Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 12 : L'âge 231 - L'équipe Chaotique

5123 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/02/2021 21:52

En cette chaleureuse matinée de mars, les arbres se recouvraient de feuilles, la verdure s’étincelait et le soleil chatoyant revigorait les habitants de Bourg-Tranquille. Alors que les rayons transperçaient les fenêtres de l’école, le professeur Canarticho déposa les copies corrigées du dernier contrôle à ses élèves. Germignon et Riolu obtinrent la note parfaite, Carapuce la manqua d’un point et Arcko de deux. Chenipan et Rattata avaient à peine dépassés la moyenne, quant à Salamèche et Pikachu, le volatile agrippé à son poireau s’arrêta un instant face à leur bureau.

— Vous deux, commença-t-il sur un ton accusateur, avez-vous triché ?

— Nous ? s’étonna le rongeur. M’sieur, on vaut mieux que ça quand même !

— Vraiment ? Pouvez-vous me donner la date de création de l’appareil photo argentique ?

— Deux-cent-vingt-quatre, répondit le lézard au tac au tac. Inventé par l’ingénieure Caratroc, cet appareil ne s’est démocratisé que dans les riches quartiers des grandes villes, principalement à cause du prix des pellicules. C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles madame Rapasdepic refuse d’en importer jusqu’ici. Du coup, les avis de recherches sont dessinés à la patte…

— Ah oui c’est vrai ! rigolait Pikachu. Notre moyen mnémotechnique, c’était le dessin de Taupiqueur, quand il avait essayé de représenter Airmure en dessinant avec ses narines.

— Professeur, intervint Germignon, si je puis me permettre, je les ai plusieurs fois surpris à la bibliothèque.

— Mince, vous avez vraiment révisé ! Alors là, toutes mes félicitations ! Vous avez également obtenu la note maximale !

Arcko et Carapuce les dévisagèrent d’un air scandalisé.

— Par contre, je n’aime pas ces cernes que je vois sous vos yeux ! Vous n’avez pas cessé d’explorer, je me trompe ?

— Vous rigolez ? se bidonnait le garçon au pelage jaune. On est sur la dernière ligne droite !

Il se mangea alors un coup de poireau sur le crâne.

— Bande de buses avec une Pépingraine à la place du cerveau ! C’est justement parce que vous êtes sur la dernière ligne droite, que vous pouvez vous ménager en choisissant entre l’école et le secourisme !

— Désolé… ! marmonna Salamèche avant de s’en prendre un également.

Les deux amis souriaient malgré tout. À vrai dire, cela faisait trois mois que leur vie se déroulait à merveille.


Chapitre 12 : L’équipe Chaotique


Ainsi se terminait l’hiver de l’âge deux-cent-trente-et-un. Les secousses s’étaient multipliées, tout comme la motivation des membres de la Dream Team à devenir de grands explorateurs. À force d’apporter leur aide aux habitants de Bourg-Tranquille, leur objectif était devenu un secret de polichinelle, dont seule la mère du garçon au pelage jaune ignorait l’existence. Certains rechignaient encore à envoyer des enfants prendre des risques dans des territoires naturels, mais la grande majorité des adultes semblaient avoir changés de point de vue sur la discipline entreprise par ces courageux secouristes. Se montrant digne de confiance, c’est à l’adresse du lézard à la queue enflammée qu’atterrirent rapidement toutes les lettres destinées autrefois au tableau d’affichage de la poste Bekipan. Ils cumulaient aujourd’hui quatre-vingt-quatorze points de secourisme. En parallèle, alors que Germignon accompagnait désormais Pikachu nourrir les sauvages dans les Petits Bois, Salamèche continuait de suivre son entraînement au dojo Makuhita. Et un jour sur trois, lorsque la dernière cloche sonnait, l’équipe se formait pour réaliser l’une de leurs nombreuses demandes.

Cependant, en cette rafraichissante soirée de mars, la boîte au lettre du jeune amnésique était vide.

— Comment ça ? s’étonna le rongeur. Elle débordait hier encore !

Pendant que Salamèche fouillait la maison en espérant que Pifeuil les aurait déposées sur la table du salon ou dans sa chambre, Pikachu tapota la trappe de la boîte, qui céda comme un couvercle abîmé.

— Non, nia le reptile en fermant la porte derrière lui, rien du tout.

— C’est bizarre mais bon, peu importe. Il me semblait que m’dame Hippodocus voulait qu’on récupère un truc pour elle, on peut aller lui demander directement !

— Du lapis-lazuli ! exclama l’hippopotame à la grande mâchoire.

L’équipe se doutait qu’elle la trouverait au bar du village, à siroter un jus de baie sur un coussin recouvert de sable.

— J’ai cru comprendre qu’on en trouvait pas loin d’ici. J’aimerais repeindre les murs de mon salon en bleu !

— Vous peignez ? s’intrigua Salamèche.

— Avec ma mâchoire, pardi ! Tu n’as pas idée de la difficulté à trouver un jeu de pinceaux adapté à ma morphologie. Le peuplier cède toujours à cause de mes dents…

— Il y a la Grotte Lapis au sud du Mont Acier, proposa Pikachu. Si elle porte bien son nom, on devrait trouver ce qu’il faut.

— Très bien, se motiva son ami, on vous en rapporte tout de suite !

Sacs remplis, ceintures resserrées et destination mémorisée, les membres de la Dream Team entreprirent une nouvelle exploration dans les contrées sauvages. Ils traversèrent une voie rocheuse, nourrirent les créatures qu’ils rencontrèrent sur leur route et arrivèrent finalement face à l’entrée d’une caverne recouverte de pierres bleutées. Certaines d’entre-elles étaient fracturées en plusieurs petits morceaux.

— Fichues secousses, grincha le rongeur en déblayant le passage pour ne pas que les sauvages se blessent en marchant dessus. Profitons-en pour ne récupérer que les pierres délogées par les tremblements de terre. Le donjon semble déjà avoir assez souffert comme ça.

Le lézard à la queue enflammée acquiesça, puis prit les devants et éclaira le passage. Cependant, dès la première intersection, il se heurta à un autre Pokémon. Tous les deux trébuchèrent, non sans surréagir à leur manière.

— Pardon ! s’exclama l’un.

— Regarde où tu mets les pattes ! grogna l’autre.

Il était une épaisse boule au pelage violet d’au moins cent-cinquante centimètres, accoutrant une longue cape flottante ainsi qu’une tunique en tissu couleur pourpre. Il portait également un grand sac laissant s’échapper quelques lueurs bleutées. Ses oreilles, ses doigts et ses mèches étaient pointus. Imbibés de rouge, ses grands yeux aux iris fins fixaient d’un regard perçant les deux enfants qui lui faisaient face.

— C’est quoi ce délire ? bisqua-t-il en dépoussiérant sa tunique. Vous foutez quoi dans un donjon pareil, les mioches ?

— Tu parles tout ssseul, Ectoplasssma ?

— Dis-moi que t’as trouvé la sortie !

Deux autres grandes figures le rejoignent. L’un se déplaçait en glissant, à l’aide de son long corps écailleux. Sous sa tête gausseuse, aux nombreux crocs et à la langue évasive se trouvait une grande poche aux motifs dessinant une sorte de visage hypnotisant. Des bandages étaient enroulés autour de son corps.

— Alors sssça, pour une sssurprise ! Tu t’es enfin fait de vrais amis !

— Très amusant, Arbok.

L’autre, le plus fin des trois, arborait par-dessus ses longues jambes un pantalon rouge maintenu par une ceinture dorée. Sa peau était grise et sa chevelure rouge était composée de trois épaisses mèches.

— Vous êtes qui ? les interrogea-t-il sèchement.

— Nous sommes la Dream Team ! affirma Pikachu en dégainant son badge. L’une des deux dernières équipes de secours de Bourg-Tranquille.

— C’est vous la Dream Team ? se gaussait la sombre silhouette. Comment pouvez-vous avoir autant de succès ?

— Vous nous connaissez ?

— Bien sssûr ! lui sourit le serpent. Il sssemblerait que l’on ait affaire à des collègues de travail !

Le maigrichon à la peau grise sortit un badge un peu plus poussiéreux.

— Nous formons l’équipe Chaotique et je m’appelle Charmina, balança-t-il.

— Moi je sssuis Arbok ! susurra le serpent.

— Et moi, soupira l’adulte aux yeux rouges, je m’appelle Ectoplasma.

Salamèche manqua de grimacer.

— Chaotique… ? marmonna le rongeur. Je me suis toujours demandé pourquoi ce nom ? C’est pas très envoûtant…

— Envoûtant ? répondit Charmina. Tu te crois dans un conte de fée ?

— Euh… non, je voulais pas…

— Je suis un peu déçu de voir à quoi ressemble cette fameuse équipe, finalement.

— J’avoue, s’irrita Ectoplasma. Comment a-t-on pu laisser des enfants devenir secouristes ? On nous manque vraiment de respect, c’est dingue !

— Et vous comptez faire quoi, les bambins ? Possstuler à la Guilde d’Exploration ?

Ils s’en gaussèrent tous les trois.

— Bah euh… ouais ? On est à quatre-vingt-quatorze points, là.

Un rire qui cessa immédiatement.

— Pardon… ?

— Ouais, reprit Pikachu, on est sur le point d’être éligible pour postuler.

Leurs regards se noyaient d’inquiétude.

— Nan, leur sourit la boule violette, vous pouvez pas rejoindre la Guilde cette année. Vous êtes bien trop jeunes !

— Il n’y a pas de restriction d’âge, argumenta le garçon au pelage jaune.

— Ouais, mais ils préfèreront sûrement choisir une équipe plus expérimentée comme la nôtre, plutôt que des enfants qu’ils prendraient le risque de mettre en danger !

— Peu importe, ça va pas nous empêcher d’essayer.

L’expression d’Ectoplasma changea du tout au tout. Il soupira en épaulant les deux garçons.

— Écoutez, vous deux, vous n’avez pas la moindre idée de ce dans quoi vous vous embarquez. J’ai eu des dires de la Guilde, ils ne forment pas des p’tits rigolos et encore moins des enfants ! Sans parler de la compétition entre apprentis… nan, vraiment, vous devriez renoncer !

— Désolé, s’éloigna Salamèche, mais on est pressé.

Sous le regard des trois secouristes contrariés, il tira son ami jusque dans les profondeurs de la grotte.

— Wow, chuchota Pikachu, sacré numéro…

— Ne nous laissons pas distraire. Nous sommes à deux griffes d’obtenir les cent points.

Ainsi, l’exploration reprit son cours. Ils déblayèrent les débris rocheux et récupérèrent un tas de petites pierres au teint d’un bleu azur, au pieds de plusieurs murs qui semblaient avoir été fracassés.

— Tant pis, faut croire que m’dame Hippodocus se contentera de ça.

— Attends… ! sursauta le garçon à la queue enflammée.

Il était figé, le regard rivé sur le sol. Quelques cailloux glissèrent avant que la terre ne commence à trembler.

— Une secousse ! cria-t-il en renfilant son sac.

— Oh bon sang ! On doit évacuer tous les sauvages !

Ils se précipitèrent vers la sortie pendant que les murs s’effondraient, que le sol se fissurait et que du plafond s’écroulaient plusieurs grosses roches. Sur le chemin, ils embarquèrent les quelques créatures qui peuplaient le donjon. Cependant, une fois la sortie atteinte, Pikachu fut traversé d’un lourd frisson. Pendant que son ami rassurait les sauvages angoissés par les tremblements, lui se retourna vers l’entrée, débordante de poussière, et distingua un mouvement. Le mouvement d’un dernier sauvage qui suffoquait. Sans la moindre once d’hésitation, il bondit à son secours. Il esquiva les débris qui s’écroulaient autour de lui, sauta de rebord en rebord pour esquiver les fissures tendit une patte grande ouverte à la petite créature effrayée.

— Viens avec moi !

Le sauvage recula.

— Non ! Hé, fais-moi confiance ! S’il te plaît…

Malgré la secousse, il restait immobile. Le sauvage avança peu à peu et lui renifla les doigts. Puis, il se laissa caresser. Enfin, il se laissa emporter dans ses bras. Pikachu lui sourit, avant de foncer vers la sortie. Cependant, une épaisse roche s’effondra tout juste avant qu’il ne l’atteigne, l’aveuglant au passage d’un nuage de poussière. Il recula en toussant et trébucha en se prenant le pied dans une fissure.

— Je suis désolé, graillonna-t-il en portant la créature contre sa poitrine, j’ai pas été assez rapide…

Aussitôt, la lumière du soleil lui réchauffa le pelage. Face à lui, Salamèche soutenait à bout de bras la grosse roche qui les séparait. Il crispait les dents à se les briser, tandis qu’il retenait un souffle à en devenir bleu. De ses dernières forces, Pikachu se faufila jusqu’à la sortie. Puis, le jeune amnésique scella pour de bon l’entrée de la Grotte Lapis. Le fracas de la roche contre le sol résonna dans tout le périmètre. Eux deux s’affalèrent, essoufflés.

— Merci… haletait le rongeur.

— Je n’ai rien fait, lui rétorqua son ami en fixant d’un air dépité le tas de débris qu’était devenu le donjon. Personne ne peut rien faire, face à ces maudites secousses…

 Ils emmenèrent les sauvages jusqu’à un lac et leur cueillirent de la nourriture. Puis, ils rentèrent à contrecœur. La lune se levait à Bourg-Tranquille, lorsque Pikachu sortit de la salle d’eau de chez son ami.

— Merci encore de m’avoir laissé utiliser votre douche, disait-il à Pifeuil en terminant d’essorer son pelage mouillé. Si ma mère m’avait vu dans cet état…

— T’inquiète mon gars, lui répondit-il en préparant le dîner, tu sais très bien que tu peux venir quand tu veux !

— Salamèche n’est toujours pas revenu ?

— Il doit galérer à retrouver notre chère Hippodocus. Les secousses la font toujours paniquer.

— Ah, d’ailleurs, ça allait de votre côté ?

— L’intensité n’était pas bien rude aujourd’hui, mais bon, j’ai l’impression que tout l’monde craint l’effondrement de sa piaule. Les gens commencent vraiment à craquer…

— Ouais… soupira-t-il. Quoi qu’il arrive, on sera là pour aider.

— Et les habitants le savent. Ils comptent sur vous, les petiots.

De son côté, Salamèche retrouva Hippodocus chez elle. Elle lui ouvrit, un pinceau teinté de bleu entre les dents.

— Vous peignez déjà ? demanda-t-il en lui tendant le petit sac de récoltes.

— C’est tout ? P’tits joueurs !

Elle l’invita à entrer et lui montra le grand tas de lapis-lazuli étalé dans son salon.

— Faut croire que vous vous êtes fait devancer ! C’est pas grave, les mômes, je vous tiens quand même en estime !

— Vous auriez pu nous prévenir, maronna-t-il en déposant ses résidus de pierres bleutées au sommet du gros tas. C’est pas cool d’envoyer la même mission à deux équipes différentes.

— Oh, mais je ne l’ai envoyé qu’à vous, chère Dream Team ! Cela dit, ma voix porte tellement que cela ne m’étonnerait pas que d’autres aient voulu me faire taire en me rapportant un tas de lapis-lazuli au plus vite !

— Pardon… ? Attendez, à quoi ressemblaient vos serviteurs ?

Ectoplasma bailla à gorge déployée, avant d’engloutir une pomme de terre desséchée.

Il était allongé sur son banc troué pendant qu’Arbok, le corps enroulé autour d’une poutre délabrée, fixait d’un regard affamé un Piafabec qui se grattait si délicieusement l’intérieur de l’aile à l’aide de son bec. Charmina, affalé sur une chaise humide dont les clous s’extirpaient des accoudoirs, laissait traîner ses pieds sur une table en bois rongée par des sauvages qu’ils devaient chasser chaque matin. Il jeta les résidus de sa pomme, qui s’écrasèrent contre une fenêtre aux vitres brisées, puis se répandirent autour des trous dans les murs, envahis par une moisissure fétide.

— Bordel ! postillonna Ectoplasma. On peut pas se laisser devancer par des gosses !

Apeuré, le Piafabec sauvage s’envola hors de la portée du serpent.

— Hé ! s’énerva-t-il. Préviens, avant de sssursssauter comme une fillette !

— De quoi tu te plains ? De la bouffe, on en a tout un tas !

Il pointa les débris qui lui servaient de cuisine, où se trouvaient plusieurs sacs remplis de légumes probablement périmés, à en croire les Mimitoss sauvages qui traînaient autour.

— Quelle torture de vivre dans sssce dépotoir !

— Bah barre toi ! Sans moi, vous n’avez pas de maison, alors un peu de respect !

— Je te demande pardon ?

Le gros serpent glissa jusqu’au banc, duquel Ectoplasma se redressa au plus vite. Mais Arbok s’enroula autour de lui en un rien de temps.

— Lâche-moi ! grogna-t-il.

— Qu’on sssoit bien clair : sssans nous, tu n’as pas d’équipe.

Il serrait de plus en plus, de quoi faire étouffer sa victime.

— Sssans nous, tu n’es rien.

— Hé, intervint Charmina, les gars ? Quand est-ce qu’on se rachète ce bon pain, là, celui à la boulangerie du coin ?

Arbok soupira, avant de lâcher Ectoplasma et de retourner vaquer à ses occupations.

— On ne l’avait pas acheté, haletait-il en se tenant le ventre. Pour ça, il faudrait déjà qu’on se remplisse les poches ! Si seulement cette hippopotame de merde nous avait récompensés, avec ses lapis à deux balles…

— On aurait dû la forcer à nous filer du bif.

— T’inquiète, reprit la boule violette en esquissant un grand sourire. Le prochain, on ne commettra pas l’erreur d’oublier !

Il fixait un tas de lettres éparpillées à côté de la porte d’entrée. Elles se destinaient toutes à la Dream Team.

Le lendemain matin, le professeur Canarticho distribua à ses élèves des documents administratifs.

— Je sais que cela vous rebute, mais il est temps de parler de votre avenir ! Bientôt, vous quitterez le système scolaire pour entrer dans un cadre tout autre, que ce soient les études supérieures ou le monde du travail !

— Monsieur, clama Chenipan, on n’a rien eu nous !

— Ça nous concerne pas andouille, lui rétorqua Rattata.

— Profitez-en tout de même pour y réfléchir dès aujourd’hui, reprit le professeur. Vous avez la chance d’avoir trois ans d’avance sur vos camarades, alors servez-vous des années à venir pour vous améliorer dans les domaines qui constitueront votre futur professionnel. Je ne suis pas conseiller d’orientation, mais je peux toujours vous apporter mon aide. Cela concerne tout le monde ici, d’ailleurs…

Il se tourna vers Carapuce.

— Sais-tu enfin vers quoi tu aimerais t’orienter ?

— Ouais.

— Génial ! s’enjoua-t-il. Avec toutes les opportunités que t’offrent tes excellents bulletins, je me suis longtemps demandé quelle voie tu allais choisir ! Je t’en prie, dis-nous tout !

Il attendit longuement sa non-réponse.

— Carapuce ?

— Ça ne regarde que moi, clama-t-il sèchement.

— D’accord… soupira-t-il. Bon, je n’ai pas vraiment de soucis à me faire pour vous autres, n’est-ce pas ?

À nouveau, un lourd silence pesa.

— Non mais j’hallucine ! fulmina-t-il soudainement. Qu’est-ce que vous me faites, là ?! Germignon, qu’en est-il de cette école de musique à Loliloville ?!

— Euh… oui, bien sûr que j’en ferai mon premier vœu. C’est juste que…

Elle jeta un bref regard vers Salamèche et Pikachu.

— Riolu et Arcko, reprit-il, il me semblait que vous souhaitiez rejoindre les classes préparatoires de la fac Nucléos ?!

— Oui, évidemment, on émet juste des doutes. Je veux dire… Loliloville ! On parle tout de même de la plus grande ville au monde. Ce serait un miracle que des pauvres villageois comme nous soyons acceptés.

— Sans parler de l’appartement, poursuivit le garçon à la queue crochue. En trouver un d’ici septembre, ce serait un miracle encore plus grand !

— Croisez les doigts, vous avez les résultats attendus pour y parvenir !

Enfin, le volatile se tourna vers les deux du fonds.

— Et pour vous, comment ça se présente ?

— On devrait pouvoir postuler à la Guilde dès la semaine prochaine, affirma Salamèche.

— Tant mieux. Et… d’un point de vue familiale ?

— Aucun souci de mon côté.

— Ouais, compléta Pikachu, du mien non plus…

Tous les regards se posèrent sur lui.

— Quoi ? C’est mon avenir, je fais ce que je veux !

— Comment ta mère peut ne toujours pas être au courant ? le questionna Riolu. Tout le monde ne parle que de vous !

— Ouais, bah merci à vous d’avoir gardé le silence !

— Elle finira par le savoir, reprit Canarticho. Mieux vaut ne pas la prendre de court, Pikachu.

— Je sais, je sais. C’est juste… compliqué.

— En tout cas, vous avez tous un bel avenir qui vous attend ! Je n’ai jamais eu l’occasion de vous le dire, mais je suis très fier de ce que vous êtes devenus. Cela fait plus ou moins dix ans que je m’occupe de votre scolarité et le village paraîtra… silencieux, lorsque vous partirez. Mais tout le monde ici vous souhaite le meilleur avenir possible, alors rejoignez Loliloville et faites-nous honneur !

La cloche sonna, mettant fin à une énième journée de cours. Le soleil brillait d’une lueur orangée, tandis que dans la vallée descendante qui s’éparait l’école de la place centrale, les feuilles se mouvementaient au gré d’un vent agréable et reposant. Pikachu fixait le ciel d’un air pensif.

— Et dire que je ne passerai bientôt plus par ici…

— Ce doit être difficile, de se séparer de chez soi après treize ans.

— Pour le coup, là, je t’envie un peu. Pour toi, quitter Bourg-Tranquille pour rejoindre la Guilde, c’est juste l’étape suivante. J’espère que je n’aurai pas trop le mal du continent, enfin… déjà faudrait-il être accepté !

— Les gars ! les interpella Chenipan en glissant jusqu’à eux. J’ai failli oublier de vous le demander, mais vous avez reçu la demande de ma mère ou pas ? Elle a besoin qu’on lui récolte des trucs pour préparer la période de pollinisation. Je lui ai dit que je pouvais vous le demander directement, mais elle tenait à jouer le jeu des lettres pour ne pas griller tout le monde sur la liste d’attente…

— Quelle liste d’attente ? s’intrigua Salamèche. Personne ne nous écrit, en ce moment.

— Comment c’est possible ? On pense tous que vous êtes débordés !

— Bon, abrégea le rongeur en haussant les épaules, ça coûte rien d’aller lui demander directement ?

Chenipan les guida alors jusqu’à sa maison, voisine des leurs.

— Maman… ? s’inquiéta-t-il en apercevant la porte entrouverte. Maman !

Il fonça à l’intérieur, suivi de près par la Dream Team. Déboulant dans la salle à manger, les trois garçons surprirent la femme aux grandes ailes aculée contre un mur, alors que trois imposantes figures lui faisaient face.

— Éloignez-vous de ma mère ! cria la chenille en les bousculant pour la rejoindre.

— Mon bébé, pleurait-elle, tout va bien ne t’en fais pas…

— L’équipe Chaotique… ? marmonna Pikachu d’un air méfiant.

Ectoplasma se retourna, le sourire aux lèvres.

— Tiens tiens tiens, mais regardez qui voilà ! Vous êtes venus nous voler la vedette, Dream Team ?

— Qu’est-ce que vous faites ? s’énerva le garçon au foulard doré.

— Mais enfin, nous ne faisons qu’échanger entre adultes responsables !

— Et vous nous dérangez, les accusa Charmina.

— Je dirai même plusss, ricana Arbok en dégainant son badge, vous interférez dans notre missssion ! Allez-vous en ou nous vous arrêtons pour sssabotage !

Pikachu recula d’un pas, mais Salamèche n’en démordit pas.

— Madame Papilusion, demanda-t-il, est-ce que tout va bien ?

Elle sécha ses larmes en enlaçant son enfant.

— Je… j’étais persuadée d’avoir noté votre adresse…

— Sauf que votre demande s’est retrouvée chez nous et que nous avons fait l’effort de la réaliser à leur place ! s’imposa Charmina. Alors soyez gentille et récompensez les bonnes personnes !

— Mais la poste a déjà validé vos points ! Je n’ai rien d’autre à vous donner…

— Ma chère dame, souriait Ectoplasma, vous devriez savoir que tout travail mérite salaire !

— Ça suffit ! exclama le lézard à la queue enflammée. J’en ai assez entendu ! Vous êtes tous les trois en état d’arrestation !

Les membres de l’équipe Chaotique mimèrent l’inquiétude, avant de se fendre la pêche. Pendant qu’ils hurlaient de rire, Papilusion pleurait, Chenipan tremblait et Pikachu était paralysé par l’angoisse. Finalement, Charmina balaya sa patte en direction du jeune amnésique.

— On te laisse faire le sale boulot, Ectoplasma !

— Avec grand plaisir ! s’enjoua-t-il en se craquant les doigts. Allez, viens par-là !

Il tenta de lui bondir dessus, mais Salamèche l’esquiva. Alors Ectoplasma récidiva en tentant de le frapper au visage, mais son adversaire lui bloqua le poing. En guise de réponse, le jeune lézard lui asséna une droite en plein ventre. La sombre silhouette s’agenouilla, les yeux écarquillés, le sourire évaporé.

— Quoi… ? cracha-t-il en se tenant le ventre.

— T’es sssérieux ? ricana Arbok. Tu ne vas quand même pas te faire défonsscer par un gamin ?

Il se releva en chargeant, mais le membre de la Dream Team l’esquiva de nouveau, non sans lui percuter la cheville. La boule violette cabriola jusqu’au mur. Arbok et Charmina s’en esclaffèrent. Rougissant de honte, Ectoplasma se releva en haletant.

— Comment tu fais… ?

— C’est de l’entraînement, récrimina-t-il. Cela vous viendrait à l’esprit, si vous tentiez vraiment d’aider les autres.

— Ferme-la ! s’enragea-t-il en lui sautant dessus.

Mais encore une fois, Salamèche anticipa son attaque, lui agrippa le bras et l’envoya paître à l’autre bout de la maison. S’écrasant au sol, l’agressif secouriste manqua de perdre connaissance. Pikachu reprit son souffle, rassuré de constater le résultat des entraînements de son ami.

— Bon, intervint Charmina, je pense qu’on s’est suffisamment amusé comme ça. Ce serait dommage que la seule personne qui puisse effacer les preuves tombe dans les pommes quand on a besoin de lui. Arbok ?

— Je m’en charge !

À peine eut-il le temps de les entendre, que Salamèche sursauta douloureusement. Dans son dos fut planté un épais dard qui le fit s’écrouler en crachant du sang. Papilusion et Chenipan hurlèrent, alors que Pikachu tenta d’électrifier le serpent. Mais ce dernier esquiva son étincelle, avant de le planter avec un autre dard. Alors que le rongeur s’écroulait, son agresseur glissa jusqu’à lui et referma délicatement la porte de la maison. Les membres de la Dream Team hors-piste, Charmina s’agenouilla et approcha son visage à quelques centimètres de Papilusion.

— Vous voyez ? Personne ne peut vous protéger. Alors je vous le redemande une dernière fois : où se cache votre argent ?

D’un geste tremblant, elle pointa un vase en céramique posé sur un meuble. Arbok le fracassa d’un coup de queue et y extirpa quelques pièces d’or. Charmina lui esquissa un grand sourire.

— Effectivement, ce n’est pas grand-chose…

— C’est tout ce que j’ai, je le jure…

— Oh mais j’en suis persuadé, lui assura-t-il calmement.

Soudain, il lui asséna une droite en pleine figure. Quand Ectoplasma se releva, la pauvre mère et les trois enfants étaient inconscients. Charmina se redressa en s’essuyant les pattes.

— Les gens sont si pauvres ! râla-t-il. Pourquoi nous sommes nous installés dans ce trou paumé ?

— T’as aussi attaqué la famille ?! exclama la boule violette.

— Bah oui abruti, ils sont des témoins potentiels ! Dépêche-toi de leur effacer la mémoire !

— Euh… ouais, d’accord.

Il approcha le corps immobile de Pikachu et lui extirpa le dard de son collègue. Dans le doute, il sortit un antidote de son sac et lui administra une petite goutte. Puis, il posa ses deux pattes sur son crâne, ferma les yeux et respira un bon coup. Une étrange aura violette l’enveloppa, lui et sa cible. Quelques secondes plus tard, elle se dispersa en même temps qu’il rouvrit les yeux.

— Et d’un, soupira-t-il en se relevant.

Il répéta le processus sur Papilusion et Chenipan, s’essoufflant de plus en plus à chaque nouvelle cible. Pour terminer, après avoir donné quelques gouttes d’antidote à Salamèche, il lui agrippa le crâne et commença à effacer ses souvenirs.

— C’est bon, pantelait-t-il, plus aucun d’entre eux ne se souvient de…

Il se coupa brusquement, avant de crier en lui lâchant le crâne. Il recula, bouche bée, les yeux rivés sur sa victime.

— C’était quoi, ça ?!

— Qu’est-ce que t’as vu ?

— Je… je n’en suis pas bien sûr…

Il se frotta le front, ressentant une soudaine migraine.

— Espèssce d’amateur ! Tu n’es pas foutu de faire correctement le ssseul truc qu’on te demande ?!

— Si, bien sûr que si ! C’est bon, ils sont tous amnésiés !

— T’es sûr ? le menaça Charmina d’un regard perçant.

— Oui, sûr et certain ! Ils se réveilleront avec des souvenirs datant d’avant notre rencontre ! D’ailleurs on a de la chance, ils habitent tous les deux à un pâté de maison d’ici !

— Bien. Dépêchons-nous de les ramener chez eux avant que quelqu’un ne s’aperçoive de leur absence !

Et ainsi s’acheva une journée qui, pour les membres de la Dream Team, n’eut jamais lieu.

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