Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 51 : Quartiers pauvres

8426 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/01/2022 01:24

      Il se leva de bonne heure, étonnant au vu de son humeur. Il fit l’effort de ne pas réveiller son partenaire de chambre, récupéra son téléphone, enfila rapidement sa chemise et son pantalon trop court avant de descendre rejoindre le bar. L’horloge sonna six heure, alors qu’il retrouva Limaspeed en train de préparer le comptoir pour cette nouvelle journée. Il aperçut le jeune adulte descendre, et sortit par avance une tasse et des biscuits.

- (Limaspeed) Déjà debout ?

- (Reptincel) Bonjour. Oui, ce sont mes habitudes.

- (Limaspeed) Alors nous sommes deux. Prends donc un siège, tu dois avoir faim.

- (Reptincel) Quoi… ? Non, je ne veux pas vous déranger.

- (Limaspeed) Ta présence ne me dérange pas, bien au contraire.

Il soupira en baissant la tête.

- (Limaspeed) … Tu rends ce bar plus coloré.

Le type feu s’approcha donc, s’installant face à lui sur un grand tabouret qui lui faisait perdre pied au sol. Le gérant lui servit du café avant de s’en servir aussi, mangea un biscuit puis reprit le nettoyage de la verrerie.

- (Reptincel) … Vous rangez seul ?

- (Limaspeed) Toujours.

- (Reptincel) Raichu ne vous aide pas ?

- (Limaspeed) Jamais. Mais le bougre fait un si bon service que je ne peux rien lui reprocher.

- (Reptincel) Hum…

Il trempa ses lèvres dans le café, en avala une gorgée avant de lentement reposer la tasse. Son expression faciale traduisait le reste, et son interlocuteur en rigola gentiment.

- (Limaspeed) Tu n’aimes pas le café, hein ? Es-tu sûr d’être adulte ?

- (Reptincel) Apparemment non, si j’en crois mon appréciation à l’alcool.

- (Limaspeed) C’est vrai que ce sont avant tout des vices. Le café pour forcer nos yeux à rester ouverts, l’alcool pour nous forcer à oublier nos problèmes. Bien sûr, nous proposons des deux…

- (Reptincel) Les gens viennent surtout pour cela, n’est-ce pas ?

- (Limaspeed) Oh oui. Nous ne pourrions vendre que des bières que chaque soir, que le bar serait malgré tout débordé. Et je ne peux que compatir : les Pokémon qui viennent ici ont généralement des problèmes avec la justice.

- (Reptincel) Et… ça ne vous dérange pas ?

- (Limaspeed) Que puis-je y faire ? Les dénoncer ne ferait pas que réduire ma clientèle, elle annihilerait également mon espérance de vie. Et puis j’apprécie penser pouvoir les aider à se détendre. On a tous besoin d’un moyen d’échappatoire, peu importe la vie que l’on mène.

- (Reptincel) Pourquoi auraient-ils le droit d’en avoir un ? Si ce sont des hors-la-loi, ils doivent être arrêtés.

- (Limaspeed) Alors pourquoi sont-ils toujours en liberté ? Ce n’est pas discret, de passer sa soirée plusieurs fois par semaine dans le même bar public. Si ils ne craignent rien, c’est parce qu’ils savent pertinemment qu’aucun explorateur ne viendra les arrêter.

- (Reptincel) Parce qu’ils ne connaissent pas l’existence de ce bar ?

- (Limaspeed) Parce qu’aucun explorateur n’osera un jour mettre un pied dans nos quartiers. Les quartiers que l’on appelle « pauvres », ceux dans lesquelles vivent les familles malchanceuses. Elles n’ont pas d’argent et quand il faut endetter quelqu’un, ce sont vers eux que l’on se tourne ! Comme les tiens savent qu’ils n’ont rien à gagner à aider des gens qui ne pourront les dédommager, ils désertent le territoire qui n’a aucune loi pour les obliger de… simplement faire leur travail ! Aucun poste n’est construit dans les quartiers pauvres, ça ne veut pas rien dire !

- (Reptincel) Les miens… ? Vous me pensez comme eux ?

- (Limaspeed) Pas encore, parce que tu viens d’arriver. Mais tu finiras par adopter cette mentalité, comme tous les autres.

- (Raichu) Wow ! L’ambiance craint ou c’est moi ?

Demanda rhétoriquement Raichu, en se montrant penché sur la barrière de l’étage.

- (Raichu) Faites moins d’bruit, les murs sont en mousse !

- (Limaspeed) Pardon…

Il retourna se coucher, et le vieil homme reprit son souffle en terminant de ranger la verrerie propre.

- (Reptincel) Monsieur Limaspeed, je… je suis désolé.

- (Limaspeed) Non, je suis stupide. Tu ne connais pas encore ce nouveau monde, et je t’engueule plutôt que de t’expliquer ce qui ne va pas avec ton métier. Quand Raichu m’a parlé de toi, j’étais dubitatif. Puis il m’a révélé qu’il avait, lui aussi, son diplôme d’explorateur en poche. J’ai compris, ce jour-là, que vous n’étiez pas condamnés. Même un ancien explorateur peut aider les pauvres, même un prétendu héros peut… peut-être un jour en devenir un.

- (Reptincel) Autrement dit, vous voulez que j’imite Raichu qui, selon vous, est un héros ? Lui qui ne vous aide que par intérêt ?

- (Limaspeed) La différence avec un explorateur est qu’il n’a pas cette aura d’hypocrite. Il fait ce que j’attends de lui et, dans cette ville, c’est déjà beaucoup. Concernant ce qu’il s’est passé hier, je ne lui en tiens pas rigueur.

- (Reptincel) Vous devriez. À l’époque, il vous aurait aidé sans hésiter.

- (Limaspeed) Et il m’aurait condamné en le faisant.

- (Reptincel) Il n’a pas fait ça pour vous.

- (Limaspeed) Évidemment, là n’est pas la question. Nos intérêts convergeaient, alors je le remercie d’avoir choisi la facilité.

- (Reptincel) Mais… bon sang, pourquoi est-ce que vous pensez comme ça ? On dirait que vous ne valez rien, que vous ne méritez pas d’être aidé ! Je veux dire… si j’arrive à regrouper une équipe suffisamment forte pour dégager toutes les mauvaises personnes qui vous entourent… !

- (Limaspeed) Tu n’y arriverais pas.

- (Reptincel) Et pourquoi donc !?

- (Limaspeed) Regarde-moi. Ai-je l’air gentil ?

Demanda-t-il en écartant les bras. Reptincel rigola nerveusement en détournant le regard.

- (Reptincel) C’est ridicule…

- (Limaspeed) Hé !

Mais le gérant n’en démordit pas : il claqua le comptoir en se redressant vers lui, l’air plus stricte que jamais.

- (Limaspeed) Ai-je. L’air. Gentil ?

Lui demanda-t-il une seconde fois. Là, Reptincel était obligé de le fixer, de dévisager ce Pokémon au regard noir, à la cicatrice pesante, aux accoutrements sales et à la voix si suave qu’elle jouerait parfaitement le rôle du monstre sous le lit. Il n’arrivait pas à lui répondre, certainement parce que la réaction qu’il eut lors de leur première rencontre le dérangeait encore : il avait reculé d’un pas. Oui, son instinct lui fit prendre peur de ce Pokémon.

- (Limaspeed) Aujourd’hui, tu sais qui je suis. Mais un inconnu n’a aucun intérêt à le savoir. Tout ce qu’ils comprennent en me voyant la première fois, en plus de s’effrayer, est mon milieu social. Je suis pauvre, je vis donc dans les quartiers pauvres et suis par définition associé à ces tous ces gens qui se cachent dans cet enfer qu’aucun explorateur n’osera un jour parcourir ! Tu n’es pas encore comme eux parce que tu n’es pas resté suffisamment longtemps pour être étouffé de problèmes. Mais si tu persistes à « explorer », alors tu finiras par associer à tous les parfaits inconnus que tu rencontreras une image, une seule image. Et moi, qu’importe les efforts que je fournirai… je ne peux pas être autre chose qu’un vieux Limaspeed crasseux.

Reptincel posa longuement son regard sur lui, avant de finalement l’abaisser et s’avouer vaincu. Il ne savait quoi répondre. Qu’en savait-il de plus que lui, après tout ? Il termina son petit-déjeuner dans un silence répugnant, puis remonta se préparer pour cette nouvelle journée. Une journée à faire quoi ? Explorer… ? Non, il n’en avait pas la motivation. Mais il devait travailler, il le savait et n’avait pas le choix.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 51 : Quartiers pauvres

 

Hélas, dès qu’il sortit de la douche, son téléphone vibra. Il reçut un message depuis le téléphone de Germignon : « À dix heure devant le soixante-dix-huit avenue Saint-Nymphali ». Certainement rédigé par ce « Croc », il ne lui laissait pas vraiment l’opportunité de répondre. Il avait bien compris que madame avait un emploi du temps chargé, et se doutait que s’il voulait la revoir, c’était maintenant ou jamais. Alors il mit l’exploration de côté pour aller lui rendre visite, et honnêtement, ça l’arrangea.

Maintenant, qu’était-ce que cela ? Le « soixante-dix-huit avenue Saint-Nymphali » ? Un nom de code ? Raichu se leva quand il fut prêt à partir, alors il le lui demanda. Ce dernier lui tendit une carte de la ville en guise de réponse, et le quart d’heure d’après, le jeune adulte la déchiffrait encore sur le sol de sa chambre. Il fallait au moins ça pour l’étendre. Il comprit que c’étaient des noms de rues, notamment annotés à chaque intersection comme il l’avait vu hier. Le bar Limaspeed était rue « Fermite le déficient », il traça donc le chemin le plus rapide pour se rendre à destination, puis fonça après s’être rendu compte qu’il lui fallait une heure et demie de trajet, soit plus de temps que ce qu’il lui restait pour s’y rendre.

Il arriva à dix heure douze devant la fondation et perdait l’équilibre en levant la tête : ce fut le plus grand building qu’il avait vu jusqu’à présent. En fait, il n’apercevait pas le sommet. Il dû faire un détour complet pour trouver l’entrée, mais y parvint malgré tout. En traversant la porte d’entrée, le bruit extérieur se tut complètement. Ses chaussures piétinaient un grand tapis rouge menant jusqu’à un grand escalier, mais son accès était bloqué par deux Pokémon en costard noir et à l’air sérieux : des gardes du corps. Alors que lui déviait son regard aux alentours, admirant la dorure couvrant les bords et le rouge écarlate à points blancs qui servait décoration murale, la dame de l’accueil l’interpela depuis son comptoir.

- Puis-je vous aider, monsieur ?

Il s’approcha d’un air timide, comprenant qu’il dérangeait au vu de l’air intimidant des trois Pokémon qui lui faisaient face.

- (Reptincel) Oui, bonjour, euh… je… je suis bien au soixante-dix-huit rue Saint-Nymphali… ?

- Avenue. C’est une avenue, pas une rue.

- (Reptincel) Pardon, oui…

- Et donc ? Avez-vous une réservation ?

- (Reptincel) On m’a dit de venir ici à pile. Euh… je suis un peu en retard, du coup, mais…

- Alors vous pouvez faire demi-tour, qui que vous soyez.

Clama-t-elle en lui coupant la parole, tout en feuilletant une liste. Le jeune adulte fronça les sourcils.

- (Reptincel) … Pardon ?

- Si vous n’êtes pas capable d’arriver à l’heure, alors vous ne méritez pas son attention. Reptincel, c’est ça ? L’ancre de mon stylo a déjà eu le temps de sécher, tellement vous avez tardé. Recontactez la si vous souhaitez reprendre rendez-vous, même si il n’y a aucune chance que l’on vous en redonne une.

- (Reptincel) Mais… ?

- Partez, maintenant.

Les gardes commencèrent à approcher. Il allait se faire dégager, alors il recula de lui-même. Ce fut brusque, beaucoup trop brusque. Mais visiblement, plus personne n’avait envie de le considérer. Alors il s’apprêta à sortir d’ici pour de bon… jusqu’à ce que sa douce voix n’intervienne :

- Reptincel… ?

Elle n’avait pas changé. Enfin si, bien sûr que si. De tous les anciens membres de la Dream Team, ce fut même celle qui évolua le plus. Mais cette intonation sincère, apaisante et déterminée, ce fut exactement la même que lorsqu’ils s’étaient quittés, sur ce navire médical amarré au continent Sud, il y a trois ans.

Il se retourna avant d’écarquiller les yeux, la distinguant enfin au sommet des escaliers. Tous les regards étaient fixés sur elle, toutes les mâchoires étaient étirées, mais pas pour les mêmes raisons.

- Madame !? Que nous vaut cette visite… ?

- Je suis venue l’accueillir moi-même, ma chère Charibari.

Répondit-elle tranquillement, tout en commençant à descendre les marches. Sa robe rouge cachait ses chaussures à talons, mais le bruit de chacun de ses pas dominait la pièce. Sa peau était toujours aussi verte, son regard toujours aussi amical.

- Madame, vous ne devriez pas l’approcher !

- C’est bon, du calme. C’est un ami.

Elle arriva à son niveau. Elle faisait sa taille, désormais. En fait, elle était même plus grande : non seulement sa chevelure s’était agrandie et solidifiée vers les cieux mais, par-dessous tout, sa nouvelle apparence n’avait pas changé sa posture de quadripède. Son cou s’était allongé, le reste de son corps musclé. Oui, elle avait évolué, elle avait grandi. Voilà pourquoi il était bouche bée, immobile d’un air perplexe face à elle.

- (Reptincel) … Germignon… ?

- Ce sera Macronium, désormais. Bienvenue parmi-nous, Reptincel, et joyeux anniversaire !

Le silence pesa quelques instants, avant qu’ils ne se sautent dans les bras de l’autre. La voir dans cette situation, dans cette posture, dans cette tenue… tout cela le rassura énormément. Les trois autres furent sous le choc, ils semblaient ne jamais avoir vu une telle complicité en public de la part de celle qui, aujourd’hui, animait leur vie. La minute d’après, tous deux étaient enfermés entre quatre murs. C’était étroit, tandis que tout un tas de miroirs reflétaient leurs uniques présences.

- (Macronium) … Sacré silence, pour des retrouvailles.

- (Reptincel) … Que faisons-nous ici ?

- (Macronium) C’est un ascenseur, tête de Passerouge. T’imagines, si je devais monter et descendre quarante-huit étages plusieurs fois par jour ? Crois-moi, si tu n’es pas à l’aise dans celui-là, alors tu ne le seras dans aucun autre.

- (Reptincel) Oui, je crois comprendre que tu as plutôt bien réussi ton parcours.

- (Macronium) Sans vouloir me vanter, c’est un sacré euphémisme, ah ah ! Oui, j’ai décollé à un niveau astronomique, par rapport à mes ambitions d’origines. Il y a trois ans, je débarquai en ville avec l’ambition de me faire un nom, en espérant que le fait d’avoir sauvé le monde puisse aider. Si j’avais su…

- (Reptincel) … Que ça t’aurait aidé à ce point ?

- (Macronium) Hum… non, pas tant que ça, finalement. Au début surtout, mais aujourd’hui tout le monde s’en fiche. Ils me connaissent sous le nom de celle qui a évolué en plein concert, pas en tant qu’ancienne membre de la guilde d’exploration.

- (Reptincel) Wow, ça devait être impressionnant… !

- (Macronium) Une grande première. C’était la première fois que j’étais en tête d’affiche de tous les médias du monde, la première fois que l’on me détachait de cette fichue photo…

- (Reptincel) … Celle de votre retour du continent Sud ? Oui, je l’ai vu.

- (Macronium) On venait de pleurer une nouvelle fois la mort de Massko, on était couvert de bandages, on était au fond du gouffre. Je hais cette photo parce qu’elle représente à la perfection ce que je déteste le plus dans cette société : leur foutu égoïsme ! Ils se fichaient de notre état, ils voulaient juste une tête d’affiche alléchante. Et toi… tu n’étais pas dessus.

- (Reptincel) Ça ne change rien.

- (Macronium) Si, bien sûr que si. Deux héros manquaient à l’appel. Un décédé au combat, et un chef d’équipe isolé du reste du monde pour sa prétendue sécurité. La vérité, c’est que tu l’aurais rendu bien plus sûr en venant avec nous, Reptincel. Loliloville est une ville crasseuse, et elle a besoin d’être nettoyée.

- (Reptincel) Euh…

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent avant qu’il ne puisse rétorquer, mais il trouvait ses paroles rudes. Ils traversèrent un long couloir avant que la star n’ouvre la seule porte des lieux et qui donnait sur son appartement. Reptincel la traversa après elle, éparpillant à nouveau son regard partout dans ce gigantesque espace qui ne représentait qu’une pièce.

Le plafond était à sept mètres du sol. Un porte-mentaux en marbre se trouvait à sa droite. Devant lui s’étalaient trois marches de la même matière le faisant atterrir sur du parquet luisant. Un grand tapis régnait au centre de ce qui semblait être le salon, au vu des deux gigantesques canapés, fauteuils, table basse en verre et titanesque télévision accrochée au mur. Le tout était illuminé par une grande baie vitrée donnant vue sur la ville depuis le quarante-huitième étage. La cuisine se trouvait à côté, directement ouverte sur le salon avec tout un tas de meubles blancs et au visuel futuriste. Le reste semblait donner sur une partie tout aussi grande, mais le type feu n’osa s’y approcher. Comme Macronium s’avança vers la cuisine, il la suivit d’un air timide.

- (Macronium) Alors ? Pas mal, hein ?

- (Reptincel) Tu vis ici… ?

- (Macronium) En colloque avec Croc. Il ne faut pas abuser, à quoi me serviraient les trois chambres si nous n’étions pas deux ?

- (Crocrodil) Meuf, la présidente de Melœtta t’a rappelé !

Exclama en accourant depuis l’une des chambres ce fameux « Croc » sur lequel Reptincel pouvait enfin poser un regard. Un Pokémon écailleux bleu avec une crète rouge, certainement pour le style. Sa mâchoire était épaisse, sa voix assurée. Il portait un peignoir, des chaussons à son effigie et des lunettes de soleil qu’il releva en apercevant la flamme scintillante du type feu.

- (Crocrodil) Oh, alors c’est à ça qu’tu ressembles ?

- (Reptincel) Ravi de vous rencontrer également…

- (Macronium) C’est une blague ? Vous vous connaissez déjà, les mecs, vous viviez dans le même village pendant une année.

- (Crocrodil) Ok, cool, mais ça ne répond pas à ma non-question !

- (Macronium) Qu’est-ce qu’elle veut ?

- (Crocrodil) Des reshoots avant seize-heure, si possible.

- (Macronium) *soupir* Très bien, mais elle a intérêt à compter mes heures sup !

- (Crocrodil) Évidemment !

Il retourna dans son espace privé, le sourire aux lèvres tout en se préparant à rappeler madame qui qu’elle soit.

- (Macronium) Bon. J’aurai adoré passer la journée avec toi, mais le devoir m’appelle !

- (Reptincel) Déjà… ?

- (Macronium) Bah ! Je peux bien t’accorder cinq minutes, le temps de récupérer mes affaires.

Clama-t-elle, en commençant à circuler entre les placards et pièces de l’appartement. Son ami la suivit en encombrant le moins possible, désormais plus pressé qu’il aurait aimé l’être.

- (Reptincel) J’ai tellement de questions, euh… est-ce que tout va bien ?

- (Macronium) J’ai l’air d’aller mal ? La situation est à mon avantage, aujourd’hui, ça c’est sûr !

- (Reptincel) J’ai cru comprendre que tu te faisais harceler ?

- (Macronium) Normal, c’est le prix à payer pour toutes les têtes d’affiches comme moi. Mais la plupart de ceux qui m’envoient des messages désobligeants ne sont que des écoliers qui préfèrent emmerder plutôt que de s’assurer un avenir, alors rien de bien difficile à supporter.

- (Reptincel) Ok, très bien… je suppose. Et ton téléphone ? Pourquoi tu le laisse à ton partenaire ?

- (Macronium) Parce que nous n’avons pas le même emploi du temps, tout bêtement.

- (Reptincel) Je vois… euh… et les autres ?

- (Macronium) Qui ça ?

- (Reptincel) Raichu, Carabaffe, Lucario. Tout va bien avec eux ?

- (Macronium) Raichu ? Alors il a enfin posé une patte sur une pierre foudre ? M’enfin, disons que je ne vois pas comment les choses auraient pu être différentes. C’était stupide de croire que nous pourrions facilement garder contact alors que nous nous séparions aux quatre coins de la ville pour emprunter quatre voies discordantes. Pik… enfin Raichu perd son temps et risque bêtement sa vie dans les quartiers pauvres, Lucario est tout autant débordé que moi et Carabaffe… n’est qu’un lâche !

- (Reptincel) Qu… ? Attends, attends attends attends… !

- (Macronium) Oui, j’ai cassé avec Carabaffe. Lui qui me trouvait impressionnante parce que je voulais obtenir un diplôme à la guilde pour avoir le droit d’agir quand l’injustice régnait, il s’est soudainement dégonflé quand il a compris que je risquais ma vie chaque jour en essayant d’arranger les choses !

- (Reptincel) Non, je m’en tape de ça ! Qu’est-ce que tu as dit sur Raichu… ?

- (Macronium) Hein ? Euh… bah qu’il se perdait de vue dans les quartiers pauvres.

- (Reptincel) C’est ce que tu penses de ces quartiers ? Bons qu’à n’engloutir les bonnes personnes ?

- (Macronium) Bah oui, évidemment ! C’est de là que viennent toutes les raclures de hors-la-loi, et PERSONNE ne fait rien pour les empêcher de détruire l’autre partie de la ville ! Alors quand j’ai le temps et parce que je sais que les explorateurs d’ici ne sont que des bons à rien, je m’occupe du travail à leur place.

- (Reptincel) Tu… tu te rends compte de ce que tu dis ?

- (Macronium) Parfaitement, oui. Écoute, Reptincel… ne le prends pas mal, mais je ne pense pas avoir de leçon à recevoir de quelqu’un qui, visiblement, n’est ici que depuis peu. Bon !

Elle enfila son sac à main sur cette exclamation.

- (Macronium) Une dernière question ?

- (Reptincel) … As-tu des numéros à me passer ? Celui de Ptyranidur, par exemple ?

- (Macronium) Non, j’ai autant de nouvelles que toi à son sujet, ou à celui de son équipe d’une manière générale. Mais je peux te donner celui de Lucario, même si tu n’arriveras certainement pas à le décrocher de son atelier.

- (Reptincel) Je prends quand même.

Il enregistra donc son numéro, avant que Macronium ne le dirige vers la sortie.

- (Macronium) C’était un plaisir, Reptincel ! Si j’ai le temps, je t’inviterai à dîner. Je suis sûr que tu tomberais sous le charme de l’humour de Croc ! Ah, et on n’est pas ensemble, hein, ne crois pas ce que disent les médias ! Bon, salut !

Elle claqua la porte en s’auto-coupant presque la parole. Reptincel se retrouva à nouveau seul, mais cette fois, le silence l’apaisa plus qu’autre chose. Encore une fois, il devait prendre le temps de digérer l’information. Et plus il y pensa, plus ce que son amie d’enfance pensait des quartiers pauvres l’angoissa. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Tous ceux qui s’y trouvaient étaient mal intentionnés ? Il ne connaissait pas suffisamment Limaspeed pour avoir un contre-exemple, mais il n’en avait besoin pour savoir que ce genre de généralité était toujours foireuse.

En sortant de l’ascenseur, les deux gardes du corps et la dame de l’accueil le regardaient différemment. Il n’en tint pas rigueur et quitta le building en sortant son téléphone. Comme prévu, Lucario ne décrocha pas. Il laissa cependant un message et, la minute d’après, c’est son téléphone qui sonna :

- (Lucario) Reptincel !?

Cria-t-il de l’autre côté du fil. Sa voix était différente… enfin non, ce fut exactement la même, mais son intonation différait. Il paraissait excité, enjoué et motivé. Reptincel en soupira, rassuré de le savoir changé par rapport à leur dernière conversation, il y a trois ans. Après tout, le meilleur ami de Massko fut de loin le plus bouleversé par sa mort.

- (Reptincel) Comment vas-tu, Lucario ?

- (Lucario) J’hallucine, c’est vraiment toi ! Incroyable, il faut que tu passes me voir au labo !

- (Reptincel) Quoi ?

- (Lucario) T’es dispo ce midi ?

- (Reptincel) Euh… ouais… ?

- (Lucario) Super !! On se retrouve au douze rue Rigaudon-Roussil !

- Hé, lâche ce téléphone, toi !

- (Lucario) Je dois te laisser, à tout de suite… !

Et il raccrocha avant que son ami ne rétorque, mais il commençait à avoir l’habitude. Il avait la rue, mais pas sa position. Et se doutant qu’il n’avait le temps de rentrer au bar pour se renseigner, il dut demander à des passants son chemin. Ce fut long et calamiteux, la plupart des citoyens le rejetaient, l’esquivaient ou lui indiquaient la voie sur environ quinze mètres. Mais il y parvint finalement. Midi passé, il entra dans ce qui semblait être le plus grand laboratoire de la ville, si l’on en croyait les inscriptions murales. Le hall était beaucoup plus large, mais beaucoup plus gris que chez Macronium. Beaucoup de Pokémon à blouses blanches couraient dans tous les sens, tandis que les écrans accrochés aux murs passaient en boucle les derniers exploits de l’entreprise.

En voulant emprunter les escalators, un garde du corps l’arrêta et lui demanda de s’identifier. Il tenta de faire passer son rendez-vous pour une excuse, mais se douta que Lucario n’avait pas l’autorisation de le faire entrer. Et ça ne manqua pas : il se fit recaler. Alors il recula et attendit devant la sortie. Moins de cinq minutes plus tard, de forts bruits métalliques se firent entendre depuis l’étage.

- (Lucario) Pardon… ! Excusez-moi… !!

Il reconnaissait sa voix entre mille. Reptincel le laissa arriver, sans s’attendre à ce qu’il bondisse soudainement jusqu’au plafond. Il écarquilla les yeux, alors que les employés d’ici ne firent que soupirer d’ennui, avant de simplement s’écarter pour le laisser atterrir au centre du hall.

*BOUM*

Les environs tremblèrent à son atterrissage. Mais personne ne paniqua, quelqu’un fit même une remarque sur un stagiaire qui aurait « recommencé ses bricoles enfantines ». Ce stagiaire, il se redressa avec une mine d’acier, soit la même matière avec laquelle fut construite ses grandes bottes fumantes et avec lesquelles il avait pu atterrir d’une dizaine de mètres sans se blesser le moins du monde. Ce stagiaire, c’était Lucario :

- (Lucario) Salut, Reptincel !!

- (Reptincel) Lucario… !? Qu’est-ce que c’est que ça ?

- (Lucario) Des bottes en acier inoxydable et qui fonctionnent à l’électricité pour notamment se propulser jusqu’à quinze mètres de hauteur ! Sinon, tu peux les appeler les « bottes L », vu que c’est mon invention, ah ah ! Bref, bienvenue à Loliloville, mon ami ! Suis-moi, j’ai tout plein de trucs à te montrer !!

Aussi surexcité qu’il fût, il convainquit rapidement qui que ce soit de laisser passer le type feu jusqu’à ses compartiments, là où il travaillait ardument depuis ces trois dernières années. Il y avait aussi des ascenseurs, mais le scientifique privilégiait les escaliers pour encore et toujours faire des tests sur son invention.

- (Reptincel) Attention, c’est dangereux… !

- (Lucario) T’inquiète !

Il sauta plusieurs marches d’un coup pour toujours atterrir pile au bord.

- (Lucario) Alors, comment se passe ta découverte de la meilleure ville au monde ?

- (Reptincel) Disons que… nous sommes tous les deux dans deux mondes différents.

- (Lucario) Tu dis ça dans quel sens ?

- (Reptincel) Tu as l’air épanoui.

- (Lucario) Bah comme tout le monde, non ?

- (Reptincel) … Tu es sérieux ?

Ils arrivèrent au dernier étage de la tour. La porte se trouvait juste à côté des escaliers, mais avant de l’ouvrir, quelqu’un la poussa brusquement depuis l’autre côté. Lucario se la prit de plein fouet et commença à tomber en arrière, prêt à débouler toutes les marches ardument grimpées avec son engin. Bienheureusement, Reptincel le rattrapa sans difficulté, s’étant douté pendant toute la montée des risques encourus par son ami.

- (Lucario) Fiou… ! Merci !

- (Reptincel) Je t’ai demandé de faire attention !

- Ah, Lucario !

Les deux regards se tournèrent vers celui qui avait brutalement ouvert la porte. Il leur faisait face, il les dominait en se trouvant au sommet des escaliers. Violet de fourrure, ses grands yeux ronds et son sourire enfantin pouvaient laisser penser qu’il était agréable. Hélas, c’est en rangeant un carnet dans l’une des poches de sa blouse avec l’une de ses deux grandes queues – dont l’embout ressemblent à des mains – qu’il nia l’accident qu’il avait presque provoqué en changeant de sujet.

- Je vous cherchai, justement. Puis-je savoir où vous avez volé le matériel nécessaire à la conception de votre babiole ?

- (Lucario) Euh… j’ai pris ce qui se trouvait dans vos bacs, mais… !

- C’est bien ce qu’il me semblait. J’en informerai l’administration.

- (Lucario) Monsieur Capidextre… !

- (Capidextre) Je ne veux rien savoir. Encore une fois, vous mettez votre gérant dans un sacré bordel, mon jeune ami. La prochaine fois, peut-être devrais-je demander l’exclusion définitive de vos travaux… et par conséquent de vos présences au sein de ce laboratoire qui a déjà bien souffert de votre image. Sur ce, agréable jour… !

- (Reptincel) Et pardon, c’est trop demandé !?

Interrompit le type feu, en comprenant qu’il n’allait pas s’excuser. Lucario ferma les yeux par gêne, tandis que l’autre scientifique commença à descendre les escaliers en ricanant hautainement.

- (Capidextre) Qui es-tu, toi ?

C’était une question rhétorique : il s’en moquait royalement. Il s’en alla sur ces mots, alors que les deux amis passèrent enfin cette fichue porte. Reptincel la ferma, avant de se tourner vers le grand open-space que représentait la nouvelle vie du scientifique. Des baies vitrées en plastique séparaient les différents espaces. À l’extérieur ne se trouvait qu’un grand couloir propre. De l’autre côté, en revanche, c’était un bazar sans nom. Des bureaux au sol, tout était recouverts de babioles métalliques, de plans et de machines en constructions.

Lucario le mena jusqu’à son compartiment, où il lui présenta à celui qui l’avait fait décoller dans ce milieu.

- (Lucario) Monsieur Chapignon, le voilà !

Le grand scientifique bipède vert à la tête de champignon se retourna, un tournevis en bouche.

- (Chapignon) Chalut toi !

- (Reptincel) Monsieur Chapignon.

Il s’approcha pour lui serrer les griffes.

- (Reptincel) Je ne pense pas que nous nous soyons déjà rencontrés, mais Lucario m’a énormément parlé de vous.

- (Chapignon) *crache* De toi également ! Tu n’imagines pas son euphorie, quand il a su que tu étais en ville !

De son côté, Lucario ferma la porte avant d’avancer en se tripotant le museau avec un mouchoir. Il essuya du sang.

- (Chapignon) Mauvaise utilisation des bottes L ?

- (Lucario) Non, Capidextre m’a fait me prendre la porte.

- (Chapignon) Celle de l’étage ? Ouille, elle est blindée.

- (Lucario) Monsieur, pourquoi ne pas m’avoir prévenu que je me servais dans ses caisses ?

- (Chapignon) Ce n’est pas à lui, à ce que je sache. Tous les employés assignés à cette salle ont le droit de se servir.

- (Lucario) Ce n’est pas ce qu’il est parti dire à l’administration…

- (Chapignon) Pfff… quelle pourriture ! La vérité est qu’il est jaloux de l’inévitable ombre qu’on lui fait ! Ses heures de gloire sont passées, mais il est incapable de – lui – passer à autre chose !

- (Reptincel) Pourquoi tu te laisses faire ? Lucario, si je peux faire quelque chose…

- (Lucario) Non, je ne cherche pas à créer de problèmes. C’est un con, mais il est reconnu à raison. Je le respecterai énormément, si il ne m’avait pas pris pour cible depuis mon arrivée dans l’entreprise.

- (Reptincel) Pourquoi ?

- (Lucario) Parce qu’un stagiaire n’a rien à faire ici, je suppose.

- (Chapignon) Oui, enfin c’est surtout parce qu’il sait que tu es explorateur.

- (Lucario) Je ne suis pas explorateur.

- (Chapignon) Tu as le diplôme, c’est tout comme.

- (Reptincel) Il a dû l’apprendre en même temps que tout le monde, lorsque les médias ont parlé de l’exploit de la guilde il y a trois ans, pas vrai ? Tu devrais être traité en héros. Superbe récompense.

- (Chapignon) Je crois que sa rancœur du domaine dépasse vos exploits. En d’autres termes, vous n’y pouvez rien. La meilleure chose à faire est de passer à autre chose, au moins, ça te forge à cet avenir professionnel. Même le monde scientifique est bordé de compétition malsaine.

- (Lucario) Hum…

Marmonna-t-il, en déposant les bottes L dans un coin de la pièce. Alors que Chapignon continuait ardument l’assemblage d’un prototype, Reptincel observa tranquillement tous les projets et plans sur lesquels travaillait son ami : des nouveaux modèles de portières et rétroviseurs pour automobiles, une version améliorée de l’arme à projectiles explosifs qu’il avait utilisé lors de la GRT ainsi qu’un petit bouton métallique. Il s’immobilisa devant ce dernier engin.

- (Lucario) Ça te rappelle quelque chose ?

- (Reptincel) … Comment oublier ?

- (Lucario) Tu sais, la guerre que Noctunoir a déclaré à notre monde n’était pas spécialement une mauvaise chose. Nous avons eu des pertes, mais c’est agréable de se consoler en comprenant que le prix en valait peut-être le coût.

- (Reptincel) Une vie Pokémon au profit de vulgaires engins ?

- (Lucario) Ils représentent notre avenir, Reptincel. Bientôt et grâce à ce que l’on a récupéré de cette bataille, notre monde arrivera à entrer en contact avec le Multivers ! On prendra l’ascendant sur l’avantage technique ; plus jamais nous ne serons largués face aux connaissances d’une menace Multiverselle. Massko n’est pas mort en vain. Au contraire, je suis persuadé que tout ce qu’il a fait permettra un jour de sauver des millions de vies.

- (Reptincel) C’est déjà le cas.

- (Lucario) Oui, pas faux… *soupir* Bon, et toi, alors ? Qu’est-ce que tu deviens ?

- (Reptincel) Un citoyen, je suppose. Je ne sais pas encore où me placer.

- (Lucario) Entre quoi et quoi ?

- (Reptincel) … Qu’est-ce qu’un quartier pauvre ?

Lucario leva un sourcil.

- (Lucario) Bah… un quartier dans lequel vivent des Pokémon qui n’ont pas les moyens d’être ailleurs.

- (Reptincel) Combien y en a-t-il ?

- (Lucario) Un peu plus d’un quart de la ville est dans cet état. Je dirai que ça s’est empiré il y a cinq ans.

- (Reptincel) Est-ce que tu penses que seuls des Pokémon mal intentionnés y vivent ?

- (Lucario) Non. Enfin… non.

- (Reptincel) Tu hésites ?

- (Lucario) C’est compliqué. Pourquoi toutes ces questions ?

- (Reptincel) Parce que ce sujet est au centre de ma désillusion. Celle qui me fait répugner Loliloville. Celle qui me fait regretter d’être venu. Celle qui chaque jour détruit toujours un peu plus la vision que je me faisais de ce monde.

- (Lucario) Mais enfin, de quoi parles-tu ?

- (Reptincel) Raichu… depuis combien de temps tu lui as parlé ?

- (Lucario) Raichu ? Tu veux dire que Pikachu a évolué !? Incroyable !

Reptincel le fixa avec de gros yeux.

- (Lucario) Quoi ? On s’est parlé il y a moins d’une semaine, figure-toi. Fallait bien un moyen de transport pour te ramener ici.

- (Reptincel) Et avant ça ?

- (Lucario) Hum… au moins plus d’un an.

- (Reptincel) Et ça ne te dérange pas !? Tu ne te demandes pas ce qu’il est devenu ?

- (Lucario) Bah non, chacun vit sa vie de son côté. Ma tête est soit plongée dans mes cours, soit dans mes projets au labo. Je suis surchargé, je n’ai pas le temps d’entretenir des relations sociales. Je veux dire, tout le monde le sait, à la fac, c’est pour ça que personne ne cherche à sympathiser.

- (Reptincel) Lucario…

- (Lucario) Je suppose qu’il a rencontré des difficultés, mais c’est normal. On ne peut pas toujours l’épauler, il doit aussi apprendre à se débrouiller tout seul. Regarde Carabaffe, son nom est apparu dans la moitié des équipes de la ville, ce n’est pas une preuve de réussite ? Et Macronium, c’est l’une des guitaristes les plus connue du monde, elle croule sous l’or ! Si ils s’en sortent, alors pas la peine de chercher à leur parler !

- (Reptincel) … C’est ça, pour toi, une relation amicale ?

- (Lucario) Je préfère penser que c’est une économie de temps. Encore une fois, nous sommes adultes, désormais. Tu dois savoir te débrouiller seul parce qu’à Loliloville, c’est tout ou rien.

- (Reptincel) … Raichu travaille dans un bar.

- (Lucario) Bah c’est super, c’est ce qu’il voulait !

- (Reptincel) Dans un quartier pauvre.

- (Lucario) Ah… ! J’imagine qu’il s’est fait refuser partout ailleurs…

- (Reptincel) Il sert tellement de hors-la-loi, ça me rend fou… ! Comment peut-il tant avoir changé que cela, à quel point Loliloville le force à survivre pour autant bafouer ses principes ?

- (Lucario) Il a dû se convaincre de le faire pour une bonne raison, quelle qu’elle soit. Tu vois, c’est pour ça que je ne sais pas vraiment comment te définir les quartiers pauvres. Les hors-la-loi viennent de là, c’est prouvé. Mais il y a des gens comme lui, des Pokémon qui n’ont demandé qu’à gagner de l’argent et qui tombent dedans parce qu’ils n’ont que là où aller pour en trouver ; ceux-là, qu’ont-ils fait de mal ?

- (Reptincel) Certains pensent qu’ils ne valent rien quand même.

- (Lucario) Je les comprends. Pour survivre, ils sont bien obligés de commercer avec les autres résidents de ces quartiers délabrés. Et tout cet argent qui transite… mieux vaut fermer les yeux sur sa provenance d’origine. En persistant dans leur pauvreté, ils alimentent la criminalité. Et comme les explorateurs ne feront jamais rien là-bas, ils persévèrent et ne font que l’augmenter.

- (Reptincel) … Ce n’est pas ce que je voulais.

Clama-t-il en baissant la tête.

- (Lucario) Quoi ?

- (Reptincel) Ce n’est pas la première chose que je voulais constater, en arrivant ici. Ce n’est pas ce que je voulais entendre de la ville qui, pendant toutes ces années, m’a fait rêver un monde parfait. Tout ce que j’ai toujours voulu, c’était régler les injustices, protéger les victimes et devenir un explorateur exemplaire ! Mais à Loliloville, un explorateur est un hypocrite qui se contente de sourire à la caméra pour faire rêver les villageois ignorants, comme moi. Et je ne veux pas devenir comme ça…

Il ferma les poings.

- (Reptincel) Si tu considères un pauvre qui se voit forcé de faire ses courses dans ses quartiers par manque d’argent comme un hors-la-loi, alors oui, les quartiers pauvres sont peut-être des nids à voyous. Mais tout ça, c’est la faute des explorateurs ! Si personne n’opère là-bas, alors évidemment que c’est leur faute !

- (Lucario) Mets-toi à leur place…

- (Reptincel) C’est ce que je vais faire, oui !

Exclama-t-il en relevant la tête, un poing en avant.

- (Reptincel) Si je veux vraiment régler les injustices, si je veux vraiment protéger de vraies victimes, si je veux vraiment… être explorateur, c’est là-bas que je dois aller !

Lucario écarquilla les yeux, avant de se les couvrir d’une main qui doucement commença à trembler.

- (Lucario) J’espère que tu rigoles, là ?

- (Reptincel) Tu sais très bien que non.

- (Lucario) Arrête ! C’est beaucoup trop dangereux pour un explorateur d’aller ne serait-ce que patrouiller là-bas ! Certains ont déjà essayés, tous se sont fait tuer sans que jamais les coupables ne soient retrouvés ! Des équipes entières se sont fait massacrer, alors un seul Pokémon… ! Tu n’as aucune chance, Reptincel !

- (Reptincel) Pas si j’arrive à me créer une notoriété, pas si j’arrive à me faire respecter des autres explorateurs !

- (Lucario) Et comment comptes-tu t’y prendre !? Tu comprends bien que…

- (Reptincel) Le Test RS !

- (Lucario) … Pardon !?

- (Reptincel) Si je le gagne, si j’arrive à intégrer la meilleure et plus influente équipe au monde, alors on me respectera !

- (Lucario) Non, c’est de la folie… !

- (Reptincel) Lucario, n’importe quel explorateur sensé devrait profiter de ce genre d’occasion pour faire ça !

- (Lucario) Ouais, c’est pour ça que PERSONNE ne le fera !

- (Reptincel) Si, parce que je gagnerai !

- (Lucario) Et si ce n’est pas le cas !? Et si tu échoues à ce test qui, je te le précise, regroupera les plus grands prodiges du domaine prêts à tout pour accéder au sommet ? Qu’est-ce que tu feras, exactement !?

- (Reptincel) … J’irai seul.

- (Lucario) TU TE FERAS TUER !!!

- (Reptincel) Au moins, j’aurai essayé.

- (Lucario) Pfff… !

Le scientifique se retourna, l’air tout aussi enragé que désespéré.

- (Lucario) Tu sais quoi ? Laisse-tomber ! Personne ne l’a jamais fait, à ce stade, c’est une question d’instinct de survie. Tu t’emballes, mais tu n’oseras jamais faire quoique ce soit pour ces gens. Le jour où tu comprendras que ce n’est pas ta faute mais celle de la société, alors tu comprendras mon point de vue !

- (Reptincel) Lucario, tout ce que je veux, c’est…

- (Lucario) Non, c’est bon, j’en ai assez entendu ! Il faut que j’aille travailler, maintenant. Je sais à quel point t’es têtu, en fait, je dirai plutôt que je ne sais pas comment te persuader de ne pas le faire. Mais sache que si tu te fais tuer la semaine prochaine… je n’aurai pas le courage d’aller à ton enterrement.

Il posa ses mains sur son plan de travail, dos tourné à celui qui lui faisait crisper les dents.

- (Lucario) Faut vraiment être égoïste, pour être prêt à nous faire subir ça à nouveau…

Voilà ce qu’il marmonna, avant de reprendre le travail. Chapignon était à côté, il avait tout entendu mais ne voulait intervenir. Reptincel fixa une dernière fois son ami, avant de se tourner vers la sortie d’un air navré.

- (Reptincel) Aurevoir, monsieur Chapignon. Aurevoir, Lucario.

Et il quitta finalement le laboratoire. Il rentra au bar Limaspeed et passa le reste de la journée à se renseigner sur le Test RS. Il n’avait aucune idée du niveau moyen qui se présenterait à l’examen, mais étant un concours ouvert à tout le monde sans restriction, il devait s’attendre à tout. Nouveaux explorateurs comme anciens déjà bien installés. Lui n’avait que cinq ans d’expériences, mais cinq années comme personne ne les avait vécus.

Il prit donc confiance en lui et se motiva pour le jour J, il en avait besoin.

La lune se leva, lorsque le bar commença à se remplir. Comme il n’avait rien à faire, il aida comme il put Limaspeed et Raichu pour le service du soir. Tout se passa globalement très bien, à l’exception des inévitables dégueulades qu’il nettoya rapidement pour ne pas faire fuir les nouveaux clients. Mais en fin de soirée, alors qu’il fut chargé de sortir les poubelles, il entendit dans tout ce calme un souffle. Un souffle qui s’accentuait, qui s’approchait et qui s’affala à l’intersection d’à côté. Il fouilla du regard les alentours, avant de discrètement s’avancer vers ce fameux souffle.

- Bah alors, on n’peut plus courir ?

- Non… ! *souffle* Laissez-moi tranquille, pitié !

- J’veux juste voir c’que t’as dans ton sac, allez, sois sympa !

- Arrêtez, c’est tout ce qu’il me reste !

- Ça tombe bien, c’est tout ce dont j’ai besoin !

- (Reptincel) Un problème ?

Demanda-t-il strictement, en arrivant face à la scène. La victime était une jeune femme verte, couverte de sa propre feuille, à la taille ridicule et au regard tétanisé. Son interlocuteur était beaucoup plus grand, beaucoup plus musclé.

- Mêle-toi de tes affaires, ducon !

- (Reptincel) Madame, est-ce que vous avez besoin d’aide ?

Elle le regardait d’un air perdu. Évidemment, qu’elle avait besoin d’aide, et elle le lui prouva en bondissant se cacher derrière ses jambes. Elle tremblait sans dire le moindre mot, cette situation lui paraissait improbable. Au type d’en face aussi, d’ailleurs. Il s’avança en sortant les griffes, prêt à lacérer plus d’une victime s’il le fallait. Et comprenant qu’il ne se fourvoyait pas, le type feu soupira de soulagement.

Ah, oui, et le combat qui suivit… euh, et bien Reptincel assomma d’un coup sec son adversaire avant même qu’il ne tenta quoique ce soit. Voilà, ce fut rapide. Mais le plus important était la victime, qu’il prit soin de débarbouiller avant de la remettre sur pied.

- (Reptincel) Vous allez bien ?

- C’est… vraiment terminé ?

Demanda-t-elle timidement, en fixant du regard le corps inconscient de son agresseur.

- (Reptincel) Vous vivez dans ces quartiers ?

Il répondit par une tout autre question, et elle hocha honteusement la tête.

- (Reptincel) Qu’avez-vous fait ?

- Hein… ? Pourquoi aurais-je fait quoique ce soit ?

- (Reptincel) Bonne réponse.

Il se redressa à son tour, observant avec peine la dégradation des lieux.

- (Reptincel) C’est beaucoup trop facile de vous juger comme les méchants de l’histoire. Je dois vous laisser. Bonne soirée.

Il commença à rentrer au bar, mais elle l’interrompit juste avant qu’il n’atteigne l’entrée.

- Attendez… ! Et vous, vous vivez ici ?

- (Reptincel) … Oui.

- Alors pourquoi vous ne faites pas ça plus souvent ? Des types comme lui, y en a des centaines à arrêter !

- (Reptincel) … Est-ce que ça aiderait vraiment ?

- Eh bien… certains pensent que combattre la loi du plus fort ne fera que la renforcer, mais personnellement… ça me rassurerait de savoir que des gens comme vous patrouilles dans nos ruelles.

- (Reptincel) … Merci.

- Du coup, si vous restez… je peux connaître votre nom ?

- (Reptincel) … Reptincel.

- Oh, c’est mignon !

Elle se retourna, prête à rentrer chez elle avec le sourire.

- Couverdure !

Puis s’en alla pour de bon. Le jeune adulte lâcha malgré tout un léger sourire, avant de rentrer dans le bar. Il se sentait mieux, beaucoup mieux par rapport au jour dernier. Raichu avait brisé ses rêves, Macronium horrifié sa vision de la ville et Lucario l’avait démotivé à essayer de faire changer les choses. Aucun de ses amis ne l’avait soutenu, pourtant, il se sentait bien. Parce qu’il venait de se prouver à lui-même qu’il n’était pas idéaliste, que sa vision de Loliloville pouvait exister.

Il s’endormit donc avec une nouvelle motivation : remporter le Test RS pour sauver les quartiers pauvres de Loliloville !

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