Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 15 : La pleine nature

3057 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/02/2021 15:27

— Il a disparu, se lamenta Raichu sur la place centrale, mon fils a disparu !

En cette morne matinée, un vent froid soufflait dans les rues vides de Bourg-Tranquille. Que ce soit le bar, les marchés, la poste ou encore les bains publics, personne ne s’y trouvait. Rapasdepic avait convoqué l’équipe Chaotique d’urgence, et tandis que des cernes se creusaient sous leurs yeux, Arbok et Charmina baillaient, insensibles aux sanglots de la mère.

— Il fallait s’y attendre, déclara la politique. Votre petit était le meilleur ami de l’humain.

— Il a été manipulé ! Je lui avais demandé de ne plus s’approcher de lui, mais il ne m’a pas écouté ! Je vous en supplie, il faut le retrouver au plus vite ! Il ne mérite pas de vivre une vie de fugitif !

— Nos secouristes vous le ramèneront au plus vite, ne vous en faites pas.

— Faites de votre mieux, larmoya-t-elle avant de rentrer chez elle.

Sur le chemin, elle rencontra la jeune Germignon.

— Bonjour madame, la salua-t-elle poliment. Je vous ai entendue pleurer en arrivant, est-ce que vous avez besoin d’aide ? Laissez-moi au moins vous raccompagner à la maison.

Elle l’épaula en lui tendant un mouchoir dans lequel écouler sa peine.

— Merci beaucoup pour ta bienveillance, ma chérie. On ne peut pas en dire autant de ces trois ingrats…

— Je n’ai pas confiance en eux non plus. Ils ont l’air malhonnêtes.

— Je suppose que c’est déjà mieux qu’un humain qui détruit le monde en cachette…

— Est-ce que vous y croyez vraiment ?

— Je n’ai jamais eu confiance en ce jeune homme. Lui et son père étaient deux étrangers un peu trop à l’aise, si tu veux mon avis. Je suis sidérée qu’il s’en soit pris à mon pauvre petit !

— Vous pensez qu’il s’en est pris à lui ? Pour avoir été leur camarade de classe, je peux vous assurer qu’ils se considéraient comme les deux pinces d’un crabe. Pikachu semblait si heureux, depuis quelques mois…

— Parce que l’humain le manipulait ! Il attendait le moment opportun pour faire de mon fils un otage !

— Mais quel intérêt ? insista-t-elle d’un air perplexe. Personne ne comptait le poursuivre.

— Es-tu en train de le défendre ?

— Euh… non, bien sûr que non. Je veux juste comprendre.

— L’humain est un monstre qui a converti mon fils à des croyances malsaines. Il n’y a rien de plus à comprendre.

— Je vois, soupira-t-elle. J’espère que vous le retrouverez rapidement.

Pendant ce temps, les membres de l’équipe Chaotique râlaient.

— Qu’est-ce qu’on s’en tape du Pikachu ? cracha Charmina. Sa mère est dans le déni, évidemment qu’il a suivi l’humain de son plein gré !

— Vous devriez vous réjouir, répliqua Rapasdepic. Sa détresse est un bon prétexte pour les poursuivre.

— Et ramener au village ssceux que vous avez exclus ? s’intrigua Arbok.

— Pas forcément. J’allais vous le demander de toute façon, alors profitons de cette opportunité en or. Je veux que vous éliminiez Salamèche. Si Xatu a dit la vérité, alors cela nous sauvera d’une potentielle fin du monde. Mais s’il a menti et que Pifeuil réclame une réintégration, je serai dans l’obligation de l’accepter. Je pense qu’ils se sont enfuis tous les trois ensemble, alors retrouvez-les et abattez les deux étrangers sans la moindre hésitation. Assommez Pikachu au préalable pour ne pas le rendre témoin de vos actes. Je m’occuperai de justifier leur disparition.

Ectoplasma était sans voix, mais ses coéquipiers se gaussèrent à gorge déployée.

— Sacrée commande, ma chère dame ! Vous êtes au courant que nous ne travaillons pas gratuitement ?

— De combien de points avez-vous besoin pour postuler à la Guilde ? Je m’assurerai que vous les obteniez, si vous m’apportez une preuve que plus jamais cette pitoyable famille ne me causera de problème.

— Vraiment ? On brûlerait beaucoup d’étapes, si on acceptait… alors vendu !

— Bien. Faites au plus vite.

Elle s’envola hors de la place, laissant les secouristes avec une nouvelle mission.

— Nan, s’énerva Ectoplasma, ce sera sans moi !

— Quoi ? Tu es sssérieux ?

— Cette histoire va beaucoup trop loin, laissez-moi en dehors de tout ça !

— Tu sais quoi ? gouailla Charmina. C’est parfait ! Nous irons beaucoup plus vite sans ce gros lourdaud !

— Ssc’est bien vrai ! s’esclaffa le serpent.

Et ainsi se préparèrent les deux bourreaux.


Chapitre 15 : La pleine nature


Salamèche s’éveilla tranquillement, s'étirant dans l’étroite tente qui l’avait abrité durant la nuit. Le sol froid lui servait de matelas, bien qu’il avait improvisé un lit avec l’oreiller récupéré la veille et sa nappe de table en guise de couverture. À côté de lui se trouvait un autre lit fait à la patte, vide et entouré par un amas d’affaires éparpillées : des rouleaux de bandages, des vêtements de rechange et des bouteilles en verre, certaines remplies et d’autres non. Entendant des bruits au loin, il sortit et marcha pieds nus dans une fraîche forêt aux nuances brunes, où les feuilles bruissaient doucement.

— Salut mon pote ! s’exclama Pikachu en chouchoutant plusieurs sauvages collés à lui. Ils t’ont réveillé ?

— Je me demandais ce qu’il se passait. Ils ronronnaient juste.

Les créatures lui réclamèrent autant d’attention, alors il s’affaissa pour les prendre dans ses bras.

— La nuit n’était pas trop rude ?

— Si, gloussa le rongeur, carrément. J'avais sous-estimé la baisse de température. À vrai dire, j'ai toujours dormi entre quatre murs épais. Et puis passer d'un lit douillet à un sac de couchage, ça pique un peu !

— Tu m’étonnes. J’ai la chance de ne pas être atteint par les fortes températures, alors je n’y avais pas pensé non plus.

— Mais ça va le faire ! Il faut juste s’habituer ! C’est pas évident de vivre en pleine nature, mais c’est notre vie maintenant ! D’ailleurs, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ?

— On va continuer dans la direction du Mont Cristal, en espérant pouvoir le traverser dès aujourd’hui. Je ne me sentirai pas en sécurité tant qu’on ne se sera pas vraiment éloigné de Bourg-Tranquille.

— Bien compris. J’en profiterai pour faire un peu de cueillette !

Et ainsi débuta leur première journée en tant que fugitifs.

Ils rangèrent leurs affaires et remballèrent leur tente. Pikachu offrit quelques baies et un peu d’eau aux sauvages, puis le duo reprit la route et quitta la forêt. Le soleil brillait autour des quelques nuages qui couvraient le ciel, réchauffant cette vaste plaine verte entourée de nombreuses collines rocheuses. Les garçons s’assurèrent d’esquiver fissures et crevasses, enlevèrent leurs chaussures pour traverser les étangs et s’entraidèrent à la courte échelle lorsqu’il fallait grimper de gros rochers.

Ils multiplièrent les pauses en pensant aux lits douillets qu’ils n’auraient pas pour récupérer, s’hydratèrent plus souvent et, inévitablement, trouvèrent quelques coins pour faire leurs besoins.

— C’est répugnant ! pesta le rongeur en revenant d’un tas de hautes herbes avec un rouleau de papier toilette.

Mais il retrouvait rapidement le sourire lorsqu'il s'agissait d'explorer les environs avec son ami. Ensemble, ils grimpèrent sur des tas de roches, découvrant que l'un d'entre eux était en réalité un Onix. Ils récupérèrent des pommes en fouillant dans les arbres et trouvèrent même un peu de miel, du moins jusqu'à ce qu'un groupe d'Apitrini leur saute dessus. Lorsque la pluie se mit à tomber, ils se réfugièrent à l'entrée d'une grotte et profitèrent de l'atmosphère apaisante pour se reposer. Pendant que Pikachu nourrissait les Racaillou et Nosferapti sauvages, Salamèche laissait son regard se perdre dans la pluie battante. Qui était-il vraiment ? Que deviendrait-il ? Quelle empreinte laisserait-il sur le monde ? Ces questions effaçaient peu à peu son sourire enfantin.

Puis, la tempête cessa, et un grand arc-en-ciel les accueillit chaleureusement. Après avoir salué les sauvages, ils reprirent leur route et prirent de la hauteur. Bondissant de roche en roche, ils traversèrent grottes et sentiers jusqu'à découvrir un grand jet d'eau, dont les ruissellements alimentaient un vaste lac entouré d'arbres aux feuilles blanches. Sous le regard perplexe du jeune reptile, quelques sauvages s'y baignaient paisiblement.

— Allez, le motiva Pikachu, ça va nous faire du bien !

Sa tunique traînait déjà sur le rebord, alors qu’il y plongeait tête la première. Salamèche, de son côté, ne pouvait oublier sa première fois dans un bain public. Mais l’ambiance était différente. Pikachu jouait joyeusement avec un groupe de Passerouge et de Crikzik, tout le monde s'amusait sans jugement. Salamèche soupira, puis défit finalement la corde qui lui servait de ceinture.

— Wow, s’étonna-t-il en y rentrant avec plus de pudeur, c’est vrai que c’est agréable…

— Sans blague ! ricana son ami en lui jetant de l’eau au visage.

Bref, les deux anciens membres de la Dream Team découvraient les terres sauvages le sourire aux lèvres. Mais pendant ce temps, les secousses persistaient. En traversant des zones montagneuses, ils s'assuraient de dégager les grottes touchées par des éboulements, permettant aux quelques sauvages malchanceux de s'échapper.

La lune se levait, lorsqu’ils pénétrèrent le Mont Cristal. Ils connaissaient le chemin par cœur, à force d’y être revenus pour nettoyer les débris causés par les tremblements de terre, comme promis à l’Oiseau Foudroyant. N’empruntant que le rez-de-chaussée, ils se faufilèrent entre les cristaux scintillant et firent rapidement face à la sortie. Cependant, Salamèche remarqua quelque-chose se faufiler à toute vitesse vers son ami.

— Attention ! paniqua-t-il en le bousculant.

De justesse, il lui fit esquiver un dard qui se planta dans une roche à côté d’eux.

— Pas mal, susurra un grand serpent qui s’extirpa de la pénombre en glissant dans leur direction.

— Arbok ?! s’affola Pikachu en s’éloignant de la sortie.

— On sss’est renssseigné sur vos accomplissssements. Il paraît que ssc’est ici, que vous avez réduit en sscendres les ambitions de Tengalissce. On a sssupposé que ssce ssserait une belle cachette pour vous !

— Derrière aussi, alerta le jeune amnésique en apercevant Charmina approcher depuis la sortie.

— C’est quoi votre problème ? s’irrita le rongeur. Avoir détruit la vie de Salamèche ne vous suffit pas ?!

— Si cela ne tenait qu’à nous, commença Charmina, nous vous aurions laissés mourir comme des sauvages ! Mais nous avons une réputation à tenir. Nous allons vous ramener au village, toi et la tête de ton petit camarade. Une belle prime pèse sur cette bouille !

— Vous n’oseriez pas le tuer ?!

— On va se gêner !

Il bondit brusquement sur ses cibles. Salamèche devança Pikachu et tenta de bloquer leur adversaire en lui agrippant les bras. Mais d’un geste rapide et imprévisible, ce dernier le cogna d’une droite en plein ventre. Il l’enchaîna avec un coup de poing en pleine mâchoire, l’envoyant paître contre un tas de roches.

— Laissez-le tranquille ! s’énerva Pikachu en tirant une étincelle dans sa direction.

Mais Charmina l’esquiva en sautant jusqu’au plafond. Il y décrocha une roche, qu’il jeta tel un projectile sur sa cible. Le percutant de plein fouet, le garçon au pelage jaune s’effondra, le museau ensanglanté. Salamèche était bouche bée, même Makuhita n’était pas aussi rapide. Alors qu’il tenta d’accourir vers son ami, le grand serpent lui percuta les chevilles d’un coup de queue.

— Non, toi tu ressstes ici !

Il s’enroula autour de son corps.

— Je te tiens !

Salamèche se retenait de crier, bien que son adversaire serrait de plus en plus fort.

— Attends ! s’exclama Charmina. Si tu lui brises les os, on ne pourra plus s’amuser !

— Ssc’est vrai ! ricana-t-il en le libérant face à son coéquipier.

Sans attendre, ce dernier le frappa d’un coup de pied en pleine mâchoire, l’étalant au sol après un salto arrière.

— Debout, minable ! Prouve-nous que tu mérites d’être l’un des nôtres ou on t’achève sur le champ !

— Quoi ? Tu ssserais prêt à l’épargner ?

— Il remplit les critères, alors pourquoi pas ? On dira à Rapasdepic qu’on l’a jeté du haut d’une falaise, ça ne change rien. De toute façon, cette histoire d’équilibre du monde, c’est du grand n’importe quoi !

— Si je mérite d’être l’un des vôtres ? grogna-t-il en se redressant. Vous voulez dire secouriste ? Pikachu et moi étions de bien meilleurs secouristes que vous ! Ne vous voilez pas la face, jamais la Guilde n’acceptera des ordures telles que vous !

Autour d’eux, les cristaux s’étincelèrent peu à peu.

— Je crois qu’il ne sssaisit pas.

— Secouriste ou explorateur, tu n’as que ces mots à la bouche ! Le monde est bien plus vaste que ça !

— Je m’en fiche ! Laissez-nous tranquille !

Soudain, la foudre frappa le centre du champ de bataille. Un ramage fit trembler tout le donjon. Deux gigantesques ailes au pelage épineux noir et doré se déployèrent. D’un long et fin bec s’échappait une voix capable de repousser ses opposants. Son regard était froncé et ses pupilles scintillaient d’une rage électrifiée. Ses imposantes pattes griffues visaient les membres de l’équipe Chaotique, alors estomaqués face à une telle présence.

— J’hallucine ! bégaya Charmina. C’est donc ici qu’il se cachait !

La divinité jeta un regard réservé, presque compatissant au jeune garçon.

— Pars sur le champ et ne reviens plus.

Sans hésiter, Salamèche hocha la tête et accourut porter Pikachu sur son dos.

— Hé ! s’énerva Arbok. On a besoin d’eux !

Le tonnerre s’abattit tout juste face à lui.

— Rebroussez chemin, pauvres impurs !

— Quoi… ? Mais pour qui te prends-tu ?

Charmina tapota le dos de son coéquipier.

— C’est bon, marmonna-t-il d’un sourire névrosé, on a mieux à faire…

Finalement, ils quittèrent le Mont Cristal en empruntant la sortie opposée à celle des deux fugitifs. De leur côté, ils y étaient enfin parvenus. En s’éloignant du donjon électrifié, ils entrèrent dans une nouvelle contrée jamais explorée. Le territoire était désormais complètement inconnu.

Lorsque Pikachu ouvrit les yeux, il était allongé dans la tente. Son museau était recouvert de bandages.

— Beurk ! piaula-il en s’empressant de les arracher.

Il zieuta les alentours et retrouva toutes ses affaires soigneusement rangées. Entendant un léger crépitement au loin, il sortit et marcha pieds nus dans cette fraiche forêt aux teintes noirâtres et aux arbres gigantesques.

— Ah ! s’enjoua le garçon à la tunique usée. T’es réveillé !

Il était assis à côté d’un feu de camp et terminait de déposer des baies grillées sur un tas de feuilles.

— Ça tombe bien, le dîner est prêt !

— Ça sent bon, réagit-il en s’installant à côté de lui.

— Comment te sens-tu ? Je vois que tu t’es déjà débarrassé de tes soins…

— Ouais, ça puait de ouf. Mais qu’est-ce qui s’est passé, au juste ?

Ils se remplirent la panse en discutant de leurs mésaventures.

— Alors Électhor nous a sauvé, s’étonna le rongeur. Hm… je suis désolé mon pote.

— Pourquoi ? Tu as fait de ton mieux.

— Ma mère a dû les supplier de me retrouver, sinon ils ne seraient pas venus nous chercher.

— Ils ont aussi dit qu’une prime pesait sur ma tête. Ne leur trouve pas d’excuses, ils veulent juste me tuer.

— Ils sont vraiment tarés, ronchonna-t-il en croquant dans une baie grillée.

Son expression changea du tout au tout.

— Wow ! s’extasia-t-il. C’est délicieux !

— C’est vrai ? Ce n’est pas évident de cuisiner avec les moyens du bord, mais je dois bien avouer que ça vide l’esprit.

Son ami ne semblait pas l’écouter, à dévorer une à une toutes les baies sur son tas de feuilles.

— Hé, mange plus doucement !

Malgré une rude fin de journée, les deux fugitifs retrouvèrent le sourire en cette rafraichissante nuit noire.

À Bourg-Tranquille, en revanche, les esprits s’échauffèrent sur la place centrale.

— Vous avez échoués ?! s’horripila Rapasdepic.

— Le donjon était dans un état calamiteux, expliqua Charmina. Peut-être que l’humain est mort enseveli sous un éboulement, qui sait ?

— Cela ne me suffit pas ! Et qu'en est-il de Pifeuil ?

— Introuvable et on s’en moque. Cette mission ne nous intéresse plus. On abandonne.

— Et mon fils ? s’affola Raichu. Qui va le sauver ?!

— Ma chère dame, soupira Arbok, votre enfant n’a pas envie de revenir.

— Quoi ?! Mais il est manipulé !

— Vous ne voudriez quand même pas qu’on le blesssse ?

— Non, surtout pas !

— Alors ce n’est plus à nous de régler ce problème ! conclurent les membres de l’équipe Chaotique en rentrant chez eux.

— Quel culot, râla la maire du village. Bon, je ne souhaitais pas en arriver là, mais il faut croire que la situation l’exige. Je vais faire appel à une équipe d’exploration. Eux sauront vous ramener votre fils.

— Par pitié, séparez-le de ce maudit humain !

— Je fais de mon mieux pour nous en débarrassez, vous pouvez en être certaine.

Au loin, Germignon observait, cachée derrière une maison, Rapasdepic battre des ailes jusqu’à quitter la place centrale. À sa ceinture était accroché un badge de secouriste. Autour de son cou était ficelé un foulard couleur or.

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