Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 37 : Tendre une main

9283 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/08/2021 15:32

Créfollet ressentait tout depuis le sommet du Mont, qu’elle observait d’un air hautin en repensant à tous ces mortels se pensants capables d’interférer face aux divinités. Grodoudou lui avait demandé de ne pas intervenir également, et cela ne semblait pas tant la déranger que cela. L’aura divine entourant le rouage du temps éclairait le peu de lumière qui restait à la guilde. Alors que la lune se levait, l’assaut qui se déroulait au Mont Cristal démarrait son dernier acte. Au plus profond de la montagne, dans les cavernes les plus étroites s’ouvrait un grand espace. Le rouage flottait au milieu d’un petit lac. Il illuminait le tas de gravats dans lequel Hélédelle se trouvait. Son aile droite était toujours empalée par la lame du hors-la-loi, celui que Salamèche devait désormais confronter seul.

Il se considérait moins fort qu’Hélédelle, et peut-être l’était-il. Cependant, il lui était hors de question d’abandonner une nouvelle fois, plus après avoir laissé Massko s’échapper avec bien plus qu’un rouage. Ce soir-là, Salamèche se donna à fond pour son ultime combat.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 37 : Tendre la main

 

Galifeu, Rocabot, Germignon et Carabaffe remontèrent jusqu’au rez-de-chaussée, là où le reste de la guilde pouvait les aider. Ramboum, Keunotor, Cradopaud, Héliatronc, Pikachu, Ptyranidur et Écrapince venaient d’épuiser le reste de leurs forces à confronter un tas de sauvages enragés et physiquement au top de leur forme. Le gaz rose, une arme futuriste volée par Massko avait été planquée dans les murs, exactement comme le sac à bandoulière, exactement comme les explosifs au sommet. Ils comprirent que Massko était déjà venu explorer le donjon pour se préparer à l’assaut de la guilde.

- (Ramboum) En fait… le fait que nous soyons venus a juste confirmé sa théorie. En nous voyant tous débarquer, il a su qu’un rouage du temps se trouvait ici…

Tout le monde baissa la tête, l’air honteux. Ils s’étaient à nouveau fait surprendre. En échangeant avec l’autre groupe, ils comprirent que la copie d’un autre Pokémon légendaire créé par Créfadet les avait attaqués uniquement à cause des résidus de gaz roses qu’il avait dû respirer. Puis, l’attention se porta sur le maître, qui ne s’était toujours pas montré pour résoudre la situation. C’est alors que Branette arriva, essoufflé et inquiet.

- (Branette) Les amis… !

- (Galifeu) Branette !? Que fais-tu ici, ton rôle est de surveiller les alentours !

- (Ptyranidur) On sait que Massko est ici, qu’est-ce que cela change ?

- (Branette) Le maître ne viendra pas !

Tous les apprentis s’exclamèrent.

- (Ramboum) Quoi, comment ça !?

- (Branette) Je l’ai entendu discuter avec Noctunoir, il ne veut pas intervenir !

- (Carabaffe) Quelle… ordure… ! Ah…

- (Germignon) Carabaffe, accroche-toi !

- (Ramboum) Emmène-le voir Eoko, pas loin de l’entrée du donjon ! Vous autres, rejoignons Créfadet !

- (Rocabot) Quoi, tu es sûr !?

- (Héliatronc) Si on désobéit encore une fois à Pijako…

- (Ramboum) Si vous doutez, alors ne venez pas, ce n’est pas grave. En ce qui me concerne, Branette, je te crois ! Et je refuse de laisser ceux qui ont été chargé de tenir compagnie à Créfadet de confronter Massko seuls !

- (Pikachu) … Salamèche… ! Vite, il faut y aller !!

- (Ramboum) En avant, apprentis explorateurs !!

Sur ces mots et malgré la fatigue, tout le monde fonça vers les profondeurs de la Caverne Cristal. Même ceux qui hésitaient, comme Héliatronc, s’y sont résolus. En d’autres termes, Massko avait intérêt à faire vite.

Ce dernier était en garde, sa lame feuille fermement tenue dans sa main gauche. Il soupira une dernière fois, avant de foncer au combat. Salamèche le vit venir à cette distance et commença par l’esquiver simplement en bondissant à sa droite. Mais le type plante l’anticipa, dévia à sa gauche et frappa droit en sa direction. Il pensait avoir déjà gagné sur ce coup, mais malgré tout, le type feu bloqua sa lame de ses deux mains tremblantes.

- (Salamèche) … (Je vois… ! Je n’ai pas le droit à l’erreur !)

- (Massko) Balèze. Déjà plus que le piaf !

Exclama-t-il en le frappant d’un coup de genou dans le ventre. Le type feu lâcha douloureusement par pression, mais s’abaissa et roula sur sa gauche pour ne pas que la lame l’atteigne. Massko tenta de le bloquer en l’écrasant pendant qu’il le pouvait, mais le chef de la Dream Team l’anticipa à nouveau et utilisa ses bras pour bondir plus rapidement. Dans sa relève, il assigna un franc coup de boule en pleine mâchoire adverse avant de prendre de la distance avec celui qui, en voyant du sang couler de ses lèvres, arrêta immédiatement de rire. Depuis sa prison de cristaux, Hélédelle usait de ses dernières forces pour observer le duel. Il ne pouvait même plus parler, mais l’inquiétude qu’il portait envers son coéquipier le maintenait éveillé.

- (Hélédelle) … (Salamèche, tu es… si fort que ça ? Non, c’est de la folie, il va te tuer !)

Sa vitesse se dupliqua, lors de sa nouvelle charge. Salamèche avait remarqué que ses bottes s’étaient illuminées, comme lorsqu’il bondit de cinq mètres pour atteindre Hélédelle. Il devait les détruire pour reprendre l’avantage, mais fut tout d’abord submergé par une vitesse qu’il ne pouvait contrer. Massko lui infligea un coup de poing du droit, en pensant qu’il allait à nouveau anticiper une attaque de sa lame. Et frappant dans les côtes à une telle vitesse, il fit des dégâts. Mais il ne s’arrêta pas là : il attrapa la queue enflammée de sa cible avant qu’il n’achève sa chute, et l’envoya valser dans les airs. Ses bottes s’illuminèrent à nouveau, avant qu’il n’exécute un saut de trois mètres.

- (Massko) C’est terminé !!

Cria-t-il, en sachant pertinemment que Salamèche avait moins de mobilité dans les airs. Il tenta donc de l’attaquer d’un coup de lame, mais le type feu lui cracha soudainement une boule de feu en pleine tête. Il avait attendu le dernier moment pour agir, car le recul de l’explosion fit quand même pousser les bras de Massko en avant. Grâce à cela, il put atteindre le gauche, et le frapper, toujours dans les airs, d’un coup poing fermement contracté. Il voulait lui casser le poignet, mais son adversaire était plus résistant. En revanche, il le désarma de sa lame, qui tomba plus loin dans la pièce.

Les deux personnages retombèrent sur leurs pieds, alors que Massko rouvrit les yeux dans un visage égratigné. L’attaque enflammée fut superbe efficace, et il le sentit passer. De son côté, Salamèche était prêt à brûler à tout instant sa lame éloignée. Mais Massko ne fit qu’en rire.

- (Massko) Fais-le, si cela te procure tant de satisfaction ! Je n’en ai pas besoin !

Il lui montra son bras droit, qu’il commença à fermement resserrer avec le gauche. Les veines de son front ressortirent, il contractait de toutes ses forces et, en lâchant un puissant cri de rage et de douleur, le manche d’une lame explosa brutalement une partie de sa peau. Salamèche était choqué, encore plus en voyant tout le sang gicler de cette nouvelle lame tranchante. Massko, lui, était confiant.

- (Massko) Parfait… *souffle* on peut continuer !

- (Salamèche) T’es complètement dérangé !

- (Massko) C’est pour ça que je suis en vie !

Il refonça, tout en agrippant quelque chose de sa ceinture. Salamèche le vit, mais n’avait pas le temps de se questionner : il esquiva de peu la lame à longue portée. Alors Massko en profita pour lui jeter en plein visage ce qu’il avait récupéré… les plumes arrachées d’Hélédelle.

- (Salamèche) … (Quoi… !?)

La surprise prit le pas sur la raison, et le hors-la-loi parvint à lui assigner un coup de boule à son tour, durant cette demi-seconde d’incompréhension. Il ne le laissa pas respirer, s’abaissa et le tacla avec ses bottes métallique. Il lui brisa presque les chevilles, mais le fit assurément morfler le sol. En réponse immédiate à cela, Salamèche agrippa sa botte gauche avant qu’il ne se relève, la lui enlevant en le frappant d’un coup de pied dans les parties. Massko crispa douloureusement les dents, et tenta d’en finir d’un coup de lame pendant qu’il était à terre. Mais le type feu passa à l’offensive, et le cogna de toutes ses forces en pleine tête, la botte métallique en tant qu’arme.

Le bruit du métal se fit entendre dans toute la pièce, Massko s’envola presque avant de s’écraser sur le sol. Ce coup aurait dû l’assommer, mais l’adrénaline était trop, beaucoup trop forte pour. Le type feu le regarda se redresser malgré tout, il le regarda avec horreur tout en constatant qu’il s’engouffrait dans la douloureuse rancune qui le submergeait. Le regard qu’il tenait n’était plus celui du voleur de rouages du temps, non. Il n’avait qu’une envie en tête : planter sa lame dans ces écailles orange.

Il sortit une télécommande et Salamèche se prépara, toujours la botte en main. Malheureusement, le bouton sur lequel il appuya la fit soudainement exploser, une redoutable explosion qui frappa sa cible de plein fouet. Il valsa sur plusieurs mètres, la face du corps entièrement brulée et égratignée par la capacité.

- (Massko) La chance, d’avoir une réduction corporelle !

Affirma-t-il, en mentionnant son type feu. Ce dernier devait se redresser en vitesse : son adversaire lui fonçait droit dessus. Mais la douleur était intense, il en avait les larmes aux yeux.

- (Massko) Crève !!

Massko tenta le tout pour le tout et lança sa lame pour le devancer. Salamèche tenta de l’esquiver, mais elle lui transperça le bras avant qu’il ne se décale entièrement. Il cria de douleur, laissant toujours plus de temps au hors-la-loi pour s’approcher. Ce dernier rigolait d’avance.

- (Massko) Alors, quel effet ça fait !?

Lui demandait-il ironiquement, tout en l’encastrant brutalement dans le mur derrière lui d’un coup de pied droit, le dernier qui était métallique. Il le maintenait fermement, et enfin, il pouvait souffler.

- (Massko) Cette douleur là aussi, tu la réduis…

Il agrippa sa lame, et la retira d’un geste net. Du sang en gicla et coula tout le long du bras de son adversaire qui, à cet instant, devint sa victime.

- (Massko) Alors… ? *souffle* Une dernière parole ?

Salamèche sentait bien qu’il était inutile de se débattre, surtout qu’à chaque contraction de son bras désormais troué, son sang n’en sortait que plus vite. Alors il tenta une autre stratégie.

- (Salamèche) … Je croyais que tu n’étais pas ici pour discuter ?

- (Massko) …

- (Salamèche) Pour quelqu’un qui ne cherche pas la confrontation, je te trouve bien permissif. As-tu vraiment autant de temps ?

Massko cligna des yeux, avant de se rendre compte de ce qu’il faisait. L’adrénaline diminua d’un coup. Il voulut reculer de dégoût, mais Salamèche bloqua sa botte et parvint à la lui enlever de force.

- (Massko) Quoi… !? Rends-là moi !!

Il la jeta sur sa droite, tourna son regard vers elle et lui cracha une puissante boule de feu. Le métal fondit lentement, sous l’usage désormais épuisé de l’engin.

- (Massko) Espèce d’ordure !

Exclamait-il d’une voix moins grave, comme si les paroles adverses l’avaient vraiment perturbées.

- (Salamèche) Tu vas devoir te battre à la loyale, maintenant. Hélas pour toi, je ne pense pas être plus lent au corps-à-corps.

- (Massko) Je… !

Hésitant, il tourna une première fois le regard vers la sortie, puis une seconde vers le rouage du temps.

- (Salamèche) Que se passe-t-il, Massko, tu t’es rappelé que tu avais une mission à accomplir ? Nous torturer n’était pas ton objectif, nous tuer encore moins, je me trompe ?

- (Massko) Je… je me fiche de votre santé ! Si je dois vous buter pour arriver à mes fins, je… !!

- (Salamèche) Alors pourquoi trembles-tu ?

Un silence régna, le type plante afficha un regard comblé de haine.

- (Massko) N’essaie pas de m’analyser… !

- (Salamèche) Tu n’aurais pas des pulsions à évacuer, par hasard ?

- (Massko) La ferme !!

- (Salamèche) J’en ai aussi, Massko.

- (Massko) TU NE PEUX PAS COMPRENDRE !!!

Son cri se fit entendre dans tout le donjon, il semblait évacuer cette fois-ci un lourd sentiment de frustration. Le chef de la Dream Team s’en doutait. Il s’avança d’un air pacifiste.

- (Salamèche) Peut-être pas, non. Mais je sais qu’elles ne sortent pas de nulle part. Les miennes viennent d’un Pokémon qui a abusé de mes craintes personnelles les plus profondes. J’avais envie de le tuer, j’exprimais la même émotion que toi.

- (Massko) …

- (Salamèche) Je vais mieux aujourd’hui, du moins, je me convaincs d’aller mieux. En fait, ce Pokémon a quitté ma vie et je sais qu’il ne reviendra plus. Mais si cela venait malgré tout à être le cas… honnêtement, je n’ai aucune idée de comment je réagirais. Alors je comprends ce sentiment d’impuissance, Massko, celui d’être possédé par des émotions trop fortes.

C’est alors qu’il fit ce qu’il savait faire de mieux ; c’est alors que Salamèche tendit une main à Massko.

- (Salamèche) Arrêtons ce carnage ici. S’il te plaît, tu vaux bien mieux que ça.

- (Massko) …

- (Salamèche) Regarde tout ce que tu as été capable de faire. Duper la guilde tout entière ! Avec un tel niveau de compétence, imagines-tu un seul instant toutes les vies qui tu pourrais s…

- (Massko) Ferme ta gueule.

Exprima clairement le hors-la-loi, en fermant les poings.

- (Massko) Non, c’est terminé, je ne peux plus revenir en arrière. Ça fait bien longtemps que je me suis résolu à ça, et d’ailleurs, peux-tu me dire où tu étais, ce jour-là, Salamèche ? En train de te préparer pour la guilde, peut-être ? C’est culoté de ta part d’essayer de me raisonner, alors que personne… PERSONNE ne fut jamais là pour moi !!

- (Salamèche) … Qui es-tu ?

Il releva un regard enragé.

- (Massko) ET TU OSES POSER CETTE QUESTION !?

Hurla-t-il, en refonçant à la charge. Mais il n’avait plus ses bottes, le type feu l’anticipa donc beaucoup plus facilement. Il esquiva ses pauvres coups de poings un à un, avant de contrattaquer sans chercher à épargner : dans la tête, les blessures, les points vitaux, chaque action était destinée à mettre fin à l’affrontement. Massko parvenait lui aussi à esquiver, parfois à toucher, mais ses coups n’avaient plus le même impacte. Il était beaucoup trop troublé, tellement qu’il oublia de reprendre la lame feuille qu’il avait planté dans le sol suite à l’encastrement de sa victime. Quand il s’en rendit compte, il chercha à l’atteindre, mais Salamèche cracha une boule de feu avant et la brûla à l’instant où il posa les mains dessus. Il s’en blessa donc, désespéré et épuisé face au chef de la Dream Team qui avait su retourner la situation à son avantage.

Il lui restait bien l’autre lame feuille, la première, celle qui traînait dans un coin de la pièce. C’était son dernier recours, il avait perdu trop de sang pour en recréer une. Mais Salamèche aussi en avait beaucoup perdu, voilà la seule faille qu’il montrait. Alors Massko traîna désespérément à terre. Il avait de quoi se booster dans ce qu’il avait autour de la ceinture, mais le temps qu’il le mette en place, celui qui le dominait lui aurait déjà confisqué sa chance. Alors il traîna, ce fut terriblement humiliant.

- (Salamèche) Arrête. Avec le peu de force qui te reste, même si tu attrapes cette lame, tu n’en feras plus rien.

- (Massko) Ferme-là, Salamèche… !

- (Salamèche) …

- (Massko) Tu veux vraiment savoir ce qui cloche chez moi ?

Commença-t-il, en tentant son ultime tentative de vaincre.

- (Massko) J’en cauchemarde chaque nuit, j’espère chaque jour oublier toujours un peu plus cette partie de ma vie ! Et voilà qu’enfin, quelqu’un m’offre la chance de me sortir de ce putain d’enfer ! Je n’avais qu’une quête à accomplir, sur un continent éloigné qui plus est !

Il attrapa sa lame, et commença à doucement se redresser. Salamèche se préparait à l’esquiver une nouvelle fois, prêt à l’assommer pour de bon. Mais Massko termina son discours.

- (Massko) Je… *souffle* j’étais prêt à enfin passer à autre chose, l’esprit désormais alimenté par un autre objectif que celui de revoir vos sales gueules ! Et sur qui je tombe, en pensant affronter une véritable guilde d’exploration… ? LA PUTAIN DE DREAM TEAM !!! CEUX QUI ÉTAIENT ACCLAMÉS À BOURG-TRANQUILLE POUR LEUR SOI-DISANT SENS DE L’HÉROÏSME !!!

Salamèche commença à comprendre. Il écarquilla lentement les yeux.

- (Massko) CEUX QUI SE SONT BATTUS, TOUT COMME MOI, POUR TA PUTAIN DE LIBERTÉ !!! ET COMMENT M’A-T-ON REMERCIÉ !?

- (Salamèche) Non… !

Ça y est, il fut enfin et pendant un très léger instant de doute pris par les émotions. Il baissa sa garde, une gigantesque ouverture s’offrait à Massko. Alors de ses dernières forces, il chargea son adversaire, sa lame feuille en mains.

- (Massko) EN LAISSANT LE PAUVRE ARCKO QUE J’ÉTAIS CREVER DANS UNE AUTRE DIMENSION !!!

Salamèche le vit venir, mais il fut paralysé par ses paroles. Alors Massko arriva à toute vitesse, lui infligea un seul coup de lame… puis s’effondra juste derrière. Le type feu resta immobile quelques secondes. Il baissa lentement le regard vers son ventre, avant de comprendre qu’une ouverture, une très grande ouverture le taillait de l’estomac à la colonne vertébrale, en passant par ses côtés droites. Oui, la moitié de son corps avait été ouvert d’un coup, et l’explosion de sang qui s’en suivit le fit hurler de douleur. Il s’effondra dans son propre bain de sang, peinant à respirer… avant d’en vomir encore plus. Jamais il ne fut à ce point blessé. En fait, si son type n’encaissait pas les attaques plante, il serait mort sur le coup.

De son côté, Massko se sentait partir. Alors d’urgence, il sortit une seringue de sa ceinture et se la planta brutalement. La drogue s’injecta rapidement, et quelques secondes plus tard, il se releva malgré tout. Il n’avait plus le temps de divaguer son attention, entendant le reste de la guilde arriver de loin. Il récupéra sa lame feuille, et l’envoya valser sur l’aura divine, protectrice du rouage du temps. Elle explosa, et la lumière s’éteignit. Vous connaissez la suite, Massko reprit l’avantage dans la pénombre.

Les roches qui bloquaient Hélédelle bougèrent soudainement. Il attrapa la lame qui empalait son aile par le bec, et la retira brusquement comme cela. Puis il rampa désespérément jusqu’à son coéquipier. Même dans le noir, sa vue perçante le remarquait. Il arriva jusqu’à lui, baigna dans son sang mais s’en fichait. Il enleva les bandeaux qui couvraient ses ailes et lui servaient d’accoutrement, puis les entourèrent autour de sa grande coupure pour stopper du mieux qu’il put l’hémorragie qui commençait à durer beaucoup trop longtemps.

- (Hélédelle) Salamèche… ! Hé… tiens le coup… ! Par pitié… *souffle* je t’en supplie !!

Il entoura tendrement de son aile encore fonctionnelle le crâne du jeune Pokémon inconscient, puis colla son front au sien tout en pleurant de douleur.

- (Hélédelle) Je suis vraiment… *souffle* un bon à rien. Je n’aurai… *snif* jamais rien fait de bien en tant que secouriste ou apprentis à la guilde, pas même… *snif* protégé un enfant ! Alors je t’en supplie, et pas pour moi, Salamèche… je veux juste… que tu t’en sortes !!

- (Ramboum) Hélédelle !?

Le groupe arriva. Galifeu éclaira les alentours avec ses flammes, c’est ainsi qu’ils virent l’horripilante scène de massacre. Malheureusement, le responsable avait quitté les lieux depuis de longues secondes déjà.

Pijako entra dans le donjon, ayant promis à ses élèves de revenir. Il savait que la situation avait dégénéré et s’inquiétait plus que tout pour eux. C’est alors que Massko sortit en bondissant de l’étage inférieur. La drogue faisait entièrement effet, et ses yeux rouges firent monstrueusement peur au vieil oiseau qui, en plus, ne pouvait que souligner son aspect blessé horrifiant. Enfin il fallait le dire bien vite, car Massko l’esquiva aussi rapidement qu’il atteignit la sortie, Pijako n’eut qu’à peine le temps de lever une aile.

- (Pijako) … (Ils… ont dû se battre contre ça !?)

Se rendant compte de l’énorme erreur qu’il avait fait, il fonça les rejoindre les larmes aux yeux.

Massko fuyait à toute vitesse. Chacun de ses mouvements étaient justes, il fonçait en direction de sa base sans jamais s’arrêter, sans broncher un seul instant du terrible affrontement qu’il fit. Mais brusquement, Noctunoir intervint. Il se téléporta presque devant lui, l’attrapant de front et tentant immédiatement de l’endormir.

- (Noctunoir) … Qu’importent les choix de Grodoudou… je ne te laisserai pas filer !!

Mais le type plante se défendit, suffisamment pour se libérer et disparaître dans la pénombre de la forêt.

- (Noctunoir) Oh que non, tu ne m’échapperas pas !!

Le voyageur dimensionnel le poursuivit du mieux qu’il put. Il quitta le territoire, laissant un Grodoudou ennuyé par la situation.

- (Grodoudou) Ah bon… ? Pourquoi Salamèche n’a pas gagné ?

Il se gratta l’arrière de la tête, sans plus d’inquiétude que cela.

- (Grodoudou) Tant pis, Massko a quatre rouages du temps en sa possession.

Marmonna-t-il, en constatant les dégâts qu’avait subi le Mont Cristal. Cette soirée du 14 Février fut, à nouveau, un cuisant échec pour la guilde d’exploration.

Un jour s’était écoulé. Noctunoir n’était toujours pas revenu. Argouste et Hélédelle s’étaient réveillés, mais le second devait rester encore un temps à l’infirmerie. Son aile droite n’allait pas bien du tout, et Eoko ne trouvait rien à y faire.

Cinq jours s’étaient écoulés. Noctunoir n’était toujours pas revenu. Créhelf et Créfadet se réveillèrent. Hélédelle n’avait plus le choix, il fut confronté à l’inévitable, pour son aile incurable.

Dix jours plus tard. Noctunoir n’était toujours pas revenu, et Salamèche ne s’était toujours pas réveillé.

Il était en assistance respiratoire depuis tout ce temps, allongé couverts de bandages dans un léger drap comme seul accoutrement. Sa grosse blessure avait cicatrisé, les petites étaient plus persistantes. Mais le problème n’était pas là, et Eoko avait dû le répéter plusieurs fois à Pijako, pour qu’il comprenne. Il ne voulait pas le croire, il refusait d’y croire.

Le choc psychologique joua énormément sur le physique, elle en déduit du fait du témoignage qu’apporta Hélédelle de la situation. Salamèche avait perdu une quantité astronomique de sang, mais il peinait à se régénérer. Son esprit voulait se réveiller, mais la fatigue l’emportait constamment dans d’autres rêves, ou d’autres cauchemars. En d’autres termes, il était plongé dans le coma.

Ce fut une réalité infame à accepter pour toute la guilde. Le premier jour, tout le monde lui rendait visite, au pied de son lit. Les jours suivants, Pijako le surveillait quand Eoko partait. En rentrant parfois, elle le surprenait en train de pleurer à son chevet. Puis, une semaine après le début de l’enfer, seuls Ptyranidur et Pikachu continuaient de venir quotidiennement.

29 Février 232 – Ptyranidur se rendit seul à l’infirmerie. Comme à son habitude, il s’installa sur la chaise lui étant presque uniquement dédié, à ce stade. Il déposa des fleurs à ses côtés, puis pensa à haute voix comme il avait pris l’habitude de le faire, depuis qu’Eoko lui avait dit qu’il pouvait potentiellement entendre les environs.

- (Ptyranidur) Salut, Salamèche…

Sa voix tremblait déjà.

- (Ptyranidur) Nous sommes le 29 Février, le dernier jour du mois. Euh… Noctunoir n’est pas encore rentré. Concernant Hélédelle… il ne s’habitue toujours pas. C’est terrible de le voir dans une telle peine, mais… je ne pense pas que ce soit uniquement à cause de ce qui lui est arrivé. C’est surprenant, d’ailleurs, ça en dit long sur comment nous… comment vous, Dream Team, avez réussi à le changer. Vous êtes formidables, vous inspirez quiconque vous côtois à devenir la meilleure version de lui-même. Moi compris. En fait, c’est toi qui m’as inspiré, Salamèche.

Il déposa aussi tendrement que chaleureusement sa main sur la sienne.

- (Ptyranidur) J’ai repensé au jour où tu m’avouais t’en vouloir, pour ne rien m’avoir dit sur mes origines pendant tout ce temps. Je… t’en ai peut-être un peu voulu… avant de rapidement me rappeler de pourquoi Argouste me reprochait d’être aussi gentil. Je le serais encore plus devenu en quittant la prison de la DDR, mais comment m’en vouloir ? On m’offrait une nouvelle vie, une première chance de faire ce que j’en voulais. Je ne pouvais que me montrer reconnaissant, que ce soit envers les gérants de l’orphelinat de Bourg-Tranquille, n’importe qui qui faisait l’effort de m’adresser la parole, de me demander mon nom ou… tout simplement envers toi. Je l’étais déjà, me dirais-tu si tu le pouvais. Mais tout a changé le jour où, après tout ce que tu avais déjà fait pour nous, après que je te considérai déjà comme un héros, tu fis quand même l’effort de venir me voir quotidiennement pour prendre de mes nouvelles. À ce stade, tu n’étais plus qu’un héros, tu étais notre héros. Ce salopard de Mangriff aura su en profiter, tandis que je considère qu’Argouste ne l’a pas assez fait. Il est comme ça, me dirais-tu, assez froid et dans sa bulle. Après, si cela te permettait de passer plus de temps avec moi, ah ah, je n’allais pas m’en plaindre ! J’aimais beaucoup ta présence, tu dégageais une confiance sans faille. Tu me souriais tout le temps, tu faisais toujours tous les efforts nécessaires pour me le transmettre, que ce soit en m’intégrant comme il le fallait au village, ou en me nouant des liens avec l’exploration. C’est vrai que c’était ton idée, de nous faire également intégrer la guilde. Tu craignais que je n’accroche pas au domaine, mais crois-moi, je ne suivais pas que les aventures de Pharamp pour te faire plaisir. En revanche, en les lisant à tes côtés… ça s’est déclenché chez moi aussi. Cette sensation humiliante, du moins quand elle est au service d’un autre homme.

Un léger silence régna, il se fit lui-même rougir.

- (Ptyranidur) C’est très gênant, j’espère que tu ne m’écoutes pas vraiment, ah ah… Mais, tu avais raison, on se sent oppressé rien qu’à l’idée d’avoir à l’avouer aux autres. Tous sont hétéros, amis comme voisins, village comme… je ne sais pas, absolument TOUS les autres territoires explorés ! Comment se sentir capable de le faire, quand on est certain que notre esprit ne sera plus le seul à nous mettre dans une autre case ? Le simple fait d’utiliser ce terme : avouer. C’est ridicule, je préférai mille fois le cacher à jamais. Puis… j’ai compris que tu l’étais aussi, le jour où Mangriff s’est attaqué à toi. Je me sentais tout de suite beaucoup mieux. Tu m’inspirais encore plus, je ne le pensais même plus possible, à ce stade.

Il baissa la tête quelques instants, se demandant s’il avait vraiment la force de le dire. Puis il se décida, et rouvrit les yeux droit vers le regard éteint de celui qui représentait tellement plus qu’un ami à ses yeux.

- (Ptyranidur) Salamèche… je suis fou amoureux de toi !

Exclama-t-il de tout son cœur.

- (Ptyranidur) Ce… n’est peut-être pas réciproque, c’est même plus probable qu’autre chose. Mais je… je refuse de venir jusqu’à la fin de mes jours ici. Non pas parce que je n’aurai pas la force de le faire, mais parce que je refuse d’imaginer un seul instant que quelqu’un comme toi puisse rester dans un lit d’hôpital à jamais ! La vie est cruelle, mais il y a de l’espoir ! Tu… TU M’AS SAUVÉ LA VIE !!

Cria-t-il de toute son âme. Les larmes lui montèrent, il n’arrivait plus à contrôler ses émotions.

- (Ptyranidur) J’étais persuadé que je pourrirai dans le centre de la DDR, pire, que je deviendrais le soldat dont ils espéraient tant de moi ! Je ne voyais aucune issue, même à ton arrivée ! Et pourtant… *snif* tu as fait ce que tu savais faire de mieux, tu m’as tendu une main… !

Il déposa son grand museau sur la poitrine de celui qui ne pouvait lui répondre, fondant en larme en le voyant dans un tel état. Après ce long discours, il désespérait plus que jamais de le voir dans un lit d’hôpital. Et à vrai dire, Salamèche en désespérait aussi.

- (Salamèche) Ptyranidur !!

Criait-il en boucle, les larmes aux yeux. Il flottait dans le vide intersidéral, ou peut-être n’était-ce que son esprit ? Tout était noir, il ne voyait que sa peau blessée par l’affrontement qui, comme il le comprit, blessa bien plus Ptyranidur que sa propre personne.

- (Salamèche) Non, je refuse de te laisser pleurer ! Ptyranidur, je… *snif* TU SAIS TRÈS BIEN QUE JE SERAI PRÊT À MOURIR POUR TE RENDRE LE SOURIRE !!!

Hurlait-il de toutes ses forces, espérant plus que tout qu’au moins l’un de ses mots parviendrait à son interlocuteur. Mais rien, son corps était beaucoup trop endommagé pour être à nouveau actif.

C’est alors que des mots, des groupes de mots, des phrases entières traversèrent son esprit.

« - Tu n’as plus l’choix. Bon sang, nous faire perdre du temps maintenant… Les humains n’devraient même pas avoir leur mot à dire sur cette histoire ! »

- (Salamèche) Quoi… ? Pifeuil ?

« - (Germignon) Tu crois que jouer aux héros te servira, imbécile… ? »

- (Salamèche) Non… ça suffit.

« - (Carapuce) Auto-proclame toi « mon rival » si ça t’chante, ça ne m’donnera que plus de plaisir à t’humilier, pauvre merde !! »

- (Salamèche) Stop !!

« - (Ectoplasma) Le feu te brûlera, hors de ce village. »

« - (Roitiflam) Ah ah, et sans hésiter, en plus ! C’est bien, prends en confiance, le chef de la DDR doit l’être ! »

« - (Mangriff) Imagine deux secondes à quel point ils auraient honte de toi, plus personne ne voudrait se tenir dans la même douche, ah ah ! Ni dans la même chambre, en fait, qui sait ce que tu serais capable de leur faire la nuit ? Les mecs divergeant comme toi, ils ne méritent pas de s’tenir au même niveau qu’le reste de la population ! Vous êtes malades, vous devez vous faire soigner !! »

« - (Riolu) Je… ne sais pas si je devrais te croire, Salamèche. J’aimerai bien, mais d’un autre côté… je refuse de ne plus t’en vouloir, pas après tous ces faux sourires. »

« - (Pijako) TOI, VA FALLOIR REDESCENDRE SÉVÈRE !!! TU AS SURVÉCU JUSQUE LÀ PAR UN CONCOURS DE CIRCONSTANCES, N’IMPLIQUE PAS LE RESTE DU MONDE DANS TES MISSIONS SUICIDES !!! NOUS N’AVONS PAS AUTANT DE CHANCE, DREAM TEAM !!! »

« - (Massko) ET TU OSES POSER CETTE QUESTION !? »

- (Salamèche) FERMEZ-LÀ !!!

Le silence régna à nouveau.

- (Salamèche) Je m’en moque. Souviens-toi de toutes les insultes dites et redites en boucle, de tous les échecs et regrets à l’infini, si cela te chante. Mais je m’en moque plus que tout, je n’en ai sincèrement plus rien à foutre ! Je suis prêt à passer à autre chose, maintenant.

« - (Pharamp) Tu en as les capacités, j’en suis persuadé ! »

- (Salamèche) Non, Pharamp, vous n’en savez strictement rien. J’ai sauvé des vies, peut-être, mais à quel prix ? Celui de les plonger dans un chagrin impérissable ? Ptyranidur souffre par ma faute, parce que j’ai été incapable, à nouveau, de contrôler mes émotions. Massko m’a eu comme ça, parce qu’il… est en réalité Arcko, notre Arcko. Bien sûr que ça m’inquiète, j’aimerai tant savoir comment il en est arrivé ici, essayer de me réconcilier et, à l’inverse, je ne veux surtout pas voir la réaction de Riolu. Mais je dois apprendre à accepter la situation telle qu’elle m’est donnée. Le problème de la Dream Team est qu’elle n’a jamais vraiment connue le grand échec. J’aurai aimé apprendre une telle leçon de vie aux côtés de Pikachu, mais les choses se sont déroulées autrement. Tant pis, je dois de toute façon assumer. Roitiflam est terrifiant, mais je le surpasserai. Pharamp est naïf, mais je ne le décevrai pas. Mangriff est dangereux, mais je l’arrêterai. Et Arcko est… mort, mais c’est comme ça. J’en ai fait le deuil, voilà pourquoi il est strictement hors de question de considérer ce hors-la-loi comme la conséquence de notre échec. Il a blessé mon entourage, il a un objectif que je suis obligé… que dis-je, destiné à arrêter. Alors qu’importe ce qu’il me dira, à présent. Je ne juge plus un ami qui pouvait me reprocher des choses, j’affronte un Pokémon capable de mettre fin à tout ce que nous avons construit jusqu’à présent… et je triompherai !

Soudainement, une petite lumière scintilla au-dessus de la tête du chef de la Dream Team. Il n’hésita pas un seul instant, et fit ce qu’il savait faire de mieux : tendre une main. Mais pour la première fois, il ne le faisait plus pour offrir son aide. Pour la première fois… il enlaçait celle de celui qui la lui offrait à jamais.

- (Bulbizarre) Wow… regardez !!

Exclama l’enfant idéaliste, en pointant d’un museau curieux la fenêtre de l’infirmerie de la guilde qui, d’une hauteur lointaine, laissa paraître l’explosion lente mais immanquable d’une lumière à la couleur unique. Une couleur qui ne pouvait être associée qu’à un seul événement, une lumière qui fit comprendre à tous les apprentis qui la virent, à Eoko et Pijako… que l’espoir avait frappé.

Quand Ptyranidur rouvrit les yeux, il vit la lueur des siens. Il les écarquilla lentement, tremblant d’une euphorie qu’il ne pouvait pas encore assurer de réelle. Hallucinait-il ? Après tout, il n’était plus comme avant. Sa peau écailleuse n’était plus orange, mais rouge, un rouge bien plus attirant. Son crâne avait grossi, comme le reste de son corps, mais il se voyait désormais accompagné d’une sorte de corne partant vers l’arrière. Ses bras avaient grandement gagné en taille et corpulence, ses jambes un peu moins, même si leurs musculatures étaient bien plus prononcées. Sa queue était plus longue et épaisse, tandis que la flamme brûlant vivement à son bout avait puissamment augmenté. Sa poitrine ressortait enfin légèrement, tandis qu’un léger dessin de ses abdominaux se construisait jusqu’à son nombril. En retirant sa main de la sienne, Ptyranidur remarqua également trois importantes griffes de chaque côté, à la place des minuscules mains qu’il possédait auparavant. Enfin, son museau s’était accentué, son regard froncé. Mais ses yeux restaient bleus, ils restaient absolument splendides, pour lui. C’est dans son regard qu’il le reconnu, et qu’il arriva à trouver les mots justes.

- (Ptyranidur) … Salamèche… ? Tu… tu as évolué… !

- … Ptyranidur…

Sa voix était légèrement aggravée, comme Carabaffe ou Massko. Mais son ton si gentillet, restait strictement le même.

- (Ptyranidur) Est-ce que… tu m’as entendu ?

- … Oui…

- (Ptyranidur) … Veux-tu… que je répète l’essentiel, Salamèche ?

- Ce n’est plus mon nom, Ptyranidur…

- (Ptyranidur) Oui, c’est vrai. Comment dois-je t’appeler ?

- … Reptincel.

Voilà qui il était devenu, Reptincel, le chef de la Dream Team.

- (Reptincel) Et… concernant l’essentiel…

Il soupira, ferma les yeux… et embrassa pour la toute première fois de sa vie un autre Pokémon. Ptyranidur l’accompagna immédiatement, ne s’y attendant pas le moins du monde… mais étant plus que jamais rassasié de ce qui était vraiment, mais alors vraiment en train d’arriver. Cela ressemblait beaucoup trop à un rêve, même pour Reptincel. Évoluer, il s’en moquait. Avouer son amour à Ptyranidur, en revanche, fut de loin le meilleur événement de sa vie.

Ils se séparèrent un instant, tous deux essoufflés du fait de sentir leur cœur battre la chamade. Puis Ptyranidur grimpa sur le lit, entoura de ses petits bras le corps désormais plus épais de celui qu’il aimait… et l’embrassa à son tour. Reptincel l’accompagna, se rallongeant en emportant son amour avec lui.

Hélas pour eux, Eoko et les autres entrèrent à toute vitesse dans l’infirmerie, à peine quelques secondes plus tard. Tout le monde fut gêné un court instant, mais au moins, c’était fait. Ils n’avaient plus à le cacher, de toute façon, cela ne semblait plus être prévu. Les sentiments que l’un ressentait envers l’autres étaient explosifs, qui n’aurait pas fini par le remarquer ?

Quelques heures plus tard, alors qu’il fut analysé de fond en comble, Eoko déduisit que l’évolution avait réparé ses systèmes régénérants. Personne ne se doutait du travail mental et psychologique qu’avait dû réaliser cet adolescent pas comme les autres. Il était humain, après tout, l’évolution avait été provoqué selon différents critères. Contrairement à la norme, il ne vit aucun souvenir traumatisants, mais seulement des brefs passages regrettables de sa vie. Cela aurait pu et dû l’affecter. Bienheureusement, le seul Pokémon qui, à ce stade, pouvait l’aider à sortir de ce syndrome de l’imposteur était à ses côtés. Et tout le reste se déroula par pur instinct, l’amour l’avait guidé vers une seconde chance.

Alors qu’il retrouva le goût en dégustant un succulant diner, les autres l’informèrent de tout ce qui était arrivé en son absence.

- (Pijako) Riolu n’a toujours pas été retrouvé.

- (Reptincel) Oui, j’avais cru le comprendre.

Il repensa un instant à ce que Massko lui avait dit, et affichait un air incertain et navré pour son ami.

- (Reptincel) Je serai tenté de dire qu’il ne lui fera rien, mais… Massko est devenu trop imprévisible.

- (Carabaffe) … (Devenu… ?)

- (Ramboum) Noctunoir non plus, n’est toujours pas revenu. Cela fait deux semaines qu’il traque Massko seul.

- (Keunotor) Et du coup… il a quatre rouages du temps en sa possession. Notre monde court à sa perte, tout cela parce que la guilde d’exploration entière n’a pas été capable d’arrêter un adolescent.

Les regards se tournèrent à nouveau vers le maître, même celui de Pijako. Pour une fois, il était de leur côté, il ne pouvait que les soutenir après sa non-intervention. Reptincel comprit qu’une forte engueulade avait éclaté entre ceux qui attendaient son aide telle une divinité, et celui qui avait décidé de laisser ses apprentis se débrouiller seuls. Ceci-dit, Grodoudou ne semblait pas spécialement se reprocher quoique ce soit, et plus personne n’osait vraiment remettre le sujet sur la table.

- (Grodoudou) Dis-moi, Reptincel… comment te sentais-tu, face à Massko ?

- (Pijako) Maître… c’est peut-être un peu indiscret, il vient à peine de se réveiller.

- (Reptincel) Il n’est pas invincible.

Exprima-t-il calmement, essayant de se rappeler de chacun de ses mouvements lors de la confrontation.

- (Reptincel) Si je n’avais pas été crédule… je l’aurai emporté.

- (Pikachu) Ne te le reproche pas, mon ami… personne n’a rien su faire face à lui.

- (Reptincel) Ce n’est pas la défaite qui me répugne, mais la défaite après tout ce qu’Hélédelle a fait pour moi. Il m’a permis d’analyser Massko, il m’a permis de prendre l’avantage… et j’ai quand même échoué. D’ailleurs, où est-il ?

- (Cradopaud) À l’orphelinat, il y passe pas mal de temps depuis que tu es dans le coma.

- (Héliatronc) Oui, il tenait sincèrement à jouer les remplaçants. Je crois qu’il s’en veut aussi.

- (Reptincel) Il faut que j’aille le voir.

- (Keunotor) Ouais, on suppose…

Un léger silence régna.

- (Reptincel) Quoi ?

- (Cradopaud) Rien… soit juste compréhensif, avec lui.

L’heure du diner s’acheva, et le type feu fonça à Bourg-Trésor retrouver son partenaire d’exploration. Il toqua à la porte de l’orphelinat, dévisageant avec incertitude le petit jardin entourant l’entrée. Il avait vraiment l’impression de ne pas être revenu depuis longtemps. Gruikui ouvrit, et sursauta presque de surprise. Il appela les autres, puis dans un geste incontrôlé mais nécessaire, sauta dans les bras du nouveau Pokémon. Bulbizarre, Tarsal et Vivaldaim arrivèrent et en firent de même. L’adolescent était submergé de bienveillance, il en retrouvait le sourire. De plus, sa nouvelle forme physique lui permettait d’encaisser plus facilement la charge de quatre enfants surexcités, jusqu’à ce que celui qui les gardait arrive à son tour.

Reptincel leva le regard vers lui, vers l’oiseau bourgeois qui pour la première fois, lui affichait un vrai sourire sincère. Pas narquois, pas exagéré, par sûr de lui, non. Un sourire tout droit sorti de l’évincement de toute la peur, toute l’angoisse qu’il avait pu ressentir pendant ces deux semaines. Il lui rétorqua tout d’abord le même sourire… avant de baisser lentement le regard vers son aile droite. Elle n’était plus. Oui, la blessure infligée par Massko fut fatale, et Eoko n’eut d’autres choix que lui amputer son aile malheureusement incurable. L’expression du visage de Reptincel passa de la joie à la crainte, il commençait à comprendre ce que tout cela impliquait. Malgré tout… Hélédelle lui tendit son autre aile.

- (Hélédelle) Ne fais pas cette tête, mon ami. Ce n’est pas ta faute.

Ce n’était peut-être pas grand-chose, mais le fait de l’entendre de son propre bec le rassura énormément. Il attrapa l’aile, se fit redresser et en profita pour l’enlacer. Il l’enlaça de tout son cœur, l’air navré, mais heureux de tout de même le retrouver.

Quelques minutes plus tard, ils discutaient tranquillement tout en se promenant sur la plage si calme du continent. La lune se levait, tandis que le bruit des vagues s’échouant animait la scène paradoxalement très chaleureuse.

- (Hélédelle) Reptincel, hein ? Ce n’est plus un nom enfantin, tu deviens enfin un apprentis explorateur crédible, ah ah ! En tout cas, tu es magnifique. Cette nouvelle musculature devrait énormément aider tes analyses.

- (Reptincel) C’est clair. Maintenant que j’ai une plus longue portée, des griffes, une meilleure endurance et des flammes probablement plus puissantes, je dois tout réviser pour profiter au mieux de cette nouvelle forme. J’ai si hâte de reprendre l’entraînement !

- (Hélédelle) … Je suis heureux de savoir que tu t’en es sorti en parfait état. Si nos cas avaient été inversés, je ne sais pas si je l’aurai supporté.

Il baissa un regard honteux, semblant s’en vouloir terriblement.

- (Hélédelle) Je n’ai toujours été qu’une ordure, surtout avec vous, les adolescents. Et malgré tout, tu m’as défendu, au Lac des Brumes. Tu as convaincu les autres de me laisser une deuxième chance, de me tendre une main malgré tout le mal que je leur avais fait pour servir mes propres intérêts. Aujourd’hui, l’Aile Incurable est dernière de loin dans le classement des points, mais je me sens tellement mieux. Ne plus se servir de vous, ne plus vous manipuler, ne plus… avoir à jouer à ce jeu répugnant avec des Pokémon qui ne le méritaient absolument pas… *soupir* c’est si apaisant. Je ne m’attendais pas à ce que vous me pardonniez, mais je voulais quand même me racheter. Au moins donner le meilleur de ma personne une seule fois, quitte à y laisser une aile pour votre bien, j’étais prêt à prendre le risque. Malheureusement, mon incompétence aura laissé une aile sans que rien ne te soit épargné en retour. Je suis pitoyable, je l’ai toujours été. Maintenant, je suis forcé d’arrêter ma carrière d’explorateur avant même qu’elle ne commence, tout ça en repensant à jamais à ce jour ou tout avait basculé, ou malgré l’anéantissement de mon rêve, je restais pitoyable.

- (Reptincel) Et les bandeaux ?

- (Hélédelle) Quoi ?

- (Reptincel) Ceux que tu portais comme accoutrement. Eoko m’a dit qu’ils m’avaient permis de survivre à l’attaque de Massko, du fait de tout le sang qu’ils m’économisèrent.

- (Hélédelle) Ce… ce n’était que le stricte minimum.

- (Reptincel) Non, pas après l’état dans lequel tu étais. Pas grand monde aurait eu la détermination de se déplacer, avec tes blessures, encore moins pour sauver quelqu’un qui a gâché l’espoir de toute une guilde par incapacité à faire la part des choses.

- (Hélédelle) Ne dis pas n’importe quoi, tu as été un héros.

- (Reptincel) Pourtant, de nous deux, il n’y en a qu’un qui peut prétendre l’avoir été. Je n’ai sauvé aucune vie, moi.

- (Hélédelle) …

- (Reptincel) Tu as réussi, Hélédelle. Tu m’as sauvé la vie, tu es devenu le héros qui rêvait tant de se racheter.

L’oiseau bourgeois soupira timidement, un sourire qu’il n’arrivait pas à cacher monopolisait son bec. Son ami l’enlaça à nouveau d’un bras, rigolant sincèrement à ses côtés. Ils terminèrent la soirée en regardant l’horizon de la mer calme qui se présentait à eux.

- (Reptincel) Alors, qu’est-ce que tu vas faire ?

- (Hélédelle) Quitter le continent, je suppose. Même si cela ne m’intéresse pas plus que ça, une vie toute tracée d’avocat m’attend. Je m’engagerai pour une cinquième année d’étude en Septembre, et en attendant… profiterai de la vie, sans doute.

- (Reptincel) Je vois. Tu comptes rentrer à Param-les-Vents ?

- (Hélédelle) J’ai dit profiter de la vie, Reptincel. Il est hors de question que je rentre dans une famille que j’ai fuie pour devenir apprentis à la guilde. Cet avenir est fichu, mais le miens diffèrera toujours de celui de mon père.

- (Reptincel) Donc… plutôt Loliloville ?

- (Hélédelle) Plutôt Loliloville.

- (Reptincel) Ah ah, parfait ! Les trois quarts d’entre nous partent pour Loliloville, tu ne seras finalement pas si loin d’eux.

- (Hélédelle) Et ça me rassure, crois-moi. Cradopaud me manque déjà… je m’en veux de le laisser seul, même s’il me répète en boucle que tout ira bien.

- (Reptincel) Bien sûr que tout ira bien, il a un sacré mental d’acier.

- (Hélédelle) Et toi ? Iras-tu aussi à Loliloville ?

- (Reptincel) … Non, je ne pense pas. Ne le dis pas aux autres, je n’en suis pas encore certain. Mais je… j’aurai quelques problèmes personnels à régler, avant de quitter le continent Sud. Je pense que la nature me fera du bien.

- (Hélédelle) Ne t’en fais pas, ça restera entre nous. Ce dont je veux être sûr, en revanche…

Il lui tendit son aile, les griffes fermées tel un poing déterminé.

- (Hélédelle) C’est que nous nous reverrons. Je veux te voir au sommet du domaine, Reptincel, je veux te voir devenir le meilleur de tous les explorateurs !

Son ami lui sourit, avant de lui tapoter le poing avec engagement.

- (Reptincel) Je ferai de mon mieux !

Finalement, cette rencontre fut bien moins atroce qu’il ne le pensait. Hélédelle allait bien, il s’engageait déjà sur une autre voie. Si ce n’était pas encore totalement le cas, ce soir-là, ils devinrent sincèrement de vrais amis.

Le reste de la soirée fut plus réconfortant. Reptincel appela Pifeuil avec le téléphone fixe de la guilde. Lui qui avait été prévenu de son coma, il s’inquiétait terriblement, alors son fils se dépêcha de le rassurer tout en lui avouant la nouvelle. Enfin, LES nouvelles, j’eusse précisé plutôt qu’il ne ressentait plus le besoin de cacher son homosexualité.

En partant ensuite en direction de sa chambre, il croisa Pijako qui lui barra la route. Sans dire le moindre mot, il l’enlaça chaleureusement. Il l’avait senti durant le diner, le chef de la guilde en avait besoin. Peu après, en lui confiant quelques médicaments, Eoko lui avoua qu’il avait énormément pleuré son état.

Il essaya ensuite de se reposer dans le bon bain chaud collectif des hommes. Malheureusement, Ramboum, Écrapince, Keunotor et Cradopaud voulaient absolument lui exprimer leur joie de le retrouver parmi eux, qu’il le veuille ou non. Disons qu’il fut forcé à rire aux éclats pendant un bon quart d’heure…

Enfin, il put s’affaler sur son lit de paille. Pikachu lui raconta quelques anecdotes avant qu’ils ne s’endorment tous les deux, épuisés par cette journée comblée de révélations.

Le lendemain, en attente de l’avancée des recherches du maître, du chef et des trois elfes légendaires sur la situation, la routine recommença. Les apprentis n’avaient plus à vadrouiller autour de Bourg-Trésor, ils pouvaient enfin reprendre leurs sessions d’explorations.

Le mois de Mars commençait tranquillement. Le bateau venu chercher Hélédelle pour finalement quitter le continent Sud arriva. Il salua tout le monde, enlaça Cradopaud… puis les laissa terminer cette fastidieuse mais unique aventure. Il tendit son aile de loin, alors que le bateau avait décollé depuis un moment maintenant, l’air désolé. Il s’en voulait de ses laisser s’occuper de Massko et de toute cette histoire liée aux rouages du temps seuls, mais il n’avait pas le choix.

- (Hélédelle) Rentrez en bon état, je vous en supplie…

Il avait hâte, si hâte de les retrouver de l’autre côté du globe.

Maintenant, la guilde se devait de travailler d’arrache-pied. Riolu était encore à retrouver, Noctunoir et Massko également, le dernier des rouages du temps plus que jamais. Où pouvait-il se trouver ? Malheureusement, ni Créhelf, ni Créfollet ni Créfadet ne pouvaient aider, cette fois-ci. Mais bienheureusement, ils n’eurent qu’à attendre.

10 Mars 232 – un groupe de trois Pokémon mirent les pieds à Bourg-Trésor. L’un d’entre eux fut tout de suite reconnu pour sa carrure aussi imposante qu’originale : c’était Noctunoir. Le second était Ténéfix, qui ressortait de nulle part. Il maintenait fermement le bout d’une chaîne qu’il tirait pour forcer celui qui était bâillonné à avancer. Qui ça ? Quelle question ; Massko, bien sûr.

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