Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 40 : Résignés

8502 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/08/2021 03:07

Trois gigantesques cascades immobiles entouraient une discrète grotte. Alors que la lumière du feu de camp éclairait doucement son entrée, le plus gros de l’action se déroulait sur l’eau changée en pierre.

Des résidus de lame feuille s’éparpillaient un peu partout sur le terrain, alors que les deux adversaires bondirent conclure leur affrontement dans les airs. Carabaffe prenait plus de hauteur grâce à ses jets, mais Massko le rattrapa en lui chopant la cheville droite. Il lui rétorqua d’un coup de l’autre pied, qu’il bloqua, puis d’un jet d’eau en pleine face. Ce fut peu efficace, mais l’inintention causée par la légère inondation permit à l’attaquant de reprendre l’avantage d’un coup de boule soudain. Il dégagea sa jambe, attrapa son adversaire par le col et se propulsa puissamment vers le sol, plaquant dans un impact destructeur celui qui s’avoua vaincu.

Ils s’aidèrent à se relever, puis rentrèrent reprendre des forces dans la base qu’ils s’étaient confectionnés depuis une semaine maintenant. Une nouvelle journée commença, et Massko et Carabaffe étaient bien déterminés à devenir toujours plus forts, pour atteindre leur objectif.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 40 : Résignés

 

Reptincel se réveilla en sursaut. Sa gorge était sèche, il en toussa à attirer l’attention de celui qui l’avait allongé à côté d’un petit feu de camp, à l’entrée d’une piètre grotte discrète. Ce dernier était couvert de différents vêtements gris, probablement volés à plusieurs habitants, mais assurément tous usés par le temps. Il mesurait le mètre vingt, portait un pelage blanc et vert et semblait être attaché à son masque de catcheur, malgré les couches de noirceurs et poussières qui le recouvraient.

Il s’avança jusqu’à l’adolescent, s’abaissa à son niveau et appuya tendrement son front pour prendre sa température.

- Tu peux parler ?

Lui demanda-t-il d’une voix grave rarement utilisée. Reptincel toussa à nouveau, cette fois à cause de l’haleine adverse. Il enleva de lui-même sa main, s’asseyant contre la roche la plus proche pour reprendre conscience à son rythme.

- (Reptincel) Qui êtes-vous… ?

Rétorqua-t-il sans le regarder, alerté par une soudaine douleur crânienne.

- Appelle-moi Brutalibré.

Disait-il simplement, en retournant à son feu. Il récupéra plusieurs objets, qu’il revint lui tendre tout en dévisageant ses réactions.

- (Brutalibré) Et toi ?

- (Reptincel) Vous me tutoyez déjà… ?

- (Brutalibré) Je ne vouvoie pas les enfants.

- (Reptincel) … Reptincel… *tousse*

- (Brutalibré) Bien. Tu dois te nourrir, Reptincel.

Il lui tendit une assiette et une coupelle. Le premier objet contenait une pomme et une baie Oran grillées. Le second était vide.

- (Reptincel) Merci, mais… *tousse* j’ai besoin de boire.

- (Brutalibré) La coupelle sert à ça. C’est la tienne, désormais.

- (Reptincel) Elle est vide.

- (Brutalibré) Et tu ne veux pas que je la remplisse.

Un léger silence régna. Le type feu écarquilla les yeux, couvrant d’une main tremblante sa bouche.

- (Reptincel) Non…

- (Brutalibré) Tu as dû le voir, l’eau fut elle aussi changée en pierre. Je ne sais pas combien nous sommes sur cette terre, mais pour survivre, nous n’avons pas trente-six solutions.

- (Reptincel) Je ne boirai pas ma pisse !

- (Brutalibré) Alors tu mourras.

Déposant les objets à terre, il se redressa et commença à s’échauffer tout en se dirigeant vers la sortie.

- (Brutalibré) Je ne sais pas comment tu as atterri ici, mais sache que le choix d’y passer n’était pas le mauvais. À toi de te décider.

Et sur ces mots, il quitta la grotte. Reptincel resta dans le silence quelques instants, il se sentait déjà sale. Évidemment qu’il allait devoir y passer, se laisser mourir n’était même pas une éventualité. Au moins, il avait une solution à son problème. Et puis… si cela pouvait le motiver à trouver le plus rapidement possible un moyen de s’échapper, alors ce fut une bonne idée en soi… ? Oui, se motiver à boire son urine n’est pas chose facile. L’odeur et la couleur le répugnait, il avait à nouveau envie de vomir. Mais son ventre était vide, tout avait déjà été recraché. En d’autres termes, il ne pouvait pas tomber plus bas, alors il ferma les yeux, se couvrit les narines et but cul sec le contenu de la coupelle qu’il venait de remplir.

Ce fut atroce, mais il était en vie.

Il récupéra ensuite une pomme grillée, et croqua sans la moindre hésitation. Ce fut immonde, le goût de cadavre poussiéreux infestait à nouveau son palais. Mais le grillé était croustillant, et pour l’espace d’une demi-seconde, il avait vraiment l’impression de manger une vraie pomme ; une périmée depuis des mois, mais une vraie pomme.

Il en fit de même avec la baie Oran, affamé qu’il était. Puis, il se redressa. S’aidant tout d’abord de la roche à ses côtés, il réapprit à marcher en titubant ensuite jusqu’à la sortie. Le monde gris qu’il parcourait depuis un temps indéterminé était strictement le même, rien n’avait bougé, pas même un nuage.

Brutalibré s’entraînait. Il frappait dans le vide, défoulant une rancune visiblement profonde. Voyant que l’adolescent arrivait déjà à marcher, il s’arrêta, essoufflé, par agréable surprise. Mais ce dernier prit les devants, se plaça face à lui et se mit en garde.

- (Brutalibré) Tu sais te battre ?

- (Reptincel) Je sais m’échauffer.

L’adulte lui sourit, avant d’en faire de même. Les deux s’échangèrent un dernier regard silencieux, avant de foncer l’un sur l’autre. Le type feu lança plusieurs coups, tous esquivés par un adversaire choqué.

- (Brutalibré) Toi… tu ne viens pas de mon monde.

- (Reptincel) Pourquoi, les enfants ne savent pas se battre ?

Il se fit surprendre d’une droite dans les côtes, et crispa douloureusement les dents en reprenant de la distance.

- (Brutalibré) Non, les adultes servent à ça.

Clama-t-il d’un ton soudainement plus stricte. Il prit l’offensive, et agressa sévèrement son adversaire, qui esquiva avec beaucoup plus de difficulté ses différentes charges. Jamais il ne confronta, ou simplement observa un Pokémon se battre ainsi. Les techniques qu’il utilisait n’étaient pas spécialement meilleures que les siennes, mais l’effet de surprise, le fait de se dire qu’il venait d’un autre monde, et donc qu’un univers entier de connaissances que jamais le sien n’atteindra existe le perdit quelques instants. Un instant suffisant à Brutalibré pour lui infliger une charge redoutable, qui l’envoya valser à plusieurs mètres.

- (Reptincel) … (Mince, je ne suis pas concentré… !)

- (Brutalibré) Ne viendrais-tu pas d’un monde où l’on laisserait des gosses explorer seuls une forêt ? Des gosses susceptibles de se faire kidnapper par l’apathie d’un autre monde !?

- (Reptincel) Chez nous, les autres mondes n’étaient que des théories !

Marmonna-t-il d’une voix énervée, tout en se redressant. Il tenta une contrattaque directe, mais le catcheur s’abaissa, l’esquivant tout en l’attrapant par la taille et le plaquant brutalement à terre.

- (Brutalibré) Comment est-ce devenu réalité ?

- (Reptincel) Noctunoir, ça vous dit quelque chose ?

Un silence régna, puis Brutalibré le relâcha d’un air ennuyé. Il se redressa et s’avança vers le rebord de la montagne, n’osant plus regarder, par honte, l’adolescent qu’il venait de vaincre en duel.

- (Brutalibré) Il fait définitivement une fixette sur votre terre…

- (Reptincel) Vous avez travaillé avec lui, pas vrai ?

Il ne répondit pas.

- (Reptincel) Ces deux enfants, ils ne sont pas que des exemples. Je les connais, j’ai vu souffrir celui qui n’a pas été enlevé.

- (Brutalibré) Bordel…

Marmonna-t-il, en cachant son regard de honte. Il n’avait plus le choix, Brutalibré était confronté aux conséquences de ses actes. Il rentra sans dire le moindre mot dans sa grotte, et intrigué, Reptincel le suivit. Ce dernier n’était pas surpris de se savoir en face de quelqu’un qui connaissait Massko, mais il voulait en apprendre plus.

- (Brutalibré) Poing d’Acier. C’était le nom de notre équipe d’exploration.

- (Reptincel) Parce qu’il y avait des types aciers ?

- (Brutalibré) Non, aucun. Mais nos poings l’étaient malgré tout, qu’importe la situation, qu’importent les enjeux. Noctunoir, lui, faisait partie de l’équipe Ombres.

- (Reptincel) C’est marrant, il nous assurait ne rien savoir des explorateurs. Je pensais qu’il n’y en avait pas dans son monde, ou au moins que le nom différait. Vous aussi, vous avez dû passer par la guilde d’exploration ?

- (Brutalibré) La quoi ? Non, nous créons notre équipe et sommes dès lors nommés explorateurs.

- (Reptincel) D’accord, je comprends mieux. (Les explorateurs de son monde sont techniquement aussi qualifiés que les secouristes du notre.)

- (Brutalibré) Nos deux équipes étaient populaires et puissantes, à un point où les plus grandes autorités de notre terre nous ont engagé pour une ultime mission. Cela faisait bien une décennie que le premier portail vers une autre dimension fut créé, pourtant, l’État refusait toujours de le dévoiler au reste de la population. Mais à l’époque, je ne jugeais pas correctement la morale derrière cette façon de penser. Tout ce que nous trouvions à en dire était qu’il fallait être sacrément privilégié, pour participer à une mission du Multivers, n’importe quoi…

Son regard était empli de regrets, presque traumatique.

- (Brutalibré) Nous avons été trahis. Pendant des semaines, nous opérions chaque jours pour eux, rapportant tout un tas d’informations sur différents mondes, dont le vôtre, dont celui-là.

- (Reptincel) Attendez, vous voulez dire que ce monde n’est pas le vôtre ?

- (Brutalibré) Tu rigoles ? Le miens ne possède plus le moindre brin d’herbe. Mais au moins… nous avions une avance de dingue par rapport au reste du Multivers, facilement les premiers à avoir atteint le pouvoir de changer de terre.

- (Reptincel) Comment pouvez-vous en être aussi sûr.

- (Brutalibré) Parce que l’invention des portails dimensionnels se suivait de celle des détecteurs étrangers. Ouvrir un portail laisse des traces dans l’atmosphère, mais la nôtre n’en avait aucune. La vôtre, en revanche, fut énormément visitée et… même agressée. Le soir du 10 Août 398, alors que vous, vous n’entamiez que votre 231ème année, nos deux équipes avons été chargés de kidnapper un enfant de votre monde.

Reptincel garda poliment le silence, mais à cet instant, il commença déjà à se douter de comment cette conversation allait se terminer.

- (Brutalibré) Un enfant pour favoriser la longévité des expériences qu’ils allaient pouvoir faire. Une espèce qui n’existait pas dans notre monde pour démarrer officiellement une encyclopédie Multiverselle. Un type plante de préférence car il s’agissait du type le mieux sourcé du monde, du fait d’être constitué des mêmes origines que notre monde. Et… si possible un villageois, dans un village éloigné de votre ville la plus grande en ressources, et donc en moyens de nous en empêcher sur le coup. Voilà comment nous nous sommes dirigés vers Bourg-Tranquille, et voilà comment le 10 Août 231, un jeune Arcko a disparu de la surface de votre globe.

- (Reptincel) … Et ensuite ?

- (Brutalibré) Ensuite, cet enfant fut étudié… pour ne pas dire torturé pendant des mois dans les plus grands et secrets laboratoires de mon monde. Il fut forcé à l’évolution à cause d’un produit abominable pour le corps, il fut traité tel un vulgaire objet qu’ils étaient prêts à jeter une fois toutes les informations nécessaires obtenues.

- (Reptincel) Et vous n’avez rien fait ?

- (Brutalibré) … Non.

- (Reptincel) … Le regrettez-vous ?

- (Brutalibré) …

- (Reptincel) Soyez honnête.

- (Brutalibré) Évidemment, que… *soupir* bref ! J’aurai dû prévoir ma fuite bien avant le jour du massacre. Ils comptaient se débarrasser de nous également, nous en savions trop. Alors un jour, ils nous attirèrent dans un piège et… toute mon équipe se fit assassiner. Il en fut de même pour l’équipe Ombre, mais eux s’en sortirent étrangement. Ils étaient forts, mais quelque chose clochait, comme s’ils avaient anticipé cette trahison. En fait… je soupçonnais Noctunoir de trahir le gouvernement bien avant ce jour. Il était louche, obsédé à l’idée de savoir comment les rouages du temps des autres mondes étaient protégés.

- (Reptincel) Il est capable de se servir du pouvoir des rouages du temps.

- (Brutalibré) Quoi, vraiment !?

- (Reptincel) C’est pour ça que je suis ici, parce qu’il s’est infiltré dans notre monde pour nous les dérober.

- (Brutalibré) Bon sang… ça explique beaucoup de choses. Nous avons appris bien assez tôt que la disparition des rouages d’un monde entraînait la paralysie à jamais de celui-ci, même si les rouages finissent par être récupérés.

- (Reptincel) Vous voulez dire que ce monde… a perdu tous ses rouages du temps ? C’est pour ça qu’il est dans cet état ?

- (Brutalibré) Et c’est pour ça que les nôtres furent scellés il y a des siècles, bien avant notre naissance.

- (Reptincel) Quoi !? Vous pouvez les sceller ?

- (Brutalibré) Grâce à de puissantes capacités psychiques, oui. Ainsi, notre monde ne court plus la menace de leurs disparitions. Mais cela empêchait également Noctunoir de mettre la main dessus, et maintenant que je sais qu’il est capable de se servir de leur pouvoir, tu m’étonnes qu’il fût obsédé à l’idée de trouver ceux des autres mondes. Ce monde est dans cet état par notre faute, parce que notre gouvernement nous demanda de les voler à des Pokémon qui n’avaient assurément pas la technologie nécessaire pour nous arrêter. Et m’ayant capturé après l’abandon de mon équipe décédée, ils m’ont jeté dedans tel un vulgaire insecte…

Un long silence se créa, Brutalibré gardait le regard baissé, couvert de hontes. Reptincel, lui, s’énerva.

- (Reptincel) C’est tout ? Et Noctunoir, du coup, comment a-t-il atterrit ici ? Et Massko ? Comment sont-ils parvenus à atteindre à nouveau notre monde !?

- (Brutalibré) Navré, mais je n’en sais pas plus que toi, à ces sujets. Ma mémoire commence qui plus est à me faire défaut, j’ai… beau tout annoter et tout relire chaque jours, j’oublie de plus en plus. La notion du temps, je fais de mon mieux pour la maintenir.

Il montra les murs de la grotte, tous gravés de dizaines et dizaines de traits.

- (Brutalibré) Honnêtement… je ne sais pas ce qui me maintient en vie.

- (Reptincel) Moi je le sais.

Il se releva sur ses mots, l’air stricte.

- (Reptincel) Vous attendez qu’un autre monde vous tende une main. Vous attendez que ceux dont vous abusiez développe la même technologie que vous, ouvre un passage vers ce monde éteint et vous sauve d’une sentence que vous méritez pourtant.

- (Brutalibré) …

- (Reptincel) Vous nous regardiez de haut, ne vous sentant pas même responsable de la disparition d’un enfant. Vous en avez fait pleurer un autre, vous avez réduit à néant le moral et la confiance de toute une équipe, vous avez rendu deux parents dépressifs. La trahison à laquelle vous avez été confronté, moi, j’appelle ça le karma. Votre gouvernement périra un jour, ceux qui auront le pouvoir de les atteindre s’en chargeront. En ce qui me concerne… je ne vois qu’un pitoyable bouffon, vous me faites pitié.

- (Brutalibré) … Je sais…

Marmonna-t-il, pendant que l’adolescent quitta la grotte sans se retourner. Il avait besoin de réfléchir, ne s’étant pas un seul instant douté que Massko avait vécu une telle situation. Cela devait-il changer quelque chose à leur relation ? Il y pensa longuement, et ce tout en restant éloigné le plus possible de la grotte. Il vit tout d’abord l’immense plaine dans laquelle il s’était effondré, et dans laquelle Brutalibré s’était décidé à le sauver.

- (Reptincel) … (Pourquoi a-t-il fait ça, pourquoi m’a-t-il sauvé ? Ce n’est qu’un lâche, il fait partie de ces gens pour qui la rédemption n’est pas accessible.)

Sur cette pensée, il se retourna et quitta les alentours.

Pendant des heures, des dizaines d’heures, il ne reposa plus le moindre pied dans la grotte. Maintenant qu’il avait la technique, il pouvait cueillir des baies et les faire chauffer grâce à ses propres flammes pour les manger, tandis que pour boire… il se résigna à réutiliser la même technique, même si cela le faisait encore vomir.

Plus tard, il se réveilla d’une sieste au pied d’un arbre. Combien de temps s’était-il écoulé ? Il n’en savait rien, et s’en fichait royalement. Il se sentait reprendre des forces, suffisamment pour commencer à envisager la confrontation face à Noctunoir. Enfin, selon ses priorités. Alors qu’il marchait le long de la montagne sur laquelle Brutalibré l’avait ramené, il voyait au loin le manoir du voyageur dimensionnel.

- (Reptincel) C’est… beaucoup trop haut…

Se raisonna-t-il, avant de baisser le regard vers la roche qui le supportait, une roche beaucoup moins stable que celle sur laquelle son adversaire devait se tenir actuellement. Il n’avait en réalité aucune chance, et il le savait. En reprenant la route, il pensa à Carabaffe. Abandonner Massko, il s’en moquait, mais le type eau…

La culpabilité commença à l’envahir, alors il s’installa sur un rebord bien calme, affichant une vue du territoire… non, du monde sauvage qui lui faisait face.

Genoux levés, tête baissée par les regrets, Reptincel nagea dans ses souvenirs. Ptyranidur lui manquait, la guilde entière lui manquait. Il se rappela le jour de son évolution, celui où il se fit la promesse d’arrêter Massko. Aujourd’hui, est-ce qu’elle tenait encore debout ? Noctunoir révéla son vrai visage ensuite, mais cela ne changeait rien à son cas, cela ne devait pas changer quoi que ce soit. Arcko était mort, il ne fallait juger Massko que selon ce qu’il avait fait, depuis son retour dans ce monde qu’il ne fit qu’endommager. Ce n’était plus qu’un hors-la-loi dirigé par des pulsions… des pulsions que Reptincel commença à questionner.

Mais alors qu’il était dans sa bulle, une présence se leva derrière lui, une petite figure aux griffes aiguisées. Cette dernière lui bondit droit dessus, prenant l’avantage de la surprise alors qu’il ne la remarqua qu’à l’instant où elle allait le lacérer. C’était un Ténéfix, son expression était strictement la même que celle de ceux qui avaient été abattu par Massko. D’où sortait-il ? Peu importe, Brutalibré le bouscula juste avant qu’il n’atteigne le type feu.

- (Brutalibré) Attention !!

- (Reptincel) Qu’est-ce que… !?

La surprise de voir ces deux personnages le troubla un instant. Mais il comprit que le catcheur l’avait sauvé, notamment en tournant son regard vers son bras gauche, entièrement recouverts d’immenses griffures ensanglantées. Des griffures qu’il se serait pris en plein dos. Encore une fois, il lui sauva la vie.

Le Ténéfix lui sauta dessus, la gorge déployée de crocs terrifiants. Mais une nouvelle fois, le catcheur le bloqua et contrattaqua puissamment. Son style très offensif servit, et le fait de les analyser d’un autre point de vue choqua encore plus l’adolescent. Il toucha par réflexe l’une de ses poches arrière pour y attraper son rappelle-tout, avant de se rappeler ne plus l’avoir.

Finalement, il n’eut rien à faire. Brutalibré plaqua brutalement à terre sa cible, la maîtrisant sans trop de difficultés. Cependant, plus les secondes s’écoulèrent, plus il en tremblait d’une sensation qu’avait déjà ressenti l’adolescent. Il voyait son visage se crisper, son air se frustrer et sa rage ressortir. Brutalibré céda à ses pulsions, et commença à violemment tabasser le Ténéfix à terre.

- (Brutalibré) Espèce d’ordure !!

Il le cogna de toutes ses forces et sans s’arrêter. Du sang commença à gicler.

- (Brutalibré) Je vous déteste, JE VOUS DÉTESTE TOUS !!

Hurlait-il en enchaînant des coups si puissants qu’ils blessèrent autant la cible que l’agresseur. Reptincel était bouche bée, observant avec horreur l’état d’un Pokémon sous d’atroces pulsions, un Pokémon qu’il ne pouvait que comprendre. Cet état, il le connaissait, il fut exactement comme cela, le jour où Mangriff devint un fugitif. Il tenait la même expression, exactement comme Massko la tenait, lors de leur affrontement. Ce jour-là, il avait tenté de lui tendre une main, mais en vain. Aujourd’hui et parce qu’il n’avait aucune rancune personnelle envers Brutalibré, Reptincel comprit enfin quelque chose.

- (Brutalibré) CRÈVE !!!

Exclamait le catcheur, avant d’élancer le coup fatal. Mais au dernier moment, le chef de la Dream Team le bloqua en lui tirant puissamment l’épaule en arrière, lui faisant échouer le geste de trop, celui qui l’aurait fait atteindre le point de non-retour.

- (Reptincel) Arrête !!

- (Brutalibré) Hein… ? Lâche-moi !!

Il se dégagea, puis tourna entièrement son regard vers lui. Il le vit l’aborder d’un air navré, comme s’il exprimait le fait de savoir ce qu’il ressentait. Et alors qu’il fut seul pendant très, très longtemps, voir une telle expression amicale le marqua véritablement. Il cligna des yeux, avant de pleinement reprendre conscience et de regarder ses mains ensanglantées.

- (Brutalibré) *souffle* Quoi… ? *souffle*

Il tourna lentement le regard vers celui pour qui il avait déchaîné ses pulsions, et le vit au bord de la mort, étalé au sol dans un bain de sang. Il s’en exclama d’angoisse, mais Reptincel lui attrapa la main, qu’elle soit ensanglantée ou non, et le tira en sécurité, hors de cette vue ignoble.

Il le laissa se reposer, pendant qu’il revint au chevet du Ténéfix, qui malheureusement ne pouvait vivre bien longtemps. Il avait perdu beaucoup trop de sang, et ils n’avaient le matériel nécessaire pour le sauver. Alors il succomba sous le regard une nouvelle fois navré du type feu, qui aurait dû intervenir plutôt. Il déterra suffisamment d’espace pour son corps, qu’il enterra avec respect.

- (Reptincel) … (Je suis vraiment désolé, aucun Pokémon ne mérite tel châtiment. Ces pulsions, je les connais. Dans un domaine comme l’exploration, où l’adrénaline s’empare souvent de notre corps et surtout de notre esprit, il faut apprendre à gérer ce genre de problèmes également.)

Il reprit ses pensées, celles juste avant que tout cela n’arrive, alors qu’il se rappelait que Massko aussi, avait des pulsions. Il essaya à nouveau de se mettre à sa place, et en avait pour la première fois véritablement le temps et les exemples.

- (Reptincel) … (J’ai failli tuer Carabaffe par accident, à cause de mon indulgence. Ce fut involontaire, j’arrivais encore à retrouver mes esprits à temps.)

Puis, il avança un peu dans le temps.

- (Reptincel) … (Mais plus tard, face à Mangriff, j’ai volontairement embrassé ces pulsions pour me sentir mieux, j’avais sincèrement envie de le tuer. Bienheureusement, on m’en empêcha, mais je regrettais encore de ne pas avoir agi le soir-même de l’incident.)

Il se remémora le jour où il dépassa les bornes, le jour où on l’empêcha de justesse de commettre une immense bêtise, celle d’atteindre le point de non-retour. Mais Massko était seul, ce jour-là.

- (Reptincel) … (C’est seulement quelques jours plus tard, que je me rendis compte de l’horreur de mon geste. Pourquoi ? Parce que Ptyranidur était là, parce que je trouvais immonde d’enlacer un tel comportement en présence de celui pour qui je ressentais les sentiments les plus forts.)

Il comprit ensuite pourquoi il arriva à reprendre le contrôle de ses pulsions : principalement et avant tout par amour. Quelque chose dont, à nouveau, Massko ne put profiter. Lui comme Noctunoir, lui comme Brutalibré.

- (Reptincel) … (Je n’ai plus jamais cédé à mes pulsions depuis ce jour, mais je sais qu’elles sont encore là. Plus les événements s’écoulaient, plus cela me terrifiait. Noctunoir a des pulsions, il ne put me les cacher lorsqu’il découvrit mon rappelle-tout, au bar Spinda. Ce soir-là, je n’ai rien fait pour l’aider. Massko a des pulsions, je l’ai compris lors de notre affrontement. J’ai essayé de l’aider, mais en vain. Et enfin, Brutalibré a des pulsions…)

Il s’immobilisa quelques instants, comblé de doutes. Puis… il rouvrit les yeux et se décida à changer.

- (Reptincel) … (Je vais l’aider, je DOIS l’aider. Et cette fois, j’y parviendrai. Il mérite d’être condamné pour ce qu’il a fait, mais certainement pas de cette manière. Je le sortirai d’ici, je le sortirai de cet enfer dans lequel personne ne mérite de vivre, pas même un lâche comme lui. Et puis… il m’a sauvé la vie deux fois. La rédemption n’est peut-être pas accessible à tous… mais aucun Pokémon n’est entièrement mauvais, je refuse désormais d’y croire. Que ce soit lui ou Massko… même Noctunoir. J’ai failli finir comme eux, j’aurai pu devenir instable comme eux. Mais j’ai eu la chance d’avoir un entourage de confiance, c’est tout ce qui me différencie d’eux. Qui suis-je pour les juger, si je n’essaie même pas de leur ouvrir une porte de sortie ? Je ne dois pas que le sortir lui, je dois tous les ramener dans un monde en couleur, dans un monde où il y a une justice !)

Il se redressa, jetant un dernier regard navré mais déterminé à la tombe du Ténéfix.

- (Reptincel) … Repose en paix.

Puis, il rentra dans la grotte. Plusieurs heures s’écoulèrent, les deux personnages reprirent des forces. Brutalibré se réveilla, le bras gauche entouré de bandages. Il se remémorait ses actes de la journée passée, et s’en excusa mille fois auprès de l’adolescent. Mais celui-ci prit directement les devants.

- (Reptincel) Du calme, mettons cette journée de côté et apprenons à évoluer avec. J’ai longuement réfléchi à tout ce que tu m’as dit. Honnêtement, il y a sept mois, je t’aurais massacré. Aujourd’hui…

Il lui tendit alors soudainement une main.

- (Reptincel) Je te laisse l’opportunité de te racheter. Aide-moi à nous sortir de là, purge ta peine dans mon monde… et devient un Pokémon libre.

- (Brutalibré) … Sortir d’ici… je n’y crois même plus.

- (Reptincel) Pourtant, tu as la force d’y parvenir.

- (Brutalibré) Pfff… tu m’tutoies, maintenant ?

- (Reptincel) Disons que je sais à qui j’ai à faire.

- (Brutalibré) À un lâche.

- (Reptincel) Un lâche qui peut encore sauver des vies.

- (Brutalibré) …

Un léger silence régna, le catcheur semblait légèrement moins hautin.

- (Brutalibré) C’est quoi ton plan ?

- (Reptincel) Noctunoir doit bien avoir des portails dimensionnels avec lui. Il s’agirait de lui en voler un.

- (Brutalibré) D’accord… donc tu n’as pas de plan.

- (Reptincel) Il sera plus performant quand nous serons au complet. Les autres doivent aussi avoir avancé de leur côté.

- (Brutalibré) Les autres ?

- (Reptincel) Deux autres Pokémon, kidnappés en même temps que moi dans ce monde. Les deux doivent être sauvés, mais l’un d’entre eux est un ami de confiance, quelqu’un qui saura couvrir nos arrière.

- (Brutalibré) Et le deuxième ?

- (Reptincel) Un enfant de type plante venant de Bourg-Tranquille.

- (Brutalibré) … Tu te fous de moi ?

- (Reptincel) Tu veux te racheter ou non ? Avoir l’opportunité d’aider celui qu’on a le plus blessé, je trouve cela honorable.

- (Brutalibré) … Je suppose que oui, ça l’est… s’il n’essaie pas de m’abattre à tout bout de champ.

- (Reptincel) Et pourtant, il en aurait le mérite.

Il lui serra la main sur ce mot. Reptincel le releva, l’air motivé et motivant. Brutalibré se sentait bien, à ses côtés, comme si ses paroles avaient su avoir du sens pour ce Pokémon perdu.

- (Brutalibré) Comment s’y prend-on ? Tu sais où le chercher, ton ami ?

- (Reptincel) Il va falloir que je revienne sur mes pas, je n’ai pas d’autres choix. Ça nous prendra plusieurs jours.

- (Brutalibré) Je m’en fous. Ça va faire un an que je pourris ici, ce ne sont pas quelques jours de plus qui me tueront !

- (Reptincel) Bien. Une dernière chose, j’ai besoin que tu m’entraînes.

- (Brutalibré) Quoi, au combat ?

- (Reptincel) Enseignes-moi tout, absolument tout ce que tu sais. Noctunoir a parfaitement connaissance de mes techniques, j’ai besoin d’un nouvel arsenal pour le surprendre.

- (Brutalibré) Ok, je ferai de mon mieux pour t’apprendre tout ce que je sais.

- (Reptincel) Parfait. Allez, préparons-nous à partir !

D’instinct, il retrouvait ses racines de chef d’équipe. Et d’instinct, Brutalibré le suivait de par le charisme qui l’entourait. Il avait beau être bien jeune, ses mésaventures lui procuraient une expérience plus qu’affinée et unique, par rapport aux autres explorateurs. Une heure plus tard, la petite équipe s’en alla déjà, partant pour une longue aventure dans un monde aussi vide que morbide.

Carabaffe combla le gobelet de Massko de son eau, avant d’en boire également. À chaque fois, il en faisait une grimace.

- (Carabaffe) Ça me répugne, j’ai l’impression de boire ma transpiration… !

- (Massko) Oh, crois-moi, ça pourrait être bien pire… *soupir*

Les deux personnages s’installèrent autour du feu de camp qu’ils s’étaient confectionnés, épuisés par leur précédent entraînement. Ils ne s’étaient pas encore trop confiés, disons que ces deux-là n’ouvraient habituellement pas les conversations. Cependant, cette fois, ils n’avaient plus vraiment le choix. Massko avait toujours été seul, sans personne à qui donner de la voix. Mais depuis une semaine maintenant, il était obsédé par la façon discrète qu’avait son acolyte de cacher ses regrets. Le fait de ne plus être seul, peut-être ? Dans tous les cas, ce jour-là, il ouvrit pour la première fois la conversation.

- (Massko) Est-ce que tout va bien… ?

Carabaffe garda la tête baissée, et Massko en rigola nerveusement.

- (Massko) Désolé… c’est une question stupide, je le sais. Évidemment que ça ne va pas, mais… même quand ce fut le cas, par le passé, tu gardais toujours cette expression stricte, imperturbable.

- (Carabaffe) Les enjeux ne sont plus les mêmes, Massko. Nous ne sommes plus des gamins qui risques au pire une punition parce qu’ils désobéissent aux adultes.

- (Massko) Ça n’a jamais été le cas. Si on se faisait engueuler, c’est parce qu’on accomplissait nos missions. Le cas contraire me terrifiait, et je n’aimais pas embarquer Riolu dans nos missions de sauvetages pour cette raison. Nous avons eu tant de chance pour ne jamais avoir été gravement blessé, nous avons eu tant de chance pour ne se prendre qu’une engueulade à la fin.

- (Carabaffe) … Ouais, peut-être bien. Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, en fait, je me fichais pas mal du danger que nous confrontions à chaque mission.

- (Massko) Oui, tu étais déjà bien au-delà de ça. Reptincel n’a pas tort, tu étais de loin le plus redoutable membre de la Dream Team.

- (Carabaffe) C’est toujours le cas, connard !

Les deux personnages lâchèrent un léger rire sincère, décompressant de toutes ces mésaventures. Massko se sentait moins timide, il osa poursuivre.

- (Massko) Comment vont mes parents ?

- (Carabaffe) Aujourd’hui beaucoup mieux, si j’en crois les dernières infos de Mégapagos à leur sujet. En tout cas, ils ne peuvent qu’aller mieux que depuis le jour de ta disparition. Je n’avais jamais vu ça, la dépression, c’est… vraiment terrifiant.

- (Massko) C’est gentil de compatir pour eux. Je sais qu’ils sauront surpasser cette détresse, ils le doivent.

- (Carabaffe) Quand on sera sorti d’ici, tu comptes revenir vers eux ?

- (Massko) Non.

Répondit-il immédiatement. Le type eau se montra surpris.

- (Carabaffe) Tu ne comptes pas les laisser indéfiniment dans un chagrin obsolète, quand même ?

- (Massko) Il n’est pas obsolète, Carabaffe. Je ne suis plus Arcko, je te l’ai déjà dit.

- (Carabaffe) Arrête de jouer sur les mots, ils ne méritent pas…

- (Massko) C’est hors de question.

- (Carabaffe) …

- (Massko) Plus jamais je ne remettrai les pieds à Bourg-Tranquille. Que tu le comprennes ou non, je m’en moque, je souhaite simplement que tu ne leur fasses pas de faux espoir.

- (Carabaffe) … D’accord. Ton existence restera secrète, je te le promets.

- (Massko) Merci. *soupir* C’est dingue… tu as tant changé, depuis la belle époque.

- (Carabaffe) Comment ça ?

- (Massko) Tu n’es plus apathique.

- (Carabaffe) Pfff…

Il détourna le regard, l’air gêné.

- (Massko) Quoi, ce n’est pas le cas ?

- (Carabaffe) Et toi, t’es devenu un psychopathe. Je n’en fais pas tout un plat.

- (Massko) Pourquoi crois-tu que ce soit négatif ? Laisser transparaître ses émotions à ceux pour qui l’on accorde sa confiance, moi, je trouve ça héroïque.

- (Carabaffe) Ouais, c’est ce qu’ils me disent tous. Mais je n’sais pas… je me trouve plus d’ouvertures, depuis que j’essaie de l’être.

- (Massko) Alors pourquoi poursuis-tu ce changement ?

- (Carabaffe) … Parce que ça me plaît. Ouais, je sais, c’est dingue. Pour la première fois, je suis attiré par autre chose qu’un gain de puissance, on peut même dire que ça m’affaiblie. Mais je me sens mieux, depuis que j’ai évolué, depuis que j’essaie de comprendre les autres.

- (Massko) Comprendre autrui, carrément ?

- (Carabaffe) Au début, je le faisais en me persuadant de surpasser mes faiblesses. Comme tous les évolués, un souvenir antérieur m’a traumatisé. J’ai alors questionné un membre de la guilde qui avait évolué depuis plusieurs mois pour avoir son avis sur la question, et… sans m’en rendre compte, je me suis plus à l’écouter me raconter sa vie, ses craintes, ses motivations. Ensuite, à chaque fois qu’une question me venait, au lieu de théoriser seul, je demandais directement au principal concerné. C’est l’avantage de la guilde, on vient tous des quatre coins du monde, le champ d’apprentissage des cultures et coutumes est infini.

- (Massko) Ouais, j’imagine que pour un assoiffé de connaissance comme toi, ce fut une opportunité en or d’enrichir sa culture générale.

- (Carabaffe) C’est clair, on voyait bien la différence lors des épreuves écrites. Tous des minables ! Moi, encore au dernier test, j’avoisinais les dix-huit de moyenne !

- (Massko) Et Germignon ?

- (Carabaffe) … Dix-neuf, mais on s’en fout.

À nouveau, ils rigolèrent sincèrement.

- (Carabaffe) Bref, toujours est-il que je me forçais à poursuivre cette évolution par pure compétition. J’en apprenais plus, et donc je devenais plus fort. Mais lors des entraînements de groupes, je l’ai bien ressenti… je n’arrivais plus à faire aussi mal. Le fait de se sentir enfin entouré de gens que tu connais, que t’apprécies voire admire dans certaines compétences, ça m’a rendu plus chiant.

- (Massko) Et donc tu perdais ?

- (Carabaffe) Tu déconnes ? Je gagnais à chaque fois, mais ce n’était plus si satisfaisant. Être le meilleur, ça a toujours et ce sera toujours mon objectif. Mais à l’époque, je voulais surpasser Pharamp juste pour prouver au reste du monde que j’en avais le pouvoir. Aujourd’hui… je crois que je préfèrerai m’améliorer au nom d’une cause un peu plus juste.

- (Massko) Celui de pouvoir protéger le monde ?

- (Carabaffe) Nan, j’m’en branle, du monde. Mais mon entourage… ouais, c’est pour ça que j’ai envie de devenir plus fort. Peut-être que ça me prendra plus de temps, mais je m’en fous, j’y arriverai quoi qu’il arrive.

Marmonna-t-il, en fermant les poings de détermination. Massko souffla du nez, comme s’il contenait un léger rire.

- (Carabaffe) Quoi ?

- (Massko) Tu lui ressembles.

- (Carabaffe) N’importe quoi !

- (Massko) C’est toujours aussi dur pour toi, d’avouer être inspiré par Reptincel ?

- (Carabaffe) Ce connard régresse ! Il laisse sa rancune le guider, ce n’est vraiment pas digne d’un explorateur !

- (Massko) C’est vrai que tu es bien placé pour dire ça, monsieur « je déteste mon camarade de classe parce qu’il m’empêche de prouver à mon idole que je suis le meilleur, même plus d’un an après les faits ».

- (Carabaffe) Justement, il m’a laissé intégrer l’équipe après tout ce que je lui ai fait… Putain, je n’arrive pas à le comprendre…

- (Massko) Il a dû remarquer tes efforts. Moi, en plus de l’avoir harcelé en tant qu’Arcko, j’ai… tenté de le tuer en tant que Massko. Tu parles d’une rédemption, je comprends qu’il ne me pardonne pas.

- (Carabaffe) Il devrait, le Salamèche de l’époque l’aurait fait.

- (Massko) Le Salamèche de l’époque n’a pas vécu autant d’événements traumatisants. Il n’aurait même pas survécu à mon attaque. Ses péripéties auront autant changé sa mentalité que sa force, il est devenu quelqu’un pour qui l’on peut confier de sacrées missions.

- (Carabaffe) Ouais, comme celle d’être le chef d’une équipe bizarre. *soupir* Ça m’fait chier de l’admettre, mais… le lèche-cul est le meilleur chef dont la Dream Team aurait pu rêver. Il est bien meilleur que moi dans ce rôle, en tant que pilier incassable de ce groupe d’adolescents tous si différents et, hélas, brisés par les événements. Je voulais ce poste pour améliorer mon CV, sans me soucier de ce que cela impliquait pour les autres membres de l’équipe. Mais ils avaient besoin d’un vrai leader, de quelqu’un qui connaissait leurs limites, objectifs, courbes de progressions et relations. J’en savais que dalle, et d’ailleurs je m’en foutais, au départ. Putain, si j’avais été le chef… on aurait tous été dans une sacrée merde.

- (Massko) Heureusement que c’est un rôle qui lui fut accordé, dans ce cas.

- (Carabaffe) Hum… c’est clair.

Les deux adolescents soupirèrent à nouveau, se rendant compte que se confier, que donner de la voix l’un pour l’autre était véritablement agréable et réconfortant. Puis, Carabaffe se releva et se dirigea vers la sortie.

- (Carabaffe) Bon, je vais inspecter les alentours…

- (Massko) D’accord. Fais attention.

- (Carabaffe) J’fais c’que j’veux.

Il sortit de la grotte sur ces mots. Chaque jour, il sortait seul « inspecter les alentours ». Surveiller qu’aucune menace ne s’approche n’était pas vraiment son objectif, en fait il montait jusqu’à un point assez haut et attendait, assis seul avec ses pensées en direction de la montagne sur laquelle ils s’étaient séparés de Reptincel, qu’un mouvement l’attira. Il se disait que si il voulait revenir, c’était ici qu’il irait pour se faire repérer du duo.

Et il eut entièrement raison.

Quelques jours plus tard, alors que cela faisait deux semaines qu’ils furent bloqués dans ce monde éteint, une lueur jaune parut au loin, à l’exacte endroit où il l’avait vu pour la dernière fois. De son côté, Reptincel faisait jaillir quelques flammes pour se faire repérer.

- (Brutalibré) Si c’est Noctunoir qui vient…

- (Reptincel) Je ne vois pas l’intérêt qu’il aurait de nous rechercher, il a d’autres plans en tête. En revanche…

Continua-t-il, en plissant les yeux vers la couleur bleu qu’il voyait au loin, celle de la peau du type eau.

- (Reptincel) … Il est là !

- (Carabaffe) Le lèche-cul !? Massko !! Il est là, je vais le chercher !

- (Massko) Quoi… ?

Et ainsi, les deux groupes se rejoignirent. Reptincel fonça vers son rival, et inversement. Ce fut soulageant, terriblement soulageant de revoir un visage amical après deux longues semaines de solitude dans un monde pareil. Le type feu en avait les larmes aux yeux, mais celui pour qui il les dédia montra son affection autrement.

Arrivé l’un en face de l’autre, il le cogna d’une brusque droite fermement aiguisée de reproches.

- (Carabaffe) Espèce d’ordure !!

Exclamait-il, pendant que sa victime s’écrasait la tête la première dans la boue.

- (Carabaffe) Partir seul comme ça… j’aurai dû te casser la gueule dès le début, pauvre tâche !!

- (Reptincel) … Ravi de te revoir également, Carabaffe…

Marmonna-t-il en essuyant ses larmes, avant de se relever en voyant Massko approcher.

- (Carabaffe) Pour revenir vers nous, vers… lui, t’as dû avoir une sacrée remise en question.

- (Reptincel) Je sais que j’ai pu décevoir, en agissant selon mes rancunes. Ce n’est pas digne du chef de la Dream Team, mais…

- (Carabaffe) On s’en branle.

- (Reptincel) Quoi ?

- (Carabaffe) Tous les membres de la Dream Team s’en branlent, de savoir que leur chef est faillible sur ce point. T’es pas parfait, certainement pas, lèche-cul. Et une progression ne vient pas seule, fallait bien que tous ces événements de merdes dégradent ton idéalisme à en vomir. C’est peut-être mieux comme ça. T’es devenu moins coopératif, plus égoïste… mais assurément moins crédule.

- (Reptincel) … Carabaffe…

- (Massko) Navré de t’imposer cela.

Le type plante s’infiltra dans le dialogue.

- (Massko) Si tu es ici, c’est pour resserrer tes coudes avec les nôtres, et je sais que ça ne t’enchante pas. Aujourd’hui, je le sais vraiment, pas comme… l’autre jour, où je ne te prenais pas au sérieux. Je te présente mes excuses, Reptincel, même si je sais que cela ne sert à rien.

Termina-t-il, en s’inclinant devant son ancien partenaire d’équipe. Ce dernier le regarda tout d’abord d’un air hautin, avant de lentement baisser les yeux pour plutôt afficher un ton compréhensif.

- (Reptincel) Vivement que l’on se sorte d’ici.

- (Massko) Je suis entièrement d’accord.

Le léger silence qui régna ensuite en disait long sur l’état de leur relation. Carabaffe était parvenu à calmer Massko, tandis que Reptincel prenait sur lui-même. Mais en le voyant dans cet état, calme et hors d’une quelconque pulsion, il se demanda un court instant si lui aussi, pouvait être aidé ? Il avait échoué la première fois, en tentant de lui tendre une main. Mais à ce stade, pour qu’il s’incline après tous ces échecs… c’est qu’il devait bien rester un espoir.

- (Carabaffe) Et lui, c’est qui ?

Reprit le type eau, en attirant l’attention sur Brutalibré se faisant discret. Massko releva le regard vers lui, avant de lentement écarquiller les yeux. Des flashs du passé lui parcoururent brusquement l’esprit, pourtant, il savait très bien à qui il avait à faire. Mais il se revit, attaché à cette table métallique froide, nu et traité tel un vulgaire Rattata de laboratoire. Il voyait déjà son visage, à cette époque, à la plus terrible de ces époques.

Alors d’une rapide exécution, il dégaina la lame feuille qu’il portait au dos et tenta de bondir sur le Pokémon catcheur, qui se mettait en garde d’un air angoissé. Mais Reptincel s’interposa au bon moment, bloquant le poignet qui tenait la lame de son nouvel allié.

- (Reptincel) Du calme, il est avec nous.

- (Massko) … Ah oui… ?

Demanda-t-il d’une voix raclée dans ses plus basses gravures, une voix emplie de rancunes.

- (Massko) Quel… sacré retournement de veste… Brutalibré !

Il ôta assez férocement son poignet du type feu, et rangea d’un mouvement tremblant de rage sa lame. Brutalibré, de son côté, ne pouvait que baisser les yeux face à la gigantesques vague de honte et de karma qui s’abattait à toute puissance.

- (Brutalibré) Je… suis vraiment…

- (Massko) Non, ferme-là. « Désolé », c’est le dernier mot que j’aimerai entendre sortir de ta bouche, sale raclure de merde !

- (Carabaffe) Sacré changement d’ambiance.

S’interposa à son tour le type eau, arrivant les mains dans les poches.

- (Massko) Tu as en face de moi l’un de mes kidnappeurs.

- (Carabaffe) Oh, je vois…

Il dévisagea à son tour de bas en haut son nouvel allié.

- (Carabaffe) Impressionnant, je m’attendais à ce que tu le massacres sur le champ.

- (Reptincel) Ne lui donnes pas de mauvaises idées, Carabaffe…

- (Massko) Je n’en ferai rien, Reptincel, je te le promets.

Il se résigna à ne plus trembloter de haine, et détourna simplement le regard de celui qui fut son assaillant.

- (Massko) Parce que tu me laisses malgré tout une seconde… non, une troisième chance, je peux te promettre que je ferai tout pour ne pas la gâcher… même si tu me forces à travailler avec celui qui est responsable du monstre que je suis devenu.

- (Reptincel) Ne me fais pas passer pour le méchant de l’histoire, tu n’aurais jamais eu à travailler avec lui si tu n’avais pas joué avec les sentiments d’autrui.

Clama-t-il froidement, en pointant d’un doigt son ventre, et la coupure qu’il lui fit lors de leur affrontement. Le type plante baissa simplement la tête, acquiesçant la fatalité des événements qui, malgré tout, prenait une tournure avantageuse à leur survie. Le type feu se montra tout de même agréablement surpris de le voir aussi coopératif malgré ses pulsions, il se doutait de tous les efforts qu’il faisait.

- (Carabaffe) Bon… *soupir* vous devez avoir soif ?

- (Reptincel) C’est quoi cette question ?

- (Carabaffe) Quoi, tu n’veux pas de l’eau, connard ?

Il lui afficha l’un de ses poings, prêts à élancer un puissant jet aquatique. Le type feu écarquilla les yeux de surprise, comprenant qu’il allait enfin pouvoir se ressourcer autrement qu’avec ce que son corps lui recrachait constamment. Comme quoi, l’espoir commença à revenir grâce à moultes détails.

Massko et Carabaffe emmenèrent donc Reptincel et Brutalibré à leur base, qu’ils partagèrent en même temps que leurs ressources. Ils purent se reposer correctement, avant de se remettre à l’entraînement de manière très intensive. Tous avaient compris qu’il leur fallait un nouveau style de combat, pour surprendre celui qui était en possession du rappelle-tout du chef de la Dream Team. Qui plus est, chaque jour, chacun explora un peu plus les environs pour en découvrir plus sur ce monde, mais surtout pour prendre toujours un peu plus de terrain face à Noctunoir et son manoir délabré.

Le jour de l’assaut allait bien finir par arriver, mais à vrai dire, tant que l’adversaire ne déclenchait pas les hostilités, il valait mieux qu’ils restent dans leur coin. Deux semaines, ce fut encore trop insuffisant.

Il leur fallait plus de temps, parce qu’ils progressaient.

Les mésaventures s’enchaînaient, mais personne ne pouvait nier l’avantage considérable que cela leur apportait. Ils pouvaient être à plaindre et l’étaient actuellement plus que jamais ; mais dans la découverte d’un nouveau monde, dans l’exploration involontaire mais prise en main du Multivers, et ce bien avant l’heure prévue par ceux qui pensaient le révéler plus tard… deux des membres de la Dream Team prirent une avance considérable sur le reste du monde.

Laisser un commentaire ?