Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 22 : "Mon nom est Salamèche !"

7742 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/03/2021 13:43

Le ciel sans nuage laissait un soleil agressif cogner la peau des habitants de Bourg-Tranquille, couverts de légers tissus et de robes flottant au gré du vent. Pourtant, malgré son type Plante, malgré la chaleur et malgré tous les aprioris qu’autrui portait au sujet de son village, elle courait sans relâche. Elle contourna les avenues, bondit dans les champs et glissa l’escarpement menant au lieu le plus isolé et maussade de la bourgade. Il s’agissait d’un large bâtiment, construit d’un béton froid et moisi, aux fenêtres dépourvues de vitres, seulement comblées de barreaux. Elle se plaqua contre le mur arrière en reprenant silencieusement son souffle. Elle se faufila jusqu’à se cacher entre un tonneau et plusieurs caissons, d’où elle remarqua cinq adultes proche de l’entrée.

— Madame la maire, se moqua Charmina, par pitié, faites-lui comprendre ce qu’est une loi !

— Pour la dernière fois, s’irrita Raichu, laissez-moi passer !

Elle sanglotait et tremblait de rage.

— S’il vous plaît, la raisonna Rapasdepic, un peu de bon sens.

— Du bon sens ? Vous retenez mon fils prisonnier !

— Parce qu’il est un fugitif.

— C’est insensé ! Je vous avais demandé d’envoyer les secours le chercher parce qu’il avait été kidnappé par l’humain !

— Réveillez-vous, il est évident qu’il s’est proposé pour aider l’humain dans sa fuite ! Tant qu’il ne dira rien à son sujet, lui et l’autre étranger seront retenus en captivité !

— Comment osez-vous ? Espèce de traitre !

— Traître ? Oh, non, pas encore. En revanche, il serait traître de ma part de vous accuser de tous les torts de votre enfant. Où logeriez-vous, sans Bourg-Tranquille ?

— Vous seriez prête à nous expulser du village ?!

— Je n’ai aucune pitié pour les fauteurs de troubles, clama-t-elle sèchement. Maintenant, hors de ma vue !

D’un air navré, la jeune fille observa la mère de son ami remonter au village en sanglotant. Elle aperçut Rapasdepic en faire de même, après avoir ordonnée aux membres de l’équipe Chaotique de surveiller les lieux. Le plus discret d’entre eux ne prit la parole qu’une fois la compagnie éloignée.

— Bon, râla Ectoplasma, combien de temps avant que je me retrouve seul ?

Sa voix était morne, complètement étouffée par les rires narquois de ses collègues.

— Bientôt ! s’esclaffa Arbok. On attend jussste qu’elle sss’éloigne de la plassce pour aller boire un coup !

— Est-ce que vous comptez me remplacer, d’ici ce soir ?

— Arrête de te plaindre, Ectoplasma ! Tu as la chance d’être infatigable, si tu savais comme on t’envie !

— Je ne suis pas infatigable, et ce n’est de toute façon pas une raison pour me laisser tout le sale boulot…

Plus personne ne semblait l’écouter. Peu importe, car sur la pointe des griffes, la jeune fille approcha l’une des quelques fenêtres qui ouvraient sur les cellules. N’ayant pas la taille de voir au travers, elle murmura.

— Pikachu… ?

— Hein ? s’échappa d’une autre fenêtre. Elle s’en approcha, le sourire aux lèvres.

— Pikachu, tu es là…

— Germignon, c’est toi ?!

— Silence, lui dicta Branette, ils vont t’entendre…

— Oh, mince… ! Désolé…

De l’autre côté, dans une piteuse petite pièce comportant des bouts de bois enchaînés aux murs et des toilettes insalubres, les deux garçons semblaient tourner en rond depuis des heures. Alors que Branette était assis à se frotter les bras, les yeux rivés sur toutes ces lanternes, de l’autre côté des barreaux, qui empêchaient l’ombre de se frayer un chemin jusqu’à lui ; Pikachu se colla contre le mur de la fenêtre.

— Je suis trop content de t’entendre…

— Et moi, alors… ! Tu es avec quelqu’un… ?

— Ouais, avec un ami de Bourg-Palissade…

— Branette… ?

— Tout juste, lui répondit le concerné.

— D’accord, donc je suis le dernier au courant, visiblement…

— Que tu le saches tout de suite, reprit le type Spectre, Salamèche n’est pas avec nous.

— Oui, je m’en doutais. Ce n’est pas grave, je vais quand même trouver un moyen de vous faire sortir d’ici…

— N’engage surtout pas le combat contre eux… ! lui souffla Pikachu. Ces deux ordures ont essayé de nous tuer…

— Pardon… ? La Magné-Team l’avait supposé, mais…

— Si tu savais le nombre de fois que j’ai failli le perdre, Germignon. Au final, il est parti de lui-même…

— Je suis désolée, Pikachu. Votre périple a dû être infernal…

— C’est pour ça que je suis revenu, pour chercher de l’aide. Tiens, attrape ça…

Entre les barreaux, il fit glisser une lueur que Germignon rattrapa avec sa feuille.

— Un badge de secouriste… ?

— Non, c’est celui d’Alakazam.

Effectivement, il était bordé de dorure.

— Il m’avait promis de prendre soin de Salamèche. Mais il semblerait que tout repose sur nous, désormais…

— Pikachu, attention !

Trop tard, Arbok débarqua face à leur cellule et aperçu Pikachu collé au mur, l’attention portée sur la fenêtre.

— Bah alors, on sssifflote au monde extérieur ?

— Hein ?! Non non, pas du tout !

— Charmina, par derrière !

— Bon sang ! s’alarma Branette. Fuis, Germignon !

Elle bondit jusqu’à l’escarpement, qu’elle gravit le plus rapidement possible. Dans son dos grandissait une ombre.

— Qu’avons-nous là ? Une enfant égarée ?

Trébuchant une fois le sommet atteint, elle se rattrapa en plantant une griffe dans la terre. Elle remonta en dévisageant le sommet du bâtiment, sur lequel le secouriste posait d’un air frelaté.

— T’es en état d’arrestation, ma grande !

— Ne vous approchez pas de moi !

— Je vais m’gêner !

Il sauta si haut dans sa direction, qu’il s’apprêtait à esquiver l’escarpement pour l’atteindre sans détour. Mais à la dernière seconde, alors qu’elle mimait l’inquiétude en se recroquevillant, Germignon se redressa et lui asséna un coup de boule en plein ventre, le forçant à glisser le long des roches. Le temps qu’il s’en relève, elle était déjà loin. Le serpent le rejoignit en se gaussant à gorge déployée.

— Elle t’a bien eu !

— Saloperie ! Tu caches bien ton jeu !

— Les gars, débarqua Ectoplasma, attendez ! Vous comptez lui faire quoi ?!

— Quelle question ?! Quoiqu’on lui ait dit, elle ne doit pas parler !

— Calmez-vous, c’est juste une gosse !

Mais Arbok et Charmina la poursuivirent d’un air assassin.


Chapitre 22 : « Mon nom est Salamèche ! »


Une passivité morbide. Voilà tout ce que Germignon avait constaté, suite au départ de Salamèche et Pikachu. Pourtant, plus rien n’était comme avant. La joie de vivre qui habitait ce village si tranquille s’était peu à peu dissipée, tandis qu’un climat de honte pesait sur la place. Les habitants ne se regardaient plus, ils ne sociabilisaient plus, ils ne souriaient plus. À la maison, le sujet était tabou, bien qu’à leur manière, les autres familles tentaient de rassurer la mère du fugitif. Mais personne ne revenait jamais sur la décision de Rapasdepic. Qui plus est, depuis que l’équipe Chaotique avait le monopole du secourisme, plus personne ne criait à l’aide. Pourtant, le marché Kecleon se vidait à vue d’œil, Makuhita et Férosinge prenaient le risque de quitter le village pour cueillir leur propre nourriture, Mégapagos souffrait de grave problèmes de dos, le bar qu’il gérait avec Lombre fermait régulièrement, Nanméouïe se retrouvait avec plus de patient sur les bras, les maisons se délabraient et les sauvages devenaient plus agressifs.

En classe, l’absence du bavard dans le fond ainsi que de cette petite chaleur scintillante manquait. Dame Flotoutan, l’infirmière Nanméouïe et le professeur Canarticho s’étaient regroupés, suite à une déprime générale de leurs élèves.

— Les enfants, expliqua la directrice, comme vous le savez, les examens sont suspendus jusqu’au neuf juin. La menace de la fin du monde, bien que peu probable, est reconnue comme une source d’anxiété et de démotivation pour vous. Je comprends que l’atmosphère pesante vous perturbe. Cependant, il est essentiel que vous réussissiez cette étape importante de votre vie. Surmonter les obstacles vécus par tous, malgré les intempéries qui vous affectent personnellement, est la preuve d’une motivation sans faille.

— À quoi bon ? intervint directement la première de la classe. Il a été exclu parce qu’il était différent, n’est-ce pas ? Alors à quoi bon chercher à plaire à Loliloville, avec de bonnes notes et une motivation sans faille, si c’est pour être refusé, méprisé et craint à cause de notre différence ?

Personne ne trouva quoi que ce soit à répondre. La cloche sonna et tout le monde se pressa de rentrer chez soi. Pourtant, la jeune fille tardait à ranger ses affaires. Bien qu’elle ait promis à Salamèche de ne pas baisser les bras, elle se sentait inefficace, perdue et vide.

— Hé, l’interpella le garçon à la carapace.

Bouche bée, Germignon recula tout d’abord. Voilà bien des années, qu’ils ne s’étaient pas adressé la parole. Lui-même détournait le regard, les pattes dans les poches, alors qu’elle avait l’impression de le voir rougir.

— Si tu tiens tant que ça à faire bouger les choses, je connais un endroit qui pourrait t’intéresser.

Désespérée, elle le suivit après une brève réponse. Ils traversèrent la place vidée de ses habitants, contournèrent les avenues et se faufilèrent entre plusieurs charrettes, caissons et arbustes pour atteindre l’un des bâtiment les plus isolés du village. Elle s’arrêta face à la pancarte installée devant l’entrée, perplexe.

— Le dojo Makuhita ? Tu penses que je devrais apprendre à me battre ?

— À te défendre, répliqua-t-il. Tu sais déjà te battre.

Elle le dévisagea quelques instants, ne cessant de repenser à cette journée qui fit d’elle une jeune fille froide et introvertie. Le soir-même, elle s’était effondrée en larmes chez elle, jurant de ne jamais le pardonner. Aujourd’hui, elle avait la possibilité de retrouver une utilité à ce badge poussiéreux qu’elle avait récupérée chez Salamèche, le soir de son départ.

Et ainsi renaquit la Dream Team.

À elle seule, elle apportait une aide discrète à tous ceux qui en avaient besoin. Elle rassemblait les ressources nécessaires pour que Kecleon puisse faire tourner son marché, veillait à ce que Makuhita et Férosinge aient de quoi se nourrir et soulageait les douleurs dorsales de Mégapagos en lui récoltant des plantes médicinales. Elle réparait à plusieurs reprises la canalisation du bar, aidait les habitants à nettoyer les derniers débris dangereux qui rôdaient autour de leur maisons et allégeait le travail de l’infirmière, qui voyait de moins en moins de blessés avec le temps. Tout cela se faisait en cachette, loin des regards de sa mère, de l’équipe Chaotique et de Rapasdepic. Lorsque cette dernière ordonna à Arbok et Charmina d’abattre Salamèche, la jeune fille tenta de convaincre Raichu que poursuivre son fils était une erreur. Et lorsque la maire fit appel à la Magné-Team, Germignon saisit l’occasion d’une révolte.

En cette matinée du vingt-quatre mai, lorsqu’elle apprit que Pikachu était revenu au village, elle sut que le moment était venu de récolter les fruits de tout ce qu’elle avait semé. Dans sa cellule, le rongeur secoua les barreaux à répétition. Il débordait d’éclairs.

— Libère-nous, Ectoplasma !

De l’autre côté, la boule au pelage violet détournait le regard.

— Hé ! Arrête de m’ignorer !

— S’il souhaitait vraiment nous ignorer, remarqua Branette, il ne resterait pas face à nous.

— Alors qu’est-ce qu’il attend ?! Ses potes cherchent à tuer Germignon !

— Ils ne la tueront pas, marmonna le secouriste d’une voix incertaine.

— T’as jamais été leur cible, on dirait ! Elle est de type Plante, le dard d’Arbok ne l’épargnera pas !

— Ectoplasma, tenta Branette, c’est ça ? Tu as beau faire partie d’une équipe de secours, tu n’as pas l’air de beaucoup t’en vanter. Qu’est-ce qui t’a poussé à trahir Salamèche ?

— Je ne l’ai pas trahi ! s’irrita-t-il. Je… j’ai simplement dit la vérité.

— En omettant le plus important, semblerait-il.

— Tu savais très bien que se débarrasser de lui n’était pas la seule solution pour mettre fins aux secousses !

— Je voulais le dire, mais…

— Mais tu n’as rien fait, l’accusa l’autre type Spectre. Et maintenant, personne ne sait où il est. Tu es responsable de plusieurs mois de souffrance de deux enfants, de la disparition d’une équipe d’exploration et de l’exil d’un adulte qui faisait de son mieux, tout ça pour être le seul à protéger un village qui, des dires que j’en ai eu, ne t’a jamais intéressé. Tu fais terriblement honte à tous les types Spectre, Ectoplasma. Tes grandes capacités devraient être au service des autres…

Le secouriste baissa les épaules. Son regard se perdit, alors qu’il s’affaissa contre un mur. Il larmoyait.

— Je n’ai jamais demandé ça. Je voulais juste trouver un moyen de gagner de l’argent. Mais depuis qu’ils sont dans ma vie…

Il repensa à cette expédition au Grand Ravin, avant de fondre en larmes.

— Je regrette tout ce que j’ai entrepris…

Les deux amis s’échangèrent un regard perplexe.

Au même moment, Germignon courait de toutes ses forces. Déboulant dans les champs vides, elle bondissait de récolte en récolte, esquivant les assauts directs de Charmina, ainsi que les dards d’Arbok.

— Arrête de fuir, sale vermine !

— Comment peut-elle être aussssi agile ?!

— Peu importe, elle s’épuise plus vite que nous ! File-moi l’un de tes dards !

Le serpent s’exécuta, alors que la jeune fille entrait dans les avenues proches de la place centrale. Elle peinait à reprendre son souffle, sentant chacun de ses membres brûler de l’intérieur. Elle ralentissait, en s’efforçant de ne pas s’arrêter. Au loin, Charmina grimpait jusqu’au sommet d’une maison. Il s’agenouilla, inspira doucement, la visa d’un œil et anticipa sa trajectoire. Puis, il tira de toutes ses forces. Germignon hurla de douleur, en s’écrasant au sol. Le dard s’était planté dans son dos. Mais alors qu’ils se rapprochèrent, elle rouvrit les yeux.

— Quoiqu’il m’en coûte…

Elle s’appuya sur ses pattes, se redressa en crispant les dents, puis avança. Elle marcha de plus en plus vite, jusqu’à courir sans s’arrêter. Plus qu’une vingtaine de mètres, elle titubait en sentant tout son corps brûler. Plus qu’une dizaine de mètres, elle en crachait du sang. Charmina lui bondit dessus, l’air enragé.

— Reviens ici ! hurla-t-il en la percutant à pleine puissance.

Elle voltigea, avant de s’effondrer au centre de la place. Malgré tout, elle maintenait de ses dernières forces le badge d’Alakazam. La marchande Kecleon ainsi que Tengalice, Hippodocus et Lombre, qui depuis plusieurs minutes échangeaient comme autrefois, la fixèrent sous le choc d’un pesant silence.

Mais Charmina n’en avait pas terminé. Lui aussi était essoufflé, mais plutôt par sursaut d’adrénaline. Cette trainée de sang avait accéléré les battements de son cœur. Il s’en léchait les babines, les yeux écarquillés.

— Il est temps que quelqu’un te remette à ta place ! se bidonnait-il d’un air névrosé.

Il bondit une dernière fois, le poing en avant, prêt à l’achever. Les habitants observaient, impuissants, n'ayant même pas le temps de pousser un cri mêlant incompréhension, angoisse, et horreur.

L’impact survint.

Pendant quelques secondes, le sol entier trembla, comme si une nouvelle secousse avait frappé le territoire. Arbok glissa jusqu’à la place, sursautant à la vue du spectacle. Retombant sur ses pattes, Charmina laissa un grand sourire envahir son visage. Son poing était immobile, bloqué entre deux pattes griffues. Elles étaient froides, comme le reste de son corps, recouvert d’une combinaison noire ainsi que d’une armure au métal brisé. Son regard était sérieux, calme et déterminé.

— Salamèche… ! marmonna la jeune fille d’un grand sourire sincère.

Immédiatement, Charmina tenta de l’assommer. Mais d’une rapide exécution, le jeune adolescent lui enfonça son poing en plein abdomen. À peine eut-il le temps de sentir la douleur, qu’il l’envoya paître sur son coéquipier.

— Comment il a fait ça ?! cracha-t-il étalé sur Arbok.

— Debout, lui cria le serpent, dépêche-toi !

Salamèche soupira en fouillant du regard les alentours, constatant une traînée de sang sous ses pieds. Il se retourna et dévisagea, horrifié, le corps tremblant, égratigné et recouvert de sang de sa meilleure amie.

— Il est là ! cria Lombre. Le minot est revenu !

Suite à la légère secousse qui avait suivi son arrivée, les portes s’ouvraient, les murmurent grandissaient, les habitants se regroupaient. À la foule s’ajoutèrent l’infirmière Nanméouïe, la directrice Flotoutan, le professeur Canarticho, la bibliothécaire Altaria, le maître Makuhita et sa fille adoptive Férosinge, la postière Bekipan, la passante Cotovol, les enfants Chenipan, Rattata ainsi que tous les parents des écoliers, dont le père Mégapagos ; suivis dans un second temps des habitants un peu plus éloignés, comme la famille Triopikeur ou les mineurs de la mine Minotaupe, alors que Riolu, Arcko et Carapuce s’étaient dépêchés d’arriver. Le battement de ses ailes s’imposa également, lorsque Rapasdepic débarqua en dernière sur la place centrale. Pourtant, ce n’est plus elle que l’on regardait.

Le fugitif releva son amie d’un air inquiet.

— Quelqu’un ! S’il vous plaît, il lui faut de l’aide !

— Ça va aller… lui murmura-t-elle. Je n’ai pas baissé les bras, je te l’avais dit…

Elle arracha le foulard couleur or de son cou et l’attacha autour du de celui de son ami.

— Fais de ton mieux, Salamèche…

Puis, elle s’effondra dans ses bras sous le cri horrifié de sa mère. La découvrir dans un tel état fit paniquer les adultes. Carapuce en tremblait. Nanméouïe les rejoignit et remarqua immédiatement l’épais dard planté dans son dos. Elle jeta un regard terrifié à l’équipe Chaotique, avant de se tourner vers le jeune adolescent. D’un simple mouvement de tête, ils se comprirent. Tandis qu’elle escortait la blessée jusqu’à l’hôpital, Salamèche se redressa, les yeux rivés sur Arbok et Charmina. Leur rire malsain fit frissonner la place entière. D’un sourire baveux, le grand fin au pantalon rouge le pointa du doigt.

— Regardez-le, notre grand héros ! Déjà recouvert de sang, avant même le neuf juin ! Vous pensiez qu’ils étaient amis ?! Foutaises ! Il n’est qu’un monstre désirant la fin du monde ! Rien n’a changé, il faut l’éliminer maintenant !

— À qui voulez-vous faire croire ça ? s’irrita Tengalice.

Il s’avança le premier, l’air enragé.

— J’ai tout vu ! Il vous a empêché de tuer cette jeune fille !

— Tengalice ! le fit sursauter Rapasdepic. Je vous prierai de la fermer !

— Et puis quoi encore ?! s’avança Canarticho. Éloignez-vous de mon élève, piètres secouristes !

— Que vous arrive-t-il, professeur, vous ne craignez plus l’exile ?

— Vous menacez d’exil tous ceux qui n’approuvent pas vos crimes, s’avança la directrice Flotoutan.

— J’avertis, nuance. Protéger celui qui détruira le monde est bien plus monstrueux que d’être celle qui fait ce qui doit être fait ! Injuriez-moi si vous le souhaitez, je fais ça pour le bien commun !

— Non, s’avança Férosinge, vous faites ça pour vous ! Si vous vous intéressiez vraiment aux autres, vous ne m’auriez pas laissé pourrir seule dans une maison abandonnée ! C’est grâce à Salamèche, si je suis ici pour dire ça !

— Makuhita, vous serez prié de garder votre domestique en laisse !

— Ma quoi ?! s’avança le maître du dojo. J’en ai assez entendu ! Je vais contacter des explorateurs professionnels !

— Oh non, certainement pas ! La Magné-Team m’en a assez fait baver, les explorateurs ne sont plus admis au sein de mon village ! Quant à vous, il est grand temps que je vous règle votre compte !

— Vous n’en ferez rien ! s’avança Kecleon. Magnézone l’avait déjà soupçonné et il est évident que c’est le cas, désormais ! Vous aviez ordonné à l’équipe Chaotique d’éliminer Salamèche, alors même que Bourg-Tranquille n’était plus victime des tremblements de terre ! Vous vouliez juste vous débarrasser de lui avant le neuf juin, pour ne pas avoir à le réintégrer si la prophétie s’avérait fausse !

— Non, ce n’est pas vrai ! Je voulais juste nous protéger !

— Vous leur aviez vraiment donné l’ordre de le tuer ? s’avança Raichu. Mon fils a failli assister à un meurtre ?! Vous êtes complètement dérangée !

— Alors vous aussi, vous vous retournez contre moi ?!

— Vous m’avez manipulée pendant des mois en me faisant croire que Pikachu avait été kidnappé par l’humain pour, du jour au lendemain, m’affirmer qu’il l’avait suivi de son plein gré !

— C’est l’humain, le manipulateur ! Bon sang, mais ne voyez-vous pas que tout cela fait partie de son plan ?!

Elle le pointa d’une aile, l’air enragé.

— Il est ici pour me discréditer, se réintégrer et détruire le village avec ses affreuses secousses ! Réfléchissez ! Nous n’avons plus subi le moindre tremblement de terre, depuis qu’il est parti !

— Sans blague ! l’accompagna Charmina. Vous préférez un danger public tel que lui plutôt des vrais secouristes ?

Les regards de tous les habitants l’assassinèrent.

— Vous portez bien votre nom, s’avança Papilusion, je n’ai jamais vu de pareils escrocs !

— C’est vrai ! s’avança Bekipan. Le tableau d’affichage est rempli à ras bord, depuis qu’ils sont aux commandes !

— Et ils surtaxent nos requêtes ! s’avança Hippodocus.

— Ils nous forcent à les acclamer auprès des postiers pour recevoir plus de points que prévu ! s’avança Lombre.

— Sans oublier l’agressivité soudaine des sauvages environnants, s’avança Altaria. Cela n’est pas étonnant si vous les battez, au lieu d’en prendre soin comme le faisait la Dream Team !

— Vraiment ? s’avança Minotaupe. C’est marrant, j’allais justement leur reprocher de ne prendre aucun risque. Il y a du monde pour se défouler sur des sauvages inoffensifs, mais les mineurs craignent l’assaut de violents Pokémon, depuis plusieurs semaines. Je réclame une aide utopique, je le sais pertinemment !

— Non mais je rêve ! s’énerva Charmina. Si vous n’aimez pas nos méthodes, démerdez-vous !

— Vous êtes nocifs pour Bourg-Tranquille ! s’avança Cotovol. Le village se portait bien mieux sans vous !

— Il suffit ! s’imposa Rapasdepic. Personne n’a le pouvoir de décider à ma place ! Si je veux enfreindre la loi, j’enfreindrai la loi ! Qui compte m’en empêcher, hein ?! Les derniers représentants de la justice sont de mon côté ! L’équipe Chaotique est la dernière en vigueur !

Elle se tourna vers Salamèche, l’air névrosé.

— Vas-y, exprime-toi ! Si tu arrives à nous expliquer en quoi la fin du monde n’est pas une excuse valide pour t’éliminer sur le champ, alors je réviserai peut-être ma sentence !

Elle l’assassinait d’un regard hautain, espérant que la peur le paralyse, comme la dernière fois. Après tout, le village entier le regardait. Ses prochains mots allaient décider de son avenir et de celui de ses proches. La pression était à son paroxysme ! Enfin pour Rapasdepic, vraisemblablement. Parce que Salamèche pouvait enfin en placer une.

— Mais qu’est-ce que j’en ai à faire, de ce que vous pensez de moi ? Si je pose problème, je m’en irai, pas de soucis ! Je ne suis pas venu pour être jugé sur la place public, bon sang, je suis venu pour vous mettre en sécurité ! Un fou dangereux est sur le point d’attaquer le village ! Il faut fuir immédiatement !

— Alors c’est ça, ton excuse ? Un récit bidon pour détourner notre attention ?!

Elle ouvrit les ailes en s’esclaffant à gorge déployée. Derrière elle, la mairie refléta le soleil luisant.

— J’aurais tout entendu ! Bien ! Il est temps de procéder à l’exécution !

Une mairie qui explosa soudainement. La foule s’écria, alors que tous les regards se posèrent sur cet impétueux brasier qui fit s’effondrer la structure sur elle-même. Salamèche se retourna, en direction de la colline au grand arbre. La figure d’un primate flamboyant bondit jusqu’à la place centrale, alors qu’une traînée enflammée accompagna chacun de ses mouvements. À son impact, le sol trembla. La chaleur environnante augmenta brusquement. Les habitants étaient coincés entre un incendie et un incendie sur patte. Rapasdepic était bouche bée. Arbok et Charmina souriaient. Salamèche crispait les dents.

— Encore en vie ? lâcha le membre de la DDR d’une voix rongée par la haine.

Son armure était rouillée par l’eau et encrassée par le charbon, le sable, la terre, l’herbe et la boue. Sa combinaison était brûlée à ses extrémités. Son pelage était humide, dégoulinant de transpiration. Son visage était déformé. De grands yeux, de petites pupilles ainsi que de gigantesques dents. Chenipan et Rattata accoururent jusqu’à leurs parents, les larmes aux yeux. Carapuce se couvrit la bouche, sentant son cœur battre à vive allure. Arcko agrippa Riolu par le poignet pour l’éloigner. Tengalice tremblait comme une feuille. Les autres étaient tétanisés.

— Tant mieux ! s’étouffa-t-il dans sa bave. Tu vas découvrir le vrai désespoir !

— Toi, s’avança la maire, tu vas regretter de t’être attaqué à ma demeure ! Arbok, Charmina, occupez-vous de lui !

— Bien sssûr ! lui sourit le serpent.

Soudain, il lui cracha un dard en direction de son cœur. Le temps qu’elle s’en rende compte, Salamèche s’interposa pour le bloquer avec son armure. Le projectile voltigea jusqu’à se planter dans le sol.

— Quoi… ? bégaya-t-elle. Mais… pourquoi… ?

— Ils sont avec lui ! révéla le lézard à la queue enflammée.

Charmina approcha Chimpenfeu. Ils s’échangèrent un regard perplexe, avant de se saluer d’une bonne poignée.

— Alors le chef a enfin décidé de nous libérer de cet enfer ?

— Nan, j’essaie juste de l’impressionner ! Le futur chef de la DDR doit être capable d’entreprendre les missions les plus ambitieuses ! Si vous m’aidez à ne laisser aucun survivant, je ferai de vous mes bras droits !

— On ne comptait pas te regarder ! le rassura Arbok. Ssces sssaloperies méritent une bonne lessçon !

Ils formèrent un trio que les habitants dévisagèrent d’un air épouvanté. Les plus vieux hyperventilaient, les plus jeunes pleuraient à chaudes larmes. Même la maire tremblait, le regard vitreux. Seul Salamèche se mit en garde.

— C’est le chef qui te l’a dit ? s’étonna Charmina. Ça a dû piquer au moral, hein ?

— Non, je l’ai déduit à ton style de combat ! Je me disais bien que vous étiez anormalement forts, pour des secouristes !

— Tu devrais te montrer reconnaissant ! L’autre fois au Mont Cristal, nous t’avons épargné parce que nous savions que le chef recherchait un successeur ! Tu semblais cocher la plupart des cases…

— On n’avait jamais été aussi heureux de ssse faire passsser pour des sssecourissstes ! Sssi on arrivait à te les faire détessster, tu aurais adhéré encore plus fasscilement au dissscours du chef et nous, nous aurions été récompensssés !

— Sauf que c’est un lâche, leur expliqua Chimpenfeu, un sale lézard crasseux incapable de prendre la moindre initiative, incapable de se démarquer, incapable de prouver quoi que ce soit ! Que le chef le veuille ou non, il est temps que je lui prouve ma supériorité ! Je serai son successeur !

— Et je ne le serai jamais, répliqua le jeune adolescent, tu peux en être sûr ! Ah, et je suis encore moins un sale lézard crasseux ! Enfonce-toi ça dans le crâne : mon nom est Salamèche !

Sa voix résonna dans tout le village, surpassant même le crépitement de l’incendie. Chimpenfeu lui sourit d’un air névrosé, avant de lui bondir dessus.

— Alors amène-toi, Salamèche !

Ce dernier devait agir au plus vite, repensant à tout ce qu’il avait annoté dans son rappelle-tout. Chimpenfeu était plus fort, plus rapide et plus compétent, mais il était aveuglé par la victoire. Encaisser ses attaques était trop dangereux, il devait esquiver. Cependant, une foule entière se trouvait dans son dos. Le laisser projeter ses flammes dans le vide la mettrait en grand danger.

— Prends ça !

Alors il encaissa malgré tout. La redoutable explosion qui s’en suivit plongea toute la place dans un épais brouillard. L’armure du jeune adolescent se brisa définitivement, s’éparpillant en plusieurs morceaux fondus. Mais son foulard doré était intact, et lui était toujours debout en maintenant fermement le bras de son adversaire. Pendant ce temps, les deux autres hors-la-loi avançaient vers la foule en se léchant les babines. Dispersée dans la panique, beaucoup d’habitants n’arrivaient pas à fuir à cause des flammes et des bousculades. Salamèche devait leur faire gagner du temps. Toujours en maintenant Chimpenfeu, il visa Charmina et lui cracha une robuste boule de feu. Cette dernière le percuta de plein fouet, et l’explosion l’envoya paître sur plusieurs mètres.

— C’est moi, ton adversaire !

Le soldat en armure se libéra et le frappa d’une droite en plein figure. Le jeune adolescent carambola sur le sol. Il dévia cependant sa trajectoire, se forçant à atterrir sur Arbok pour attirer son attention. Cela fonctionna : au lieu de s’attaquer à la foule, le serpent s’enroula plutôt autour de son corps.

— Je te tiens ! Voyons voir à quel point tes os sssont résissstants !

Presque tout le monde avait fui. Salamèche esquissa un sourire malgré la douleur.

Soudain, le serpent hurla, alors que quelque-chose semblait l’avoir percuté. Il s’écroula, inconscient. Depuis l’allée menant aux cellules provisoires, Pikachu pointait ses doigts électrifiés, aussi essoufflé que déterminé. En parallèle, alors que Charmina se relevait en recrachant des cendres, une grosse patte griffue et translucide l’immobilisa. À l’ombre du soleil, Branette déployait ses pouvoirs. Le temps que le hors-la-loi comprenne comment cela était possible, Ectoplasma bondit dans son champ de vision et lui infligea une droite en pleine mâchoire.

— Toi ! cracha Charmina. Espèce de traitre !

— Moi, un traitre ?! Arbok et toi êtes des criminels !

Il le frappa à nouveau, sous le regard soucieux de Branette.

— Comment avez-vous pu me faire ça ?! Des mois entiers à me traiter comme de la merde, à m’exploiter, à squatter chez moi, à me torturer pour défouler vos nerfs ! Vous méritez bien pire que la prison !

Chaque reproche était accompagné d’un coup de poing.

— Ectoplasma ! s’inquiéta le garçon constitué de tissu. Calme-toi !

— Mon seul ami a failli mourir à cause de vous ! hurla-t-il en l’assommant d’un puissant crochet.

Branette s’extirpa de l’ombre, dispersant son pouvoir qui relâcha le corps inconscient de Charmina. Il accourut choyer les épaules d’Ectoplasma, qui haletait le regard vitreux.

— Hé ! Ça va aller, c’est bon, c’est terminé ! Ne laisse pas les ténèbres t’envahir, tu vaux mieux que ça !

L’ancien membre de l’équipe Chaotique le dévisagea, les larmes aux yeux. Soudain, une tornade enflammée fulmina au centre de la place. Les deux types Spectre furent projetés en arrière, tout comme Pikachu qui s’apprêtait à sauter dans les bras de Salamèche. Ce dernier dévisagea d’un air horrifié le monstre qui laissait exploser ses pouvoirs. Sa propre armure fondait sous la puissance de ses flammes, révélant un pelage noirci par les cendres. D’un premier mouvement, il jeta une vague enflammée sur le bar de Lombre et Mégapagos. D’un second, il embrasa le marché en bois de Kecleon.

— Arrête ! hurla l’autre type Feu en lui sautant dessus.

Ils roulèrent à même le sol, mais c’est le primate qui se retrouva au-dessus de lui. Assis sur sa taille, il le rossa d’une multitudes de coups. Les flammes qui se dégageaient de chacune de ses attaques se répandaient de plus en plus autour d’eux, alors que le haut de la combinaison du jeune adolescent se réduisait en cendres. Son foulard aussi commençait à s’égratigner, tandis que sous le tissu se découvrait une peau rongée par le déferlement. Qu’importent les résistances naturelles de Salamèche, Chimpenfeu était bien trop déchaîné pour que cela ait encore de l’importance. Il ne pouvait ni le bloquer, ni le contrattaquer. Il peinait à se couvrir le visage, alors que ses côtes se fracturaient à chaque mouvement. Il haletait, trop occupé à hurler pour reprendre son souffle. À l’inverse, le visage du soldat n’avait plus de sens. Ses yeux étaient imbibés de sang et de la bave dégoulinait d’un sourire jusqu’aux oreilles. Les muscles de son visage étaient étirés dans des proportions anormales. Ses poings saignaient, pourtant, il s’esclaffait à gorge déployée. Une rire malsain, entrecoupé par une toux grasse et ensanglantée.

— Je serai son successeur ! répétait-il en boucle. Je serai son successeur !

Au loin, le vent provoqué par ses rafales enflammées faisait trébucher les habitants, alors que chapeau nénuphar de Lombre s’embrasait. En manque d’équilibre, Cotovol était emportée par la tempête.

— À l’aide ! Aidez-moi !

C’est alors que trois grandes feuilles l’agrippèrent. Des feuilles qui brûlaient, mais des feuilles qui ne lâchaient pas prise. Tengalice s’accrochait fermement au sol, avant d’être tiré par Mégapagos.

— Papa ! cria Carapuce en le rejoignant.

Riolu bondit aider son camarade, rapidement épaulé par Arcko et les autres enfants du village. Ensemble, ils surmontèrent la furieuse tempête de Chimpenfeu.

— Est-ce que tout va bien ? s’inquiéta l’ancien secouriste.

— Moi oui, lui répondit Cotovol, mais vos feuilles…

— C’est rien, je vous assure…

— Papa, s’énerva la tortue bleue, qu’est-ce qui t’a pris ?! Évidemment que tu n’étais pas assez fort pour les sortir de là tout seul !

— Je sais, je m’étais juste demandé… ce que Pharamp aurait fait à ma place.

Son petit le dévisagea avec de grands yeux.

De son côté, Pikachu visa le hors-la-loi les larmes aux yeux. À seulement quelques mètres, son pelage brûlait douloureusement. Mais il se retenait de geindre, crispant les dents en chargeant ses dernières forces dans une puissante attaque paralysante. C’est alors qu’une patte se posa tendrement sur ses bras.

— Attends mon signal, p’tit gars, on a une seule chance.

Il était stupéfait.

Salamèche ferma les yeux. Son corps était sévèrement égratigné et le peu de force qui lui restait ne lui permettait qu’à peine de rester conscient. Il avait fait de son mieux pour permettre aux habitants de Bourg-Tranquille de fuir, pensa-t-il. Dame Feunard en attendait peut-être plus, mais il avait fait de son mieux. Il avait toujours fait de son mieux.

C’est alors qu’un bruit strident s’élança jusqu’au membre de la DDR, qui fut percuté de plein fouet par trois rayons d’une étrange lueur. Vraisemblablement un pouvoir psychique, au vu de leur efficacité sur celui qui s’étala au sol en hurlant de douleur. Bien que la place brûlait encore, ses flammes ne se propageaient plus avec la même intensité. Celui lui permit de s’approcher du jeune garçon.

— Debout mon gars ! exclama cette voix qui lui fit rouvrir les yeux.

Pifeuil se trouvait à son chevet, accoutrant cette même cape marron éreintée que lorsqu’ils s’apprêtaient à rejoindre ce monde. Il lui tendait une patte, le sourire aux lèvres. Salamèche la lui saisit sans hésiter, se relevant en titubant face à une menace encerclée. Trois figures avaient attaqué Chimpenfeu en même temps. Couverts des mêmes capes, ils flottaient à quelques centimètres des plus hautes flammes environnantes. Ils étaient identiques, gris de peau, avec pour crâne un immense cylindre peint d’étranges marques noires. Le regard était plus bas, d’un globe oculaire rouge sang. Mais le hors-la-loi ne se laissait pas intimider.

Laissant ses réflexes de soldat agir à sa place, il anticipait les charges adverses. Puis, il utilisait ses flammes pour augmenter sa vitesse de déplacement, forcer l’ennemi à se disperser, couvrir du terrain et bloquer le champ de vision adverse. En frappant l’un d’entre eux à pleine puissance, il l’envoya s’encastrer dans le bar enflammé. Il écrasa le crâne du deuxième contre le sol, puis assomma le dernier d’un crochet qui le fit s’envoler jusqu’aux bains publics. C’est alors que Pifeuil bondit dans son dos en le maintenant de toutes ses forces. L’aura enflammée qui enveloppait Chimpenfeu lui cramait la peau et bien qu’il se défendait, le soldat venu d’un autre temps tenait bon.

— Maintenant, p’tit gars !

Pikachu n’avait plus peur de le rater, désormais. À pleine puissance, il déchargea une aveuglante étincelle sur son adversaire. Le choc percuta les deux soldats et Pifeuil s’écroula, inconscient. Le primate s’agenouilla en crispant les dents. Il sentait son corps s’alourdir. Pour autant, ses flammes persistaient. D’un regard assassin, il défigura le jeune rongeur. Et d’une rapide charge, il le percuta d’une redoutable rafale enflammée. Malgré la paralysie, l’augmentation de sa vitesse de déplacement, grâce à ses capacités de Pokémon Feu surentraîné, lui permettait toujours de combattre. Mais il n’était plus aussi rapide, voilà tout ce que Salamèche constatait.

Face à face, les deux types Feu s’échangèrent un dernier regard.

— Je serai son successeur… continua de marmonner le plus âgé des deux.

— Je suis tellement désolé, soupira l’autre garçon d’un regard abattu. J’aurais dû t’aider à combattre cette obsession il y a bien longtemps. Tu n’as pas toujours fait preuve de mépris envers moi, Chimpenfeu, je refuse d’y croire. Pendant un moment, je t’ai vraiment considéré comme un membre de ma famille.

Le hors-la-loi lui bondit dessus, le poing en avant. Salamèche l’esquiva de justesse et le contrattaqua d’un coup en plein abdomen, comme lors de leur dernier entraînement, lorsque Chimpenfeu l’avait mis à terre. Ce jour-là, c’est lui qui s’écroula.

— Mais je crois que tu n’en as jamais fait partie, conclut-il en le regardant s’évanouir.

Les flammes autour de son corps se dissipèrent. La menace avait été écartée. Bourg-Tranquille avait été sauvé.

L’heure d’après, les plus courageux habitants aidèrent à éteindre les derniers incendies. Lombre esquivait les débris cramés du hall de son bar pour escorter les bouteilles, les tonneaux et le linge de cuisine ; de même pour Kecleon, qui récupérait ce qui avait survécu de son marché noirci par les cendres. Toujours inconscient, Chimpenfeu avait été fermement ligoté et plongé jusqu’au cou dans une baignoire remplie d’eau, au fin fond de la cellule la plus crasseuse du village. À côté dormaient paisiblement Arbok et Charmina. Dans la cellule leur faisant face, Rapasdepic grommelait d’un air enragé.

Pendant la bataille, Bekipan s’était envolée le plus rapidement possible en direction de Loliloville pour réclamer une aide urgente aux explorateurs. Et bien qu’il était nécessaire d’escorter les hors-la-loi, les habitants s’étaient suffisamment entraidés pour sauver leur village eux-mêmes.

Sur la place centrale, assis contre le sol cramé par l’affrontement, Pifeuil, les trois Neitram, Ectoplasma, Branette et Pikachu récupéraient douloureusement leurs forces. Après de nombreux détours, Salamèche leur avait apporté des chiffons mouillés pour apaiser les brûlures.

— J’ai eu tellement peur de te perdre, lui confia le rongeur.

— Je suis désolé de m’être emporté, s’inclina-t-il. Tu avais raison, ma décision était égoïste et insensée.

Il se tourna vers le garçon constitué de tissus.

— Merci de l’avoir protégé.

— C’est toujours pratique d’avoir une aide extérieure, lui sourit-il.

Puis, il approcha l’ancien membre de l’équipe Chaotique.

— Est-ce que tout va bien ?

Ce dernier le dévisageait d’un air morose, mais le jeune adolescent rigola.

— J’ai entendu ce que t’as dit à Charmina, je te ferai dire !

— Quoi… ? rougit-il.

Il lui tapota l’épaule.

— Je ne t’en veux absolument pas, Ectoplasma. Au contraire, je suis tellement heureux de t’avoir vu te rebeller. Tu mérites bien mieux qu’Arbok et Charmina.

Enfin, il avança vers son père adoptif, entouré des trois créatures qui l’avaient attaqué le jour de son arrivée dans ce monde. Il les dévisagea d’un air curieux. Mais Pifeuil fondit en larmes avant qu’il ne dise quoi que ce soit.

— Je suis désolé ! cria-t-il. Écoute, mon grand, je comprendrais que tu ne veuilles plus jamais me revoir après avoir vu ça, mais je t’en supplie, laisse-moi au moins t’expliquer toute la situation ! Je n’en peux plus de te mentir, je n’en peux plus de tout garder pour moi…

Son petit s’affaissa et lui choya les épaules. Il souriait de bon cœur.

— Je suis au courant, Pifeuil. Feunard m’a tout révélé.

Tandis qu’il le dévisageait avec de grands yeux larmoyants, Salamèche l’enlaça sans pudeur. Il ferma les yeux et reposa sa tête sur son épaule. Pifeuil, de son côté, la lui choya en pleurant à chaudes larmes. La foule se regroupait peu à peu autour d’eux.

— Bon, reprit-t-il, je dois y aller.

Il se releva en resserrant son foulard couleur or, égratigné par les flammes.

— Tu dois repartir ? s’inquiéta Pikachu. Où ça ?

— Tu n’as plus à fuir, prononça un habitant.

Lequel ? Quelle importance, tous s’étaient avancés pour le lui faire remarquer.

— Alakazam, Dracaufeu et Tyranocif sont retenus prisonniers, expliqua-t-il. Je sais que tu voudrais m’accompagner, Pikachu, mais je dois y retourner seul. Face à Roitiflam, le combat n’est pas une option.

— Roitiflam ? s’intrigua-t-il. J’ai l’impression que t’as vécu un enfer, depuis notre séparation…

— Ne t’inquiète pas ! lui sourit-il. Je reviendrai, c’est une promesse !

— Attends mon p’tit gars ! l’interpela Pifeuil se relevant.

Il détacha sa cape marron éreintée et la ficela autour du cou de son petit protégé. Cela couvrit le haut de son corps dénudé, tandis qu’en bas, il portait encore le tissu en nylon noir de la DDR. Il souleva son foulard pour le faire passer au-dessus de sa cape et esquissa un grand sourire à celui qui la lui époussetait.

— Merci, Pifeuil. Merci pour tout.

— Reviens vite, bonhomme, parce que le monde a besoin de toi !

Il hocha la tête, resserra les bretelles d’un sac rempli de tissus et s’élança en direction de la colline au grand arbre. Les habitants de Bourg-Tranquille le regardèrent quitter une dernière fois le village, d’un air aussi inquiet que rassuré.

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