’aide bel et bien à l’identifier… ok, je suis prêt à me téléporter à lui.

- (Roitiflam) Et pour le retour, tout est bon ? Tu auras assez de puissance ?

- (Flagadoss) Bien sûr ! J’ai votre recueil, il baigne dans votre identité.

- (Roitiflam) Parfait. Alors c’est quand tu veux, tu as carte blanche à partir de maintenant !

Le type psy lui lâcha un sourire hautin.

- (Flagadoss) À tout de suite.

Avant de soudainement disparaître.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 65 : L’escouade Anti-RS

 

Ça y est, il s’était lancé. Il ne craignait pas l’adversité, il ne craignait pas la société des explorateurs et montra, ce jour-là, qu’il se donnerait à fond pour la DDR. Quand il rouvrit les yeux, il se trouvait dans sa cellule. Celle de celui qu’il était venu évader. Un Pokémon dont avait absolument besoin Roitiflam pour l’escouade, un criminel condamné pour meurtre et assiègement d’un village tout entier. Oui, il s’agissait de…

- (Capidextre) Toi !?

- (Flagadoss) Chut, ferme-là… !

Capidextre l’ingénieur, qui cria presque en le voyant débouler. Il bondit de son lit pour l’accueillir à poings fermés, pendant que son sauveur analysa rapidement les alentours de sa cellule. Il était arrivé au bon moment, le chef de la DDR s’était parfaitement souvenu des horaires de la prison.

- (Capidextre) J’hallucine, c’est à toi que Roitiflam a demandé de l’aide… ?

Se sentant narquois, le type psy fit le beau en resserrant son nœud Papilusion.

- (Flagadoss) Est-ce si surprenant ? Selon le boss, je suis le type psy le plus puissant du monde.

- (Capidextre) Ça doit être facile, de jouer dans la cour des branleurs !

- (Flagadoss) Hein… ?

- (Capidextre) Bah ouais, pas besoin de faire fonctionner son cerveau, quand on a un « esprit psychique ».

- (Flagadoss) *soupir* Toujours aussi jaloux, à ce que je constate.

- (Capidextre) Disons que moi, on m’embauche pour mes compétences. Pas pour qui je suis.

- (Flagadoss) Et tu m’expliques qui t’embaucherait, sans moi ? J’espérai que tu serais un peu plus respectueux envers ton sauveur, enfin ce n’est pas comme si je te demandais de me lécher les pieds… hé, maintenant que j’y pense… !

- (Capidextre) Oh non, j’préfère crever ici !

Pendant ce temps, Roitiflam tapa de la griffe sur la barrière de sécurité.

- (Roitiflam) … Bon, qu’est-ce qu’ils foutent ?

- (Flagadoss) Moi au moins, j’ai réussi à fuir même après m’être fait choper, espèce de naze !

- (Capidextre) Attends, tu m’rappelles qui a démasqué toute ta secte ? Des enfants… ? Wow, bien joué mec !

- (Flagadoss) Le seul gars que tu as réussi à tuer s’est jeter sous ton coup ! Tu n’as aucune crédibilité !

- (Capidextre) C’est toi qui parles de crédibilité !? T’as abandonné tous tes gars, t’es vraiment un chef pitoyable !

- (Flagadoss) Bah heureusement pour toi que c’est Roitiflam le chef et pas moi, parce que je n’aurai jamais eu la patience de… !

- HÉ !!! IL Y A UN INTRU DANS LA CELLULE, SONNEZ L’ALARME !!!

Hurla soudainement un garde.

- (Flagadoss) Oula… !

Le type psy agrippa l’ingénieur d’une main, tenant fermement le recueil de Roitiflam dans l’autre et fermant les yeux pour rapidement se reconcentrer. L’aura du chef était grande, bien plus grande que n’importe quel autre esprit sur lequel il s’était autrefois concentré. Il lui fut donc facile de s’y téléporter, disparaissant au moment où l’alarme s’enclencha.

Les deux personnages apparurent brusquement sur le navire de charge, s’écrasant l’un sur l’autre face au chef qui les dévisagea.

- (Flagadoss) Euh… c’est sa faute !

- (Capidextre) Quoi !?

Le navire démarra en direction de Loliloville, alors qu’ils prirent tous le temps de se remettre de cette évasion. Roitiflam arracha à l’ancien détenu son collier électronique puis lui tendit d’anciens vêtements dont, bien entendu, sa fameuse blouse blanche.

- (Capidextre) Ah ! Comment faire sans, me demanderez-vous ?

Il se changea et réadopta la carrure du terrifiant scientifique. Flagadoss divagua quelques regards intéressés.

- (Roitiflam) Tout va bien, Flagadoss ?

- (Flagadoss) Hein… ? Euh… oui, oui oui bien sûr.

Il termina son verre d’eau tout en se maintenant à une couverture.

- (Flagadoss) Ouais… *souffle* ça passera.

- (Capidextre) Oh, ça doit être compliqué de faire dix kilomètres sans utiliser ses jambes, mon pauvre.

- (Flagadoss) Alors pour info, la double téléportation peut engendrer une sévère nausée ! Ça ne m’étonne pas que tu ne le saches pas, toi qui n’as aucune notion de l’esprit psychique !

- (Capidextre) Je n’entends que du bruit sourd, là.

- (Roitiflam) Mais fermez-là, vous deux ! Bordel, on vient de réaliser la première évasion parfaite de l’histoire de la prison Corvaillus, un peu de sérieux ! Flagadoss, toutes mes félicitations. Le boss avait raison de croire en ton pouvoir qui, pourtant, n’est même pas à son paroxysme. Aucun autre type psy n’aurait pu accomplir un tel exploit !

- (Flagadoss) Le boss a toujours raison, non ?

- (Capidextre) Il a vraiment dit ça… ?

L’ancien maire de Bourg-Lavaley lui adressa un regard hautin.

- (Flagadoss) Il faut croire que faire joujou avec du métal et des lumières n’aide pas à avoir le meilleur CV, hein ?

- (Capidextre) L’Histoire ne se souviendra que de l’évadé, donc moi. Désolé mec.

- (Roitiflam) Vous n’arrêtez jamais, hein ?

- (Capidextre) Oui, vous avez raison, ça ne sert à rien de débattre avec un enfant.

- (Flagadoss) Je suis plus vieux que toi !!

- (Capidextre) Mon chef, merci beaucoup de m’avoir libéré. Comment a avancé la mission Anti-RS, en mon absence ?

- (Roitiflam) Un peu trop bien à mon goût. Nous attaquerons cet été.

- (Capidextre) Wow, déjà ? Ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour reconstruire le Colosse Clairvoyant.

- (Flagadoss) Ah oui, tu parles du fameux engin indestructible qui s’est fait dévisser d’un coup d’botte par une exploratrice ?

- (Capidextre) T’as un problème avec les femmes, peut-être ?

- (Roitiflam) Bon, je m’casse. On devrait arriver d’ici ce soir, je ferai le point sur l’escouade qui est enfin au complet.

- (Capidextre) Hâte de voir ça, chef !

Et nous donc. Déjà devaient-ils rentrer à Loliloville sans se faire repérer. En effet, l’évasion de Capidextre de la prison Corvaillus se fit rapidement, très rapidement savoir du reste du monde. Toutes les chaînes de télévision coupèrent leurs programmes pour le signaler, par ordre d’État. Et donc tout le monde fut mis au courant. Chapignon et Lucario se sentaient mal à l’aise, ils savaient de quoi leur ancien collègue de travail était capable de faire. Mysdibule se rendit en vitesse à la prison, voulant enquêter à tout prix sur les méthodes employées. Le reste de l’équipe RS mobilisa un tas d’explorateurs pour surveiller les différentes entrées de Loliloville, surtout celles qui menaient directement vers les quartiers pauvres. Ils se doutaient de qui était derrière tout ça et ne voulaient pas le laisser regagner sa base.

Malheureusement pour eux, la DDR avait tout prévu. Alors que le soleil commençait à se coucher, les trois criminels se cachaient derrière des buissons, à deux kilomètres de l’entrée qu’ils voulurent emprunter mais qui, hélas, était bondée d’explorateurs.

- (Flagadoss) Ok, je la sens.

Clama le type psy, en tenant le poignard de Léopardus.

- (Capidextre) On ne pouvait pas faire ça directement sur le bateau ?

- (Flagadoss) Distance trop grande, j’aurais été trop épuisé pour y parvenir.

- (Capidextre) Pfff… !

- (Flagadoss) Hé, t’as déjà vu un type psy se téléporter trois fois en une journée ?

- (Capidextre) Bah du coup non, toujours pas.

- (Flagadoss) Ah ah, observe !

Roitiflam leur agrippa tous les deux les mains, et Flagadoss utilisa son pouvoir. La seconde d’après, ils apparurent et s’écrasèrent soudainement face à la criminelle qui les attendait dans leurs quartiers, directement face à leur base.

- (Léopardus) Ouf… c’est bon, il l’a fait.

- (Roitiflam) Vraiment très pratique, ce moyen de transport.

Le chef se releva en premier, ouvrant la porte blindée qui menait à un sombre escalier descendant, alors que Léopardus s’approcha de ses deux nouveaux coéquipiers non pas pour les aider, mais bien pour récupérer son arme.

- (Léopardus) … C’est bon, elle n’est pas endommagée.

- (Flagadoss) Si elle l’avait été, la faute serait revenue au scientifique !

- (Capidextre) Qu’est-ce que j’ai fait, encore ?

Les deux hommes se relevèrent en râlant l’un envers l’autre, comme durant tout le trajet retour.

- (Capidextre) C’est toi qui ne sais pas nous réceptionner ! Sérieux, tu ne la maîtrises qu’à moitié, ta téléportation à deux balles !

- (Flagadoss) Un peu de respect pour mes capacités, tu n’aurais pas parcouru la moitié du globe en une journée sans elles !

- (Capidextre) Si c’est pour vomir à la fin, ce n’est pas nécessaire !

Le type psy se retourna, l’esquivant du regard tout en resserrant son nœud Papilusion.

- (Flagadoss) *soufflement de nez* C’est toi, qui m’empêches de nous réceptionner correctement… ! Avec… ton odeur, là…

Marmonna-t-il d’un ton chafouin, avant de quitter la conversation en approchant sa nouvelle coéquipière.

- (Capidextre) Mon odeur… ?

Il souleva la partie gauche de sa blouse et se sentit d’un air perplexe : rien de particulier.

- (Flagadoss) Bien le bonsoir, madame !

Exclama-t-il souriant, en lui tendant une main.

- (Flagadoss) Léopardus, c’est cela ? Nous n’avons pas eu l’occasion de parler, depuis que vous m’avez tendu une main vers la DDR. Je vous dois mille merci et je suis sûr que nos missions seront d’un grand succès, à vos côtés !

- (Léopardus) Ça suffit, ferme-là.

- (Flagadoss) Hein… ?

- (Léopardus) Qu’on se mette d’accord, le timbré ; tout ce que j’ai fait, c’était pour le travail. On ne sera jamais amis et une fois que la société sera notre, on ne se reparlera plus jamais. J’me suis fait comprendre ?

- (Flagadoss) Euh… o… oui, madame.

Marmonna-t-il en baissant les yeux.

- (Capidextre) Ah ah ah, le nullos !

- (Léopardus) La ferme, Capidextre. Toi aussi, tu me fais pitié.

- (Capidextre) Ah…

Elle suivit Roitiflam et s’enfonça dans les profondeurs souterraines des quartiers pauvres, laissant les deux hommes seuls et humiliés dans le silence le plus total. Enfin bref, eux aussi finirent par emprunter les escaliers, Capidextre refermant la porte blindée ainsi que ses douze verrous derrière lui.

Cette base, Roitiflam s’y rendait souvent. C’était LA base de la DDR, là où le boss cachait toutes ces décennies de connaissance, là que se trouvait son laboratoire personnel dans lequel il fit et imposa de nombreuses expériences à de multiples Pokémon au cours de sa vie, consentants ou non. Donc cette base, elle était privée. Très privée et, pendant longtemps, seul lui et Roitiflam connaissaient sa position.

Mais depuis plusieurs mois, depuis qu’il lui demanda de gérer entièrement la mission Anti-RS, il autorisa l’accès à plus de monde. Mais pas n’importe qui : les élus du chef, celui qu’il voulait dans son équipe. Alors aujourd’hui, la base était connue de Capidextre, Flagadoss et Léopardus. Enfin sa position, parce que son existence, elle…

- (Rhinoféros) HNNNNG !!!

Hurla de rage l’explorateur bâillonnée, qui n’avait pas vue la lumière du soleil depuis des mois.

- (Capidextre) Il est encore en vie, lui ?

Demanda l’ingénieur, en se tournant vers la table d’opération sur laquelle il se trouvait, partie laboratoire. Le corps ravagé du pauvre Rhinoféros, attaché nu et couverts de nombreux tubes qui envahissaient tous ses orifices le réjouissait tout en l’intriguant. La machine pompant son sang n’était pas en marche.

- (Roitiflam) Il ne nous sert plus à rien, je le garde juste en vie parce que ses gémissements m’amusent.

- (Flagadoss) Wow… alors c’est comme ça que vous traitez vos otages… ?

- (Capidextre) C’est moi qui ai conçu tout ce beau bordel, ça te pose un problème ?

- (Flagadoss) Non, je trouve ça formidable !

- (Capidextre) Ah… ah ouais… ?

- (Flagadoss) Attends… tu as dit que c’était toi qui… ? En fait non, c’est d’la merde.

- (Capidextre) Saloperie !!

- (Roitiflam) Tiens, Capidextre, regarde par-là.

Il l’emmena plus profondément dans le laboratoire, vers une lumière verdâtre qui lui fit écarquiller les yeux.

- (Capidextre) Oh, génial… ! Mon bébé !!

Exclama-t-il, en posant ses mains sur la cuve en verre qui maintenait en stase la créature violette, visqueuse et au doux nom de Métamorph. Il avait encore grandi, depuis la dernière fois. Il s’était encore un peu solidifié tandis que son visage, son expression fut enfin parfaitement lisible.

- (Capidextre) C’est super… ! Vraiment super !

- (Roitiflam) Tu trouves ? Comme pour Rhinoféros, on a dû le déplacer ici depuis que l’éclair rouge a découvert l’entrepôt. Le truc, c’est que son développement a cessé. Pourtant nous avons toutes les ressources nécessaires, dont plusieurs caisses de sang en réserve. Tu saurais ce qui aurait dysfonctionné, pendant le transfert ?

- (Capidextre) Rien du tout, chef. Métamorph est complet !

- (Roitiflam) Quoi… ? C’est ça, sa forme finale ?

- (Léopardus) Pas très intimidant, pour une créature indomptable et essentielle.

- (Capidextre) Pas convaincu ? Je vous propose de le libérer tout de suite, dans ce cas.

- (Roitiflam) Tu peux le contrôler ?

- (Capidextre) Vous le pouvez aussi, chef. Il a une conscience, mais son cerveau passe en mode « gestionnaire de tâches » à l’entente de l’une de nos deux voix. Faites-moi confiance, tout se passera bien !

- (Roitiflam) … Bien, fais ce que tu as à faire.

- (Capidextre) Ah ah ah, sublissime !

Il fonça vers le poste de commande de la cuve, stoppa toutes les actions en cours, réintégra de l’oxygène dans le tube tout en commençant à vider l’eau verdâtre qui le maintenait sous stase. Léopardus et Roitiflam prirent de la distance, proche de Flagadoss qui s’occupait depuis tout à l’heure en chatouillant les pieds de Rhinoféros, qui pleurait d’angoisse. Ces deux-là furent attirés par la soudaine alarme de la cuve, qui retentissait pendant que la vitre s’ouvrait, laissant s’échapper une épaisse fumée qui envahit toute la pièce.

Le silence était total, seuls les gémissements du Pokémon que tout le monde essayait de distinguer se firent entendre. Il se releva et avança lentement, très lentement vers le centre de la pièce. N’étant qu’une espèce de morve violette, il commença par ramper. Puis, il se redressa de manière à mettre son visage le plus haut possible. La fumée se dissipa et, d’un coup, il ouvrit les yeux. Deux simples points noirs, toujours rien de bien intimidant. Roitiflam était gêné, Léopardus se retenait de rire. Capidextre, lui, arriva à côté de sa création, le présenta aux autres en le pointant de ses petites mains tremblantes, l’air surexcité.

- (Capidextre) TADAAA !!!

Mais personne ne semblait enjoué.

- (Léopardus) Hum… un vrai génie, y a pas à dire.

- (Capidextre) Oh, sérieux, soyez un peu imaginatifs ! N’importe qui le prendrait pour un enfant et baisserait sa garde !

- (Roitiflam) Pour… ?

- (Capidextre) Pour se retrouver en face de ça ! Métamorph, transformation !!

Alors qu’il commençait à comprendre où il était, son cerveau se brida soudainement. La voix de son maître retentit telle un ordre de priorité maximale et, sans même le vouloir, son corps se mit à changer. Il se distordait, prenant une couleur grise tout en s’étirant brutalement. Des membres se formèrent, des muscles se remplirent et la morve se changea en une texture de peau. Rhinoféros, impuissant qu’il fut, écarquilla d’un air terrifié les yeux. Car cette chose prenait son apparence, à l’identique de celui qu’il fut le jour de sa capture, soit un homme adulte en pleine forme physiquement. Autrement dit, Métamorph devint un Rhinoféros bien plus musclé et impressionnant que lui, à vrai dire, le modèle était juste à côté.

- (Roitiflam) … Wow… !

- (Capidextre) Ah ! Je savais que j’arriverai à vous en décrocher un !

- (Roitiflam) En aussi peu de temps, c’est assez impressionnant. A-t-il récupéré toute sa morphologie ?

- (Capidextre) Yep ! On le constate ici, son système analyse le sang de ses victimes à échelle chirurgicale ! Il prendra instinctivement la version la plus en forme du Pokémon en question, c’est-à-dire… euh, bah pas ce gros tas, là.

Se moqua-t-il, en touchant le volumineux ventre de l’explorateur d’un doigt répugné.

- (Rhinoféros) MFFF !!!

- (Léopardus) Oui, enfin il y a un gros défaut de conception.

Clama Léopardus, en visant le regard perdu de Métamorph. Alors que tout son corps s’était métamorphosé, ses yeux n’avaient pas changé. Toujours deux points noirs, de quoi faire passer ce gros tas de muscles d’intimidant à ridicule.

- (Capidextre) C’est si problématique que ça ?

- (Léopardus) Ses capacités auraient pu servir à l’infiltration, en prenant l’apparence d’un membre de l’équipe RS par exemple.

- (Capidextre) Et les lunettes de soleil, tu connais ?

- (Roitiflam) Elle marque un point, c’est dommage de ne pas avoir poussé la métamorphose jusqu’au bout.

- (Capidextre) Hé, j’ai fait de mon mieux !

- (Flagadoss) Pfff… les limites de la science…

- (Capidextre) La ferme, toi !

Il se tourna vers sa création, l’air dubitatif.

- (Capidextre) Comment je pourrais changer ça… ?

- (Roitiflam) M’enfin, ça ne nous sera pas utile tout de suite. En attendant… sait-il parler ?

- (Capidextre) Demandez-lui directement, chef !

- (Roitiflam) … Métamorph, c’est cela ?

Le concerné tourna instinctivement la tête vers lui. Il en écarquilla les yeux, ne l’ayant pas voulu.

- (Roitiflam) Dis quelque chose.

- (Rhinoféros) Quelque chose.

Répondit-il immédiatement. L’explorateur était effrayé.

- (Flagadoss) Ah ah, il est marrant !

- (Léopardus) Ok, sa voix est identique à celle de Rhinoféros.

- (Capidextre) Bah évidemment !

- (Rhinoféros) Qu’est-ce que… ?

Comblé de doutes, il se regarda d’un air tremblant.

- (Rhinoféros) Qu’est-ce qui m’arrive… ? Pourquoi je bouge et parle tout seul… ?

- (Capidextre) Parce qu’on te le demande, Métamorph.

À l’entente de son nom, il retourna instinctivement la tête vers son créateur.

- (Rhinoféros) Ah ! Arrêtez de faire ça !

- (Flagadoss) Métamorph, Métamorph, Métamorph !!

Là, rien ne se passa.

- (Flagadoss) Hé !!

- (Capidextre) J’ai dit que ça ne marchait qu’avec ma voix et celle du chef, abruti !

- (Rhinoféros) M… Métamorph… ? C’est mon nom ?

Il se tourna vers Capidextre, cette fois volontairement.

- (Rhinoféros) Et vous… vous êtes mon père ?

- (Capidextre) Euh… ton créateur, je préfère, mais appelle-moi Capidextre.

- (Rhinoféros) Je… je suis perdu.

- (Capidextre) Mais non, tu ne l’es pas ! Métamorph…

- (Rhinoféros) Non, arrêtez de… !

- (Capidextre) Activation du protocole « histoire de la DDR » !

- (Rhinoféros) AH !! AAAAAH !!!

Il hurla de douleur tout en s’écroulant à genoux. Les autres s’écartèrent d’encore un pas, mais son créateur avança.

- (Capidextre) Tout va bien, tout va bien…

Il s’abaissa à son niveau, posant ses tendres mains sur ses joues.

- (Capidextre) Juste apprends. Apprends notre histoire, apprends qui tu es.

Il crispa douloureusement les dents pendant encore bien une minute, avant d’enfin pouvoir reprendre son souffle avec du répit. Il transpirait et tremblait comme une feuille, mais il ne ressentait plus rien. Plus rien, si ce n’est de la haine. D’un mouvement sec, il se releva. Capidextre le laissa passer, l’observant avec de grands yeux. La créature s’avança jusqu’à la table d’opération, dévisagea avec mépris et dégoût l’explorateur qui, de son côté, était tétanisé.

Il posa une patte sur sa bouche et la couvrit. Il posa l’autre patte sur son ventre et y empala ses griffes.

- (Léopardus) Qu’est-ce qu’il fait… ?

Demanda-t-elle discrètement, pendant que l’explorateur hurla une dernière fois de douleur.

- (Roitiflam) Il prend appui.

Métamorph releva la tête, observant quelques instants le bout pointu de la corne du Pokémon duquel il avait repris l’apparence… avant de violemment s’abaisser et la planter droit dans sa poitrine, droit dans son cœur. Sans attendre, sans demander, sans qu’on lui ordonne et sans chercher à y prendre du plaisir, il assassina Rhinoféros sur le coup.

Léopardus et Flagadoss écarquillèrent les yeux. Roitiflam se montra perplexe. Capidextre bondit de joie.

- (Capidextre) Ah ah ah ! Bien joué !! Ça, c’est la marque des meilleurs !

La créature se redressa, laissant le sang de sa victime couler le long de son museau. Il se retourna et s’inclina.

- (Rhinoféros) Je sais tout, désormais. Je servirai la DDR quoiqu’il en coûte, je vous le promets, père.

- (Capidextre) Super ! Par contre c’est Capidextre, n’oublie pas.

- (Roitiflam) Capidextre, je dois te parler.

Clama sèchement le chef.

- (Capidextre) Tu vois, comme ça !

Répondit en rigolant l’ingénieur à sa créature, avant s’éloigner du laboratoire avec Roitiflam, là où il ne l’entendrait pas.

- (Capidextre) Alors ? Toujours pas convaincu, chef ?

- (Roitiflam) Non.

- (Capidextre) Ah… ! Alors vous aussi, vous avez remarqué la taille de son… ? Elle est identique à celle de l’explorateur, là je n’y suis pour rien si il n’impressionne personne !

- (Roitiflam) On se concentre deux minutes. Son caractère ne correspond pas du tout à ce que tu m’avais décrit !

- (Capidextre) Quoi !? Je vous ai dit que sa volonté servirait notre cause, quel est le problème ?

- (Roitiflam) Avant que tu n’actives le protocole, il était terrifié. Je t’avais demandé un soldat sans émotion, pas un autre Pokémon né en cuve avec une conscience et qui finira par nous trahir.

- (Capidextre) Ça n’arrivera pas. Déjà, notre contrôle vocal sert à le maintenir en laisse si jamais il venait à devenir fou ou, pire, à changer de camp. Et ensuite, le programme que je lui ai inculqué a… disons… réécrit légèrement l’histoire. Il me respecte parce que je suis son créateur, et il voudra se battre à nos côtés parce qu’il sera persuadé que notre cause est la juste, que notre idéologie est la bonne ! Alors vous n’avez pas à vous en faire, chef, je vous l’assure !

Ils se tournèrent vers lui. Métamorph, toujours transformé en Rhinoféros, restait incliné, immobile en attendant un prochain ordre. Léopardus n’osait approcher, mais Flagadoss était un peu plus curieux.

- (Flagadoss) Hé, ça va toi… ?

La créature la dévisagea silencieusement pensant bien dix secondes.

- (Rhinoféros) Qui êtes-vous ?

- (Flagadoss) Hein… ? Il n’a pas parlé de moi dans tout ce qu’il t’a inculqué !?

- (Rhinoféros) Euh… non ? Dois-je être navré ?

- (Flagadoss) Non, c’est bon, on aura tout le temps de faire connaissance plus tard. Tiens, tu veux un premier conseil ?

- (Rhinoféros) … Je ne sais pas. Dois-je vous faire confiance ?

- (Flagadoss) À toi d’en juger. Léchouille-toi les babines !

Intrigué, la créature s’exécuta et nettoya le sang de son ennemi qui continuait de couler de sa corne.

- (Flagadoss) Alors, quel goût ça a ?

- (Rhinoféros) … C’est bon.

- (Flagadoss) Ah ! Tu vois que tu peux me faire confiance !

Il récidiva donc et, tel un Pokémon félin, se nettoya avec sa langue.

- (Roitiflam) Hum… il suit facilement le conseil d’un inconnu.

- (Capidextre) C’est normal, il est entouré de gens qui ne lui veulent pas de mal et il le sait, puisqu’on était tous là à son réveil.

- (Roitiflam) Ouais, Rhinoféros aussi.

- (Capidextre) C’était prévu ! À l’époque où j’ai réalisé le protocole, il m’apparaissait évident que Rhinoféros serait encore en vie et au pire, je lui aurai quand même apprit qui aurait été le premier type dont il serait capable de reprendre l’apparence. De là à ce qu’il le tue… ah ah ah, c’est que ça a encore mieux marché que prévu !

- (Roitiflam) Hum… si tu le dis.

- (Capidextre) Ne vous inquiétez pas, chef, tout va vraiment bien ! Pour l’instant, il se questionne et c’est normal. Mais je serais là, ON sera tous là pour lui inculquer toutes les connaissances et valeurs qui lui manquent. D’ici cet été, il saura qui il est, quel est son rôle et peut-être même aussi nos plats préférés ! Tiens, et si je lui inculquais du savoir culinaire… ?

- (Roitiflam) Je crois en toi, Capidextre, je t’assure. Aujourd’hui, cela va au-delà de ce que le boss a pu me vendre de toi. J’ai compris de quoi tu étais capable et je suis certain que tu fais de ton mieux pour la DDR. C’est juste que… *soupir* le dernier Pokémon né en cuve est devenu explorateur, et je le regrette tellement.

- (Capidextre) Il paiera pour ça, chef. Vous savez quoi ? Je m’assurerai que ce soit notre nouveau coéquipier, qui lui fasse la peau !

- (Rhinoféros) Père, ce type veut me faire enfiler un « caleçon ». Dois-je lui faire confiance ?

- (Capidextre) Non… ! Enfin si, bien sûr, tu peux avoir confiance en toutes les personnes présentent dans cette pièce ! Mais ça ne sert à rien de te faire enfiler quoique ce soit, puisque les vêtements ordinaires ne s’adaptent pas à tes métamorphoses.

- (Flagadoss) Donc on le laisse à poil ?

- (Capidextre) Reviens à ta forme normal.

- (Rhinoféros) Euh… je ne sais pas comment faire.

- (Capidextre) Ah, euh… Métamorph, reviens à ta forme normale !

À l’entente de son nom, son cerveau réagit instinctivement et exécuta la demande de son créateur. Le grand Rhinoféros redevint la visqueuse morve violette Métamorph.

- (Capidextre) Et voilà, plus de parties génitales !

- (Flagadoss) Super, donc on se trimballe avec une morve à poil dans l’équipe.

- (Capidextre) Je vais essayer de voir ce que je peux faire, d’ici notre assaut.

- (Léopardus) Et du côté de ses autres capacités ? Ne veux-tu pas lui apprendre à devenir un autre Pokémon puissant ?

- (Capidextre) Oula non, ça nous prendrait à nouveau des mois de travaux. Pour l’instant, son bestiaire restera d’un Pokémon.

- (Léopardus) Espérons que cela suffit.

- (Flagadoss) Bon, et maintenant ?

Les regards se placèrent vers Roitiflam.

- (Roitiflam) … Vous pouvez disposer. Je voulais m’assurer que tout le monde connaisse l’emplacement de notre base et se rencontre les uns les autres. J’ai tous vos numéros, gardez votre téléphone prêt de vous et soyez toujours discret, lorsque vous voulez venir ici. On se retrouvera quand j’aurai du nouveau sur cette excursion thérapeutique.

- (Léopardus) À ce sujet, qu’en est-il de Carapuce ? Elle ne fait pas partie de l’escouade ?

- (Roitiflam) Si, mais on ne peut pas lui faire confiance. Jamais elle ne mettra un pied ici, alors si vous souhaitez la rencontrer avant l’opération… hum, mais j’imagine que non, alors peu importe.

- (Capidextre) Et Crocorible ? Avez-vous réussi à le convaincre ?

Le chef lâcha un soufflement de groin en souriant de manière narquoise.

- (Roitiflam) Oui.

- (Capidextre) Vraiment !? Super, hâte de le voir parmi nous !

- (Roitiflam) Lui non plus ne mettra jamais une patte ici, mais là c’est son choix.

- (Flagadoss) En tout cas, l’escouade est vraiment impressionnante. Si j’étais ces ordures d’explorateurs, je me ferais dessus !

- (Capidextre) Ouais, et dire qu’on va enfin pouvoir se venger… ! Ah ah ah, vivement cet été !!

- (Léopardus) Bon, je vais y aller. Félicitation pour avoir réussi à construire une telle équipe, chef. À plus tard.

- (Roitiflam) Salut.

La criminelle quitta les lieux en première.

- (Flagadoss) Hum… on a vu plus commode, niveau coéquipière.

- (Roitiflam) Je n’y suis pour rien, si vous êtes des idiots qui ne la fermez jamais. Elle est moins patiente que moi, mais sa confiance et ses compétences en furtivité ne sont plus à prouver.

- (Flagadoss) J’imagine. J’y vais aussi, chef, contactez-moi au moindre problème.

- (Roitiflam) Entendu, bonne soirée.

Il s’en alla à son tour. Capidextre fouilla du regard les alentours.

- (Capidextre) C’est quand même une sacrée base, encore plus grand que mes anciens lieux de travail ! Ça la fout mal pour eux…

- (Roitiflam) Tu loges ici ?

- (Capidextre) Je peux ? À vrai dire ça m’arrange, je n’ai plus de logement.

- (Roitiflam) C’est préférable, à moins que tu ne le remettes sous stase.

Disait-il, en pointant du regard la créature, silencieuse depuis un moment.

- (Capidextre) Non, pas question. À partir de maintenant, je m’en occupe comme… euh…

- (Roitiflam) Ton propre enfant ?

- (Capidextre) Non, justement ! D’ailleurs, j’ai oublié de le reprendre tout à l’heure, non !?

- (Roitiflam) Je suis sûr que tu vas finir par t’y plaire, et si ça peut lui permettre de ne pas nous trahir… Bref, dans ce cas, c’est moi qui te souhaite bonne nuit, Capidextre. Tiens-moi au courant s’il se passe quelque chose.

- (Capidextre) Pas de soucis ! Bonne nuit, chef !

Et Roitiflam s’en alla, laissant le surexcité du groupe seul, enfin avec la créature, dans la base. Il avait littéralement TOUTES les données du boss de la DDR à disposition, il en tremblait d’excitation. Mais avant même qu’il ne se penche sur la moindre bibliothèque…

- (Métamorph) Dites, père…

- (Capidextre) Non, moi c’est toujours Capidextre !

- (Métamorph) Ce qui m’arrive, quand vous prononcez mon nom… ça me déplaît.

- (Capidextre) … Comment ça ?

- (Métamorph) Je… je trouve la sensation horrible. Me forcer à faire ou dire ce que vous voulez, est-ce vraiment nécessaire ?

- (Capidextre) Eh bah… euh… c’est une mesure de sécurité instaurée avant ta naissance et qui, par… bah sécurité, ne peut pas être enlevée. Je suis désolé, Métamorph, mais…

À nouveau, la créature fut forcée de le regarder. Capidextre se couvrit la bouche, attendit que le délais de trois secondes passe avant que l’ordre soit annulé, puis se rapprocha d’un air inquiet. Il vit son visage, dès qu’il fut libéré. Malgré ses deux points noirs qui lui servaient d’yeux, il ressentit la détresse dans sa création.

- (Capidextre) Désolé, je n’ai pas fait exprès… !

- (Métamorph) Est-ce… une forme de torture ? Vous ai-je déjà déçu ?

- (Capidextre) Non ! Non non, vraiment, je t’assure que l’implantation de ce protocole n’était pas dans le but de te faire souffrir… ! Tu sais quoi, à partir de maintenant, je t’appellerai… mon grand !

- (Métamorph) Mon… grand ?

- (Capidextre) Ouais, mon grand, c’est plutôt mignon je trouve !

- (Métamorph) Mignon… ? Ne suis-je pas censé faire peur ?

- (Capidextre) Pas auprès d’moi, en tout cas, ah ah !

Rigola-t-il, en lui gratouillant le haut de ce qu’il jugea être son crâne. Trouvant cela agréable, son « grand » se laissa faire, jusqu’à fermer les yeux et se reposer sur les genoux de son créateur.

- (Capidextre) Oh…

- (Métamorph) Merci, père…

- (Capidextre) Hein… ? Non, CAPIDEXTRE !!

Il avait encore beaucoup de choses à lui apprendre. Roitiflam aussi, rentra s’occuper d’un petit Pokémon.

- (Machoc) Tonton !!

Exclama Machoc, en l’accueillant à bras ouvert dès qu’il passa la porte d’entrée. Depuis le Test RS, il n’avait hélas pas changé. Toujours aussi anormalement blanc de peau, toujours anorexique, toujours malade. Le chef de la DDR déposa sa veste et le prit chaleureusement dans ses bras. Il se dirigea tout de suite vers la cuisine, déposant le petit sur un tabouret avant de fouiller dans les placards de nourriture.

- (Roitiflam) Je suis désolé de rentrer aussi tard, tu devrais déjà être au lit.

- (Machoc) Ouais, j’ai commencé à avoir peur pour toi, moi !

- (Roitiflam) Enfin, pourquoi craindrais-tu pour moi ?

- (Machoc) Hum… c’est vrai que t’es le plus fort.

- (Roitiflam) Le deuxième plus fort.

- (Machoc) Oui, pardon, le deuxième plus fort après papa. En parlant de lui, est-ce qu’il sera vraiment obligé de me garder… ?

- (Roitiflam) Tu parles de cet été ? Évidemment, puisque je ne pourrais pas le faire.

- (Machoc) Oh, d’accord…

Marmonna-t-il d’un air attristé, en baissant la tête. Sortant un sachet de pâtes du placard, l’oncle tourna son regard vers lui et ressentit tout de suite sa peine. Il hésita, puis l’approcha et déposa ses tendres mains sur ses épaules.

- (Roitiflam) Hé, mon grand, ça ira. Ça ne durera qu’un soir, après je m’occuperai de toi à nouveau.

- (Machoc) Je sais, mais… je te préfère à papa. Il… il me fait peur.

- (Roitiflam) Ton père est froid envers beaucoup de monde, je te l’accorde. Mais si il y a bien une, UNE seule personne qu’il protégera jusqu’au bout de sa vie, c’est bien toi. Tu es la prunelle de ses yeux, quoiqu’il en dise.

- (Machoc) Alors pourquoi il n’est jamais là ?

Sa question imposa le silence, Roitiflam ne savait quoi répondre dans l’immédiat.

- (Roitiflam) Euh… c’est…

- (Machoc) C’est compliqué, oui je sais. *soupir* C’est pas grave, au moins toi tu es là.

Machoc l’enlaça sur ses mots. Roitiflam écarquilla les yeux, puis le câlina à son tour. Son expression était unique, il était sincèrement navré pour celui dont il s’occupait. Il le porta ensuite, direction la salle de bain.

- (Roitiflam) Allez, au bain ! Quand tu sortiras, le dîner sera prêt.

- (Machoc) Ouais !!

La journée se termina peu de temps après, pour ces deux-là. Comme pour tous les autres membres de l’escouade, en fin de compte. De son côté, Léopardus se coucha avec beaucoup de craintes : Flagadoss et Capidextre étaient-ils à la hauteur ? Le monstre qu’il avait créé était-il digne de confiance ? Pour elle, il était évident que non. Mais Roitiflam pensait l’inverse, et elle avait une confiance aveugle en lui. Alors elle se força à croire que travailler avec eux était la meilleure chose à faire, et s’endormit sur cela. Capidextre, lui, apprit à Métamorph les bases la cuisine. Son premier dîner fut constitué de légumes peu cuits, mais celui qu’il appela « père » rigola beaucoup en sa compagnie. Ils s’endormirent chacun sur une table d’opération, se servant des livres présents dans les bibliothèques pour amortir le métal sur lequel ils reposaient. Flagadoss s’endormit très rapidement. Pour lui, pas de question existentielle ou d’éducation à forger. Il était fier d’avoir passé une aussi croustillante journée, et avait hâte d’être au lendemain.

Et qu’en était-il des autres membres de la DDR ? Ceux qui allaient participer à la mission mais ne s’étaient montrés à la base de l’organisation ? Carapuce pleura chez elle. Crabagarre avait beau la réconforter, rien n’y changeait.

- (Carapuce) Je ne veux pas y aller… ! *snif* Je ne veux pas le faire… !

- (Crabagarre) Tout se passera bien, Carapuce, dis-toi que tu es trop importante pour qu’ils te laissent tomber !

Mouais. Difficile de convaincre, quand on est au fond du gouffre. Mais c’est leur problème, et personne ne compatissait pour eux. En revanche, pour celui qui avait toujours cherché à protéger sa famille tout en faisant le bien, l’ambiance était tout autre. Crocorible avait arrêté de pleurer, acceptant son sort la tête haute. Dans son esprit ne tournait qu’une scène en boucle.

Le soir du 7 Avril, son téléphone sonna. Il commença par vaguement le regarder, avant de bondir dessus lorsqu’il aperçut le nom de son petit frère. Il n’avait plus de nouvelles de lui depuis leur engueulade, la veille de la destruction du bar Limaspeed. Il n’avait pas arrêté de se demander si c’était lui, qui fut responsable du désastre. Tout lui indiquait que oui, tout pointait du doigt Escroco, pour le meurtre du pauvre Raichu. Mais le Prédateur Carnassier ne voulait y croire, il refusait d’admettre que celui qui partageait son sang avait franchi la limite. Il restait persuadé que même si on lui en offrait les moyens, il n’oserait pas commettre l’acte.

Hélas… ce n’est pas sa voix qu’il entendit à l’autre bout de l’appareil.

- (Roitiflam) Mon cher ami catcheur, bien le bonsoir !

- (Crocorible) Toi… ? Pourquoi as-tu le téléphone de mon frère, où est-il !?

- (Roitiflam) Pourquoi autant d’agressivité ? Il est juste là, voyons ! Tiens, dis bonjour à ton frère !

- (Escroco) Salut le looser, ah ah ah !

L’entendait-il au loin, en train de se mouvementer.

- (Crocorible) Qu’est-ce qu’il fait !?

- (Roitiflam) Là ? Il joue avec des sabres.

Le crocodile écarquilla les yeux.

- (Roitiflam) Il faut bien qu’il s’entraîne avant l’assaut, non ? Tu ne voudrais pas que ton frère se fasse abattre sans se défendre par les explorateurs, je me trompe ?

- (Crocorible) … Roitiflam…

- (Roitiflam) Oui ?

Demandait-il d’un sourire narquois, il le sentait sans le voir.

- (Crocorible) … Pourquoi tu fais ça ?

- (Roitiflam) Tu sais très bien pourquoi.

- (Crocorible) T’en prendre à mon employé ne te suffisait pas, il fallait vraiment que tu attaques la famille ?

- (Roitiflam) Tu sais, avec toi, on commence à se demander qui tu considères être de ta famille, et qui peut aller se faire foutre. Tu as rejeté Escroco quand il avait besoin de ton aide, tu ne peux pas imaginer sa peine quand nous l’avons récupéré. J’espère que mes flammes lui ont permis de s’en remettre.

- (Crocorible) J’en étais sûr ! C’est toi, qui a brûlé le bar Limaspeed !

- (Roitiflam) Ouais, mais ce n’est pas ma griffe qui a transpercé le cœur de la pile électrique.

- (Crocorible) Quoi… ? Non… !

- (Roitiflam) Oh, pitié… ! Escroco, tu lui racontes tes exploits en deux trois mots ?

- (Escroco) Quoi, il vous croit pas ? Mec, m’sieur Roitiflam m’a permis de devenir adulte, en fait ! Il a fait ce que toi tu n’as jamais voulu faire, IL M’A LAISSÉ FAIRE UN CHOIX !!

Lui hurla-t-il au bout du fil. Le grand frère se couvrit la bouche de terreur. Il avait les larmes aux yeux.

- (Roitiflam) Alors ?

- (Crocorible) … Arrête… ! Je t’en supplie, ne l’enfonce pas plus !

- (Roitiflam) Oh, alors commettre un meurtre n’est pas le seuil de ta limite morale ? Tu dois être plus indulgent parce que vous partagez le même sang, hein ? C’est mignon, l’hypocrisie.

- (Crocorible) ARRÊTE DE DÉTRUIRE TOUT CE À QUOI JE TIENS, BORDEL !!!

- (Roitiflam) Tu sais très bien quand j’arrêterai. Tu n’as qu’une chose à dire.

- (Crocorible) Je… ! Je ne peux pas faire ça, j’influencerai tellement de gens… !

- (Roitiflam) C’est justement ce dont on a besoin, symbole de nos quartiers.

- (Crocorible) Roitiflam… pitié… !

- (Roitiflam) Bon… *soupir* tu n’as pas encore l’air prêt, à ce que je vois. Ce n’est pas grave, vraiment. Ton frère te remplacera.

- (Crocorible) NON !!!

Lui hurla-t-il de toutes ses forces, en espérant qu’il ne raccroche pas.

- (Crocorible) OK !!! Ok, c’est bon, je vais le faire !!

- (Roitiflam) Vraiment ? Je veux t’entendre le dire.

- (Crocorible) Je… je rejoins l’escouade Anti-RS.

- (Roitiflam) Bien ! Tu vois quand tu veux !

- (Crocorible) Maintenant… Tu laisses mon frère en dehors de ça !

- (Roitiflam) C’est un ordre ?

- (Crocorible) ÉVIDEMMENT, TROU DU CUL !!!

Le silence régna quelques instants, avant que le chef de la DDR n’explose de rire.

- (Roitiflam) Ah ah ah !! J’adore, ah ah ! Tu seras si bouillant, j’ai hâte de te voir en action, mon catcheur préféré ! On se voit demain ? Disons vingt-deux heure devant ta boîte de nuit. Je dois m’assurer que tu tiendras parole, mesure de sécurité oblige.

- (Crocorible) Je… je te déteste… !

- (Roitiflam) Ça veut dire oui ?

Il balança son téléphone contre un mur et le fit exploser en plusieurs morceaux.

- (Crocorible) JE TE HAIS !!!

De l’autre côté, Roitiflam continua de rire. Lui passa une excellente soirée.

Voilà ce qu’il se passa, voilà pourquoi il s’était résolu à ne plus pleurer. Depuis, il n’arrivait plus à dormir. Chaque soir, après que les ouvriers terminèrent leurs réparations et lorsque Bétochef rentra chez lui, il s’enferma dans les douches communes avec un sac de sable. Et il frappait. Il frappait de toutes ses forces, finissant toujours par l’exploser avant de laisser l’eau couler, avant de laisser le sable disparaître.

Bienheureusement pour lui, son fidèle employé finit par s’en rendre compte. Cela faisait plusieurs jours, que Bétochef avait une impression désagréable en prenant sa douche après le travail… enfin après s’être assuré que les réparations se déroulent correctement, il n’était plus vraiment videur. Il comprit qu’il marchait sur des grains de sable, mais son patron restait vague, quand il le questionna à ce sujet. Alors le lendemain soir, il fit mine de partir pour se cacher et l’espionner. Depuis les vestiaires, il l’entendait s’acharner sur le sac, il sentait une rage incontrôlée et effrayante en lui. Alors il entra et se fit surprendre.

- (Crocorible) Bétochef, tu… *souffle* tu es encore là… ?

- (Bétochef) Patron… expliquez-moi ce qui ne va pas.

Il tenta de s’approcher, mais le catcheur recula. Tant pis, il continua.

- (Crocorible) Non… ! Ne t’approche pas, je… j’ai changé.

- (Bétochef) Est-ce que… ça a un rapport avec votre frère ?

- (Crocorible) Je ne peux pas en parler… *snif* je suis désolé… ! Je suis si désolé… !

- (Bétochef) Pourquoi… ?

Crocorible se retrouva coincé contre un mur. Il bloqua son ami d’une main tremblante, mais ce dernier continua d’avancer.

- (Bétochef) Patron… Crocorible. Vous ne m’avez jamais laissé tomber, quoique je fasse pour vous compliquer la vie parce que j’étais persuadé que je n’en valais pas la peine. Alors défendez-vous autant que vous le pourrez…

Il posa ses mains sur ses épaules.

- (Bétochef) Je serais là pour vous.

Finalement, il fondit en larme dans ses bras. Bétochef le rattrapa et l’enlaça de tout son cœur, prêt à l’aider à surmonter cette épreuve que lui voyait comme le destin. Mais même après lui avoir tout expliqué, une bonne heure plus tard, lorsqu’il était dans son lit face à un Bétochef attentif et attentionné, celui-ci ne daigna s’effrayer de la situation.

Il lui promit de trouver une solution, puis le laissa se reposer et quitta la boîte de nuit.

Deux heure du matin, Reptincel se réveilla en sursaut. Quelqu’un toquait à la porte de son appartement, ce fut trop rare pour ne pas être anormal, surtout à cette heure. Il enfila un t-shirt et ouvrit le poing fermé, prêt à contrattaquer à toute…

- (Bétochef) Bonsoir, Reptincel.

Il rouvrit lentement la main, l’air surpris. Bien sûr, il l’invita à entrer. Le quart d’heure d’après, il avait connaissance de toute l’histoire. Il savait désormais qu’Escroco avait engueulé son frère pour ne pas le soutenir dans ses actes, qu’il s’était laissé attirer par la DDR qui le récupéra lorsqu’il était au fond du gouffre pour, à la fois lui proposer un marcher, et à la fois lui permettre de réaliser la vengeance qu’il souhaitait. Il apprit donc que l’assassin de Raichu était bien Escroco, et que le feu venait bien de Roitiflam. Il apprit que Crocorible n’avait pas tout de suite cédé, jusqu’à ce que le chef de la DDR l’appelât lui-même pour menacer sa famille et le convaincre de rejoindre l’escouade Anti-RS. Il apprit qu’il avait finalement accepté.

Bétochef termina un troisième verre d’eau, assis sur son lit d’un air navré.

- (Bétochef) Voilà, tu sais toute l’histoire. L’opération aura lieu en été, mais il n’a pas encore de précision sur la date ou le lieu. Tu… tu dois encore lui en vouloir, maintenant que tu sais qu’il est aussi connecté, même indirectement, au meurtre de ton ami. Toutes mes condoléances pour ça, d’ailleurs…

- (Reptincel) Je ne lui en veux pas, Bétochef. Il a fait de son mieux pour rester fidèle à ses convictions jusqu’au bout, mais on a touché à sa famille, et… je comprends qu’il veuille tout faire pour la protéger.

- (Bétochef) Est-ce que tu vas faire quelque chose ?

- (Reptincel) Je vais essayer. Il est évident que Roitiflam ne lui donnera jamais la position exacte de l’assaut, il ne lui fait pas confiance. Crocorible les rejoindra à une date précise, et ils partiront tous en ensemble en suivant leur chef. Donc tout ce qu’il pourra me donner s’il le souhaite, ce sera la date de l’événement. Mais j’ai une idée, pour tout de même connaître la position.

- (Bétochef) Euh… d’accord, mais à quoi bon ? J’voulais que tu m’aides à l’protéger de la DDR, à quoi bon chercher à savoir où ils vont s’rendre ?

- (Reptincel) Bétochef, on ne peut pas le convaincre de ne pas y aller. L’en empêcher serait encore pire, on mettrait Escroco en danger et c’est tout ce pourquoi Crocorible se dévoue à la tâche.

- (Bétochef) Hum…

- (Reptincel) Je suis désolé, mais il participera à cet assaut. En revanche, je peux le tracer et m’y rendre aussi.

- (Bétochef) Hein… ? Pour y faire quoi, affronter les membres les plus dangereux de la DDR à toi tout seul !?

- (Reptincel) Non, pour empêcher notre ami de franchir la limite. Si j’ai bien compris, ils prévoient de s’en prendre à l’équipe RS ? C’est stupide, ils n’ont aucune chance face à Pharamp, qu’importent combien ils sont.

Hélas, aucun d’entre eux ne savaient que Pharamp n’était pas prévu au programme.

- (Reptincel) Je les laisserai s’enfoncer dans leur plan idiot et isolerai Crocorible.

- (Bétochef) Ça peut le faire, oui. Enfin… encore faudrait-il qu’il ne cherche pas vraiment à te tuer.

- (Reptincel) C’est vrai qu’on n’est même pas sûr de ça. De toute façon, il faut que j’aille lui rendre visite, alors on mettra les choses au clair là-bas.

- (Bétochef) Ok, je te laisse faire. Merci d’aider, Reptincel.

- (Reptincel) Merci à toi de me faire encore confiance, après ce que j’ai fait.

- (Bétochef) Je t’en veux, mais il y a plus important. Notre ami besoin de nous.

Et Reptincel ne comptait pas le laisser tomber. Se racheter de cette manière était la moindre des choses qu’il pouvait faire pour lui. Alors le lendemain, il partit travailler dans le garage en face et demanda à Granbull de l’aider à concevoir un objet en particulier. Il savait que le garagiste en était capable et, même si cela lui demanda presque une semaine de travail acharné, il lui conçut exactement ce dont il avait besoin.

Le soir du 24 Avril, Crocorible attendit à nouveau la fin des réparations pour se défouler. Mais cette fois, il se posa au bar. Quand Reptincel s’introduisit par la fenêtre et se posa, sans crainte, juste derrière celui qu’il était venu aider ; quatre bouteilles de bière vides se trouvaient aux côtés du Prédateur Carnassier.

Le silence régna quelques instants. Puis, il se redressa lentement et fit craquer son dos et sa nuque sans se retourner.

- (Crocorible) … Qu’est-ce que tu veux ?

- (Reptincel) Bonsoir, Crocorible. Je viens en ami.

Le crocodile souffla du museau.

- (Crocorible) T’es culoté, de parler d’amitié après ce que tu as fait.

- (Reptincel) Je sais…

- (Crocorible) NON tu ne sais pas !!

Cria-t-il en frappant le comptoir. Il se releva et montra son visage, détruit par l’alcool et la détresse mentale.

- (Crocorible) J’ai tout perdu !! Le travail à cause de toi, maudit explorateur ; et la famille à cause de cette putain de DDR !!

Il bouscula son interlocuteur, qui se laissa faire en reculant de quelques pas.

- (Crocorible) Où suis-je censé me mettre, hein !? Il est évident que la DDR se sert de moi, mais eux ont eu le courage de me le dire ! Alors que toi… TOI !!

Il lui tapota bon nombre de fois la poitrine d’une griffe tremblante.

- (Crocorible) Tu étais explorateur depuis le début ! Même si j’avais fait mes recherches, je ne l’aurais sans doute pas découvert mais tu sais quoi… ? Je n’ai rien fait ! Tu m’as dit que tu ne l’étais pas, alors je t’ai cru et embauché sans me poser de question, parce que t’avais l’air d’être un bon gars ! Et pendant tout ce temps, pendant que toi, tu continuais ton petit jeu en me faisant croire que t’arrivais à la bourre parce que t’étais tête en l’air, moi… je… je… *snif*

Il essuya sa morve, fixa d’un air hésitant celui qui baissait les yeux et se laissait engueuler… avant de le frapper d’une droite en pleine mâchoire. Reptincel la vit venir mais à nouveau, il décida d’encaisser sans rechigner. Il s’écrasa sur le dos, laissant son assaillant le regarder de haut.

- (Crocorible) Je me suis attaché à toi !! Tu… *snif* TU ÉTAIS LE PETIT FRÈRE QUE J’AURAI AIMÉ AVOIR !!!

Le type feu ferma les yeux. Les mots de celui qu’il avait blessé retentirent dans son esprit, il était sincèrement touché.

- (Crocorible) Hé, regarde-moi !!

Ce dernier s’agenouilla sur lui, l’agrippant par le col et le forçant à faire face à la réalité.

- (Crocorible) Tu n’as pas la moindre idée du mal que tu m’as fait ! M’accuser d’être un lâche, je… j’ai fait de mon mieux, je te le jure ! Alors oui, j’ai fait le choix que tu pourrais appeler « la facilité », parce que je ne suis pas comme toi ! Je ne suis pas capable de continuer le combat, quand la famille est menacée !

- (Reptincel) C’est moi, qui suis stupide.

Plaça-t-il dès qu’il le put.

- (Crocorible) Hein… ?

- (Reptincel) Ce n’est pas le choix de la facilité, c’est le choix de la raison. Votre frère est en vie et le restera parce que vous avez fait le bon choix. Ceux qui font le mauvais la perdent, la famille…

- (Crocorible) … Tu le penses vraiment ?

Il lui hocha la tête, les larmes aux yeux. Crocorible ferma les siens quelques instants, compatissant sincèrement pour lui.

- (Crocorible) Non. Je ne pense pas que tu aies fait le mauvais choix. Si tu arrives à tes fins, alors ton père ne sera pas mort en vain. D’ailleurs, peut-être vas-tu me croire maintenant, mais… toutes mes condoléances pour lui.

- (Reptincel) Merci…

Son cœur se mit à battre la chamade, et Crocorible le sentait. Lui qui voulait le frapper à nouveau, il se rendit compte que cela ne lui apporterait plus aucune satisfaction. Alors il lâcha son col et resta assis quelques instants sur son bassin.

- (Crocorible) … Pourquoi ne me l’as-tu jamais dit ? Que t’étais explorateur ?

- (Reptincel) Mon objectif était de diminuer la criminalité dans les quartiers pauvres. On m’a conseillé de taire ma véritable identité, si je voulais trouver du travail ou, plus généralement, survivre à l’enfer dans lequel je me lançais.

- (Crocorible) Qui t’a donné ce conseil ?

- (Reptincel) … Pharamp.

- (Crocorible) Tu te fous de moi… ?

- (Reptincel) Même si je ne l’ai pas gagné, il m’a retenu suite à ma performance au Test RS. C’est notamment lui, qui emmenait tous les hors-la-loi que j’arrêtai au poste le plus proche.

- (Crocorible) … Réponds-moi franchement : est-ce que t’es venu ici parce qu’il te l’avait demandé ?

- (Reptincel) Non. Quand il a appris que je travaillais pour vous, il voulait que je vous espionne parce qu’il vous soupçonnait d’être en collaboration avec la DDR. Je l’ai envoyé chier, parce que j’étais persuadé qu’il se trompait.

- (Crocorible) Ah… je n’sais pas si je dois être désolé, à ce stade.

- (Reptincel) Ne le soyez pas, c’est juste… une autre raison qui explique ma rage, le jour où j’ai pété un câble. Ça l’explique, mais… ça ne la justifie en rien. Crocorible, je suis vraiment… vraiment désolé pour tous les dégâts que j’ai causés. J’ai vu que les réparations avaient bien avancées, mais si vous avez besoin de moi pour autre chose, je le ferai bénévolement et sans hésiter… !

- (Crocorible) … Non, je ne veux plus te voir ici. Je dois savoir mettre un terme à certaines choses.

- (Reptincel) … Très bien.

Le silence régna quelques instants. Le Prédateur Carnassier soupira, puis se redressa et tendit une main à son interlocuteur. Il n’était plus enragé, il n’avait plus de larmes aux yeux. Reptincel, de son côté, accepta son aide mais garda la tête baissée. À vrai dire, il s’était attendu à se faire défoncer comme ça. Il le méritait.

- (Reptincel) … Crocorible…

- (Crocorible) Quoi… ?

- (Reptincel) Pourquoi détestez-vous les explorateurs ?

- (Crocorible) Euh… c’est compliqué. Tu sais, moi aussi, j’étais fan de Pharamp.

- (Reptincel) C’est vrai… ?

- (Crocorible) Ouais, je l’ai tenu, le premier journal de Quoti’Ville qui citait son nom. École obligatoire oblige, je devais faire trois kilomètres aller-retour tous les jours seul pour me rendre dans l’établissement le plus proche qui, tu t’en doutes, se trouvait dans les quartiers riches. Je le supportais mal, mais au moins, ça m’a rapidement forgé une indépendance. Et puis… j’ai fait une formidable rencontre, là-bas. On avait sept ans et on rêvait de devenir comme lui. C’est comme ça, que nous sommes devenus les meilleurs amis du monde, Mustéflott et moi.

- (Reptincel) Mustéflott de l’équipe RS, n’est-ce pas ?

Il hocha la tête.

- (Crocorible) C’était un brave petit Mustébouée, à l’époque. On s’est rencontré après qu’il me sauva des brutes du coin. Et étant un Mascaïman très seul, sans amis à l’école, avec une mère malade quasi inaccessible et un nouveau née comme petit frère, je me suis très vite attaché. Tous les jours, après l’école, on se retrouvait au parc qui reliait nos deux établissements.

Il rigola timidement, l’air pensif d’une période qui lui manquait.

- (Crocorible) Le journal était à lui, mais son rêve est devenu nôtre. Jusqu’à notre adolescence, nous nous entraînions tous les jours ensemble dans le but de devenir comme le numéro un des explorateurs. Un jour, une prise d’otage a eu lieu dans l’épicerie du coin et nous étions à côtés. Évidemment, nous sommes intervenus.

- (Reptincel) Oh non…

- (Crocorible) Oui, ce fut très stupide et irresponsable. Mais on a eu de la chance, beaucoup de chance. Toutes les victimes furent sauvées, tous les bandits furent arrêtés. Moi, je m’étais occupé de la deuxième partie. Musté, lui, était chargé de rassurer, libérer et protéger les otages. Quand les infos sont arrivées, nous étions déjà loin, alors ce sont les otages qui témoignèrent. Et évidemment, ils ne mentionnèrent que le gamin à la fourrure orange, le seul qu’ils prirent le temps de dévisager. Sur le coup, je m’en foutais, mais j’aurai dû le voir comme un signe. Cinq ans plus tard, il m’annonce avoir été accepté à la guilde d’exploration. Moi… ma mère venait de partir. Je devais rester m’occuper de mon petit frère, et le vit donc s’éloigner vers notre rêve, mais sans moi.

- (Reptincel) C’était… la dernière fois que vous vous voyiez ?

- (Crocorible) J’aurai aimé. Aucune nouvelle pendant six ans, jusqu’en 231. J’entretenais cette boîte, qui à l’époque était relativement plus crasseuse, petite, sombre et moins, bien moins sécurisée. Pour te dire, des engueulades pouvaient en arriver aux mains que je ne bougeais pas même le petit orteil. Et un soir, Mustébouée, devenu un confiant Mustéflott vient vers moi et me demande une bière. Je mets du temps à le reconnaître, mais finit par pleurer de joie et le servir toute la nuit. Même après la fin du service, il resta et on discuta de nombreuses heures. Il me posait beaucoup de question, notamment sur d’éventuelles drogues que je distribuerais à mes clients. J’avais beau lui dire qu’il n’en était rien, il revenait constamment et de plus en plus dessus.

- (Reptincel) Il vous accusait sous seul prétexte que vous viviez dans les quartiers pauvres ? C’est moche.

- (Crocorible) Et il a fini par craquer. Vers trois heure du matin, il perdit patiente et m’assomma par surprise. Je me suis réveillé attaché à un des piliers…

- (Reptincel) Quoi… !?

Reptincel tourna son regard dans la pièce.

- (Crocorible) Cherche pas, je l’ai fait exploser depuis.

- (Reptincel) Attendez, il a vraiment fait ça… ?

- (Crocorible) Les explorateurs ont besoin de se défouler, hein ? J’étais en mauvais état et ça n’allait pas en s’arrangeant. Il était persuadé que je cachais quelque chose parce que l’équipe RS, qui l’avait récemment recrutée, voulait le tester en l’envoyant enquêter dans les quartiers pauvres sur le sujet. Et puisqu’il n’avait pas les couilles d’aller faire chier de vrais hors-la-loi, il détruisit tout ce qu’on avait construit en me torturant jusqu’au lever du soleil. Finalement, il repartit après avoir dévasté tout le bar sans n’avoir rien trouvé d’intéressant. Et moi, j’ai pris la décision d’embaucher un garde du corps. Voilà toute l’histoire, voilà pourquoi je ne porte pas les explorateurs dans mon cœur.

Son interlocuteur resta bouche bée quelques instants. Il y a quelques mois, il ne l’aurait jamais cru. Aujourd’hui…

- (Reptincel) Crocorible, je… je suis d…

- (Crocorible) Ne termine pas cette phrase. Tu n’y es pour rien, en fait, tu as l’occasion de me prouver que vous n’êtes pas tous les mêmes. Reptincel, t’es un bon gars, ça ne change pas. Mais on vit dans un monde dirigé par l’opportunité, alors s’il te plaît… fais gaffe. Toi qui ne daignes abandonner le combat, même au détriment de ta famille… fais gaffe au monde qui t’entoure. Crois-moi, tu n’as pas encore tout perdu.

- (Reptincel) … Je ferai attention, Crocorible. Merci de vous être confié.

- (Crocorible) … *soupir* Bien. Je me doutais que tu viendrais, Bétochef était trop confiant pour que ce soit normal. Je suis content que nous ayons pu avoir cette discussion, et…

- (Reptincel) Attendez, vous pensez que je suis venu pour ça ?

Le silence régna quelques instants. Le type feu le brisa en sortant l’engin que Granbull lui avait construit : une double boussole.

- (Reptincel) Maintenant que ça va mieux entre nous, je peux aller droit au but : il est hors de question que je vous laisse entre les mains de la DDR !

- (Crocorible) Hein… ?

- (Reptincel) Tenez, prenez ça !

Il déclipsa l’objet en deux et tendit une partie à son ami.

- (Reptincel) Ce sont de simples boussoles, à la différence qu’elles sont conçues pour que l’une pointe l’autre et inversement. Prenez et gardez-là constamment sur vous. Ainsi, je pourrais vous tracer avec la mienne et découvrirai la position de l’assaut ! Une fois sur place, je trouverai le moyen de vous isoler et de vous mettre en sécurité à la fois de l’équipe RS, et à la fois de la DDR. Qu’en dites-vous ?

Le crocodile était bouche bée, hésitant à récupérer l’artéfact.

- (Crocorible) C’est… euh… très dangereux.

- (Reptincel) Ils vont vous fouiller ? Au pire, cachez-là dans votre…

- (Crocorible) Non, je parle pour toi. Pourquoi est-ce que tu interviendrais ? As-tu la moindre idée des risques encourus !?

- (Reptincel) Je veux aider. Est-ce que ça vous surprend vraiment ?

- (Crocorible) … Tu tiens tant que ça à te racheter ?

- (Reptincel) Crocorible, tout ce que je veux, c’est réduire la criminalité dans les quartiers pauvres. Peu importe ce que je pense de vous, je suis obligé de reconnaître que jamais je n’y arriverai sans votre aide. Alors la vraie question, c’est plutôt est-ce que vous êtes prêts à prendre le risque de tromper la DDR ?

Les deux personnages se regardèrent droit dans les yeux, le silence était total. Puis, Crocorible s’avança. Il récupéra la boussole, se tourna de moitié et tapota l’épaule de son interlocuteur.

- (Crocorible) Bonne chance.

Puis il gagna ses compartiments, et laissa le type feu avec un grand sourire aux lèvres. Ce dernier rangea une dernière fois le bar, avant de le quitter pour de bon. Il comprenait et respectait la volonté du Prédateur Carnassier : plus jamais il ne reposerait un pied dans cette boîte de nuit.

En conclusion, les deux camps étaient prêts. Les explorateurs, dirigés par Mysdibule et son excursion thérapeutique, avaient de la ressource et des méthodes certes discutables, mais à priori efficaces face à un Roitiflam pour l’instant ignorant de tout le contexte. La DDR, de son côté, était bien plus préparée, mais surtout soudée que n’importe quel membre de l’équipe RS ne pouvait l’imaginer. Le chef avait obtenu tout ce qu’il voulait et était persuadé d’avoir la puissance de frappe nécessaire pour détruire ses ennemis.

Ah, et puis un troisième camp rentra en jeu. L’intervention de Reptincel fera-t-elle pencher la balance ?

Ce qui reste certain est que la face du monde s’apprête à changer.

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