Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 55 : Prédateur Carnassier

8386 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/02/2022 19:39

      - (Granbull) Tu peux tenir encore un peu ?

- (Reptincel) Bien sûr, prenez votre temps.

- (Granbull) Ouais, il faut juste que je… resserre… délicatement… comme ça !

Le mécanicien termina enfin de visser correctement les modifications apportées à l’automobile. Du fait de sa grande taille et surtout de sa corpulence, il eut énormément de mal à se faufiler en-dessous et travaillait dans des conditions déplorables. Mais grâce à Reptincel, ce jour-là, il avança plus qu’en une semaine en solo. Le jeune adulte portait l’engin à une hauteur qui lui satisfaisait, tout comme il lui trouvait et apportait le matériel nécessaire en un rien de temps, même lorsqu’ils se cachaient derrière d’autres composants extrêmement lourds. De plus, il savait se faire petit et ne pas déranger. Il n’y connaissait rien en mécanique, mais s’adaptait, supposait et apprenait comme cela. En une journée, son vocabulaire s’était grandement étendu.

Granbull, lui, était très satisfait. À seize heure, il jeta son torchon sur l’établi.

- (Granbull) Fin de journée !

- (Reptincel) Déjà ?

- (Granbull) Je n’ai littéralement plus rien à faire ! Sérieux, tu m’as permis de m’avancer sur une semaine, je n’avais jamais vu quelqu’un d’aussi productif ! Plus je rendrai le travail fini et bien fait aux proprios rapidement, plus on entendra parler de mon garage ! Si le rythme tient la route, je pourrai même augmenter les prix sans perdre de la demande, ah ah ! Tout ça, c’est grâce à toi, gamin !

- (Reptincel) C’est vous qui faites tout, Granbull. Moi, je ne fais qu’améliorer vos conditions de travail.

- (Granbull) Ouais, t’empêche mon dos d’hurler à la mort.

Reptincel récupéra ses chaussures et s’installa sur l’établi pour les enfiler. Granbull lui apporta un sceau d’eau et une brosse à dent.

- (Granbull) Tiens, nettoies tes pieds avec ça. Désolé pour la crasse, j’aurai dû te prévenir plutôt.

- (Reptincel) Ce n’est pas grave, je l’avais remarqué hier. La brosse à dent, par contre… ?

- (Granbull) Pour frotter, ça coûte toujours moins cher qu’une vraie brosse.

- (Reptincel) Hum, il n’y a pas de petites économies.

- (Granbull) Exactement, ah ah !

Il se nettoya donc, pendant que son interlocuteur se posa dos contre une étagère, le regardant bras croisés d’un air perplexe.

- (Granbull) … Tu devrais t’acheter une combinaison, l’avenir dans ce garage te couvrira d’essences, d’huiles et d’autres produits répugnants qui tâches à jamais tes vêtements. Moi, il me faudrait un masque pour ne pas ressentir toutes ces foutues odeurs, ah ah !

- (Reptincel) Ce genre de conseil est bon signe, pas vrai ? Vous comptez me garder ?

- (Granbull) Ça m’arrangerait. Maintenant, faut parler salaire… *soupir* je suis vraiment désolé, mais je ne croule pas sous l’or. Je ne peux pas aller au-dessus de deux-cents Pokés par mois.

- (Reptincel) Ça m’ira.

- (Granbull) Vraiment… ?

Il hocha la tête, et le carrossier soupira de soulagement.

- (Granbull) Merci, vraiment… merci beaucoup ! Je te promets que ton salaire suivra les recettes globales, et je sais qu’elles augmenteront. Avec un rythme pareil, je… enfin nous allons pouvoir passer à l’étape supérieure ! Bienvenue au garage Granbull, gamin !

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 55 : Prédateur Carnassier

 

Ça y est, il fut enfin embauché. Reptincel avait enfin trouvé un travail. Son patron le libéra plutôt, il rentra chez lui et informa Pifeuil de la nouvelle. Puis il se posa quelques instants sur son lit, satisfait de sentir tout ce stress s’évaporer. Deux cents par mois, c’était peu. Mais il pouvait payer son loyer et, quand on se refuse la facilité, difficile de trouver mieux.

L’heure d’après, il se trouvait déjà dans un magasin de bricolage. Il dépensa quarante Pokés dans l’achat d’une combinaison pour lui et d’un masque pour Granbull. Sur le chemin du retour, il s’arrêta face à une ruelle. Il s’immobilisa en gardant le silence, concentrant de plus en plus son ouïe sur des gémissements. Quelqu’un se faisait agresser non loin d’ici, il le comprit et grimpa le plus rapidement possible sur les toits des proches immeubles pour y voir plus clair.

- Lâchez-moi !!

Écria une jeune femme à la voix stricte. Reptincel s’avança discrètement depuis les hauteurs.

- J’sais pas c’que t’essayais d’faire, mais fouiller dans les affaires des autres ne t’mènera nulle part ailleurs qu’à la morgue !

Rétorqua une autre voix, beaucoup plus grave et agressive. Il agrippait la dame par la queue, qui avait pour particularité d’être aussi grande qu’enroulée. Sa fourrure était grise et blanche, ses yeux jaunes et l’iris bleu, ses moustaches fines et longues. C’était un félin, clairement physiquement désavantagée face à l’imposant Pokémon qui comptait l’abattre. Pourtant, elle ne semblait pas si effrayée que cela.

- Oh, pitié, tu ne vas pas tuer une jolie fille comme moi ! Si tu me relâches, je te raconterai une superbe anecdote sur deux frères que tout oppose ! Avoue-le, le titre donne envie d’en découvrir plus, non ?

- Tu vas la fermer, oui !?

Il s’apprêta à la frapper, lorsqu’elle sortit les griffes pour les lui empaler dans le bras. La pression exercée la fit se libérer, alors que son assaillant hurla de douleur tout en crispant un visage assassin.

- Espèce de sombre connasse !! J’VAIS T’BUTER !!!

- Ouais, tu peux attendre encore quelques minutes, s’il te plaît… ?

Il lui coupa la parole en lui bondissant dessus, les crocs et griffes en avant. Hélas pour lui, Reptincel s’interposa en arrivant depuis les airs, et l’envoya valser d’une mandale en pleine mâchoire. La femme rigola, alors que son agresseur s’écrasa lamentablement à terre, le regard fixé sur le type feu.

- Bordel, mais t’es qui !?

Il lui répondit en lui crachant une boule de feu en plein visage. L’explosion l’envoya valser contre un mur, inconscient et humilié. Reptincel soupira, inquiet de s’y être presque pris trop tard. Mais la victime ne semblait pas lui en vouloir, au contraire, elle récupéra un appareil photo qui traînait par terre avec le sourire jusqu’aux oreilles.

- Dites « lait meumeu » !

Et elle captura l’instant, le flash activé.

- Oh, sérieux, vous n’êtes pas capable de garder les yeux ouverts face à une lumière aussi ridicule ?

- (Reptincel) Euh… je suppose que non ? Vous allez bien ?

- Bah oui, évidemment, mon plan a fonctionné !

- (Reptincel) Votre plan ?

- Vous attirer en provoquant la colère d’une ordure à enfermer derrière les barreaux ! Pour la deuxième partie, ce n’était pas bien compliqué à mettre en place. Des types comme lui, on en compte par dizaine à chaque quartier.

- (Reptincel) Je vous demande pardon !? C’était stupide et dangereux de faire ça, vous auriez pu vous faire tuer !

- Si je voulais vivre une vie chiante et monotone, je ne serais pas ici, beau gosse.

- (Reptincel) Vous êtes qui, au juste ?

- Chaglam, journaliste reporter pour l’infrastructure Quoti’Ville ! Enfin à ce stade, on peut m’appeler reporter de guerre !

Clama-t-elle, en lui sortant sa carte de journaliste.

- (Reptincel) Quoti’Ville ? Je ne connaissais pas.

- (Chaglam) Ok l’ermite, sors de ta grotte ! C’est nous qui avons dévoilé au grand jour l’affaire Léopardus !

Il la regarda avec de grands yeux.

- (Chaglam) Bon, laissez tomber. Ce qui compte est que j’ai réussi à mettre une tête sur le nouveau nom qui circule ici.

- (Reptincel) De quoi parlez-vous ?

- (Chaglam) L’éclair rouge ! Un type rouge de peau et qui serait à lui seul responsable de toutes ces soudaines arrestations. Plus de trente en deux semaines, c’est une grande première dans les quartiers pauvres ! Maintenant, je sais qui est derrière tout ça !

- (Reptincel) Et que comptez-vous faire de cette information ? La livrer à des gens qui cherchent à me tuer ?

- (Chaglam) Tu m’prends pour une conne ? Hé, je ne suis pas masochiste, nous sommes ici pour les mêmes raisons ! Enfin peut-être que tu l’es, mais vu ton état et ce que j’entends de tes exploits, ce ne sont pas les hors-la-loi du coin qui te font peur !

- (Reptincel) Qu’est-ce que vous voulez, exactement ?

- (Chaglam) J’vais faire simple : tu veux diminuer la criminalité des quartiers pauvres, je veux prouver que c’est possible ! Je trouve ça répugnant d’accuser tous les pauvres de tous les maux du monde, je me suis toujours battue pour eux. Mais Quoti’Ville ne m’a jamais soutenue, à raison quand on sait qu’ils ne cherchent qu’à faire du chiffre d’affaires, comme toute entreprise un tant soit peu logique. Nous avons une bonne relation avec les explorateurs, d’ailleurs. Eux n’agissent qu’aux regards des caméras, et nous produisons de l’audience surtout en filmant leurs agissements, tout le monde est gagnant ! Et moi, dans tout ça… ? Bah… ! T’es forcément explorateur, non ?

- (Reptincel) Non, je ne le suis pas.

- (Chaglam) Wow, je crois être devenue mentaliste… ! Ah non, tu mens juste très mal. Écoute, je te propose un marché. Toi, tu continues de distribuer des baffes, et moi je continue de photographier des preuves qui incrimineraient les bonnes personnes sans rejeter la faute sur les autres ! La différence est que l’on s’échange nos numéros pour regrouper nos trouvailles ! Tu me laisse prendre part à tes affaires, et inversement !

- (Reptincel) En quoi je pourrai vous aider ?

- (Chaglam) J’ai déjà réussi à dégoter pas mal d’adresses intéressantes, en jouant les cruches auprès de ces abrutis d’mecs. En enquêtant, j’y ai découvert des entrepôts ; en m’introduisant, j’y ai découvert tout un tas de marchandises illégales ! Conception d’armes, production de drogues ainsi que tout un tas de petites informations et bruits de couloirs sur une organisation en particulier. La DDR, ça vous dit un truc ?

- (Reptincel) Malheureusement.

Répondit-il sèchement, en se rappelant de toutes les frayeurs que ce nom lui avait procuré par le passé.

- (Chaglam) Il semblerait qu’ils soient à la tête de quelque chose de gros, de très gros, dans les quartiers pauvres. Les démasquer prouverait à tout le monde que si la criminalité est aussi fréquente ici, c’est à cause de ceux qui ne font rien pour empêcher une organisation criminelle de s’y développer ! Mais pour cela, j’ai besoin de gros bras. Parce que seule… je suis complètement dépassée.

Reptincel ferma les yeux quelques instants. Ce qu’il faisait était déjà dangereux et complexe, devait-il porter une casquette supplémentaire et impliquer quelqu’un d’autre dans ses problèmes ? Il n’était sûr de rien, mais ne comptait certainement pas passer à côté d’une telle opportunité.

- (Reptincel) Je vais prendre votre numéro.

- (Chaglam) C’est vrai ? Super !!

- (Reptincel) On se calme, ça ne veut pas dire que je… !

- (Chaglam) Tenez, tout est inscrit sur ma carte !

Elle la lui plaqua sur la poitrine avant qu’il ne termine de parler, puis sautilla vers la sortie d’un air enjoué.

- (Chaglam) À bientôt, dans ce cas !

Puis elle s’en alla, toujours avant que le type feu ne puisse ouvrir la bouche. Lui avait besoin de réfléchir à tout cela.

Hélas, la nuit tomba bien vite.

À vingt-et-une heure, il se trouvait face au bâtiment perçu le soir dernier. Son objectif restait le même : vaincre le Prédateur Carnassier dans ce qui semblait être du catch pour mettre la main sur cinq-mille Pokés.

Ledit bâtiment était tout de suite plus animé, insonorisant du mieux qu’il put un boucan monstre, alors que tout un tas de gens attendaient à l’extérieur pour rentrer. Personne ne faisait la queue, ils se bousculaient et se faisaient, de toute façon pour la plupart, recaler par le videur.

Il était énorme, mesurant bien deux mètres de haut. Brun de peau, au nez rond, barbe grise et veines violettes entourant ses deux gigantesques bras ; son costard cachait mal sa musculature. Mais cherchait-il vraiment à s’en cacher ?

- Dégage.

Clama-t-il sèchement à quelqu’un qui souhaitait entrer. Celui-ci s’énerva et tenta de le bousculer, mais le videur l’attrapa par les épaules et l’envoya valser jusqu’à l’autre bout de la rue. Cela calma toute la foule.

- D’autres volontaires ?

Personne d’autre ne tenta de s’approcher. Personne, sauf Reptincel qui parut plus perdu qu’autre chose.

- (Reptincel) Excusez-moi…

Le videur le regarda de haut avec de grands yeux cernés.

- (Reptincel) L’affrontement de ce soir, c’est bien ici ?

- Hein… ? Tu veux monter sur le ring, toi ? Pfff… AH AH AH !!

Il explosa de rire, la rue entière l’entendit hurler.

- Parfait, entre et rends-toi dans les vestiaire à droite. On viendra t’chercher au moment venu !

Il se décala d’un sourire narquois, et le type feu put passer cette lourde porte métallique sous le regard jaloux de tous les autres. Tout de suite, le boucan s’augmenta. La température aussi, s’était graduée. Il faisait face à un long couloir horizontal avec un escalier descendant à gauche et une porte à droite. Lui s’éloigna des lumières violettes mouvementées en empruntant le chemin indiqué, se retrouvant presque seul dans les vestiaires. Par rapport à ceux de la fondation RS, la moisissure régnait. Le reste fut à peu près identique, en tout cas le bordel causé par tous les explorateurs le jour de l’examen fut retranscrit par défaut à cette pauvre salle dont le sol était inondé, ainsi que les ressources éparpillées partout par terre.

Le jeune adulte déposa ses affaires sur un banc épargné puis porta son attention sur l’autre Pokémon de la pièce. Une flaque de poison géante. Difficile de le décrire autrement, il ne portait pas de vêtements mais ne semblait pas en avoir besoin. Violet de peau, il mijotait quelque chose avec son regard fourbe.

- (Reptincel) Bonsoir !

- Salut, hé hé hé… !

Comprenant qu’il ne lui était pas hostile, le type feu revint vers ses affaires et commença à se déshabiller.

- (Reptincel) Alors toi aussi, tu viens tenter de défaire le champion en titre ? Je pensais qu’on serait plus nombreux.

- Ouais, les mecs qui viennent le défier ne s’en sortent qu’avec des trous dans l’bide, il est imbattable.

- (Reptincel) Les mecs ? Aucune femme ne vient s’y tenter ?

- Hein… ? T’as vu un autre vestiaire, abruti ? Les femmes ne sont bonnes qu’à nous satisfaire, ici, sale puceau !

- (Reptincel) Hum…

Il ferma les yeux quelques instants, regrettant d’avoir posé la question après s’être rendu compte que la grande majorité des Pokémon qu’il sauvait étaient des femmes. Les problèmes étaient de pairs, dans les quartiers pauvres.

- En tout cas, ce salaud fera un riche ce soir, hé hé hé… !

Reptincel termina de se changer… enfin de se mettre en caleçon. Il avait hésité à aller acheter un vrai accoutrement dans le thème de la soirée, mais les prix le remirent à sa place. Il se retourna donc vers l’autre participant, et le surprit à s’enfoncer une aiguille violette dans le bras. Comme ce dernier n’était qu’un tas gluant, épais et dégoulinant, elle rentra sans trop de problèmes.

- (Reptincel) Qu’est-ce que c’est… ?

- Un petit outil de rien du tout, hé hé hé…

- (Reptincel) … C’est une aiguille empoisonnée, c’est ça ? Tu comptes tricher en espérant que personne ne le remarque.

- Pfff… regarde-moi !

Il lui fit face en étendant les bras.

- Les gens m’appellent Grotadmorv ! Personne ne me regardera, ces gitons inassumés préfèreront se rincer les yeux sur la merde d’en face ! Ça passera, je peux te l’assurer ! Il suffit que mon bras touche la moindre partie de son corps, et je le plante sans que personne ne s’en aperçoive !

Misogyne et homophobe, cela le rendit très attachant. Tellement que même le type feu recula d’un pas en croisant les bras.

- (Reptincel) J’espère pour toi qu’il n’est pas de type sol.

- (Grotadmorv) Oh, mais il l’est ! C’est une aiguille de Nidoking, j’ai dû payer un blinde pour l’obtenir mais, crois-moi, ça en vaudra le coût ! Même un type sol ne résiste pas à ça !

Soudainement, la porte des vestiaires s’ouvrit. C’était le videur, l’air tout aussi intimidant qu’à l’entrée de la boîte.

- (Grotadmorv) Mon cher Bétochef ! Est-il déjà l’heure ?

- (Bétochef) Ouais, que l’un d’entre vous monte sur le ring maintenant !

Les deux participants s’échangèrent un bref regard.

- (Grotadmorv) Je t’en prie, mon cher ami, fais de ton mieux ! Ce serait bête de se condamner à la victoire avant même de mettre une patte sur le ring, n’est-ce pas ?

- (Reptincel) Je ne te le fais pas dire.

Le type feu rejoignit donc Bétochef, qui le guida vers l’autre côté du couloir.

- (Bétochef) Si tu restes plus de dix secondes à terre, c’est terminé. Si tu t’acharnes malgré tout, j’te casserai la gueule.

- (Reptincel) Ce n’était pas précisé, mais on parle bien de catch ?

- (Bétochef) Non, on parle de massacre.

Sur ces mots, ils arrivèrent dans la plus grande salle de la fondation. Elle était souterraine et faisait trembler les murs environnants. Mesurant bien un périmètre de soixante mètres pour une hauteur de trente, elle faisait office de restaurant, bar, boîte de nuit et scène de spectacle. Ce dernier était représenté par le ring géant qui se trouvait au centre et que tout le monde pouvait parfaitement observer depuis sa place. Les lumières en hauteurs étaient dirigées sur lui, sur celui qui était déjà sur scène.

Un grand Pokémon rouge d’un mètre quatre-vingt-dix. Il en imposait de par ses muscles, son assurance mais par-dessus tout sa gigantesque mâchoire aux dents aiguisées. Ses mains et pattes aux trois doigts griffus intimidaient, son regard noir et yeux rouges terrifiaient. Il portait un short noir maintenu par la ceinture du champion. Son ventre était blanc, le reste comblé de rayures noires. Enfin, une grande queue pointue et armée de piques se dandinait dans tous les sens, alors qu’il saluait le public en se mettant en scène tel le monstre qu’il représentait.

- Messieurs-dames, voici notre champion en titre dans toute sa splendeur ! Toujours victorieux, toujours au sommet de toutes nos espérances ! Le seul, l’unique et véritable Prédateur Carnassier, veuillez accueillir le grand Crocorible !!

Ce nom… il avait l’impression de l’avoir déjà entendu ou lu quelque part. M’enfin, ce n’était pas le moment d’y penser.

Le public hurla en ce fameux nom. Reptincel s’avançait vers le ring, impressionné par toute cette complicité. Peu importe qui étaient ces gens, tout le monde semblait se retrouver en Crocorible. Il trouvait cela amusant, en sachant pertinemment comment l’autre partie de la ville aurait traité un Pokémon d’apparence aussi monstrueuse.

- Ah, et en face… !

Reprit le commentateur, en pointant d’un doigt peu convaincu le jeune adulte qui passa les cordes.

- Son premier adversaire de la soirée ! Profitez bien, parce qu’il n’y aura pas autant de chair à canon qu’hier !

Le public commença à le huer, mais lui avait le regard fixé sur celui qu’il devait mettre à terre pendant dix secondes. Crocorible, de son côté, le dévisageait d’un air indécis. Peut-être n’était-il pas assez convaincu de son physique pour se moquer d’un adversaire à l’allure adolescente.

- Bien, messieurs, approchez-vous !

Ils s’exécutèrent, se tenant l’un à quelques centimètres de l’autre, le commentateur au milieu.

- Petit rappel des règles, ça ne peut faire de mal qu’à notre invité du soir, ah ah ! Il est interdit de frapper au visage ou d’utiliser un quelconque pouvoir ! Et petite spécificité des lieux parce qu’on aime le divertissement : faire passer l’adversaire par-dessus la troisième corde est autorisé ! Il fera même perdre une seconde sur le temps total dont il dispose pour se relever, compris ?

- (Crocorible) Je suis prêt.

Répondit strictement le champion d’une voix aussi grave que raclée.

- (Reptincel) Je suis prêt également.

- Bien, dans ce cas en place !!

Les deux adversaires s’éloignèrent, prenant chacun un coin opposé du ring pendant que le commentateur se tourna vers le public.

- Vous en aurez pour votre spectacle, messieurs-dames ! Je vous rappelle que cinq-mille Pokés sont en jeu ! Alors faites vos paris bien vite, parce que le premier match de ce soir… DÉBUTE !!

Sur ces mots, Crocorible s’abaissa, prit de l’élan et chargea immédiatement et à toute vitesse son adversaire. Ça y est, le combat avait commencé avant même que Reptincel se mette en garde. Par surprise et reflexe, il l’esquiva en bondissant sur le côté. Le champion s’en doutait, et s’agrippa aux cordes pour sauter et tourner sur lui-même. Son épaisse queue atteignit et cogna sa cible, qui s’écrasa quelques mètres plus loin.

- (Reptincel) … (Wow… !)

Pensa-t-il, en cherchant à se relever. Mais Crocorible ne lui laissa pas le temps de respirer, il l’attrapa par la cheville, le souleva et l’encastra de l’autre côté. Oui, le ring se brisa déjà, et le type feu le sentit passer.

Le public hurla le nom de leur champion, le motivant toujours plus dans sa charge. Il le resouleva, cette fois-ci si puissamment qu’il l’envoya valser dans les airs. Il accourut vers les cordes, bondit dessus et se servit d’elles pour se propulser jusqu’à sa victime. C’est donc dans un salto arrière à plus de cinq mètres de hauteur, qu’il le frappa d’un coup de patte griffue en plein sur le torse. Cela le coupa tout en l’envoyant à nouveau s’encastrer dans le ring, en plein centre et sous les postures élégantes et spectaculaires du champion en titre, qui de son côté retomba sur ses pattes le sourires aux lèvres.

Le public hurla de joie.

- C’est incroyable !!

Accompagna le commentateur.

- Encore une fois, Crocorible nous démontre toute son expérience dans l’art de l’affrontement ! Personne ne peut outrepasser cette montagne de muscles, personne ne peut comprendre ce cerveau expérimenté, le Prédateur Carnassier est invincible !! Bien, le décompte !! Un… ! Deux… !

Crocorible reprit son souffle, tout en fixant d’un regard navré celui qu’il avait défoncé.

- Trois… ! Quatre… !

Le public comptait avec le commentateur, il fut satisfait de ce court instant de spectacle. Hélas…

- Cin… ! Hein !?

Reptincel se releva en saut carpé, l’air seulement impressionné.

- Quoi !? Il se relève !!

Le public était outré, certains recommencèrent à le huer. Crocorible écarquilla les yeux.

- (Reptincel) Ce sport avantage les Pokémon avec des griffes, donc…

Marmonna-t-il, en couvrant ses mains de son sang, coulant lentement de sa poitrine.

- (Crocorible) Tu devrais rester à terre.

- (Reptincel) Désolé, mais j’ai besoin de cet argent.

Sur ces mots, il chargea à son tour. Sa vitesse impressionna tout le monde, qui ne comprit son attaque qu’une fois qu’il atteignit le ventre de Crocorible, qu’il cogna brutalement d’un coup de coude.

- WOAH !!! Qu’il est rapide !!

L’attaqué crispa douloureusement les dents, avant de tenter une contrattaque que Reptincel esquiva en s’abaissant. Il lui tacla les deux chevilles, et Crocorible s’écroula lamentablement.

- C’est quoi s’délire !?

- Nan, mais il fait exprès !

Le public était perdu. Le commentateur, lui, ne faisait qu’énoncer des faits :

- Il est clair que notre invité nous cachait son vrai jeu !

Et ce n’était que le début. Alors que le champion tenta de se relever, Reptincel l’imita en grimpant sur les cordes pour se propulser dans les airs. Il voulut lui ratterrir dessus, espérant l’assommer d’une frappe fatale dans le ventre. Il aurait bien aimé le faire comme il en avait l’habitude face aux hors-la-loi, mais il n’avait le droit de cogner le visage. Alors il prit un risque en exécutant une attaque plus longue, qu’hélas son adversaire vit venir et esquiva au dernier moment en roulant sur le côté.

- OH !!! Crocorible n’a pas dit son dernier mot !!

Ce dernier se redressa en chargeant Reptincel tête baissée. Il lui infligea un coup de boule tout en l’agrippant fermement, l’écrasant sous son redoutable poids pour prendre l’avantage. Mais le type feu leva les jambes et le frappa si fort qu’il le propulsa encore plus loin en avant. Il le fit passer par-dessus la troisième corde. En fait, il l’envoya si loin qui le fit encastrer dans une table de la partie restaurant.

Là, le public hurla de surprise. Ils ne huaient plus, ils furent au contraire bien obligés de reconnaitre le grand spectacle que leur offrait cet inconnu qui pourtant ne payait pas de mine.

- Crocorible est à terre ET hors du ring ! Le compteur s’arrêtera donc à neuf ! Un… ! Deux… !

- Allez, relève-toi !!

- Tu vas pas te faire battre par un type pareil !?

Il tremblait. Essoufflé, le Pokémon crocodile peinait à garder les yeux ouverts. Il était encore sous le choc de se trouver face à une telle brute. Lui qui n’avait jamais perdu, non, jamais été en difficulté face à son public, ce fut terriblement humiliant.

Il planta ses griffes dans la table, et s’en servit pour se relever. Il attrapa la bière d’un type, et se la renversa sur la bouille pour se réveiller. Ainsi, il hurla de détermination.

- (Crocorible) AAAAAH !!!

- Et Crocorible remonte sur le ring !!

- Ouais !!

- Allez, tu peux l’faire !!

Le match reprenait, les deux adversaires se tournèrent autour. L’un était essoufflé, trempé et regardait l’autre d’un air assassin. L’autre, justement, ne laissait aucune émotion l’envahir. Son sang coulait, mais il gardait son calme.

Soudainement, le champion refonça à la charge. Mais l’effet de surprise n’était plus de son côté, et sa cible le bloqua net.

- (Crocorible) Qui… *souffle* qui es-tu… ?

- (Reptincel) Je ne suis pas là pour ça.

Reptincel le tacla à nouveau, le laissant s’écraser seul en le contournant, avant d’attraper sa queue et de le tirer vers les cordes.

- (Reptincel) Je suis là pour gagner !!

Il laissa les cordes le ramener vers lui puis bondit, plaqua ses pieds sur sa poitrine et exécuta un salto arrière tout en le plaquant contre le ring. Sa tête se cogna assez brutalement. Le geste était tout aussi, si ce n’est plus spectaculaire encore que lorsque Crocorible s’y était tenté. Autrement-dit, Reptincel l’avait surpassé dans tous les domaines. Et pour la première fois, le public hurla en son nom… enfin au nom de l’invité, parce que le commentateur ne lui avait pas demandé le sien.

- Crocorible est à terre ! Un… ! Deux… ! Trois… !

Reptincel le regardait de haut, et il le voyait. Il constatait sa supériorité totale malgré son apparence.

- Quatre… ! Cinq… ! Six… !

Il peinait à se maintenir éveillé. Tout était flou, tout ce qu’il entendait était vague, mais il savait que c’étaient des encouragements. Il commença à serrer les poings, il voulait se redresser et il allait le faire ! Hélas, son ouïe lui revint :

- Allez, l’invité ! Allez, l’invité !!

Ce n’était pas lui, que l’on appelait.

- Sept… ! Huit… !! ET NEUF !!! JE N’Y CROIS PAS, CROCORIBLE EST VAINCU !!!

Tout le monde se leva, surexcité par ce spectacle exceptionnel. Bétochef revint de l’entrée, il s’attendait à voir le type feu à terre. Autant dire qu’il resta bouche bée bien longtemps. Le commentateur s’avança, attrapa et leva la main gauche de Reptincel le plus haut possible.

- VOICI NOTRE NOUVEAU CHAMPION !!!

Hurla-t-il, avant d’abaisser le micro et de lui chuchoter :

- C’est pour le beau jeu, hein, t’es le champion de que dalle, qu’on s’mette d’accord…

Le concerné s’en fichait, il voulait juste son argent. Et cet argent, il vint le réclamer dans les loges du gérant de la boîte, le quart d’heure d’après. Le boucan était aussi bien isolé qu’à l’extérieur de la fondation, ils étaient à l’étage dans un petit bureau et derrière ce qui semblait être l’appartement du patron. Qui était-il ? Certainement pas Bétochef, qui refusait de laisser Reptincel le rencontrer.

- (Reptincel) C’est quoi, votre problème ?

- (Bétochef) J’ai dit non, dégage !

- (Reptincel) Pas tant que je n’aurai pas récupéré mes cinq-mille Pokés ! Ne soyez pas lâche et respectez votre contrat !

- (Bétochef) On ne t’a rien fait signer, à ce que j’sache ! Mais t’as raison, on aurait dû au vu de la table que tu nous dois !!

- (Reptincel) Ce n’est pas mon problème, il ne fallait pas nous autoriser à faire passer l’adversaire par-dessus la troisième corde !

- (Bétochef) Personne n’a jamais eu la force de l’envoyer aussi loin, ferme-là !

- (Reptincel) Bah je suis le premier, tout comme je dois être le premier à gagner, au vu de votre incapacité à me payer !

- (Bétochef) Putain, c’est toi que j’vais faire payer, espèce de… !

- Ça suffit… !

Exclama un nouvel arrivant, d’une voix tout aussi stricte que compréhensive. Les regards se tournèrent vers lui, le dévisageant avec ce bloc de glace qu’il maintenait douloureusement sur son ventre. Oui, c’était Crocorible.

- (Reptincel) Alors c’est vous, le patron ?

Il lui hocha la tête tout en gagnant son bureau. Il ouvrit un tiroir et récupéra la somme nécessaire, avant de la lui tendre sans trembler. Bétochef écarquilla les yeux :

- (Bétochef) Patron, non !

- (Crocorible) Il mérite d’être rémunéré, Bétochef. Il m’a vaincu, je dois en assumer les conséquences.

- (Reptincel) Merci.

Le jeune adulte récupéra sa récompense.

- (Crocorible) Tu m’as impressionné… un peu trop, même. Maintenant que le combat est terminé, puis-je savoir qui tu es ?

- (Reptincel) Reptincel de Bourg-Tranquille. J’ai emménagé à un quart d’heure d’ici depuis bientôt un mois.

- (Crocorible) Pourquoi ? Avec une force pareille, tu aurais facilement pu devenir explorateur.

- (Reptincel) Ça ne m’intéresse pas.

- (Crocorible) Et dans quoi travailles-tu ?

- (Reptincel) J’assiste le mécanicien du coin.

- (Crocorible) Granbull ? J’imagine que tu lui es d’une grande utilité.

- (Reptincel) Pourquoi toutes ces questions ?

L’adulte soupira, avant de se tourner vers la fenêtre de la pièce. Il observa le paysage triste et sombre que représentaient les quartiers pauvre, l’air attristé et démunit. Bétochef tapait du pied, espérant que l’invité quitte rapidement les lieux. Malheureusement pour lui, son patron parti dans l’autre direction.

- (Crocorible) Je connais tout le monde ici. Et en tant que gérant de la plus grande entreprise des quartiers pauvres, en tant que champion du sport que je suis le seul à proposer ici, gratuitement qui plus est, tout le monde me connait. Je suis celui qui divertit, qui aide à oublier ses problèmes et par-dessus tout… celui qui rapporte le pognon à la maison. J’espérai que les gens feraient de moi leur symbole pour toutes ces raisons, mais il faut croire que les choses sont parfois tristement plus simples.

Il se tourna vers son interlocuteur, tendant les bras pour s’afficher dans toute sa splendeur.

- (Crocorible) Je suis un monstre ! Les gens m’admirent pour ça, quoique je fasse pour arranger mon image.

- (Reptincel) Où voulez-vous en venir ?

- (Crocorible) Je pensais être le mieux placé pour savoir que les apparences étaient trompeuses. Pourtant, je t’ai sous-estimé.

Il s’avança.

- (Crocorible) Je cherche quelqu’un depuis longtemps. Quelqu’un capable de me vaincre à la loyale, comme dans un combat de catch. Quelqu’un qui aurait les épaules de supporter les critiques négatives et remarques désobligeantes pour se concentrer sur son objectif, comme récupérer cinq-mille Pokés pendant qu’un public entier t’engouffre dans le désespoir. Autrement dit, je cherche quelqu’un comme toi.

Il s’arrêta face à lui, à quelques centimètres d’un Reptincel perplexe, face à ce qu’on allait lui demander.

- (Crocorible) Veux-tu devenir mon garde du corps ?

- (Bétochef) PARDON !?

Écria l’autre garde du corps.

- (Crocorible) Comme tu le remarques… tu ne serais pas seul. Bétochef fut le premier à me vaincre à la loyale, mais il est débordé par l’explosion de popularité que nous connaissons depuis quelques années.

- (Bétochef) Ça va, c’est bon, j’me suis adapté ! J’veux pas que cette merde nous rejoigne !

- (Crocorible) S’il te plaît, sois raisonnable. Tu sais très bien que ça nous ferait du bien à tous les deux.

Lui répondit-il sur un ton calme, si ce n’est gentillet. Entendre un Pokémon pareil parler non ironiquement de cette manière, ce fut trop étrange. Reptincel l’annota, il trouvait Crocorible vraiment sympathique.

- (Bétochef) Pfff… je ne vois pas qui il peut impressionner, avec sa gueule… !

- (Crocorible) Justement, si je peux montrer au reste du monde qu’un Pokémon comme toi recèle un pouvoir pareil…

- (Reptincel) Je comprends votre combat. J’ai deux contraintes, malheureusement.

- (Crocorible) J’écoute.

- (Reptincel) Premièrement, je ne compte pas abandonner Granbull.

- (Crocorible) Il n’en est pas question. Lui aussi redore l’image de nos quartiers, je ne souhaite pas le débarrasser de son assistant. Je te propose un poste de nuit, à l’heure d’ouverture de la boîte, c’est-à-dire vingt heure. Tu travaillerais tous les soirs de la semaine pendant six heures pour un salaire de mille Pokés par mois.

Mille, oui. C’était presque l’équivalent de ce que Pifeuil lui avait donné après plusieurs années d’économie.

- (Crocorible) Je sais que ce sera loin d’être facile, tes semaines seront extrêmement chargées.

- (Reptincel) … Si vous respectez ma deuxième contrainte, j’accepterai de vous rejoindre.

- (Crocorible) Vraiment !? Laquelle est-elle ?

- (Reptincel) Répondez-moi sincèrement… êtes-vous dans l’illégalité ?

Le silence régna quelques instants, Bétochef pouffa de rire.

- (Crocorible) C’est… une question vague.

- (Reptincel) Vendez-vous des marchandises illégales ?

- (Crocorible) Non.

- (Reptincel) Réfugiez-vous des hors-la-loi ?

- (Crocorible) Ça ne me dérangera pas que tu les vires, quand tu en auras le pouvoir.

- (Reptincel) Trichez-vous lors de vos matchs ?

- (Bétochef) Pour qui tu t’prends, toi… ?

- (Crocorible) C’est bon, Bétochef, je gère. La réponse est non.

- (Reptincel) Travaillez-vous avec la DDR ?

- (Crocorible) … Non.

Clama-t-il, après un léger silence.

- (Reptincel) … Dans ce cas, j’accepte de vous rejoindre.

- (Crocorible) *soupir* Merci beaucoup. Le service commencera demain soir, Bétochef t’expliquera les bases du métier. Le poste s’appelle « garde du corps », mais dis-toi que tu passeras surtout tes nuits en tant que videur et gérant des lieux. Nous avons besoin d’assurer une protection à nos clients, et tu es là pour ça.

- (Reptincel) Entendu.

- (Crocorible) Bien, dans ce cas… à demain, Reptincel.

- (Bétochef) Ouais, c’est ça, à demain… pfff…

Bétochef tenta de le bousculer avant qu’il ne sorte, mais il se contenta d’esquiver la confrontation. Il n’avait aucune raison de s’énerver, il avait un nouveau travail. Rien que ce salaire allait lui permettre de vivre correctement, l’argent ne devenait plus une source de problème. Qui plus est, il quittait la fondation avec cinq-mille Pokés en poche, l’air monstrueusement rassuré. Il savait déjà dans quoi les investir.

En arrivant dans sa ruelle, il s’arrêta quelques instants. Le garage était fermé, il était seul. Pourtant, l’atmosphère était aussi lourde que lorsque deux Pokémon s’y trouvaient. Il resta sur ses gardes et avança vers la porte de son immeuble. Il l’ouvrit lentement, se préparant à se faire surprendre. Et effectivement, quelque chose lui fonça droit dessus. Il se servit de la porte pour bloquer l’objet, qui ne fut nul autre qu’une pique empoisonnée.

- (Grotadmorv) Merde… !

- (Reptincel) Grotadmorv !?

Cria-t-il, en l’apercevant à l’intersection de sa ruelle. Il s’éclipsa, et le type feu le poursuivit.

- (Reptincel) Attends !!

Il hésita à grimper sur son immeuble pour prendre de la hauteur, mais en arrivant face à la rue dans laquelle son agresseur s’était enfoncé, il n’y avait plus personne. Seule une bouche d’égout tâchée de sa visqueuse texture violette. Reptincel s’approcha et discerna du mieux qu’il put le travers de la grille : Grotadmorv avait définitivement prit la fuite.

Il rentra chez lui, bien décidé à le retrouver et l’arrêter dans les jours à venir. Enfin… maintenant qu’il y pensait, beaucoup moins de temps lui était réservé à l’exploration. Peu importe, pensa-t-il, il trouverait forcément le moyen d’aider autrui au moment venu.

Les jours suivants, justement, furent assez mouvementés. Granbull était très content de savoir son assistant mieux payé du côté de la boîte de nuit. Il était désolé de lui occuper tant de temps pour si peu d’argent, mais le type feu lui répétait qu’il n’avait pas l’intention de partir. Il lui offrit, par ailleurs, le masque acheté le jour dernier. Le mécanicien lui était reconnaissant, sincèrement reconnaissant.

Entre temps, Pifeuil félicita son fils pour tout ce qu’il avait accompli, mais surtout pour toutes les responsabilités qu’il engageait. Un jeune adulte bien trop raisonnable, disait-il.

Dans son deuxième entre temps, il communiqua avec Chaglam sur Grotadmorv, sa dangerosité et le fait qu’il fallait le retrouver. En retour, elle lui conseilla de fouiller telle et telle rue, du fait des types louches qu’elle avait observé. Et effectivement, le jeune adulte arriva au bon moment pour empêcher une agression et un vol. Sans la journaliste, les choses auraient été catastrophiques. Il comprenait qu’elle lui était essentielle à son devoir, et accepta de continuer de travailler avec elle.

Dans son… troisième entre temps, oui, il rejoignit la boîte de nuit pour y travailler en tant que garde du corps, enfin surtout auprès des clients. Bétochef lui présenta les lieux, les choses à faire et à ne surtout pas faire. Tout cela sans ne jamais oublier de l’insulter ou de l’humilier, mais Reptincel esquivait toujours ses provocations. La première nuit fut longue, mais tranquille. Il vira un mec bourré et en intimida un autre pour le forcer à payer ce qu’il avait consommé, mais sinon rien de spécial. Crocorible le remercia en fin de soirée, surtout après avoir reçu de premières critiques positives sur ce nouveau service.

Dans sa quatrième casquette, parce que oui, appelons-les comme cela ; il s’entraînait avec Pharamp au sommet du bar Limaspeed. Ce dernier essayait toujours de mettre en application son conseil : « Rallier son corps à sa cause ». Hélas, c’était plus facile à dire qu’à faire, quoique cela veuille dire. À la fin de leur affrontement, alors que le numéro un avait terminé de lui expliquer ce qui n’allait pas dans ses mouvements, il lui présenta un journal.

« Hors-la-loi martyrisés ? »

- (Pharamp) Qu’est-ce que les gens sont censés penser de ce gros titre !?

- (Reptincel) Les gens je ne sais pas, les hors-la-loi en revanche…

- (Pharamp) Je me fiche des hors-la-loi, ce ne sont pas eux qu’il faut convaincre !

- (Reptincel) On peut les convaincre de ne pas récidiver, Pharamp.

- (Pharamp) À défaut de convaincre les autres que nous ne valons pas mieux qu’eux ! Bon sang, tu as brisé le dos de l’un, menacé d’égorger un autre, brûlé au deuxième degré un troisième, utilisé une arme explosive sur un quatrième… !

- (Reptincel) Et vous ne le remarquez qu’une fois que les journaux en parlent ? À ce que je sache, c’est vous qui les emmenez en prison.

- (Pharamp) *soupir* Oui, bon, j’aurai pu m’en rendre compte plutôt. Écoute, j’aimerai que tu sois moins violent quand tu affrontes un hors-la-loi. Apprendre à ne plus récidiver, c’est la prison qui s’en charge.

- (Reptincel) *soupir* Entendu, Pharamp.

- (Pharamp) Bon… et sinon, comment se passe le reste ?

- (Reptincel) Plutôt bien, j’ai trouvé un second poste dans la boîte de nuit de Crocorible.

- (Pharamp) Vraiment !? Incroyable, il fallait me le dire tout de suite !

- (Reptincel) Vous êtes content pour moi à ce point… ?

- (Pharamp) Évidemment !

Cela le toucha.

- (Pharamp) Crocorible est le suspect numéro un dans nos recherches !

Ah. Bon, la touche émotion se rembobina.

- (Reptincel) Comment ça, suspect ? Il m’a assuré ne rien faire d’illégal.

- (Pharamp) Et tu le crois ? Quelqu’un qui gagne autant d’argent en vivant dans les quartiers pauvres ne peut pas être saint.

- (Reptincel) Ça ne me suffit pas, comme argument. Ce sont des recherches sur quoi ?

- (Pharamp) Une organisation criminelle qui s’est un peu trop implantée dans cette partie de Loliloville.

- (Reptincel) La DDR ?

- (Pharamp) Oh, tu connais ?

- (Reptincel) Je les ai déjà confrontés, par le passé. C’est la deuxième fois que j’entends parler d’eux récemment, j’aurai dû me douter qu’ils se cachaient dans les quartiers pauvres.

- (Pharamp) Ce n’est pas marqué sur leur front, il faut les dénicher. L’organisation a beau ne plus faire parler d’elle depuis cinq ans, le criminel le plus recherché du monde est leur chef. Mysdibule analyse toutes les transactions, entrées et sorties d’argents et d’équipement possible dans toute la ville, et ça devient louche. Elle le soupçonne de vivre ici, elle le soupçonne de vouloir former une équipe. Et au vu de l’influence, du pognon qu’il génère et… disons-le, du personnage qu’est Crocorible, difficile de ne pas le suspecter d’être sur la liste.

- (Reptincel) Qu’est-ce que vous savez de Crocorible ?

- (Pharamp) Que c’est un monstre.

- (Reptincel) Sous quel prétexte ?

Pharamp hocha les épaules.

- (Pharamp) Tu es sûr de l’avoir rencontré ?

- (Reptincel) Justement. Vous jugez à l’apparence.

- (Pharamp) J’ai des décennies d’expériences, Reptincel. Elles ne sont pas trompeuses, quoique les bandes dessinées, films ou petites histoires écrites par des adolescents qui ne font que découvrir le monde en disent. J’en ai trop vu pour ne pas avoir ce discours : Crocorible est forcément suspect.

- (Reptincel) Bon, et que voulez-vous que cela me fasse ?

- (Pharamp) Tu dois l’espionner. Discrètement bien sûr, je ne te demande pas de fouiller dans toutes ses affaires ou de l’écouter aux portes. Mais si tu finis vraiment par lui faire de l’œil, alors il te révèlera ce que tu ne veux malheureusement pas entendre.

- (Reptincel) Nous verrons bien.

Leur rendez-vous hebdomadaire s’acheva peu après. Reptincel n’était pas du tout convaincu par les propos de celui qu’il admirait, mais rester sur ses gardes n’était jamais une mauvaise idée.

Pour conclure sur celui qu’il était devenu, il récupéra une cinquième casquette. Les cinq-mille Pokés, il les utilisa pour racheter un ancien grand entrepôt. C’était un grand bâtiment à étage et entièrement vide, qu’il pouvait modifier à sa guise. Il fit réparer les murs et fenêtres, puis en construit tout un tas d’autres pour créer différentes pièces. Il les nettoya, fit construire un système d’évacuation et de production d’eau, puis meubla une salle de bain, une cuisine et une grande chambre. Une chambre avec au moins quinze lits. Quand il en fut satisfait, bien deux semaines après de début des travaux, il partit rendre visite à Vaututrice et les autres sans domicile fixe dont elle s’occupait.

Oui, il utilisa l’argent de sa victoire pour construire un foyer aux SDF. Quand ils le découvrirent, ils étaient sous le choc. Reptincel confia les clés à la nouvelle gérante des lieux.

- (Reptincel) Tout fonctionne, mais le matériel est pour le moment fragile et assez mauvais. L’isolation n’est pas top, les matelas non plus, la porte ferme mal… en fait, j’espérai proposer un peu mieux avec cinq-mille Pokés.

- (Vaututrice) Nous sommes dans les quartiers pauvres, mais nous restons tout de même à Loliloville. Merci beaucoup, Reptincel, ce que vous avez fait est… absolument inimaginable !

- (Reptincel) Ce n’est pas suffisant. Je vous verserai deux-cents Pokés par mois, et je compte sur vous pour prendre les bonnes décisions avec cet argent, Vaututrice. D’autres sans domicile fixe vous rejoindront, je veux tous les aider.

- (Vaututrice) Et je les accueillerai tous les ailes ouvertes. Deux-cents Pokés, c’est toujours deux-cents fois plus que ce que nous avions avant de vous rencontrer. Je ferai de mon mieux pour satisfaire tout le monde, je vous le promets.

- (Reptincel) Et moi, je vous promets de revenir.

- (Vaututrice) Je sais.

Elle lui tendit les ailes, et tous deux s’enlacèrent confortablement.

Tout cela, ce fut grâce à Crocorible. Non seulement grâce à l’argent qu’il promettait de donner à celui qui le battait, mais également grâce aux mille Pokés qui servaient de salaire au jeune adulte. Mille, c’était entièrement suffisant pour lui, son loyer et ses besoins. Alors les deux-cents du garage, il prit la décision d’entièrement les confier à Vaututrice.

Et il ne regrettait rien.

Inutile de raconter la réaction de Pifeuil, lorsqu’il apprit toute cette histoire. Le bougre était déjà convaincu, ce serait se répéter que de l’entendre clamer être le père le plus fier de son petit.

En conclusion, même si sa vie était destinée à l’épuiser jusqu’à la moelle au vu de toutes ses casquettes et restrictions pour les respecter, Reptincel se tenait à ses convictions jusqu’au bout. Une partie des quartiers pauvres le connaissait sous le nom de l’éclair rouge et en était effrayée, l’autre sous sa véritable identité, celle d’un véritable héros.

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