Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 50 : Loliloville

7847 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/01/2022 18:40

      - (Raichu) Allez, on s’grouille !

Écria le jeune adulte surexcité, alors que la lune se levait doucement. Lui et Reptincel traversaient le Mont Cristal sans la moindre difficulté, malgré l’absence, cette fois-ci, d’un chemin pour les guider vers Loliloville.

- (Reptincel) C’est bon, du calme. Peu importe à quelle vitesse nous irons, jamais nous n’atteindrons la ville d’ici demain à pied.

Répondit-il à son aise, tout en caressant la tête d’un Pokémon sauvage qui ne lui voulait que des léchouilles.

- (Raichu) C’est pour ça qu’on n’y va pas à pied !

Il le dévisagea d’un air perplexe, avant de le suivre hors du donjon. Au lieu d’aller tout droit, il tourna vers l’Est et suivit deux petites lumières. En s’approchant, il comprit que ce fut deux grosses flammes vivifiantes les piliers sur lesquelles elles prenaient place. Et en levant la tête, il démarqua malgré la pénombre quelque chose d’immense.

- (Reptincel) Qu’est-ce que c’est que ça ? Depuis quand… ?

Raichu monta sur une petite plateforme et toqua à la porte métallique entourée de barrières.

- (Raichu) C’est moi, Roucarnage, ouvre !

Quelques secondes plus tard, des verrous se firent entendre défaire avant que la grinçante et lourde porte grise ne s’ouvre finalement. Une vieille aile la tira. La gérante de cet étrange bâtiment était un Pokémon vol, brun de fourrure et à la crinière chatoyante. Son bec n’intimidait personne, mais son regard était perçant. C’était une vénérable dame couverte d’une grande cape et qui, visiblement, reposait au nom de Roucarnage. Reptincel s’approcha pour l’aider à tenir la porte. Elle le dévisagea de bas en haut.

- (Roucarnage) Alors c’est toi, l’élu… ?

- (Reptincel) Pardon ?

- (Raichu) Ouais, c’est le p’tit nom que je t’ai donné, pour aller droit au but. Roucarnage, on peut y aller !

- (Roucarnage) Entendue…

- (Reptincel) Attendez, c’est vous qui nous emmenez à Loliloville ?

- (Roucarnage) Posez vos popotins sur un siège, le décollage débarbouille !

Elle s’en alla droit vers le fond du couloir, là où une petite pièce lui semblait réservée. Reptincel ne comprenait pas, mais son ami le poussa pour l’amener à droite, là où une grande pièce était réservée à ce qu’ils étaient : ses clients. Une grande baie vitrée servait de murs, tandis que tout un tas de bancs remplissaient l’intérieur. Le type électrique s’allongea impudiquement sur l’un d’entre eux.

- (Raichu) Ah ah, j’adore l’effet qu’ça fait !

- (Reptincel) De quoi parles-tu ? Qu’est-ce qu’on fait ici, exactement !?

*BOUM*

Un lourd engrenage céda. Soudainement, des flammes entourèrent la fondation. Reptincel s’en inquiéta, mais le temps de voir Raichu bailler, le choc provoqué par le décollage le fit s’écraser sur le plancher. Oui, le décollage. Ce n’était pas un bâtiment, tout du moins pas comme il l’avait imaginé. Les flammes provenaient des réacteurs, des quatre gigantesques réacteurs installés en-dessous de l’engin et qui le fit s’envoler dans les airs à une altitude phénoménale. Voilà à quoi servaient les baies vitrées, et il le comprit en s’approchant d’elles.

- (Reptincel) … Wow… !

De cette hauteur, il pouvait observer le Sud du continent Est dans son entièreté. Il faisait hélas nuit, mais il arrivait à distinguer les forêts, des montagnes et lacs ou plaines. Il voyait également la mer et son étendue infinie. Il en écarquillait les yeux, il en était bouche bée.

- (Raichu) Alors ? Pas mal, hein ?

- (Reptincel) … Donc ça aussi, ça a été construit durant ces trois dernières années ?

- (Raichu) Ouais, c’est pour ça qu’les touristes déboulent de partout. Pour l’instant, ces nouveaux moyens d’transport ne sont assez puissants que pour nous faire voyager d’un bout à l’autre du continent. Mais bientôt, on pourra se rendre à l’Ouest ! Comme ça, en volant ! Plus d’problèmes en mer, plus… d’envie d’vomir à tout bout de champ !

- (Reptincel) Je suppose que c’est une bonne chose, oui…

Il baissa la tête quelques instants, avant de se tourner d’un air dubitatif.

- (Reptincel) Et Roucarnage ?

- (Raichu) Tu te demandes pourquoi elle pilote un engin volant alors qu’elle EST de type vol ?

- (Reptincel) Non…

- (Raichu) Elle est trop vielle pour pratiquer un tel effort physique. Ça doit la rendre heureuse de pouvoir revoir un tel spectacle sans avoir à s’dépenser. Mais d’un autre côté… *souffle* ces salauds avaient cet avantage depuis tout ce temps !

- (Reptincel) Raichu, je ne parle pas de ça. Est-ce que tu as vu l’heure ?

- (Raichu) Quoi ? Ce n’est pas moi qui suis resté toute la journée à blablater avec ma famille, oh là non, certainement pas !

- (Reptincel) On n’était pas obligé de la déranger.

- (Raichu) J’dois rentrer pour demain, vieux.

- (Reptincel) Et alors, il fallait prévoir ça avant !

- (Raichu) Mec… !

Il se redressa correctement, tout en prenant un ton plus sérieux.

- (Raichu) On est le client, on est roi ! Tant qu’elle reçoit son chèque, elle fait ce qu’on lui demande et c’est tout ! Grandi un peu, l’époque où l’on s’inquiétait de tout est révolue !

Il ne savait quoi répondre. En fait, il n’arrivait pas à croire ce qu’il venait d’entendre. Mais à nouveau et comme il s’en doutait, le type électrique changea immédiatement de sujet.

- (Raichu) Oh, en fait, t’as un téléphone maintenant ! C’est pas trop tôt, file-moi ton numéro !

- (Reptincel) Hum…

Il s’exécuta sans enjaillement, toujours perturbé par sa nouvelle mentalité. Il s’installa ensuite sur un banc et sorti les journaux que Pifeuil avait mis dans son sac pour faire passer le temps. L’un d’entre eux, datant de début 233, avait en tête d’affiche : « Carnage à Bourg-Lavaley », avec une photo du village complètement vide en-dessous. Il tourna la page :

« Même les Bourgs, pourtant éloignés du fléau qu’est la mondialisation, peuvent nous cacher leur vrai visage. Le 28 Janvier 233 fut arrêtée la presque intégralité des habitants de Bourg-Lavaley, après que l’équipe Renaissance ait démasqué les dogmes et coutumes de ce qui semble être une abominable et terrifiante secte, hélas dirigée par le maire Flagadoss. Ce dernier a pris la fuite et est désormais recherché activement en tant que hors-la-loi. Les victimes de ses méfaits, un orphelinat installé au village six mois auparavant, sont tous sains et saufs. Une petite Sabelette, seule enfant du territoire avant leur arrivée fut adoptée, tandis que celle qui lui servait de mère sera à priori condamnée à plus rude sentence que ses comparses. »

Reptincel était surpris, désagréablement surpris. Même si tout le monde s’en était sorti, même si l’équipe Renaissance fut mise sur le devant de la scène ; il en voulait à cette secte qui avait osé s’attaquer à un groupe de réfugiés fraîchement traumatisés. Il voulut questionner Raichu sur ce qu’il en savait, mais ce dernier roupillait déjà sur son banc. Alors il se contenta de lire le reste des articles, et jusqu’au lever du soleil, il se renseigna énormément sur ce qu’était devenu le monde en trois ans.

Il avait changé, enfin selon lui.

- (Roucarnage) Allez, debout là-dedans !

Beugla la vielle dame, en entrant dans cette salle d’attente devenue chambre. Les deux jeunes adultes se dépêchèrent de récupérer leurs affaires, le voyage n’était pas encore achevé. Elle montra à Reptincel tout le chemin parcouru, le temps que Raichu ne termine de se réveiller. Il la paya, avant d’ouvrir cette lourde porte qui laissa entrer la fraicheur d’une grande plaine en matinée.

- (Reptincel) Encore merci pour le voyage, madame.

- (Roucarnage) J’ai fait mon travail, rien d’autre, petit. Allez, roulez, jeunesse ! Loliloville n’est plus qu’à deux heures de vos impatientes pattes ! Ce sera ta première venue ?

Il hocha la tête, et elle soupira simplement.

- (Roucarnage) Bonne chance, petit.

- (Raichu) Allez, en route !

- (Reptincel) Oui, finissons-en.

La fin du parcours fut bien plus mouvementée. À partir de maintenant, le type feu était en terre inconnue. Jamais sa flamme ne fut autant au Nord, même lorsqu’il fut fugitif. Il découvrit donc de nouveaux lieux, plaines, grottes et rivières. Il gravit un terrain rocheux, s’accrocha à un arbre pour y voir le bout de la forêt et puis… vint la route. Une route classique, sans fissure, sans précipice, sans menace. Une grande ligne droite menant vers un horizon rempli de buildings. Cela coupa net son adrénaline, mais il aurait dû s’y attendre. Ils avancèrent donc jusqu’à arriver au pont.

Un grand pont levis, voilà ce qui les retenait de rentrer dans la plus grande ville au monde. En fait, il ne les retenait pas : il était déjà abaissé. Des habitants rentraient et sortaient avec de gros sacs sur eux. Reptincel restait juste à l’entrée, immobile et bouche bée face à la latitude des lieux. Le drapeau de la ville était accroché au sommet de son fort d’entrée : jaune avec des éclairs rouges. Un « V » géant en or se trouvait en son centre.

- (Raichu) Ouais… *soupir* bienvenue à Loliloville, mon pote !

Exclama son ami, en le poussant pour la dernière foi jusqu’à l’autre bout de la rive qui coulait en-dessous du pont.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 50 : Loliloville

 

Ça y est, il y était. Il y était enfin, Reptincel était enfin à Loliloville. Il n’arrivait pas à y croire, c’était tellement plus qu’un rêve de gosse, qui se réalisait.

Puis, il se fit bousculer.

Ce n’était qu’un passant, mais cela avait suffi à le sortir de sa bulle. Il se rendit compte du monde qui peuplait ne serait-ce que l’entrée de la ville. Une foule divagante dans tous les sens, cela lui fit presque perdre l’équilibre. Mais il perçu les grandes oreilles de son ami au loin et fonça le rejoindre.

- (Reptincel) Pardon, excusez-moi… !

Tenta-t-il de marmonner en se frayant un chemin. Mais il n’arrivait à rien, jamais il ne fut entouré d’autant de Pokémon. Tout le monde semblait pressé, personne ne semblait le voir. Finalement, il parvint à atteindre la ruelle dans laquelle Raichu s’était faufilé.

- (Raichu) Déjà essoufflé ?

- (Reptincel) *souffle* … Non… ! Ça va… *souffle* on peut continuer.

- (Raichu) On est déjà arrivé, mec.

- (Reptincel) Quoi… ?

Il fouilla du regard les alentours, ne constatant qu’une délabrée ruelle crasseuse. Une odeur persistante de pisse régnait, alors que les murs étaient parsemés de moisissures, si ce n’est de sang séché. L’espace était étroit et il n’y avait pas de porte.

- (Reptincel) Raichu… ?

- (Raichu) Attends, ferme-là deux minutes…

Lui chuchota-t-il, en se collant contre un mur. Deux voix se faisaient entendre au loin, deux hommes dont un relativement agressif. C’était le plus jeune des deux, un Pokémon écailleux brun, aux tâches et yeux noirs, pupilles rouges et dents très pointues. Il semblait menacer son interlocuteur, un vieil homme à la voix suave. Reptincel n’arrivait à le voir, mais ça lui suffisait pour comprendre la situation. Il tenta d’approcher, mais son ami lui agrippa brutalement la main.

- (Raichu) Qu’est-ce que tu fous… !?

- (Reptincel) Et toi ? Quelqu’un a besoin d’aide… !

- (Raichu) Ce quelqu’un, c’est mon patron… ! Et j’peux t’assurer qu’il ne lui arrivera rien, alors reste où t’es, sinon c’est MOI qui vais avoir des putains de problèmes… !

- C’est compris, le dégénéré ?

- Oui…

- Bien ! À la prochaine, dans ce cas !

Il le bouscula dans ses propres poubelles avant de partir, les mains dans les poches et le sourire aux lèvres, vers les profondeurs de ces quartiers délabrés. Reptincel vit tout sans ne rien pouvoir y faire. Il se laissa bêtement guidé par son ami qui, pensait-il, savait quoi faire pour aider cette victime. La vérité est qu’il n’aida qu’une personne : lui-même.

- (Reptincel) Monsieur… ?

Il s’approcha doucement, avant d’enfin pouvoir le distinguer. Sa tête rose laissait apparaître deux yeux obscurcis d’un noir profond. Une épaisse cicatrice couvrait son crâne, tandis que le reste de son corps était enfouis à l’intérieur de tout un tas de morceaux de tissus bleus et déchirés. Quand il leva son regard vers Reptincel, ce dernier recula d’un pas. Il fut surpris par son expression, visiblement naturelle. Il se ressaisit donc, et s’avança suffisamment pour l’aider à se relever.

- Qui es-tu… ?

- (Raichu) Reptincel, m’sieur Limaspeed !

- (Limaspeed) Reptincel… ? Alors c’est toi, le fameux chef de la Dream Team ?

- (Reptincel) Euh… oui, je l’ai été.

Répondit-il en détournant le regard.

- (Reptincel) Que se passe-t-il ? Qui était ce type ?

- (Limaspeed) Oh, eh bien…

- (Raichu) Personne.

Le type électrique lui coupa la parole.

- (Limaspeed) Oui, euh… personne, oublie-le.

Perplexe, Reptincel échangea à plusieurs reprises son regard entre ces deux personnages. Il n’aimait pas ça. Mais Raichu semblait s’en moquer : il se frotta les mains en avançant vers la première porte qu’il vit, celle entourée de sacs poubelles remplis.

- (Raichu) Bon, c’est pas tout ça mais on a du fric à s’faire, aujourd’hui ! J’m’occupe des commandes, m’sieur Limaspeed !

- (Limaspeed) Très bien…

Il entra dans le bar. Le type feu, lui, n’osa pas même y mettre un pied.

- (Reptincel) Je… ne pensais pas à ça.

- (Limaspeed) Hum… ? Oui, je suis désolé. La désillusion est toujours frappante, pour un paysan. Vous avez tendance à idéaliser notre situation, mais… c’est toujours plus compliqué que ça en a l’air. Et sinon… *tousse* Je me nomme Limaspeed, et je suis le gérant de ce bar !

Clama-t-il, en pointant d’une petite patte l’insalubre bâtiment.

- (Limaspeed) Les compartiments sont à l’étage. Tu devras partager ta chambre avec ton ami, tout comme les toilettes et les douches qui sont uniques mais… tu dois déjà être au courant.

- (Reptincel) Oui, il m’a rapidement énoncé la situation… *soupir*

Il baissa la tête.

- (Limaspeed) Quoi… ?

- (Reptincel) Rien, je… je ne sais pas…

Il couvrit son visage d’une main tremblante. Le choc commençait à arriver.

- (Limaspeed) Hé…

Mais le vieil homme s’approcha et posa une patte sur son épaule, comme s’il savait comment l’atténuer.

- (Limaspeed) Ça passera, d’accord ? Vous venez d’arriver, hein ? Alors va faire un tour en ville. Pour retrouver ton chemin, c’est facile, tu prends la première ruelle à droite en entrant depuis le Sud.

Il le retourna vers la lumière, vers la foule, vers les beaux quartiers de la ville.

- (Limaspeed) Allez, prends le temps de digérer l’information !

- (Reptincel) Et de l’autre côté… ?

Demanda-t-il timidement, en ne lâchant pas son regard vers la direction opposée, là où le Pokémon agressif s’en était allé. Mais le vieil homme ne fit que nier d’un mouvement de tête.

- (Limaspeed) Tu es explorateur, si j’ai bien compris. La première chose à savoir pour les gens comme vous… c’est qu’vous n’aurez jamais à mettre les pattes dans ces endroits-là. Allez, du balais ! Et ne reviens pas avant avoir repris ton souffle !

Il essayait d’aider, Reptincel n’était pas dupe. Il savait qu’il était entré en phase de désillusion, mais ce n’était que le début.

En sortant, il retrouva une toute nouvelle foule, de couleurs et espèces différentes mais toujours en train de partir dans les mêmes directions. Personne n’empruntait les ruelles, il était littéralement le seul à se tenir contre le mur de l’une d’entre elle. Il voyait la sortie, mais se sentait incapable de la traverser. Pour prendre l’air, il devait s’enfoncer encore plus, alors il se tourna dans l’autre sens. Une grande pente montante lui faisait face, alors que des tas d’immeubles encerclaient une route.

La seule fois où il en vit un, c’était dans la Zone de Victoire de la guilde d’exploration. Mais ce fut le seul building vide au milieu de tout un tas de terrains plats. Là, le plat était l’exception, plus la règle.

Il suivit alors silencieusement les grandes rues, marchant au rythme effréné de la foule. Il distinguait tout un tas de magasins de vêtements, superettes, restaurants, hôtels, marchands de toute sorte et autres fondations qui n’existaient qu’en un seul exemplaire à Bourg-Tranquille. Il remarqua au-dessus de chaque intersection des plaques métalliques accrochées au mur avec chacune un nom différent. À quoi cela servait ?

Il ne le remarqua que lorsqu’il vit un parc, mais la couleur dominante de la ville était le gris. Tout était nuancé, mais tout était gris. Les trottoirs, les routes, les bâtiments. Des passages cloutés lui fit face. Voyant que la plupart des Pokémon ne traversaient la route qu’en passant là-dessus, il voulut en faire de même. Mais un soudain bruit de klaxon le fit sursauter, avant qu’il ne s’aperçoive qu’une grande machine lui fonçait droit dessus.

- Bouge de là, ducon !!

Évidemment, il se décala sans soucis. Mais cette chose allait vite et semblait solide, très solide. Encore un moyen de transport qu’il ne connaissait pas et qui, il en était certain, n’existait pas il y a trois ans. Bref, il continua d’emprunter les voies montantes, cette fois en ne traversant que lorsqu’une grande foule le faisait.

Il rentra dans quelques parcs pour éviter de détourer un plus long chemin, avant de remarquer que l’un d’entre eux était recouvert d’une fausse herbe. Ça le dégouta, il n’emprunta donc plus aucun parc.

En passant devant un restaurant, il vit un employé sortir les poubelles. Il le sentait tituber, alors quand ce dernier trébucha finalement avec tous ses sacs, le jeune adulte bondit et les rattrapa toutes avant qu’elles ne s’éclatent au sol. Il se releva, soupira puis les tendit à son nouvel interlocuteur qui, d’un regard dédaigneux, les lui arracha avant de continuer son chemin. Pas le moindre mot ne sortit de sa bouche, tandis que les passants qui n’avaient pas le contexte ne voyaient qu’un imbécile avec les mains tachées de saletés et dont il était facile de se moquer. Tant pis, il continua son chemin également.

Le soleil battait son plein, lorsqu’il arriva au sommet de la ville. Les buildings les plus bas restaient immenses, alors ceux à ses côtés, n’en parlons même pas. Quelques résidences l’entouraient, mais le plus important se trouvait derrière lui : une grande fondation, cette-fois ci rectangulaire plutôt que construire en latitude. Elle arpentait également le drapeau de la ville, peut-être était-ce la mairie ? En tout cas, il avait tout vu, et la beauté des lieux l’apaisa un peu. Alors il redescendit, cette fois en empruntant une autre grande rue.

Il trouva à peu près la même chose, jusqu’à distinguer une fondation vraiment impressionnante, tout du moins pour lui. Un poste des explorateurs, que dis-je, LE poste des explorateurs. Bourg-Tranquille n’en avait pas, Bourg-Palissade un seul et Bourg-Trésor – à l’époque où ce n’était pas un tas de cendres – avait la guilde qui faisait office de poste. Mais en parcourant la ville et jusqu’à présent, Reptincel en avait déjà annoté cinq. Il se doutait que la ville en regorgeait un tas, mais celui auquel il fit face faisait bien trois fois la taille des autres. D’ailleurs, des équipes en sortirent. Des équipes complètes de Pokémon parés au combat, musclés et à l’ambition brûlante. Il ne savait pas de qui il s’agissait, mais il était impressionné, si ce n’est intimidé par leur charisme.

- Allez, les gars, on y va !

- Ouais, on va le choper, cette fois !!

- En route, mes griffes n’attendent plus !

Plusieurs équipes partirent dans la même direction. Quelque chose était certainement en train d’arriver, mais ce qui était sûr est que du monde était là pour protéger la ville. Alors le jeune adulte ne s’en inquiéta pas, et avança vers le grand panneau d’affichage à l’entrée. Il regroupait tous les Pokémon recherchés en ville pour des méfaits. Une bonne trentaine se coltinait le même panneau, et ce n’était que le premier.

Il retint tout de même quelques têtes, dont celle d’un homme nommé Parasect, aux lunettes blanches cachant ses yeux et au champignon rose à points jaunes sur le dos ; une femme petite en taille mais à la gigantesque tête de glaçon, avec un cheveux sur la tête et qui se nommerait Békaglaçon ; ainsi qu’un grand homme, fin mais musclé, en kimono, à la peau bleu, au nez relié à son unique sourcil gauche noir et au nom de Karaclée.

Puis, le bruit d’une explosions retentit. Elle semblait venir de la rue d’à côté, et Reptincel vit plusieurs civils fuir de là en panique. Alors instinctivement, il s’approcha. Ce n’était pas comme si il craignait quoique ce soit, se disait-il. Bien entendu, il sait se défendre, mais il pensait surtout aux explorateurs aperçus plus tôt.

Avec autant de héros, Loliloville ne semblait rien avoir à craindre, pas vrai ?

Hélas, quand il arriva de l’autre côté, il était le seul explorateur sur place. Enfin trois d’entre eux étaient à terre, tandis que les autres… avaient désertés. Au milieu se trouvait une banque, avec à son entrée un grand, un très grand Pokémon. Brun de fourrure, il mesurait deux mètres cinquante. Son accoutrement le solidifiait, ses mains le rendaient plus agressif : il portait une lourde arme métallique. Elle ressemblait à celle que Lucario s’était confectionné, lors de la Guerre des Rouages du Temps, en plus grande encore. Tout un tas de sacs couvraient son dos, il avait déjà fait son affaire.

- ALORS !?

Hurla-t-il d’une terrifiante voix dominante.

- QUI PEUT ME STOPPER, MAINTENANT !?

Reptincel était bouche bée. Comment était-ce possible ? Comment UN SEUL Pokémon pouvait réussir à cambrioler une banque ? Il s’approcha des blessés, quitte à se faire repérer par le hors-la-loi qui, visiblement, attendait de nouveaux adversaires.

- Toi !! Si tu viens les sauver, alors tu es avec eux !!

Il pointa son arme dans sa direction.

- Hé hé hé, j’adore le bruit de l’explosion !

- (Reptincel) À quoi te servent tes muscles !?

- Hein… ?

- (Reptincel) Si tu ne peux tout détruire qu’avec cet engin extérieur, alors tu ne vaux rien !

Un silence régna, avant que le lourd bruit métallique de l’arme ne se fasse entendre claquer contre le sol. Le grand Pokémon hurla de motivation, tout en se cognant la poitrine à répétition.

- TU L’AURAS VOULU !!! Battons-nous à armes égales, ça m’va aussi, ah ah !

Reptincel se redressa, l’air sérieux et sûr de lui. Pas la moindre once de peur transparaissait sur son visage, il se savait déjà victorieux. Il s’approcha même en premier pour lancer l’affrontement, ce à quoi l’immense Pokémon recula d’un pas, l’air surpris.

- Ah ouais, carrément !?

- (Reptincel) Quoi ?

- Généralement, les gens ont la trouille, là. Mais tu sais quoi… ? Ton ardeur me plaît, gamin ! Ah ah, bien, amène-toi !!

- MONAFLÈMIT !!!

Hurla une soudaine voix enragée. Les regards n’eurent qu’à peine le temps de se tourner vers lui, qu’une imminente traînée d’eau le propulsa jusqu’à sa tête, qu’il cogna d’un féroce coup de boule. Il l’écrasa à terre puis l’aspergea de deux brûlants jets d’eaux, chacun d’une main, tout en s’envolant avec eux.

- (Monaflèmit) Argh… ! A… attends… !!

Beugla le dominé, mais il était déjà trop tard. Depuis les airs, son adversaire forma un tourbillon aquatique épais, avant de foncer en pique sur lui. Il l’écrasa dans un furieux tsunami créé de ses propres mains et l’assommant sur le coup. Reptincel se couvrit comme il put de toute cette eau qui l’égratigna tout de même un peu. Après tout, l’explorateur qui venait d’arranger la situation était du bon type. Les résidus de son attaque éteignirent les flammes engendrées par l’explosion de tout à l’heure, alors qu’il termina de menotter cette nouvelle tête à envoyer en prison.

Il se redressa ensuite, et le type feu écarquilla les yeux. Quand il se fit voir, le type eau aussi, se montra surpris.

- (Carabaffe) Le lèche-cul !?

- (Reptincel) Carabaffe !!

Oui, c’était bien lui. Son rival d’antan, ancien membre de la Dream Team et sauveur du monde à ses côtés. Il était là, seul explorateur présent, seul explorateur debout face à ce hors-la-loi qui aurait dû être arrêté avant.

Quelques minutes plus tard, d’autres équipes arrivèrent pour l’emmener au poste. Carabaffe discuta avec quelques de ses coéquipiers, avant d’enfin être libéré pour, de son plein gré, approcher celui qu’il appelait « lèche-cul ».

- (Carabaffe) C’est bien toi… ?

- (Reptincel) Qui d’autre aurait été assez stupide pour ne pas fuir ?

- (Carabaffe) Je n’sais pas, j’te voyais pas revenir tout de suite… voire jamais, en fait.

- (Reptincel) … Tu as l’air d’avoir progressé, en tout cas.

- (Carabaffe) Hum, si tu savais…

- Carabaffe, on rentre à la base !

- (Carabaffe) Allez crever !

- Ok, on rentre sans toi !

Le type feu resta silencieux, si ce n’est gêné face à ce comportement. Voilà quelque chose qui n’avait pas changé, en trois ans.

- (Carabaffe) Quoi ? J’déteste entendre les victimes se plaindre, alors d’habitude j’suis l’premier à m’barrer. Là… j’veux bien faire une exception, mais si tu t’plains j’te casse la gueule.

- (Reptincel) Bien sûr… *soupir*

Les mains dans les poches, c’est avec fatigue que le type feu dévisagea les alentours.

- (Reptincel) Je viens d’arriver. À toi de trouver un endroit sympa où discuter.

- (Carabaffe) Tu m’mets au défi ? … Bah bien vu, c’est vraiment une ville dégueulasse.

- (Reptincel) Ce n’est pas le premier mot qui me vient en tête.

- (Carabaffe) Ouais, j’sais, pour toi c’est « décevante ». Mais ça passera ! Ensuite, tu la trouveras dégueulasse.

- (Reptincel) Super.

- (Carabaffe) Allez, suis-moi.

C’est donc à leur rythme, que les deux jeunes adultes traversèrent quelques rues pour trouver un endroit sympa. Carabaffe lui apprit à traverser correctement, c’est-à-dire quand le feu de signalisation des « automobilistes » était rouge et celui des piétons vert, lui conta la semaine de commercialisation des engins du même nom, les « automobiles » ainsi que du nombre phénoménal d’accidents qu’elle engendra, tout cela avant d’enfin à arriver à destination : en face d’un immeuble comme les autres.

- (Reptincel) Tu habites ici ?

- (Carabaffe) Ouais, j’peux accéder au toit sans trop avoir de problèmes. On y va.

Grâce à un jeton accroché à ses clés, il ouvrit la porte du bâtiment et fit emprunter les escaliers à Reptincel jusqu’au sommet de la tour. En ouvrant la porte du toit, une bouffée d’air frais le bouscula presque. Il avait l’impression d’être en territoire sauvage, et le calme qui régnait aida à cette illusion. Ils étaient seuls à une hauteur encore jamais atteinte par le type feu, qui d’ici pouvait encore plus aisément admirer la vue. Alors ils s’installèrent près du bord.

- (Carabaffe) C’est putain de gris…

- (Reptincel) Ça ne me dérange pas tant que ça. C’est si différent de tout ce que j’ai vu jusqu’à présent…

- (Carabaffe) Tu t’y habitueras rapidement. Perso, j’aime bien venir ici parce que personne n’y va jamais. « Les civils ont l’vertige » me dit-on, sacrée ironie quand on sait dans quoi ils vivent. Ils m’énervent tous, à se plaindre sans arrêt !

- (Reptincel) C’est ce qui t’embête le plus ici ?

- (Carabaffe) Nan, en fait c’est le seul truc que j’arrive à supporter. Mais j’essaie de m’faire croire que c’est l’pire de mes problèmes pour oublier les autres. J’étais si naïf, à mon arrivée…

Il baissa la tête, l’air pensif et énervé.

- (Carabaffe) Tout ce travail acharné pour ça, sérieux… On m’avait fait comprendre que la seule chance pour un paysan de s’en sortir par rapport à un citadin était son CV, alors j’ai tout donné pour avoir le meilleur possible. Note maximale au diplôme scolaire, inscription à la guilde dès mes quinze ans, obtention du diplôme d’exploration du premier coup, recommandé par des pros et reconnu comme sauveur du monde ; qu’est-ce que j’aurai pu faire de mieux !?

- (Reptincel) Tu veux dire qu’on t’a refusé quelque part ?

- (Carabaffe) Nan, tu piges pas. À quinze ans, je débarquai à Loliloville avec l’ambition d’en apprendre toujours plus. J’ai fait des demandes de stages dans pleins d’équipes, et elles m’ont toutes acceptées.

- (Reptincel) Alors quel est le problème ?

- (Carabaffe) À chier. Toutes… à… putain… de chier ! La descente aux enfers avait déjà commencé, mais là c’était sur un plan beaucoup plus personnel. L’image que je me faisais des explorateurs de la ville était tellement… à côté d’la plaque, bordel ! En trois ans, j’ai fait partie de vingt-et-une équipes différentes. Aucune ne m’ont appris quoique ce soit, j’ai dû progresser à MA manière ! SEUL et à un rythme déplorable parce que ces incapables étaient trop fainéants pour bouger le petit doigt quand un délit se déroulait dans la rue d’à côté ! C’est ça, leur problème, ils sont opportunistes et hypocrites ! Ils ne cherchent pas à rendre le monde meilleur, ils veulent glorifier LEUR image ! Si aucune caméra ne les filme en train de boxer du hors-la-loi, alors ils ferment les yeux, CONSTAMMENT ! Et c’est sans compter les déserteurs, mais eux je ne veux même plus en entendre parler…

- (Reptincel) Et ton équipe actuelle ?

- (Carabaffe) J’attends de choper un nouveau contrat et j’me casse. On m’avait ordonné de ne pas intervenir, quitte à c’que ce bouffon s’échappe avec des paquets d’fric. Mais je ne désespère pas, surtout depuis que le Test RS a été annoncé.

- (Reptincel) Le test RS ?

- (Carabaffe) Un tournoi organisé par l’équipe du même nom. Le vainqueur sera admis en stage pendant un an.

- (Reptincel) Attends… l’équipe RS, c’est… ?

- (Carabaffe) *rires* Ouais… ! L’équipe de Pharamp, la meilleure équipe d’exploration au monde !

Reptincel écarquilla les yeux, sa journée s’illumina soudainement. La désillusion n’était pas totale, tout du moins pas encore. Il était arrivé au bon moment et avait l’opportunité d’entrer tout de suite dans l’équipe de celui qui l’inspira à devenir explorateur.

- (Carabaffe) Calme-toi, lèche-cul. Y a qu’une place de dispo, et elle est pour moi !

- (Reptincel) Comment on s’inscrit !?

- (Carabaffe) On ne s’inscrit pas, on vient et c’est tout. C’est dans trois jours.

Étrange, se disait-il. N’importe qui pouvait entrer, si c’était le cas. Mais peut-être était-ce là le but recherché par l’équipe RS ? Dans tous les cas, il annota l’adresse du lieux de rendez-vous et sautilla rien que de penser à son éventuelle victoire. Lui qui voulait reprendre l’exploration de pied ferme, une chance unique lui faisait face.

- (Carabaffe) *soupir* Bon, et sinon ? Comment se porte Bourg-Tranquille ?

Demanda le type eau, en s’allongeant sur le toit, alors que ses pieds pendaient au-dessus du vide.

- (Reptincel) Comment sais-tu que j’y suis allé ?

- (Carabaffe) Ça aurait été con de ne pas l’faire, t’as manqué à ton père.

- (Reptincel) Oui, je le sais bien.

Il s’installa à son tour.

- (Reptincel) Je n’ai pas eu le temps de saluer tout le monde, mais le maire semble bien s’occuper du village.

- (Carabaffe) T’imagines pas la surprise que ce fut, d’entendre parler de Bourg-Tranquille dans les journaux. Ça n’arrivait jamais, avant. Avec cette avancée technologique, avec tous ces nouveaux moyens de transport, qui sait en combien de temps nous pourrons parcourir les territoires sauvages ? J’pourrais inviter Mégapagos ici…

- (Reptincel) Tu dois beaucoup lui manquer aussi.

- (Carabaffe) J’espère bien !

Le silence régna quelques instants.

- (Carabaffe) Et toi ? La désillusion n’est pas trop violente ?

- (Reptincel) Si, bien sûr que si. Si tu ne m’avais pas parlé du Test RS…

- (Carabaffe) Ouais, j’comprends. On est tous passé par-là. Pour Pikachu, c’était atroce.

- (Reptincel) Tu sais qu’il a évolué ?

- (Carabaffe) Hein ? Merde, même pour ça, il n’a pas cherché à nous recontacter… ?

- (Reptincel) Que s’est-il passé ?

- (Carabaffe) On s’est tous rapidement perdu de vue. Nous qui nous étions promis de nous appeler souvent, Pikachu… enfin Raichu, du coup, a progressivement arrêté de participer à nos retrouvailles. Ça doit faire un an que je ne lui ai plus adressé la parole. Lucario, lui, répond toujours mais n’appelle jamais. Et ça va faire quatre mois que je n’ai pas appelé. Honnêtement, je commence à penser qu’il vaut mieux ne plus chercher à alimenter ces relations.

- (Reptincel) C’est… assez triste, dit comme ça.

- (Carabaffe) Hé, c’est bon, on reste voisins avant tout. Si quelque chose venait à arriver à l’un de nos proches ou à Bourg-Tranquille, j’suis sûr qu’on serait tous là pour se serrer les coudes. C’est juste que là… les choses sont différentes.

- (Reptincel) Hum… et Germignon ? Tu es encore en contact avec elle ?

- (Carabaffe) Ouais, euh… *soupir* c’est compliqué.

- (Reptincel) Ah…

- (Carabaffe) Nan mais… elle va bien. Tiens, j’te file son numéro et t’iras la voir quand elle aura une disponibilité.

- (Reptincel) Merci. Donne-moi le tiens aussi, pendant qu’on y est.

Il rentra deux nouveaux numéros dans son téléphone. Mais à peine avait-il eu le temps de se satisfaire de cette retrouvaille, que le soleil s’annonçait déjà fatigué. La journée était passée si vite, hélas, Carabaffe était débordé. Ils se laissèrent donc là-dessus, sachant l’un comme l’autre que s’ils avaient besoin d’aide, ils n’avaient qu’à se servir de cette nouvelle technologie communicative pour se retrouver, pour s’entraider.

Il avait changé, finalement. Il faisait mine d’être encore l’agressif et associable génie du groupe, mais en fin de compte, Reptincel trouva réconfort et confiance auprès de lui plus que quiconque. Il pouvait lui faire confiance, et il le savait.

Sur le chemin du retour, il se décida à appeler Germignon. Le téléphone le fit longuement attendre… avant de raccrocher. Il soupira en se disant qu’il réessayerait le lendemain, lorsque l’assourdissante sonnerie de son appareil retentit. Il attira l’attention et se sentit gêné, mais surtout rassuré. Il décrocha immédiatement après avoir empêché son engin de se casser par terre.

- (Reptincel) Allo, Germignon… ?

- Non, là c’est Croc !

C’était effectivement une voix masculine.

- (Reptincel) Croc ?

- Crocrodil, son partenaire de groupe ! Bizarre de ne pas me connaitre, êtes-vous vraiment un fan malsain ?

- (Reptincel) … Pardon ?

- (Crocrodil) Ouais, encore un sociopathe qui dédie ses journées à trouver le numéro d’une pauvre guitariste épuisée de tout le harcèlement qu’elle subit par ses propres fans. T’as déjà essayé de te mettre à sa place deux minutes ?

- (Reptincel) Euh… attendez, je crois que vous faites erreur. Je suis Reptincel, un ami de Germignon.

- (Crocrodil) Hum… attends, tu l’as appelé Germignon ?

- (Reptincel) Je me suis trompé de numéro ?

- (Crocrodil) Non, mais… les gens ne la connaissent pas sous ce nom, je viens d’y penser. Qu’est-ce que tu veux ?

- (Reptincel) Lui parler… ? Disons que c’est elle que j’ai appelé, à la base.

- (Crocrodil) Du calme, frérot, on ne la dérange pas pour tout et n’importe quoi. Là, tu vois, elle est débordée. Mais donne ton nom, j’lui parlerai de toi et elle te trouva certainement un créneau, si tu comptes tant pour elle.

- (Reptincel) Très bien… je suppose ?

- (Crocrodil) Alors, c’est quoi ton nom ?

- (Reptincel) Reptincel, je l’ai déjà dit.

- (Crocrodil) Sans doute ! Allez, Reptincel, j’dois te laisser ! Ciao, le possible fan sociopathe !

Et il raccrocha sans hésiter. Quelle conversation lunaire, pensa le type feu. Qu’était-elle devenue, pour ne pas avoir le temps de répondre à son propre téléphone ? De quoi parlait-il, en mentionnant un harcèlement de fan ? Germignon était-elle en danger ? Non, impossible, Carabaffe lui en aurait fait part. Le pire est qu’il n’était même pas sûr de pouvoir adresser la parole à sa meilleure amie… quel enfer.

Les lueurs orangées du soleil éclairaient Loliloville d’une autre manière. Il prit plusieurs minutes pour observer les grandes rues et les buildings sous cette nouvelle atmosphère, tout de même plus apaisante comme cela. Il récupéra tranquillement son souffle, avant d’emprunter à nouveau l’étroite ruelle délabrée menant au bar de Limaspeed. Les lampadaires entourant l’entrée s’illuminaient difficilement, mais sans eux, la pénombre totale régnerait. Le soleil ne passait pas dans cette rue.

Reptincel se décida finalement à ouvrir cette fichue porte. Il entra dans le bar, prêt à embrasser la désillusion qui le cognait fort depuis le début de la journée. Hélas, jamais il n’aurait pu s’attendre à les trouver derrière. Qui ? Oh, bah disons que toutes les tables du bar étaient remplies. Et ce malgré la moisissure peignant les murs, les craquelures sur le parquet, les deux seuls serveurs inévitablement trop lents pour le domaine car trop peu nombreux, l’odeur de pisse mélangé à l’alcool et les résidus de verres au niveau des toilettes. Malgré tout cela, donc, le bar était débordé. Reptincel s’avança d’un air perplexe, esquivant la démarche d’un ivrogne et bondissant une flaque de vomit, avant d’entendre un nom familier :

- C’est ça, Parasect, qu’est-ce que t’essaies d’nous faire croire encore !?

Parasect ? Il n’avait jamais entendu personne le prononcer, mais il l’avait lu. Et en tournant son attention vers eux, il comprit tout de suite le problème. Une table de trois Pokémon, deux hommes et une femme. Le premier avait des lunettes blanches cachant ses yeux et un champignon rose à points jaunes sur le dos ; le deuxième était grand, fin mais musclé, en kimono, à la peau bleu et au nez relié à son unique sourcil gauche noir ; tandis que la troisième était petite en taille mais à la gigantesque tête de glaçon avec un cheveux sur la tête. Oui, il s’agissait bien de Parasect, Karaclée et Békaglaçon, les trois hors-la-loi recherchés et notifiés plutôt par le jeune adulte, actuellement bouche bée face à ce fiasco. Il se frotta les yeux, mais rien n’y fit. Et honnêtement, peut-être aurait-il préféré que son esprit le fasse déganter.

Il se retourna sans ne rien dire, ne voulant pas croire que la vérité était aussi frappante. Non, il devait forcément y avoir autre chose. Il trouva les escaliers menants à l’étage dédié aux gérants, attendit que Raichu passe près de lui pour l’agripper et le tirer jusqu’en haut. Il lui fallait des réponses MAINTENANT.

- (Raichu) Hé, tu fais quoi, là !? J’suis en service, mec !

- (Reptincel) En service auprès d’eux !?

Demanda-t-il froidement, en pointant du doigt les trois hors-la-loi.

- (Raichu) Ouais ! Ils attendent leurs bières, là !

- (Reptincel) Raichu… ils sont recherchés par les explorateurs !

- (Raichu) Ouais, et ?

Le type feu écarquilla lentement les yeux.

- (Reptincel) Mais qu’est-ce qui te prends… ?

- (Raichu) Nan, arrête. J’ai pas l’temps pour ton discours d’idéaliste, ça crève les yeux que t’es pas capable d’accepter la vérité en face. Alors j’vais te l’dire une seule et unique fois : on est à Loliloville ! Réveille-toi, on n’a plus treize ans ! Faut bosser, faut remplir les caisses, faut s’donner la chance d’avoir un avenir ! Et l’avenir, dans cette ville, tu le chopes à l’opportunité seulement ! T’arrêtes un hors-la-loi que quand y a des caméras pour filmer ton exploit, tu te réfugies dans les quartiers pauvres quand t’as fait d’la merde parce que tu sais que personne n’ira te chercher là-bas ; et dans mon cas, je sers tous ceux qui ont de l’argent à m’refiler !

- (Reptincel) Mais… !

- (Raichu) T’as oublié c’que je t’ai dit ce matin !? Le client est roi ! Tant que j’ai mon chèque, je la ferme et fais ce qu’on m’demande ! J’en ai rien à foutre, de savoir d’où il vient, c’fric ! Putain, passe un cap ! À Loliloville, si tu ne saisis pas ta chance de vivre, tu t’fais écraser ! C’est tout !! Maintenant… *souffle* je vais finir ma journée, et je ne veux plus que tu me déranges. Chacun son taf, et t’as pas intérêt à perturber le miens sous prétexte que t’es un « héros ». Les héros, ça n’existe pas !

Il redescendit sur ces mots, un plateau de bières à la main. Reptincel le regarda s’éloigner, l’air horrifié. Difficile de comprendre autrement que comme cela. Raichu avait changé, Loliloville avait changé tout le monde. Devait-il être le prochain sur la liste ? C’est ce qu’il pensa, en entrant dans ses compartiments la tête basse. Une heure plus tard, il reçut un message :

« Pifeuil : Bah alors, tu n’appelles pas ? »

C’est vrai qu’il devait le faire. Hélas, il n’avait plus le même moral que lorsqu’il quittait Bourg-Tranquille, il y a vingt-quatre heures.

« Reptincel : Désolé. Je suis un peu fatigué, là…

Pifeuil : Pas de soucis, mon grand. Repose-toi bien et recontacte-moi quand tu te sentiras prêt. Bonne nuit, mon citadin préféré ! »

Il ne lui força à rien, à croire que Pifeuil se doutait du choc qu’aurait vécu son fils, en découvrant véritablement Loliloville. Reptincel posa son téléphone sur sa table de chevet, avant d’enfoncer sa tête dans un oreiller jaunit par l’insalubrité des lieux. Il s’en fichait, il voulait juste s’endormir.

Il n’arrivait pas à oublier. Il était trop tard, mais il n’oublia pas avoir fermé les yeux sur ces hors-la-loi qu’il aurait pourtant et sans hésiter arrêter, durant la belle époque.

Mais ce monde est révolu, et le constater fut la première marque du changement. En ce jour du 18 Septembre de l’âge 235, le jeune adulte comprit que son objectif était futile. Chercher à devenir le meilleur des explorateurs, qu’est-ce que cela signifie dans un monde où les Pokémon n’agissent que par intérêt personnel ?

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