Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 49 : L'âge 235 - Dix-huit ans

6115 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/01/2022 21:30

      Les sauvages jouaient sur la plage. Ils pouvaient se le permettre depuis plusieurs années maintenant – pour ne pas dire qu’ils n’avaient d’autres choix – lorsque l’entraînement prenait cette tournure. Une tournure plus mouvementée, digne d’un passionné sur-préparé.

Quelqu’un qui n’affrontait qu’en dernier recours, qui se battait pour en finir et rien d’autre. Quelqu’un qui causait le moins de dommages collatéraux possible, quelqu’un qui n’exprimait plus aucun attachement à l’art du combat, pour en réalité se montrer plus compétent que tous ceux qu’il serait amené à rencontrer sur sa route.

Et croyez-le ou non, mais ce quelqu’un est explorateur.

Oui, un explorateur bercé d’illusions. Parce que ce monde n’est pas idéal.

Pourquoi exercerait-il, sinon ?

Alors c’est entre tous ces arbres, qu’il se positionnait. Silencieux comme à son habitude, il gardait les yeux fermés pour solliciter plus que jamais son ouïe. Son adversaire se déplaçait à toute vitesse, mais il ne s’en inquiéta pas le moindre du monde. Car dès qu’il aperçut une ouverture, il bondit en avant, attrapa une quelconque branche pour la jeter en arrière, là où sa cible pensait le berner.

Il la fit esquiver par surprise et en profita pour contrattaquer selon l’un des trois styles qu’il maîtrisait : celui de l’agressivité. Il lui rentra dedans, le cognant en pleine mâchoire après l’avoir agrippé dans un salto avant, puis de l’écraser dos contre terre pour le bloquer sans qu’il ne puisse riposter.

Hélas, son adversaire n’était pas n’importe qui. Il lui cracha un puissant jet d’eau qui, étant faible à ce type, le força à prendre du recul. Il bondit plusieurs fois jusqu’à une certaine distance, jusqu’à ne plus être perçu. Ce fut à sa cible de l’imiter, désormais. Seule au milieu de tous ces arbres mouvementés, elle devait affiner son ouïe pour le repérer. Mais c’est d’une extrême-rapidité, qu’il sortit de sa cachette pour le surprendre et lui assigner un coup de genou dans le dos. Il la mit à terre grâce au deuxième style qu’il maîtrisait : la furtivité.

Mais ce n’était pas encore terminé. Malgré tout, son adversaire se releva. Alors il se mit en garde et le laissa approcher. Face contre face, il lui laissa l’opportunité d’agir en premier pour esquiver chacun de ses coups. Il ne se faisait même pas frôler, ayant analysé par cœur les mimiques et cheminements de pensées de celui qui, inévitablement, s’était fait surpasser. Alors il l’attrapa dès qu’il vit une ouverture pour définitivement le plaquer à terre, et ce grâce à son propre style : le défensif.

Le silence régna à nouveau, dans les Bois aux Pommes. Les deux personnages s’échangèrent un dernier regard de maître à élève… avant que l’élève tende une main à celui qui lui avait tout appris pour le relever.

- (Amphinobi) … Tu as réussi. Tu m’as surpassé dans les temps.

En guise de réponse, le jeune passionné lui hocha simplement la tête avec le sourire. Sa peau écailleuse rouge avait bronzé, depuis la dernière fois. Il avait gagné au moins cinq centimètres, couvert d’une cape marron usée par le temps et l’entraînement qui lui remontait au-dessus des chevilles. La flamme au bout de sa queue n’avait jamais été aussi étincelante, il était en forme. Et au vu du jour, cela se comprenait.

- (Reptincel) Il devrait bientôt arriver, je dois me préparer.

- (Amphinobi) As-tu le temps d’en planter un dernier ?

Il hésita quelques instants, avant de faire une dernière fois demi-tour vers ce qui fut son lieu de vie pendant ces trois dernières années. Tout ça l’avait changé, il ne pouvait pas s’en aller sans leur rendre une dernière fois hommage.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 49 : Dix-huit ans

 

Une corne de brume se fit entendre au loin, alors qu’il termina de soigneusement recouvrir un petit arbuste de terre. Il avait beau avoir appris par cœur la méthode, cela n’en restait pas moins long et complexe. Mais il y parvint, et se releva tout en s’essuyant les mains d’un air satisfait.

- (Amphinobi) Il est gigantesque.

Reptincel lui tourna un regard perplexe avant que le Pokémon aquatique – accroché telle une araignée pendant à un arbre – se décide à lui pointer du doigt les horizons bleutés du monde.

- (Amphinobi) Je parle de ton moyen de transport. Ton arbuste, je peux t’assurer qu’il prendra son temps pour grandir.

- (Reptincel) Je compte sur vous pour l’aider.

- (Amphinobi) Tu peux. Allez, va ! Le reste du monde t’attend.

Le type feu soupira, avant de s’incliner poliment.

- (Reptincel) Merci pour tout.

Puis de se redresser les poings fermés, prêt à se retourner pour de bon. Plus il avançait, moins les longs arbres de cette grande et paisible forêt verte retenaient le soleil de l’illuminer. Il la quitta pour poser les pieds sur le doux et chaleureux sable de la plage du continent, celle qui bordait une mer dont le bruit des vagues s’échouant l’avait pendant longtemps aidé à s’endormir. Les Pokémon sauvages l’entourant s’enfuirent, apeurés par l’arrivée imminente d’un moyen de transport civil. Non pas un bateau, comme l’imaginait le jeune adulte, mais bel et bien un grand navire métallique, peint de rouge et de blanc et dont le mât n’était pas même percevable de sa hauteur.

Voilà pourquoi les sauvages étaient terrifiés. Reptincel, lui, ne fit qu’en sourire. Il retrouvait déjà le sens de la démesure, propre aux civilisés, mais surtout à son meilleur ami qui avait enfin la chance de pouvoir s’exprimer à sa manière. À peine eut-il le temps d’amarrer, qu’une porte se fit brutalement claquer. Quelqu’un courut sur le plancher, s’appuya sur la rambarde pour bondir jusqu’à lui… ou plutôt sur lui. Reptincel le vit venir et s’inquiéta quant à sa chute, alors il ouvrit les bras, prêt à le recevoir. Et c’est exactement ce qu’il voulait. D’un sourire jusqu’aux oreilles et les larmes aux yeux, son ami couvert d’une toute nouvelle apparence lui afficha toute son attention face à ces fantastiques retrouvailles :

- (Raichu) JOYEUX ANNIVERSAIRE, REPTINCEL !!!

Oui, Raichu. Il avait évolué, et le type feu le comprit immédiatement. Lui qui connaissait sur le bout des griffes toutes les espèces qui l’avaient entouré, il n’avait pas même besoin de lui demander son nom. Bref, ils s’enlacèrent enfin. Non sans se ramasser, certes, mais la sensation du sable rendait les choses encore plus agréables. Tout comme ils se l’étaient promis il y a plus de trois ans maintenant, Raichu revint chercher Reptincel pour le ramener à la civilité.

Le navire redémarra rapidement après, enfin après que tout un tas de sauvages vinrent combler de léchouilles leur ange gardien qui devait, hélas, reprendre le chemin vers son nouvel objectif. Maintenant qu’il était devenu explorateur, il devait agir en tant que tel. Maintenant qu’il avait acquis le titre de héros, il devait devenir le meilleur d’entre eux.

- (Raichu) Bah alors, t’as rien à m’raconter ?

Demanda d’un air goguenard la souris électrique, alors que son ami se maintenait contre le rebord, le regard pensif en direction du continent que l’on ne voyait déjà presque plus. Constatant qu’il ne réagissait que d’un sec mouvement de tête, il s’approcha doucement.

- (Raichu) Trois ans… *soupir* Moi, j’ai l’impression d’avoir vécu une vie entière !

Il s’affala sur la rambarde à ses côtés.

- (Raichu) Une vie pleine de surprises, parfois de déceptions…

Il baissa la tête quelques instants, avant de la relever non sans abandonner ce ton enfantin.

- (Raichu) Mais… ça forge. Aujourd’hui, on est tous les deux adultes. Et… ouais, Loliloville m’a fait me sentir adulte.

Reptincel le regarda droit dans les yeux, avant d’enfin daigner ouvrir la bouche.

- (Reptincel) … Elle te va bien.

- (Raichu) Quoi… ?

- (Reptincel) Cette bouille.

- (Raichu) Ah… ? Euh… merci, ah ah !

Et voilà, il retrouva le sourire en un rien de temps.

- (Raichu) Ouais, c’est vrai que j’ai évolué ! Je m’sens tellement mieux, dans c’corps ! Regarde ce pelage, il est presque orange !

Non, il était jaune foncé.

- (Raichu) Ces patounes et ces oreilles marron, cette queue tellement plus grande avec laquelle j’peux désormais choper tout un tas d’objets, cette corpulence plus imposante et musclée, et puis…

Soudainement, de puissants éclairs se mirent à l’entourer. Il pointa les cieux, avant d’envoyer un redoutable tonnerre qui explosa une fois dans les nuages. Il en rigola, tout en desserrant sa cravate rouge.

- (Raichu) Ah ah ! Mes pouvoirs aussi, ont grandi !

- (Reptincel) Dois-je donc t’appeler Raichu ?

- (Raichu) Évidemment ! J’ai une crédibilité à tenir, là ! Bon, et toi ? Tu comptes arriver devant tout le monde dans cette tenue ?

- (Reptincel) Tout le monde ?

- (Raichu) Un monde que tu connais, ouais. Le navire amarre au port sud du continent Est, alors on passera faire un détour à Bourg-Tranquille. Ensuite, j’t’emmène à Loliloville, mon pote !

- (Reptincel) Entendu.

- (Raichu) Mais avant ça, ce serait bien que tu te nettoies un peu. Suis-moi !

Il le mena en intérieur et lui fit découvrir les spécificités de ce navire « nouvelle génération ».

- (Raichu) Tout est électrique, c’est assez dingue ! Les portes s’ouvrent toutes seules quand tu t’approches, les douches sont hypers modernes et les lits font la taille de nos chambres à la guilde ! J’te laisse deviner pourquoi j’suis pas en train d’piloter l’engin ?

- (Reptincel) Il est capable de nous mener seul à n’importe quelle destination ?

- (Raichu) C’est ça ! Enfin à condition qu’on y entre des coordonnées bizarres, mais ouais ! C’est impressionnant, pas vrai ?

- (Reptincel) Où as-tu déniché ce navire ?

- (Raichu) Ah ah, j’attendais que tu m’le demande ! Lucario m’a négocié un accès anticipé au truc, genre il a fait croire à l’équipe avec laquelle il travaille que j’avais les compétences de « bêta-tester » le prototype. Et c’est passé, quoiqu’ça veuille dire !

- (Reptincel) Lucario a participé à sa conception ? Wow…

- (Raichu) Ah ah, ouais, il a bien réussi, lui ! Les autres aussi, en fait. J’suis tellement content, ils le méritent tous !

- (Reptincel) Et toi ? Tu voulais te reconvertir dans un domaine de soutien et d’aide, si mes souvenirs sont bons.

- (Raichu) Yep, j’bosse dans un bar.

- (Reptincel) … Et alors ?

- (Raichu) Et alors pas grand-chose. Le patron est adorable alors je suis content de l’aider, mais ça s’arrête-là. On vit dans l’bâtiment, y a un étage dédié aux gérants. Tout c’que t’as besoin de savoir est qu’on aura de la place pour toi, alors t’en fais pas.

- (Reptincel) C’est vrai que je n’ai pas pensé au logement. Merci de m’héberger, je vous aiderai dès que je le pourrai.

- (Raichu) Nan, ne t’embête pas avec nos problèmes. T’es explorateur, après tout, t’en auras plus que tout le monde.

- (Reptincel) Oui, mais…

- (Raichu) Oh, en fait, tu penses quoi d’ma tenue !?

Lui demanda-t-il en lui coupant la parole. En le dévisageant de bas en haut, Reptincel ne vit qu’une paire de chaussures luisantes en accord avec un pantalon noir trop serré, une chemise blanche coincée à l’intérieur et retroussée jusqu’aux coudes ainsi qu’une cravate rouge en désordre.

- (Reptincel) Tu fais très… travailleur.

- (Raichu) Tant mieux, parce que j’en ai une pour toi ! Le bas sera peut-être un peu court, j’pensais pas que t’avais grandi à c’point, mais dans tous les cas ce sera mieux que cette cape crasseuse ! Allez, à la douche ! Moi, j’vais t’préparer ta tenue d’adulte !

Sur ces mots, il l’enferma presque dans la salle de bain. Le type feu soupira, avant de se déshabiller pour enfin décrasser correctement ce corps qui le lui suppliait depuis bien longtemps. Et ce fut agréable. L’eau chaude, les savons à l’odeur alléchante, les outils presque chatouilleux pour aider à la tâche ; il retrouva la satisfaction de vivre dans un monde dirigés par les civilisés. En sortant, une épaisse buée traversa tout le couloir avant de se dissiper. Reptincel s’essuya et, dans le quart d’heure qui suivit, remonta à sa surface dans son nouvel accoutrement.

Son pantalon lui remontait effectivement jusqu’aux chevilles, bienheureusement ses chaussettes étaient noires. Sa cravate aussi, tandis qu’il retroussa les manches de sa chemise jusqu’aux bas des épaules. L’autre différence est qu’il récupéra un t-shirt noir à manche courte pour l’enfiler en-dessous de sa chemise, certainement dans l’idée de l’ouvrir quand il se débarrassera de la cravate.

Mais en attendant, Raichu lui apprit à la lier correctement à son cou.

- (Raichu) Voilà ! T’es magnifique, comme ça !

- (Reptincel) C’est vraiment très serré, j’ai dû agrandir le trou pour ma queue…

- (Raichu) Oh, ça va, tu vas t’y faire !

La corne de brume sonna alors.

« Arrivée au port dans dix minutes ! »

Clama une voix robotique. Ce fut la même que celle qui détectait l’emprunte des Pokémon, à l’entrée de la guilde d’exploration. Et elle vit parfaitement juste, malgré les redoutables vagues qui, en ce jour ensoleillé, couvraient le trajet. Le quart d’heure d’après, Raichu signa tout un tas de paperasses. Reptincel n’y comprenait pas grand-chose, si ce n’est que le monde civilisé avait beau être pratique, il ne fallait pas oublier sa partie bordélique. Perdre du temps à signer des feuilles que tu ne lis même pas pour te débarrasser d’un engin qui n’est de toute façon pas à toi, ça le dépassait… étonnamment.

Ils prirent ensuite la route vers le Nord, là où un petit chemin parfois entouré de barrières et très souvent formé de dalles de pierres les dirigeait vers leur destination. Toutes les dix minutes, ils rencontraient une série de panneaux indiquant la direction des différents territoires sauvages. Le type feu s’arrêta devant chacun d’entre eux, l’air parfois un peu trop pensif.

- (Raichu) Tu viens ?

Raichu le sortit de sa bulle, et Reptincel ne s’arrêta plus. Ceci-dit, il devint curieux.

- (Reptincel) … Tout cela a été construit durant ces trois dernières années, pas vrai ?

- (Raichu) Ouais, ça parait dingue. Ça nous aurait bien arrangé d’avoir tout ça à notre époque. Mais aujourd’hui… enfin depuis que la guilde d’exploration a sauvé le monde, les équipes de secours se sont multipliées. Les ch’mins, c’est une idée de notre maire. Il souhaite faciliter l’apprentissage du domaine pour crédibiliser son accessibilité.

- (Reptincel) C’est dommage, ça casse le charme de l’exploration. Tout est tellement plus… linéaire.

- (Raichu) Ouais, mais c’est moins dangereux.

- (Reptincel) Cela fait partie du métier, non ? Pourquoi ne pas plutôt alourdir les critères de création d’une équipe ?

- (Raichu) Tu t’entends parler ? Qu’aurait-fait le Salamèche amnésique de treize ans, s’il n’avait pas eu l’âge de créer la Dream Team ?

- (Reptincel) Je ne suis pas un exemple à suivre. Si j’avais un gosse, je lui interdirais de devenir secouriste avant sa majorité.

- (Raichu) … Ouais, j’pense que moi aussi et… *soupir* ça m’dégoute un peu. Je comprends pourquoi mes parents étaient furax, à l’époque. Bon sang, on prenait tellement de risques, je ne compte pas le nombre de fois où l’on a fini en mauvais état.

- (Reptincel) Tu ne les as pas vu depuis combien de temps ?

- (Raichu) Trois ans. Après la guilde, je suis rentré un week-end le temps de trouver un studio de dispo à Loliloville. C’était rapide, alors je n’ai pas traîné. Depuis, je n’y suis jamais retourné. Certainement… parce que je savais qu’on y reviendrait ensemble, ah ah…

- (Reptincel) Et l’enterrement de Massko ?

- (Raichu) Tu rigoles ? Seul Lucario y a assisté, moi… c’était au-dessus de mes forces.

- (Reptincel) Je comprends…

- (Raichu) Bon… nous voilà arrivé !

Tous deux levèrent la tête vers le grand portail ouvert, avec en son sommet l’inscription : « Bienvenue à Bourg-Tranquille ! ». Ils le traversèrent dans le silence le plus total, avant de soupirer dans cette atmosphère qui les transperça de toute part. Cette ambiance calme accompagnée par ces couleurs joviales, ces grands espaces verts à l’odeur particulière, ces fontaines dont le doux son des ruisseaux détendait l’esprit, cette architecture arrondie si originale et singulière au village…

- (Alakazam) Bienvenue à la maison, vous deux.

Le maire vint lui-même les accueillir. Il était derrière eux, couvert d’épais vêtements qui recouvraient son corps squelettique. Ils supposèrent que ce n’était pas anodin, pour un aussi puissant type psy comme lui, de les sentir approcher à des kilomètres. Reptincel lui tendit une main, sincèrement souriant de retrouver ce vieil homme après tant d’années.

- (Reptincel) Monsieur Alakazam…

- (Alakazam) Monsieur… ? Ai-je tant vieilli que cela ?

- (Reptincel) Vous n’aviez pas de rides, la dernière fois.

Un silence régna, avant qu’il n’explose de rire. Il lui serra la main avec respect, avant d’en faire de même avec Raichu.

- (Alakazam) Navré, c’est assez calme aujourd’hui.

- (Raichu) C’est pour ça qu’on aime le village, ah ah !

- (Alakazam) Et c’est pour cela qu’il t’aime encore plus, mon cher Raichu. Tout semblait si vide, après votre départ. Mais même quand il s’agit d’obtenir un diplôme sur un autre continent, vous faites parler de vous, n’est-ce pas ? Alors, que puis-je faire pour vous, mes chers sauveurs du monde ?

- (Raichu) Moi pas grand-chose, je passais faire coucou à la famille avant d’accompagner monsieur à Loliloville. Mais peut-être que lui veut prendre un peu plus de temps ?

- (Reptincel) Je vais faire un tour, oui.

- (Raichu) Ok, dans ce cas on s’capte dès que t’as envie d’y aller, mec ! À toute !

Et le type électrique s’en alla vers chez lui sur ces mots, les mains dans les poches, l’air décomplexé.

- (Alakazam) … Il n’a pas l’air dans son assiette.

- (Reptincel) Loliloville l’a changé, m’a-t-il dit.

- (Alakazam) Il ne doit pas se laisser abattre, cette ville épuise mais… tu le constateras par toi-même.

- (Reptincel) Je suppose. Comment se porte Bourg-Tranquille ?

Demanda-t-il, en commençant à avancer vers la place du village. Le maire le suivit donc, tout d’abord pensif quant à sa réponse.

- (Alakazam) Ces quatre dernières années furent à la fois calmes et… mouvementées. En tant que nouveau maire depuis des décennies, j’avais beaucoup de choses à mettre en place. Concevoir un système d’informations à échelle nationale fut la première d’entre-elle, et accessoirement celle qui me coûta le plus d’énergie.

- (Reptincel) C’est hallucinant que Rapasdepic ne l’ait jamais fait.

- (Alakazam) Ce n’était pas sa politique. Le fait est que nous fûmes envahis de touristes dans l’année qui suivit. Et pour maintenir la réputation du village, j’ai dû faire des promesses de constructions dans des temps impartis. Des hôtels, restaurants, parcs et boutiques. Il fallait construire et rénover, et pas seulement dans Bourg-Tranquille. Je pense que vous avez fait la découverte des routes civiles, si vous êtes arrivés depuis le port ?

- (Reptincel) C’était donc pour ça.

- (Alakazam) Pour quoi d’autre aurais-je eu le temps de construire tout ce bazar ?

- (Reptincel) Raichu pensait que c’était pour faciliter la tâche des nouveaux secouristes.

- (Alakazam) Non, hélas, je n’ai pas le temps de m’occuper d’eux.

- (Reptincel) Vous comptez renforcer les critères de conception d’une équipe ?

- (Alakazam) J’y songe, mais votre cas me retient.

- (Reptincel) Il ne devrait pas. Nous avons eu de la chance, c’est tout.

- (Alakazam) Ah ah, si ce n’était que ça, ça se saurait !

- (Pifeuil) Boudiou, qu’est-ce que j’vois là !?

Exclama une voix bien familière. Ils venaient d’arriver sur la place, alors que quelques villageois achetaient au marché du jour. Parmi eux se trouvaient Pifeuil, habillé d’une chemise fleurée et d’un short large. Il enleva ses lunettes de soleil après avoir vu son fils, plissant les yeux quelques instants… avant de lui bondir dessus à bras ouverts.

- (Pifeuil) Mon grand, bienvenue à la maison, ah ah !

- (Reptincel) Bonjour, Pifeuil.

Ce dernier l’enlaça chaleureusement en retour. Il se montrait rassuré de le voir en forme et détendu, grandement rassuré. Le père, lui, tripota ce visage nouveau d’un air impressionné.

- (Pifeuil) Alors c’est Reptincel, maintenant, hein ? Bon sang, qu’est-ce que t’as grandi !

- (Alakazam) Il vous a dépassé, en réalité.

- (Pifeuil) Hé, doucement ! Si j’me laisse pousser la feuille, il fait pas l’poids !

- (Alakazam) Tout du moins jusqu’à ce qu’il évolue.

- Monsieur le maire, on a besoin de vous !

- (Alakazam) J’arrive tout de suite. Navré, mais le devoir m’appelle.

- (Reptincel) Pas de problème. Merci beaucoup de nous avoir accueilli, monsieur Alakazam !

Il hocha poliment la tête, avant de rejoindre le reste du village.

- (Reptincel) Vous avez terminé vos courses ?

- (Pifeuil) Yep ! Tu souhaites goûter à mon nouveau gratin de pâtes ?

- (Reptincel) Évidemment.

Assura-t-il, avant d’agripper les lourds sacs de courses de son père.

- (Pifeuil) Oh, boudiou, tu es adorable !

- (Reptincel) Ce n’est rien. Pifeuil, ça fait… tellement longtemps ! J’espère que vous savez pourquoi je ne suis pas rentré plutôt ?

- (Pifeuil) T’inquiète, ton ami le grand gaillard bleu m’a tout raconté, lors de… eh bah, lors de l’enterrement du p’tit Arcko.

- (Reptincel) Hum… Comment cela s’est passé ?

- (Pifeuil) Comme le pire des enterrements, tu t’en doutes. Se dire que c’est un petiot qui était là-dedans, c’est… *soupir* Tu sais, pour des vieux comme l’père Mégapagos, c’est traumatisant de voir un entourage aussi jeune partir avant eux. La famille Jungko était au fond du fond, jamais le village ne s’était tant mobilisé pour soutenir ses habitants.

- (Reptincel) Et aujourd’hui ?

- (Pifeuil) Ils vont mieux. Ils préfèrent penser que c’est une meilleure chose de l’savoir en paix que disparu.

- (Reptincel) Ils ont raison. Personne n’aurait voulu vivre le même enfer que lui.

- (Pifeuil) Alors c’était… si horrible que ça ? Ce qui vous est arrivé à la guilde, c’est du jamais vu. Les gens vous surnomment déjà les sauveurs du monde, mais moi, je… j’ai juste envie d’égorger ce type, là, ce Noctunoir !

- (Reptincel) Il ne fera plus jamais de mal à personne, Pifeuil, oubliez-le.

- (Pifeuil) Comment ça, il est encore en vie !?

- (Reptincel) Bien sûr que oui, nous ne nous sommes pas abaissés à son niveau.

- (Pifeuil) … Alors les médias ont menti.

- (Reptincel) Ça ne m’étonne pas, ils ne veulent pas que les gens cherchent à en savoir plus sur lui. Et c’est mieux comme ça.

- (Pifeuil) Hum, si tu l’dis.

Ils passèrent la clôture de sa résidence, entrant dans l’adorable petit jardin qui entourait la porte d’entrée. Une Apitrini sauvage butinait une fleur, tandis qu’un Roucool… eh bien roucoulait sur le toit pour saluer les deux arrivants.

- (Reptincel) Vous ne les chassez pas ?

Demanda-t-il d’un air curieux, en laissant Pifeuil ouvrir la porte.

- (Pifeuil) À quoi bon faire fuir ces adorables bestioles ? Les sauvages sont devenus tellement plus amicaux, depuis qu’Alakazam est à la tête du village. D’une manière générale, l’atmosphère est moins pesante. Allez, entre !

Dès qu’il posa un pied à l’intérieur, il sentit cette chaleur. Celle qui l’avait tant bercé, quand il n’était qu’un jeune Pokémon apeuré et amnésique. Il soupira en déposant les sacs sur la table, pendant que son père se lavait les mains après avoir fermé la porte et allumé de nouvelles lampes, bien plus fonctionnelles que celles accrochées au plafond et qui ne s’allumaient qu’après cinq bonnes secondes de latence.

Son lit n’était plus dans le salon, alors Reptincel s’avança instinctivement vers son ancienne chambre. Il y trouva le sien, au même endroit et un peu poussiéreux du côté droit de la pièce, juste en-dessous de la fenêtre. À gauche et la place de son bureau se trouvait celui de Pifeuil, sinon, tout était exactement comme il y a quatre ans. L’armoire n’avait pas changé, tout comme le tapis ou la petite salle de bain.

- (Reptincel) Vous n’étiez pas obligé de garder mon lit.

- (Pifeuil) Et puis quoi, encore ? Cette maison est aussi la tienne, mon grand ! J’ai gardé toutes tes affaires dans ton placard, sans compter la boite sous ton lit. Tiens, d’ailleurs, en parlant de vêtements…

Il s’approcha en déposant le torchon qu’il avait utilisé pour s’essuyer les mains sur son épaule, avant de doucement desserrer la cravate de son petit. Reptincel se laissa faire, se sentant à chaque seconde un peu moins enchaîné.

- (Reptincel) … Merci.

- (Pifeuil) N’en porte pas du tout, si c’est pour t’étrangler avec.

- (Reptincel) C’est comme ça qu’ils ont l’air de la mettre.

- (Pifeuil) À Loliloville ? Mon cul ! Si c’est pour vivre avec une chaîne au cou, alors mieux vaut ne pas y aller du tout ! J’te préviens, mon fils n’a pas risqué sa vie pour finir esclave ! Alors si quelqu’un cherche à te rabaisser… tu lui mets ton poings dans la gueule !

- (Reptincel) Ah ah, Pifeuil…

Rigola-t-il d’un air gêné. Mais Pifeuil posa ses mains sur ses épaules.

- (Pifeuil) Compris ?

- (Reptincel) … Oui, je prends note.

- (Pifeuil) Bien ! Allez, enlève-moi tes chaussures, débarbouille-toi et viens m’aider à préparer le déjeuner du siècle !

Et le jeune adulte s’exécuta. L’heure d’après, ils rigolaient tous deux autour de la table. Leurs assiettes étaient vides, le plat de gratin aussi. Pour fêter la majorité de son petit, le vieux type plante avait ouvert une bouteille de vin qui fit frémir le type feu.

- (Pifeuil) Alors ?

- (Reptincel) C’est… différent. Rien qu’au goût, je sais que quelqu’un comme moi n’est pas sensé en boire.

- (Pifeuil) Bah voyons ! J’l’ai dégoté au travail, j’étais plutôt chanceux et voulais absolument t’attendre avant d’l’ouvrir. Le traiteur bossait pour Minéral, une énième filiale d’Avalanche.

- (Reptincel) Connait pas.

- (Pifeuil) Sans blague, l’ermite. C’est juste l’entreprise la plus lucrative au monde.

- (Reptincel) Hum… tout ça me dépasse, je ne me suis jamais intéressé à ce genre de choses.

- (Pifeuil) Ça va venir, surtout depuis que t’as trempé tes lèvres là-dedans, monsieur Reptincel ! T’es un adulte, maintenant, et Loliloville ne te fera pas d’cadeaux. Bah tiens, puisqu’on parle de ça…

L’homme quelque peu pompette se leva et s’en alla chercher une boite dans ses affaires personnelles. Reptincel n’y avait jamais touché, mais il savait qu’elles étaient là depuis bien longtemps. En revenant s’installer, il la tendit à son petit.

- (Pifeuil) Joyeux anniversaire, mon grand !

Il la récupéra d’un air perplexe. Une couche de poussière couvrait le couvercle. En l’ouvrant, un appareil noir, épais et rectangulaire l’accueillit immédiatement. Il l’agrippa en premier, l’observant de près en le tenant soigneusement avec ses griffes. Des boutons se trouvaient sur le côté, tandis que la face principale lui affichait un écran au-dessus et un clavier chiffré en-dessous. De l’autre côté se trouvait un renfoncement, certainement afin d’y brancher la prise qui accompagnait le cadeau. Hélas, le jeune adulte était toujours aussi perdu.

- (Reptincel) Qu’est-ce que c’est… ?

- (Pifeuil) Tu vois ça ?

Lui répondit-il tout de suite, en pointant d’un doigt le téléphone fixe accroché au mur.

- (Pifeuil) Tu en as un dans la paume de ta main. Rien que pour toi.

- (Reptincel) Quoi… ? C’est un téléphone portable ?

- (Pifeuil) Tout juste ! Ils sont commercialisés depuis deux ans, celui-là est le modèle le plus récent !

- (Reptincel) Wow… ! Lucario nous en avait déjà parlé, mais je pensais que ça couterait une blinde !

- (Pifeuil) C’est l’cas. Enfin il existe des versions « pragmatiques », pour ne pas dire pour les pauvres, mais celui-là est balèze !

- (Reptincel) Avec quel argent vous… ?

- (Pifeuil) Tsss ! On ne pose pas ce genre de question !

- (Reptincel) Pifeuil, ne vous ruinez pas pour moi !

- (Pifeuil) J’ai l’air d’être à court ? Je t’assure que tout va bien, ne t’en fais pas.

- (Reptincel) … Très bien.

Marmonna-t-il, en dévisageant d’un œil plus attentif l’engin. Des traces de doigts le comblaient déjà, la peinture de certains chiffres avait morflé et les interstices se trouvaient parfois couvertes de saletés. Était-ce réellement un modèle récent ? En réalité, il semblait dater de plusieurs décennies, mais c’était théoriquement impossible.

Bref, il le posa sur la table et sortit la prise filaire.

- (Pifeuil) Ça, c’est pour le recharger. Mais son autonomie est d’au moins une semaine, alors pas la peine de l’faire tous les soirs.

- (Reptincel) Entendu.

Et enfin, il sortit la dernière chose que contenait la boite. Une enveloppe, blanche, ouverte et vierge. Elle était lourde et, en jetant un œil à l’intérieur, le jeune adulte comprit pourquoi. Il releva tout de suite la tête, l’air bouche bée.

- (Pifeuil) Et ça, ce sont tes économies.

- (Reptincel) Il y a au moins mille Pokés, là-dedans !

- (Pifeuil) Mille deux-cents, pour être exacte.

- (Reptincel) Pifeuil, c’est trop !

- (Pifeuil) Non, ce n’est même pas assez. Je regrette de ne pas pouvoir te donner plus, surtout après cinq ans d’économie pour ton avenir. Loliloville te coûtera cher, tout partira beaucoup trop vite. C’est le prix à payer pour vivre dans un tel espace, c’est le prix du privilège. Voilà pourquoi tu dois me promettre de charbonner, mon grand ! Ne te relâche pas, n’abandonne jamais, tu devras tenir le coup jusqu’au bout… !

Pifeuil lui tendit une main, Reptincel se leva et lui tendit les bras. Ils s’enlacèrent, alors que le jeune adulte cachait difficilement ses larmes. Il rentrait dans un nouveau monde, un monde dégueulant de questions économiques. Il commença, ce jour-là, à prendre conscience de la valeur de l’argent. Mais ce n’était que le début, un début à mille deux-cents Pokés.

La fin de la journée se déroula beaucoup plus tranquillement. Le parent apprit à l’enfant à se servir de son téléphone, enregistrant son numéro comme tout premier dans la liste. Ils discutèrent encore un peu, avant que Raichu ne vienne sonner à leur porte.

- (Raichu) Reptincel ! Le soleil se couche, faudrait qu’on y aille !

- (Reptincel) Déjà… ?

- (Pifeuil) Vous ne voulez pas passer la nuit ici ?

- (Raichu) Nan, pas l’temps ! J’ai promis à mon patron que j’serai là demain pour l’aider ! Tant pis, on campera cette nuit, mais faut vraiment qu’on parte maintenant, mec !

- (Reptincel) Ok, j’arrive tout de suite.

- (Pifeuil) Tiens, petiot, j’te mets tout ça dans ton sac !

Exclama Pifeuil, en rangeant tout un tas de journaux dans son sac d’écolier, celui que comptait prendre Reptincel pour son voyage.

- (Pifeuil) J’ai compilé les news qui pourraient le plus t’intéresser, ça te mettra un peu plus à jour sur certains événements.

- (Reptincel) Merci, Pifeuil ! On se parlera demain au téléphone !

- (Pifeuil) Hé hé, promis !

Il termina d’enfiler ses chaussures de travailleur, avant d’endosser son sac, d’embrasser son père et de quitter la maison. Il se retourna une fois sortit du jardin, le sourire aux lèvres. Puis Raichu le tira, et l’emmena droit vers un objectif inconnu.

Dans son sac se trouvait son badge d’explorateur, son téléphone et sa batterie, l’enveloppe ouverte, une gourde remplie et des équipements de premiers soins, comme des bandages ou du désinfectant. Il n’avait pas pu prendre de vêtements de rechange, ne rentrant désormais plus dedans.

Ils passèrent par une autre sortie, celle des Petits Bois. Et donc ils devaient passer par l’ancienne base de la Dream Team : la colline au grand-arbre. Reptincel voulait s’y arrêter pour voir Bourg-Tranquille et tous ses changements en hauteur, mais une nouvelle fois, son ami l’en empêcha sous prétexte que leur temps était précieux. Il n’avait pas tort, mais n’était-il pas un peu trop imposant ?

Peu importe, ils venaient déjà de quitter le village. Le type feu aurait aimé saluer plus de gens : Makuhita, Mégapagos, ses anciens professeurs ou encore les parents de Massko, mais sa nouvelle vie ne lui laissait pas le temps. Alors il passa à autre chose, et se prépara psychologiquement pour un long voyage, une longue traversée du continent Est en direction de la plus grande ville au monde : Loliloville.

En ce jour de son dix-huitième anniversaire, en ce jour du 18 Septembre de l’âge 235 ; Reptincel débuta une toute nouvelle aventure.

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