Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 16 : Communauté

5838 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/02/2021 12:01

Deux gros rats au pelage marron clair ébouriffé se déplaçaient frénétiquement à travers un bois en pleine nuit. Vêtus de tuniques aux couleurs de la nature et portant d’épais sacs d’où ils avaient sorti fouets et filets, ils pourchassaient une petite créature au pelage beige, à la fine crinière rouge-orangée, aux grandes oreilles arrondies couleur crème et aux grands yeux ronds. Ce soir-là, la créature était effrayée, égratignée et exténuée. Elle s’écroula dans sa fuite, laissant les deux braconniers l’encercler avec des sourires névrosés.

— Tu nous en as fait baver, mais on t’a enfin retrouvé !

— On va devenir riches, frérot ! On va enfin pouvoir rembourser notre dette !

Soudain, un éclair surgit de l’ombre et paralysa le premier, tandis qu’une flamme étincelante bondit d’un arbre et envoya valser le second d’un coup de pied en pleine figure. Ce dernier se redressa à reculons, stupéfait.

— C’est quoi ce bordel ?!

— Allez-vous en ! s’imposa Pikachu d’une voix menaçante.

— J’hallucine, vous n’êtes que des gamins !

Il se releva, le fouet entre les pattes.

— Je me fiche de savoir ce que vous faites ici, écartez-vous immédiatement ! Je n’ai aucune peine à châtier des enfants !

— Et moi, s’énerva le rongeur, je n’ai aucune peine à me défendre !

Il l’électrisa à pleine puissance. Son adversaire s’effondra, inconscient. Salamèche vérifia l’état du sauvage, puis le porta dans ses bras pendant que son ami dégageait à coups de pieds les outils des braconniers. Il attrapa l’un d’eux.

— Un fouet ? Et puis quoi encore ?!

— Sale gosse ! grogna celui qui était encore paralysé. Si je me libère…

— Pas avant quelques heures. J’aurais bien aimé vous souhaiter bonne chance, mais les sauvages ne vous dévoreront jamais. Ils sont bien mieux élevés que vous, en fait.

— Pikachu, l’interpella son ami, il respire encore ! On doit s’occuper de lui maintenant !

— Ouais, se motiva-t-il en rangeant le fouet dans son sac, allons-y.

Ils s’éloignèrent dans la pénombre, abandonnant les deux braconniers seuls et désarmés.


Chapitre 16 : Communauté


Cela faisait plus d’une semaine que Salamèche et Pikachu avaient quitté Bourg-Tranquille. Les habitants reprenaient peu à peu leur quotidien, mais une atmosphère lourde et glaciale planait sur le village, malgré le réchauffement du climat. Sur la place centrale, la maire expliquait la situation aux nouveaux venus qu’elle avait appelés en renfort.

— Je vois, dit d’une voix résonnante le plus imposant des trois. Nous devons ramener le petit Pikachu, en commençant par explorer le Mont Cristal.

Son corps était fait d’acier et d’aimants électrifiés, comme ses deux coéquipiers.

— N’ayez aucune pitié envers l’humain, leur répéta Rapasdepic. Notre équipe de secours a échoué parce qu’elle le sous-estimait. Je compte sur vous, Magné-Team !

Effectivement, c’est à l’équipe de Magnézone et des Magnéti que Rapasdepic avait fait appel pour retrouver Pikachu et arrêter Salamèche. En se préparant, ils parcoururent le village sous le regard perplexe des quelques habitants présents. Eux-mêmes semblaient dubitatifs.

— Bon sang, rouspéta un Magnéti, cette histoire m’embête un peu. Ces petits étaient si gentils et volontaires…

— Ils sont fugitifs, rappela leur chef. Bien que cela s’avère injuste et austère, nous devons mettre nos sentiments de côté et agir de manière pragmatique. Salamèche est potentiellement une menace. Il est de notre devoir de l’arrêter s’il se met en travers de notre route.

— Oui, chef…

— Bien. En se dirigeant vers le nord, le village le plus proche du Mont Cristal est Bourg-Palissade. Nous y jetterons un œil après avoir fouillé les terres qui séparent les deux environnements.

— Excusez-moi, s’introduisit Germignon en leur bloquant la route.

— Jeune fille, la salua Magnézone. Que pouvons-nous faire pour toi ?

— Je suis secouriste, dit-elle en montrant son badge, et je me suis permise d’écouter votre conversation avec madame la maire. Je crois qu’elle a oublié de mentionner quelque chose d’important. Pikachu n’a pas été enlevé par Salamèche, il l’a suivi volontairement. Ce sont les faits rapportés par les membres de l’équipe Chaotique elle-même.

— Vraiment ? s’étonna un Magnéti. Étrange, elle semblait nous faire comprendre l’inverse.

— Cela ne change pas grand-chose à notre mission. Le jeune Pikachu a pour interdiction de quitter le village.

— Je sais, je veux juste que vous le sachiez. En cherchant à sauver Pikachu, vous pourriez lui faire bien plus de mal que vous ne le pensez. Quant à Salamèche, s’en prendre à lui ne serait qu’une trahison de plus, parmi toutes celles qui l’ont enfoncé dans la solitude.

— Tout ira bien. Nous sommes engagés pour notre professionnalisme. Nos sentiments ne percuteront pas notre objectif. Sur ce, je te souhaite une bonne journée. Allons-y.

Elle les laissa passer en soupirant, espérant avoir planté suffisamment de graines dans leurs esprits.

À plus d’une trentaine de kilomètres d’ici, en pleine nature au cœur d’un bois apaisant, le silence était total. Puis, la voix de deux garçons qu’il n’avait jamais entendus lui gratouillèrent les tympans.

— Oh ! s’exclama Pikachu. Je crois qu’il se réveille !

À peine ouvrit-il les yeux, que son regard se plaça sur la scintillante flammèche, crépitante au bout de la queue de ce lézard au regard inquiet. D’instinct, il bondit en arrière.

— Non ! Non, ne t’inquiète pas, tout va bien…

Le rongeur approcha ses pattes d’une grande tendresse pendant que Salamèche cachait le bout de sa queue avec son baluchon. Tremblant comme une feuille, le petit sauvage était recouvert de bandages. Collé contre la paroi de la tente, il préférait rester recroquevillé.

— Nous ne sommes pas comme eux, promis. T’as dû être séparé de tes parents, ça doit être terrifiant de vivre sans eux. Laisse-nous t’aider à les retrouver. Tu verras, on mange de tout, sauf des Pokémon !

Il approcha le bout de son museau et lui renifla les doigts. Pikachu le caressa, le sourire aux lèvres.

— Merci de nous accorder ta confiance ! lui sourit-il de bon cœur.

— T’es trop fort, le complimenta Salamèche.

À son tour, il approcha le petit sauvage. Ce dernier le renifla quelques instants, puis bondit sur son baluchon et le bouscula d’un coup de museau. Il lorgna la flammèche du garçon d’un air apeuré.

— Pourquoi tu te fais du mal ? s’intrigua le rongeur.

Il la fixa de longues secondes, avant d’éternuer lui-même une petite flammèche. Les deux anciens secouristes sursautèrent, se dépêchant d’éteindre ce pauvre morceau cramé de nylon qui n’avait rien demandé.

— Pourquoi a-t-il craint ma flamme, s’il est lui-même de type Feu ?

— Qui sait ? Ça lui rappelle peut-être un mauvais souvenir ? Écoute, avec des braconniers dans les parages, il a besoin de protection. Est-ce qu’on peut l’emmener avec nous, au moins le temps qu’on retrouve un membre de sa communauté ?

— Tu me le demandes comme si j’allais être contre. Il a besoin d’aide, alors on va l’aider. Et puis ce n’est pas comme si nous avions grand-chose d’autre à faire avant le neuf juin.

— Trop cool ! s’enjouait-t-il en zieutant leur petit protégé.

 Il tournait en rond autour d’eux. Puis, il leva une patte arrière et commença à uriner.

— Non, pas ici !

Et ainsi débuta un nouveau quotidien pour les deux fugitifs.

Le premier jour, Pikachu le laissa explorer les alentours de la forêt dans laquelle ils avaient installé leur tente, observant chacune de ses réactions. Il reniflait les herbes, mordait les pommes de pin, grimpait aux arbres, frappait l’eau puis se recroquevillait au bord du lac pour esquiver les éclaboussures. À l’approche d’un autre sauvage, Il fuyait systématiquement.

— T’inquiète, le rassura le garçon au pelage jaune, ils ne sont pas méchants. Au pire des cas, tu rugis ! Comme ça !

Hurlant à gorge déployée, il fit s’enfuir autant sa cible que celui qu’il protégeait.

— Non, toi t’es pas censé fuir !

Ils rentrèrent de leur balade essoufflés, l’un dans les bras de l’autre. Assis à côté de la tente, Salamèche faisait le compte de ce qui leur restait à manger. Le jeune sauvage l’interrompit en bondissant dans ses bras.

— Hé, je suis occupé là !

Il le reposa et reprit ses notes.

— Alors, demanda-t-il tout de même à son ami, comment ça s’est passé ?

— C’était désordonné ! haletait-t-il. Ah et il est super chaud, enfin littéralement ! Sa touffe est brûlante !

— Ce doit être une particularité de son espèce. Ça nous arrangerait de la connaître pour lui donner un nom.

— On peut bien lui trouver un surnom, en attendant. Que penses-tu de Câlinfeu ?

— Câlinfeu ?

— J’y pense depuis tout à l’heure. Il saute dans nos bras dès qu’il nous voit et brûle dès qu’il est excité.

Le ventre du nouvellement nommé Câlinfeu gargouilla. Le jeune amnésique ferma son rappelle-tout.

— Je m’en occupe, assura-t-il en se levant.

— Nickel, rigola-t-il, donc va pour Câlinfeu !

Et la routine suivit son cours. Alors que Pikachu s’occupait de le promener, de vaincre ses peurs auprès des autres sauvages, de le surveiller faire ses besoins et de s’assurer qu’il s’endorme correctement ; Salamèche était chargé de lui préparer à manger, de le nettoyer et d’analyser ses réactions. Il faisait un compte-rendu à chaque coucher de soleil.

— Je pense qu’il va falloir se déplacer vers des territoires aux températures plus élevées, théorisa-t-il en relisant ses notes. Il n’est clairement pas dans son habitat naturel.

Pikachu sortit de son sac la carte du continent, qu’il déplia à même le sol.

— Il y a un désert à l’est, une grande zone appelée l’Erg Sans Fin. Je nous donne, hm… disons quatre jours pour y arriver.

— Bourg-Palissade ? notifia-t-il en zieutant les alentours du désert. Ce nom me dit quelque-chose…

— Je sais pas qui est le fou à avoir eu l’idée de construire un village dans un désert, mais ce serait l’occasion de s’y ressourcer. Avec un peu de chance, ils ne sauront pas qui nous sommes.

— Et le Mont Ardent ? demanda-t-il en pointant d’une griffe cette gigantesque montagne de laquelle débordait de la lave. Ce n’est pas vraiment dans le désert, mais…

— C’est surtout super éloigné de là où on l’a trouvé. Je pense pas que Câlinfeu vienne d’aussi loin.

— Entendu. Dirigeons-nous alors vers l’Erg Sans Fin. On verra comment le petit s’y sent.

— Il s’appelle Câlinfeu…

— Oui, pardon, on verra comment Câlinfeu s’y sent…

La lune se leva et les trois garçons s’assoupirent dans leur tente. L’un sur son oreiller et sous son baluchon, l’autre sur sa couverture et le dernier sur le ventre du deuxième. Le lendemain matin, ils remballèrent leurs affaires. Le petit sauvage les dévisagea en gémissant de plus en plus fort.

— Ne pleure pas, le consola Pikachu en essuyant ses larmes. On reste ensemble, promis ! Allez, on y va !

Il le motiva d’un sourire jusqu’aux oreilles. Câlinfeu était tout d’abord hésitant. Cinq minutes plus tard, alors qu’ils quittaient la forêt pour traverser de grandes plaines, il sautait partout, surexcité face à tous ces nouveaux paysages. Le reste n’était que routine. Monter des collines, esquiver des fissures et des crevasses, emprunter des grottes lorsque la pluie s’abattait et grimper des voies rocheuses pour gagner du temps ; même si, justement, tout prenait plus de temps. Mais Pikachu semblait heureux de prendre soin d’un sauvage. Même Salamèche, qui restait lucide en analysant ses moindre faits et gestes pour déduire les terrains et donjons dans lesquels il se sentait le plus à l’aise, se laissait peu à peu séduire par les gestes naïfs et sincères de son protégé.

Un soir au centre d’une plaine verdoyante, alors qu’il préparait une salade de fruits au coin du feu, Câlinfeu fit rouler, par la force de son museau, quelques baies jusqu’à lui.

— Des baies Ceriz ? Tu aimes les baies Ceriz ?

Il hocha la tête.

— Pas de soucis, j’en rajoute dans ton assiette. Dis-moi, où les as-tu trouvées ?

Il pointa du museau un arbre lointain.

— Je vois. Ça, tu vois, c’est un cerisier. Les Ceriz poussent là-dessus et ont la particularité d’être un peu plus épicées que les autres baies. Elles peuvent également soigner la paralysie infligée par les capacités Électrique.

— Câlinfeu ! râla le rongeur depuis la tente. Arrête de faire déblatérer notre cuisinier ! J’ai faim, moi !

— Tu sais qu’il a hoché la tête ?

— Ça m’étonne pas ! À force de rester avec nous, il va carrément finir par parler !

Ce soir-là, le petit se régala. Durant la nuit, il s’était endormi proche de la flammèche crépitante de Salamèche. Les deux amis s’en préoccupèrent.

— Je crois que ses parents lui manquent, supposa le reptile.

— On y est presque, Câlinfeu, courage…

Et finalement arriva le mois d’avril. Le bruit du vent ainsi que les vagues ensablées qu’il transportait animait cette torride journée. L’Erg Sans Fin était un désert plongé dans des mirages de chaleur, parsemé de dunes et de quelques structures rocheuses. Une troupe de Sabelette couraient, esquivant les puits de sables dans lesquels des Kraknoix gardaient la gueule grande ouverte. Les Balbuto restaient immobiles, flottants au-dessus de ce qui s’apparentait à des ruines, peu à peu ensevelies par le temps.

Câlinfeu, de son côté, se roulait contre le sol. Il s’étira en ronronnant face au soleil.

— Il n’avait jamais fait ça ! s’extasia le rongeur. Tu avais raison, il se sent bien plus à l’aise ici qu’ailleurs.

— Ne crions pas victoire trop vite. Il nous faut encore trouver un membre de sa communauté.

Un avertissement plutôt raisonnable, compte tenu de la vaste étendue qui leur faisait face. Pikachu porta le petit sauvage dans ses bras et les deux fugitifs débutèrent leur exploration. Mais à peine s’étaient-ils enfoncés que leur sens de l’orientation se troubla. Ils escaladèrent les dunes les plus hautes qu’ils purent trouver, espérant apercevoir des sauvages semblables à leur petit protégé. Mais aux côtés des Tarinor, des Nidoran ou des Simulabre, Câlinfeu se sentait seul. Après des heures de recherche, Pikachu s’écroula sur le sable.

— J’en peux plus ! Pitié, un peu de fraicheur !

Câlinfeu lui lécha tout d’abord le visage. Puis, il renfila le sol. Il avança tout seul vers un chemin que n’avaient pas encore empruntés les anciens membres de la Dream Team.

— Tu vas où comme ça ? s’inquiéta-t-il. Fais attention, c’est dangereux !

Mais Salamèche posa une patte sur son épaule avant qu’il ne le rattrape.

— Suivons-le, Pikachu. Suivons-le juste.

Il peinait à y parvenir. Dès que Câlinfeu bondissait d’excitation, le garçon au pelage jaune en faisait tout autant, lui plutôt par crainte. Ils descendirent les dunes et traversèrent plusieurs ruines, esquivant de potentielles pierres pointues.

— Attention ! Regarde où tu mets les pattes !

— Pikachu, insista son ami, ouvre les yeux ! Il est chez lui !

Le jeune sauvage enchaînait les bonds, esquivant toutes les roches froides pour retomber sur le sable chaud. Ils contournèrent une dernière dune, arrivant face à un arbre. Un cerisier, pour être exact.

— De la végétation ? s’étonna le jeune lézard.

Câlinfeu s’y enfonça en reniflant plusieurs cerisiers et en mordillant quelques herbes. Il faisait découvrir à ses deux protecteurs un véritable oasis, lorsqu’il s’arrêta face à un point d’eau d’un bleu ciel éclatant.

— C’est tout ? approcha Salamèche en observant le sauvage tourner autour du point d’eau.

Il s’arrêta finalement, dévisageant le jeune amnésique d’un air dubitatif.

— Les siens étaient là, supposa-t-il. Je pense qu’il s’attendait à tomber sur eux.

— Installons notre tente ici, dans ce cas. Pour arriver à les sentir, c’est qu’ils doivent avoir l’habitude de venir par-là !

Le reste de la journée fut donc passée à l’abri d’un soleil frappant. Pikachu fit la sieste dans leur tente, installée sous les arbres. Pendant ce temps, Salamèche et Câlinfeu jouaient dans l'eau. Alors que sa tunique fraîchement nettoyée séchait attachée à des branches, il se baignait sans pudeur, riant aux éclats avec son petit protégé. Il avait d'abord tenté de le nettoyer, mais il abandonna rapidement en le voyant sauter partout, excité comme une puce.

Alors que le soleil commençait à se coucher, les deux types Feu se reposaient au bord de l'eau. Le reptile ficelait sa tunique pendant que le sauvage roupillait, allongé à côté de lui. Soudain, ses grandes oreilles frémirent. Il se redressa en fixant la direction opposée à celle de son protecteur, qui s’inquiéta en le voyant s’éloigner. Il sortait les crocs et grognait en bondissant vers quelque-chose. Le fugitif se dépêcha de le suivre, contournant quelques arbres jusqu’à le retrouver en train de rugir sans s’arrêter.

— Qui est là ?!

Aucun bruit, seulement une étrange atmosphère. Soudain, un jaillissement lumineux se propulsa sur lui. À peine eut-il le temps de se retourner, qu’un éclair le frappa de plein fouet. Il s’écroula dos à la végétation et sentit ses mouvements ralentir.

— Cible atteinte. On l’encercle.

Il reconnaissait cette voix, dont l’acier faisait résonner un écho. Les trois silhouettes flottantes approchèrent. Deux d’entre elles semblaient navrées, mais la troisième était déterminée.

— La Magné-Team ?! beuglait-il en tremblant de toutes ses forces.

— Inutile d’essayer de te libérer, assura le chef. La paralysie va durer plusieurs heures. Enfin, tu devrais savoir de quoi je parle, puisque ton ami a pris la fâcheuse habitude de paralyser tous ceux qui vous font face.

— Désolé petit, marmonna un Magnéti, ce n’est pas évident de se faire attaquer par surprise…

— Promis, murmura l’autre, on va faire ça rapidement…

Salamèche écarquilla les yeux. Il les dévisageait comme des meurtriers.

— Alors vous aussi ?!

— Oui, confirma Magnézone. La maire Rapasdepic nous a demandé de ramener le jeune Pikachu au village. Ce n’était pas évident de vous trouver. On se doutait que vous approcheriez Bourg-Palissade, plus encore lorsque deux chasseurs nous ont parlé de vous il y a quelques jours. Arrivés à l’Erg Sans Fin, les recherches étaient devenues fastidieuses. Mais te voilà enfin face à nous, et tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Elle t’avait demandé de partir et tu as embarqué un innocent dans tes problèmes. Nous agissons au nom du bien, rien de plus. Quant à cette histoire d’humain et d’équilibre du monde…

— Non… ! s’énerva-t-il en enfonçant ses griffes dans le sol. Je n’arrive pas à y croire !

Soudain, une tige en cuir claqua brusquement l’un des Magnéti, qui percuta le sol de plein fouet. Les regards se tournèrent vers Pikachu, un fouet à la main, le visage crispé de rage.

— Magnéti, s’inquiéta son compère, est-ce que ça va ?!

— Toi ? s’alarma le chef de l’équipe. Pourquoi nous attaques-tu ?!

— Je pensais que le message était passé ! s’irrita le rongeur. Laissez-nous tranquille !

— Mais nous avons pour mission de te ramener ! s’expliqua le blessé.

— Et alors ?! C’est une mission de sauvetage ou d’arrestation ?!

— Ça suffit ! clama Magnézone. La maire était catégorique !

— Alors je le serai aussi !

— Lâche ton arme ! l’attaqua l’autre Magnéti en lui jetant une étincelle.

Mais le garçon au pelage jaune absorba la puissance de son attaque. Alors que son pelage jaillissait, il répliqua d’un coup de fouet plus rapide, précis et douloureux. Sa cible s’écrasa contre la verdure, inconsciente. Il tenta de récidiver sur le chef d’équipe, mais Magnézone se propulsa à temps et le percuta d’un coup d’aimant en pleine figure.

— Ne te relève pas !

— J’vais m’gêner ! cracha-t-il en se redressant.

Câlinfeu observait, impuissant. Il tremblait comme une feuille, larmoyant à la vue d’un combat en défaveur de ses protecteurs. Salamèche, toujours allongé sur le dos, tiqua en observant les alentours.

— Câlinfeu ! l’appela-t-il d’une voix rassurante. Hé, mon grands, j’ai besoin de toi ! Regarde, tu te souviens de ça ?

Il pointait du regard le sommet des cerisiers qui l’entouraient. Le sauvage plissa les yeux, puis bondit à la vue des baies Ceriz. Malgré la situation, le lézard à la queue enflammée lui esquissa un grand sourire.

— Tu peux m’en apporter une, comme la dernière fois ?

La petite créature hocha la tête et fonça jusqu’à un tronc qu’il grimpa à toute vitesse. C’est alors qu’un Roucool sauvage se posa sur la branche qu’il s’apprêtait à atteindre. Il recula tout d’abord, apeuré. Il ferma les yeux et se recroquevilla quelques instants. Puis, il rugit de toutes ses forces. Effrayé, le Roucool s’envola et la voie fut libérée. Il agrippa une baie et visa, depuis le haut de l’arbre, la bouche grande ouverte de Salamèche.

Pikachu fut envoyé valser contre un tronc. Il avait lâché son fouet depuis un moment et peinait à se relever.

— Je suis navré, s’exprima Magnézone. Si nous savions que tu te défendrais, nous aurions élaborés une autre stratégie. Mais tu affrontes un explorateur et il ne fallait pas s’attendre à ce que je retienne mes coups.

— Super ! Je vais arriver comme ça devant ma mère et lui dire que mes sauveurs ont été exemplaires, elle va adorer !

— Elle est terrifiée à l’idée que tu survives en pleine nature. N’as-tu pas honte ? As-tu la moindre idée de tout le mal que tu as causé, depuis que tu t’es exilé ? Et tu souhaites devenir comme nous ?!

— Tout le mal ? Bande d’hypocrites, j’ai protégé des centaines de sauvages, depuis que je vis avec eux ! Je regrette rien, vous m’entendez ?! Rien du tout !

— Les sauvages ne valent rien, par rapport aux sentiments des vrais Pokémon !

— Quoi… ? Mais comment vous pouvez dire ça ? À quoi sert votre badge ?!

Soudain, Salamèche bondit dans le dos de l’explorateur, le forçant à atterrir au sol. À peine avait-il le temps de s’en outrer, que le fugitif le frappa sans relâche, le Magnéti blessé à la patte. Les deux types Acier se heurtèrent de plus en plus fort, peinant à cacher leur douleur.

— Vite ! bégaya le chef. Décharge-toi !

Mais Salamèche l'envoya valser contre un tronc, et Magnéti laissa jaillir ses réserves électriques dans le vent avant de s'écrouler, épuisé. Magnézone en profita pour se redresser, prenant de la hauteur au-dessus de son adversaire. Il tenta de lui asséner un coup d'aimant, mais il l’esquiva en exécutant une roulade arrière.

— Tu ne m’échapperas pas ! cria-t-il en lui jetant un éclair.

Le jeune garçon pensa soudainement à Charmina, qui d’un simplement mouvement se déplaçait si vite qu’il parvenait à esquiver les étincelles de son ami. Il tenta de l’imiter, mais il était trop lent. Beaucoup trop lent. Malheureusement, ni lui ni son agresseur ne se satisfirent du résultat. Câlinfeu, qui s’était jeté sur Magnézone pour l’attaquer, encaissa malgré lui le sévère claquement de la foudre. Salamèche et Pikachu l’observèrent s’écrouler, impuissants.

— Mais d’où sort cet Hélionceau ?! s’irrita le chef de la Mangé-Team.

— Câlinfeu ! hurla le rongeur de toutes ses forces.

Une vague d’étincelles jaillit de son corps. Il en fit trembler toutes les feuilles environnantes. Ses yeux étaient rouges et ses poings crispés à s’en percer la peau. L’explorateur se mit en garde.

— Amène-toi ! le provoqua-t-il.

— Ne l’attaque surtout pas ! intervint le reptile. Il va absorber ta puissance !

C’est alors qu’une ruée enflammée les sépara, si puissante qu’elle s’étendit sur une dizaine de mètres. L’explorateur jeta un coup d’œil vers Salamèche, tout aussi surpris que lui. Puis, une boule de feu le percuta de plein fouet. Il s’écroula, le regard fixé sur la silhouette qui approchait.

Sa grande crinière rouge et jaune formait un soleil rayonnant. C'était un grand Pokémon quadrupède, avec une longue et fine queue, ainsi qu'un corps musclé de couleur brune et beige. Une autre bondit d’un buisson, les crocs enflammés. Sa crinière était plus fine, s’étendant comme une longue chevelure. Elle lui mordit l’antenne et l’envoya paître contre un arbre. Le temps qu’il s’en remette, trois autres sauvages de cette même espèce lui faisaient face. Tous rugissaient, prêts à le déchiqueter en morceaux.

— Non ! Pitié… !

Les étincelles de Pikachu s’éparpillèrent peu à peu. En apercevant Câlinfeu se relever, il accourut sans hésiter.

— Est-ce qu’il va bien ?! demanda-t-il à son ami.

— Je viens de lui donner une baie Ceriz, mais il est toujours un peu sonné.

— J’ai eu tellement peur… marmonna-t-il en le prenant dans ses bras.

Salamèche reprit son souffle en fixant Magnézone. Alors que les sauvages s’apprêtaient à l’attaquer, il s’interposa.

— Arrêtez ! Il ne mérite pas la mort, même s’il veut l’infliger aux autres.

Sans grand succès, les créatures semblaient s’apprêter à lui sauter dessus également. Tout du moins, jusqu’à l’intervention de Câlinfeu lui-même, bondissant des bras de Pikachu pour ordonner du répit à coup d’imposants rugissements. Le Némélios à la crinière rayonnante avança, le renifla, puis le lécha en le serrant contre ses pattes. Les autres en firent de même et tous saluèrent le retour d’un des membres de la famille.

— Je crois qu’on l’a fait, larmoya Pikachu. On a ramené Câlinfeu auprès des siens !

— Je ne comprends pas, se questionna le garçon à la tunique usée, leur pelage n’est pas du tout de la même couleur. En même temps, ça me paraissait bizarre qu’un Pokémon blanc et beige soit de type Feu.

— C’est peut-être pour ça que les braconniers le chassaient lui et pas un autre ? Pour sa rareté ?

Salamèche se tourna vers son adversaire à la peau constituée d’acier. Il n’était plus adossé contre le cerisier. En fouillant du regard les alentours, il le trouva au loin, en train d’aimanter ses deux coéquipiers à bout de force. Il soupira en le laissant partir.

— Comment est-ce qu’il a appelé Câlinfeu ? se demanda le garçon au pelage jaune. Hélionceau, c’est ça ?

— Je crois, oui. J’avoue que je préfère Câlinfeu.

Ce dernier était tout joyeux, entouré d’un peuple qui lui correspondait enfin. Alors que le grand groupe commençait à partir, le dénommé Hélionceau approcha une dernière fois ses deux protecteurs.

— Désolé, mâchouilla le rongeur, mais c’est ici que nos chemins se séparent.

Le petit insista en lui mordant la tunique. Mais il lui caressa simplement la touffe.

— Tiens, elle n’est plus si brûlante que ça ? En tout cas, t’as assuré ! Je suis fier de toi…

Il essuya une larme en détournant le regard. Inquiet, le sauvage se tourna vers le garçon à la tunique usée.

— Mon grand, le rassura-t-il, ne les fais pas attendre.

Il le caressa à son tour, d’un grand sourire sincère.

— Va et deviens fort ! Un jour, c’est toi qui nous sauveras la vie !

Câlinfeu se colla à leurs jambes, pleurant à chaudes larmes. Puis, il recula et rejoignit le reste de sa communauté. Il se retourna une dernière fois, le sourire au museau, avant de s’éloigner pour de bon. Le silence s’imposa peu à peu. Pas de vent, pas de ruissellement, seulement du vide.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant… ? soupira Pikachu.

— La Magné-Team était sur le point de me tuer. J’imagine que n’importe qui peut venir me faire la peau, désormais.

Il se retourna en direction de leur tente.

— Allons remballer nos affaires. J’aimerais arriver à Bourg-Palissade avant la fin du mois.

— Tout de suite ? Attends, tu ne t’es pas reposé une seule fois, depuis qu’on est entré dans l’Erg Sans Fin !

— Peu importe…

Il s’éloigna, les poings fermés.

Maintenant qu’ils n’avaient plus personne à protéger, les deux fugitifs pouvaient reprendre un rythme soutenu. Mais depuis ce jour, Salamèche se montra plus pragmatique. Il ne mentionnait plus Bourg-Tranquille, l’exploration ou leurs amis proches. Il ne pensait qu’à la suite des événements et occupait la plus grande partie de ses journées à trouver des cachettes efficaces pour leur tente. La nuit, il ne dormait que très peu, préférant remplir son rappelle-tout pour assurer une contre-attaque face à tout type d’adversaire.

Presque une semaine s’écoula, avant que les membres de la Magné-Team débarquent à Bourg-Tranquille. Ils s’écroulèrent sur la place centrale, l’acier égratigné et les aimants tremblants. Le temps que l’infirmière et la maire interviennent, une foule s’était créée tout autour d’eux.

— Laissez-moi passer ! insista Nanméouïe. Il faut les escorter à l’hôpital !

— Une minute ! la devança Rapasdepic. Que s’est-il passé ?

— Madame la maire, je pense que les questions peuvent attendre !

— J’exige des réponses ! Où est l’humain ?!

Les deux Magnéti, qui détournaient le regard d’un air embarrassé, ne semblaient pas même apte à communiquer. Magnézone, en revanche, marqua un temps d’arrêt. Il repensa à ce que Germignon lui avait dit. Les graines avaient germé.

— Je croyais que la mission consistait à sauver le jeune Pikachu.

— Sans blague ! râla-t-elle. J’ai bien compris que vous aviez échoués !

— Pourquoi ne pas m’avoir informé de la volonté du garçon ?

— Qu’est-ce que cela change ?!

— Ce n’est pas celui que vous appelez « humain » qui nous a causé problème, mais bien ce jeune homme aux ambitions claires et humbles.

Il se tourna vers Raichu, qui de par sa détresse se démarquait de la foule.

— Je sais que ce n’est pas évident à assimiler, mais votre petit a l’étoffe d’un explorateur.

— Je vous demande pardon… ?

— Et je pense qu’il le deviendra, qu’importe le nombre d’obstacles que vous lui enverrez. Peut-être serait-il judicieux de réévaluer vos préjugés, vis-à-vis de ses passions et objectifs.

— Pour qui vous prenez-vous… ? Je connais mon fils mieux que personne !

— Dans ce cas, allez le chercher vous-même. Cette aventure m’a fait réfléchir : jamais plus je ne blesserai un sauvage pour satisfaire les sentiments névrosés de sombres hypocrites.

Les habitants s’en outrèrent, chuchotant autour d’une scène qui énerva de plus en plus Rapasdepic.

— Il suffit ! Je ne vous permets pas d’injurier à l’intérieur de mon village !

— Quoi, rétorqua-t-il froidement, vous n’en avez pas eu assez ? Vous doutiez-vous que le jeune Salamèche était persuadé que nous étions venus le tuer ? Je ne sais pas ce que vous avez ordonné à vos secouristes, mais je doute que votre agressivité serve la cause commune.

— Bien sûr qu’elle la sert ! Cet humain est un danger pour le monde entier !

— Et donc quoi ? Vous organisez des mises à mort en cachette ?

— Je… bégaya-t-elle sous les murmures de la foule, non, n’importe quoi !

— C’est quoi cette histoire ? s’intrigua Canarticho.

— Le minot était juste censé s’éloigner pour nous préserver des secousses, jaspina Lombre.

— Pourquoi s’acharne-t-elle sur lui ? lui reprocha Kecleon.

— Tout ce que je veux, reprit-elle, c’est retrouver ce fichu Pikachu !

— Alors je vous souhaite bonne chance, conclut Magnézone. Maintenant qu’ils nous traitent comme des meurtriers, ils n’auront plus aucune pitié. Réfléchissez-y : le dialogue n’est plus envisageable.

Sur ces mots, il quitta la place centrale et suivit Nanméouïe jusqu’à l’hôpital. La maire rouspéta en fouillant du regard les alentours : la foule la fixait d’un air indécis.

— Un problème ? Vaquez à vos occupations !

— Madame la maire, intervint Raichu, si c’est pour envoyer de sales types faire du mal à mon petit…

— Non, il est hors de question que je m’avoue vaincue ! Je n’ai pas encore dit mon dernier mot !

Elle quitta la place en s’envolant à coups de rudes battements d’ailes. Peu à peu et qu’importe ce qu’en pensait la maire, Bourg-Tranquille s’animait de nouveau.

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