Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 8 : Le Mont Acier

7011 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/01/2021 01:12

Dans la chambre du jeune lézard à la queue enflammée étaient éparpillés bouquins et devoirs scolaires. Le soleil se couchait, alors que Pikachu s’ébouriffait le pelage en relisant ses notes.

— Comment tu fais pour tout retenir aussi facilement ? hallucina-t-il.

— Question d’habitude, lui répondit Germignon en rangeant les siennes. Le plus important est de les relire tous les soirs avant de s’endormir, le cerveau aura tendance à mieux enregistrer la quantité de savoir acquis.

— Bien compris, assura Salamèche en se tenant l’avant-bras. Merci pour ton aide, en tout cas.

— Honnêtement, je pense que vous allez assurer, demain. Et puis… ça fait du bien de réviser en dehors de chez soi. Bon, il se fait tard, je devrais rentrer.

— On te raccompagne ? proposa le reptile. Tu n’habites pas loin de la poste.

— Pas jusque dans ma rue. Si ma mère me voit avec vous, je pense qu’elle explose.

Les trois enfants rigolèrent un bon coup, de quoi terminer en beauté cette rude journée de révision. Cela faisait deux semaines que la reprise des cours épuisait les membres de la Dream Team. La charge de devoirs demandée, ne serait-ce que pour obtenir la moyenne, les empêchait de dédier trop de temps au secourisme. Les sentant en difficulté, Germignon leur proposa son aide. Une à deux fois par semaine, elle passait chez Pifeuil pour faire le point sur ce qui n’allait pas. Après l’avoir raccompagnée, les deux garçons se dirigèrent vers la poste Bekipan.

— Si un jour je pensais côtoyer Germignon… marmonna le rongeur.

— Est-ce que ça te met mal à l’aise ? lui demanda son ami en se frottant les avant-bras.

— Non, c’est juste étonnant. Avant ton arrivée, j’étais seul. Aujourd’hui, je révise avec la première de la classe, c’est improbable ! Qui sait à quoi ressemblera ma vie dans quelques mois… ?

Ils arrivèrent face au tableau d’affichage, toujours aussi rempli que d’habitude. Cependant, une mission se démarquait des autres. La feuille était froissée, de mauvaise qualité et semblait écrite avec difficulté. Salamèche la récupéra et tenta de la lire malgré les nombreuses fautes d’orthographes.

— C’est un avis de recherche, à propos d’un… kidnappeur au nom d’Airmure. Il se cacherait au Mont Acier.

Les regards se tournèrent vers la seule montagne qu’ils apercevaient depuis le village.

— On dirait une mauvaise blague, rouspéta Pikachu. Regarde le dessin !

L’illustration d’un volatile fait d’une peau d’acier, aux ailes tranchantes et aux dents pointues le fit pouffer de rire.

— Plus méchant, tu meurs ! On passe.

— Et si c’était vrai… ?

— La mission n’a même pas été validée par la poste, évidemment que c’est faux !

— Hm… ok.

Il rattacha la feuille sur le tableau et en sélectionna une autre. Alors qu’ils partirent en direction de la colline au grand arbre, au loin dans son trou creusé de lui-même entre deux buissons, quelqu’un les observait.


Chapitre 8 : Le Mont Acier


Salamèche se réveilla en pleine nuit. Il transpirait à en remplir un bassin, dévisageant ses deux pattes tremblantes en se maintenant fermement les avant-bras. Cela faisait plusieurs jours que la douleur s’intensifiait.

— Boudiou ! exclama Pifeuil après que son petit l’eut réveillé d’urgence. C’est vrai qu’ils sont bouillants, tes deux soldats !

Alors en pyjama dans la salle de bain, le bonhomme vert enroula des torchons mouillés autour de ses bras.

— C’est là que je suis navré de pas être un lézard enflammé comme toi ! La morphologie et l’état de santé des Salamèche, j’y connais pas grand-chose…

— Ça picote de plus en plus, beugla-t-il en crispant les dents. J’ai peur, Pifeuil…

— Mais nan, t’en fais pas, je suis sûr que ce sont tes hormones qui s’excitent ! Ton corps en fait des siennes, là-dessus on est tous pareils ! C’est juste que ça doit s’exprimer chez toi par une augmentation de la chaleur corporelle, ou un truc du genre.

— Mais… larmoyait-il, il n’y a rien qui pourrait calmer la douleur ?

— J’en sais rien, mon gars. On ira à l’hôpital demain matin, d’accord ?

Salamèche hocha la tête et Pifeuil la lui choya.

— Courage, ça va passer !

Un grondement résonna peu à peu. Soudain, le sol se trembla. Sans attendre, l’adulte emmena l’enfant dans le salon.

— Sous la table ! cria-t-il en l’accompagnant. Bon sang, encore un tremblement de terre ! J’espère que le village est préparé !

Or, en zieutant par la fenêtre du salon, il n’apercevait aucune lueur voisine. Le grondement cessa quelques instants, avant de reprendre de plus belle. Qui plus est, il paraissait beaucoup plus intense dans le salon qu’ailleurs.

— Euh… fit remarquer le jouvenceau en pointant d’une griffe les craquelures qui se formaient au sol.

La secousse cessa pour de bon, lorsqu’une une petite bouille brune s’extirpa brutalement de ces craquelures.

— Enfin ! s’enjouait-il en remuant son petit nez rose.

Il reprenait son souffle tout en reluquant la demeure dans laquelle il avait fait surface. Puis, il se tourna vers la petite famille et soupira d’un profond soulagement.

— Ouf… ! J’ai eu peur d’atterrir dans la mauvaise piaule !

— T’es le gamin de Triopikeur ? s’étonna Pifeuil.

Le petit hocha la tête.

— Mon nom est Taupiqueur et j’ai besoin d’aide !

— T’as pas l’impression qu’il est un peu tard ?!

L’adulte s’extirpa de sous la table, croisant immédiatement les bras face à l’enfant couvert de crasse.

— Si t’as besoin d’une équipe de secours, tu vas faire ta demande à la poste Bekipan ! Boudiou, que diraient tes pères s’ils savaient que tu t’étais introduit chez nous ?!

— J’en sais rien, puisqu’ils ne sont plus là pour s’occuper de moi !

— Quoi… ?

Taupiqueur se tourna vers Salamèche.

— Tu portes bien ton surnom, p’tit zizi ! Et dire que vous pensiez que c’était une mauvaise blague, et puis quoi encore ?!

Le jeune reptile grimaça.

— D’accord… rétorqua-t-il en se relevant à son tour.

— C’est quoi cette histoire ?! s’énerva Pifeuil.

— Je crois que son père s’est fait kidnapper par un hors-la-loi au Mont Acier.

— Hein ? Mais pourquoi ?! Qu’est-ce que ces bons vieux Triopikeur ont fait ?!

— J’en sais rien ! clama leur enfant. C’est arrivé hier soir et depuis, je supplie madame la maire de m’aider ! Mais tout ce qu’elle fait, c’est me renvoyer à la poste pour déposer ma demande…

— Et Bekipan ne t’a pas pris au sérieux, clarifia le secouriste. C’est encore plus grave que ce que je pensais…

Il défie les torchons mouillés qui apaisaient la douleur.

— Je vais te trouver une équipe qui saura faire face à Airmure.

— Euh… tu veux pas l’faire directement ?

— On n’a pas refusé pour rien. Je ne pense pas qu’on soit au niveau, c’est tout.

— Mais les autres équipes ont très mauvaise réputation !

— Ce soir c’est différent, une vie est en jeu. Allons-y !

Il enfila sa corde en guise de ceinture, agrippa son badge de secouriste et fonça jusqu’à la poste Bekipan. Pifeuil les regarda s’éloigner, le sourire aux lèvres. La pleine lune battait son plein, lorsqu’ils arrivèrent devant le bâtiment évidemment fermé et vide de tout Pokémon. Alors le jeune amnésique escalada le mur jusqu’à atteindre le toit ouvert, dans lequel il sauta pour s’y infiltrer. À ses côtés craquela une petite paroi du sol, avant que Taupiqueur ne s’y extirpe.

— Je croyais que c’était mal de s’introduire chez les gens ? le nargua-t-il.

— Ils n’avaient qu’à disposer leurs prospectus à côté du tableau d’affichage.

Il récupéra l’un des nombreux livrets jaunes, dans lequel y était indiqué l’adresse de toutes les infrastructures importantes de Bourg-Tranquille. Il s’arrêta à la page dédiée aux secouristes et explorateurs du village.

— Normalement, une équipe de secours doit inscrire une adresse d’urgence, lorsqu’elle s’enregistre officiellement. C’est comme ça que tu m’as trouvé d’ailleurs, n’est-ce pas ?

— Pas du tout, je t’ai trouvé en observant une à une toutes les maisons du quartiers ouest.

— Super… grommela-t-il en grinçant des dents. Ok, je suis à la bonne page. Comme prévu, aucune équipe d’exploration n’est enregistrée. Concernant les secouristes… il n’y en a que trois ?

— Trois secouristes ?

— Non, trois équipes. La Dream Team, l’équipe Rafale Verte et l’équipe Chaotique.

— Chaotique ? Ça donne pas envie…

— Peut-être, mais c’est notre seule chance. Allons les rencontrer !

Hélas, une fois sur place, ils firent face à une maison délabrée, couverte de moisissures et dont la boîte aux lettres débordait de courriers. Les fleurs du jardin étaient toutes fanées.

— Mais qui sont ces gens… ? bégaya le garçon à la tunique usée.

— Euh… j’ai un peu peur, là.

— Je comprends. Allons plutôt voir l’équipe Rafale Verte.

Un peu plus loin, ils trouvèrent une maison devant laquelle se dégageait une atmosphère verdoyante. Des plantes aux feuilles gigantesques entouraient la porte d’entrée, couverte de lianes comme les murs et la cheminée, dont la fumée qui s’en échappait relâchait une odeur qui rappelait à Salamèche la demeure dans laquelle il hébergeait. Il toqua à la porte avec le sourire. Puis une deuxième fois, perplexe. Puis une troisième, ennuyé.

— Excusez-moi, on a besoin de votre aide !

De soudaines plantes se développèrent autour de lui. Elles l’agrippèrent et l’envoyèrent paître hors de la clôture, juste à côté du garçon brun. Elles se reposèrent après avoir verrouillé la barrière.

— Wow ! s’extasia Taupiqueur. Il a l’air fort, ce secouriste !

— J’hallucine ! s’énerva Salamèche. Pourquoi personne ne daigne bouger la moindre griffe ?!

— T’as vu l’heure ?! lui répondit un villageois quelconque. Ferme-la un peu !

— Non, vraiment, je ne comprends pas à quoi tu t’attendais. Tout le monde sait que les explorateurs sont des lâches.

— Ils sont secouristes, pas explorateurs. Et on n’est pas tous comme ça…

— Je sais. C’est justement parce que j’avais entendu parler de vous en bien que j’ai écrit cette demande. J’ai pas de bras, alors j’ai dû tenir un stylo entre mes narines pour me faire comprendre. J’espérais vraiment que vous l’accepteriez…

— Ce n’est pas comme si j’avais encore le choix.

— Quoi, sérieux ?!

— Je vais sauver ton père, assura-t-il avec un sourire nerveux. Je vais essayer…

Il se tenait fermement les avant-bras.

Le quart d’heure d’après, c’est à l’autre bout du village qu’ils se retrouvèrent. Dans un recoin rocheux, à la sortie la moins empruntée et la plus renfoncée de Bourg-Tranquille se trouvait une grotte. Des rails comblaient son entrée, tandis qu’un chariot rouillé, crasseux et vide attendait que quelqu’un l’emprunte.

— Voici l’entrée des Mines Minotaupe. L’un des chemins mène directement au Mont Acier. Dépêchons-nous !

— Non, assura-t-il en grimpant dans le chariot, toi tu restes ici.

— Mais… c’est dangereux d’y aller à l’aveugle !

— À partir de là, tout est dangereux. Mais ne t’en fait pas, ça ira !

Il propulsa le chariot jusqu’aux profondeurs de la mine et Taupiqueur le perdit rapidement de vue. Pendant que le chariot roulait à toute vitesse, le jeune amnésique crispait les dents. Une veine gonflait sur son front, alors qu’il s’agenouillait en se tenant les bras.

— Ne t’évanouis pas, pensa-t-il, par pitié ne t’évanouis pas… ! J’ai l’impression que mes bras vont exploser… ! Bon sang, j’aurai dû toquer à la fenêtre de Pikachu…

Cela faisait plusieurs minutes que le chariot grinçait aux mouvements des rails. Plusieurs torches éclairaient la voie, tandis que certains cristaux naturels illuminaient d’un vert ou d’un violet fluorescent les longs couloirs de la mine creusée à la patte.

Soudain, la terre se mit à trembler. Non pas comme lorsque Taupiqueur s’incrusta chez Pifeuil, mais bien comme une véritable secousse. Le chariot trémoussa de plus en plus, jusqu’à dévier de la voie et projeter Salamèche dans une petite crevasse. Il se rattrapa de peu au rebord, qu’il grimpa non sans transpirer un peu. Alors qu’il attendait que le tremblement de terre diminue en intensité, une partie du plafond s’effondra et engendra un éboulement droit dans sa direction. Peinant à se déplacer, il ne pouvait esquiver. C’est alors que le sol explosa, tout juste entre lui et les roches. Un Pokémon s’extirpa de la terre avec ses six gigantesques griffes en avant. Il brisa les roches en mille morceaux. Lorsque Salamèche rouvrit les yeux, un tas de débris l’entourait. Mais lui se releva sans la moindre égratignure.

Il dévisagea le garçon qui lui faisait face, un petit bonhomme aux yeux ronds, au museau blanc allongé et au grand sourire enfantin. Sa peau était noire, tandis qu’il accoutrait un casque de chantier et une épaisse combinaison de mineur. À vrai dire, il se souvenait aussi bien de lui que de Taupiqueur.

— Ouf, c’était limite !

La secousse cessa pour de bon et le jeune mineur déblaya le passage jusqu’au chariot, qu’il agrippa et replaça sur les rails sans la moindre difficulté.

— Et voilà, comme neuf ! Papa va être content !

Salamèche était bouche bée. Un peu perdu, il l’approcha.

— Il s’en est fallu de peu, merci beaucoup.

— Je savais même pas que t’étais là, p’tit zizi, j’ai juste voulu protéger l’chariot. Mais euh… de rien j’imagine !

— Je… m’appelle Salamèche.

— Tu te souviens pas d’moi ?

— Si, justement…

— Ah, ok ! Et euh… moi c’est Rototaupe du coup ! Je suis le fils du chef des mineurs ! Les secousses nous embêtent, alors dès que ça a commencé, je m’suis précipité pour vérifier qu’aucun éboulement ne casserait quoi qu’ce soit. Il paraît que ces rails ont coûté très cher !

Sans attendre, le jeune amnésique regagna son moyen de locomotion.

— Oula, attends, tu vas où avec ça ?

— En direction du Mont Acier.

— Tu l’as déjà passé mon pote, assura-t-il en pointant d’une griffe le tas de roches au bout du couloir.

Surpris, Salamèche s’y précipita. Une lumière naturelle se dégageait difficilement de ce passage bloqué.

— Il faut que je passe ! Est-ce que tu pourrais me dégager le passage, comme tu l’as fait avec ces autres débris ?

— Impossible. Papa a interdit l’accès depuis qu’un monstre rôde dans le donjon.

— Un monstre ? Tu parles d’Airmure ?

— J’en sais rien, je l’ai jamais vu. Je sais juste que plusieurs de ses collègues ont été blessés. C’est pour ça que je suis ici, d’ailleurs, j’ai insisté pour les remplacer au service de nuit.

— Écoute, ce monstre a enlevé un habitant du village.

Il dégaina son badge.

— Je suis secouriste et il est de mon devoir de lui venir en aide !

— Secouriste ? Mais t’es un enfant !

— Toi aussi et ça ne t’a pas empêché de sauver une vie. S’il te plaît, Rototaupe, on ne peut pas laisser souffrir les nôtres.

— Les nôtres… ?

— Les habitants de Bourg-Tranquille !

— Ah, euh… ok. C’est pas comme ça que les autres utilisent ce terme, mais j’comprends. Papa ne voulait pas que je m’en approche, mais si t’arrives à faire fuir le monstre, on pourra recommencer à miner dans le Mont Acier !

Il approcha les griffes en avant et Salamèche recula de quelques mètres. D’un puissant coup, le tas de roches s’effondra face à lui. Le jeune mineur se retourna d’un air tout enjoué.

— C’est fait ! Allez, en avant… euh… !

— Salamèche, répéta-t-il, j’y tiens.

— Ouais, si tu veux ! Allez, Salamèche, en avant !

Et Rototaupe se joignit à lui.

Pendant ce temps, les derniers habitants terminaient de se réunir sur la place du village. Tous étaient sains et saufs, à défaut d’être en pyjama. Rapasdepic battit des ailes jusqu’à descendre à leur hauteur.

— La secousse semble s’être calmée pour de bon. Assurez-vous que les murs de vos maisons soient intacts, avant de retrouver le sommeil.

— Bon sang d’bonsoir ! râla Lombre en sous-vêtement. Si je me lève demain, c’est un exploit…

— On n’en peut plus de ces maudites secousses ! grogna Hippodocus.

— Espérons que la tranquillité regagne un jour nos pauvres terres, soupira le sage Mégapagos, auquel cas notre village finira par ressembler à un tas de débris…

— Je m’assurerai que cela n’arrive jamais, affirma madame la maire.

De son côté, Pikachu bailla à gorge déployée.

— Et dire que j’avais réussi à dormir malgré le stress…

Il zieuta les alentours, à la recherche de l’approbation de son ami.

— Euh… dites m’sieur Pifeuil, il est où Salamèche ?

— Hein ? Oh, euh… comment dire…

Le Mont Acier, une petite montagne au teint grisâtre et à son sommet grand ouvert sur un ciel étoilé. Aucune plateforme ne séparait le rez-de-chaussée du dernier étage, seule une allée montante tournait autour des parois. Les quelques sauvages qui habitaient le lieu étaient constitués d’acier ou de roche, mais tous dormaient paisiblement lorsque Salamèche et Rototaupe débarquèrent.

— Alors m’sieur Triopikeur a été enlevé par le monstre ?!

— Tu le connais ?

— Ouais, c’est un ami de mon père ! Et puis Taupiqueur passe souvent par la mine avec ses tunnels, alors on discute pas mal. Mais bon, ça doit pas être pareil que dans votre école. J’imagine que c’est trop bien de voir les autres tous les jours…

— Ça dépend lesquels…

Courant sur l’allée montante depuis plusieurs minutes, ils atteignirent rapidement des hauteurs à en donner le vertige. Le jeune lézard se plaqua contre la paroi, ayant commis l’erreur de regarder sous ses pieds.

— On avance ? le motiva la taupe.

— Deux secondes, je… je reprends mon souffle.

— Je peux passer devant si tu veux ! En creusant dans les murs, je pourrais facilement repérer m’sieur Triopikeur !

— Vas-y et… préviens-moi si tu le trouves…

S’éloignant de lui, le jeune secouriste s’affaissa contre la paroi en fermant les yeux. Il transpirait, alors que ses bras tremblaient d’une douleur qu’il n’avait jamais ressentie. Sa tête commençait à tourner, alors il ouvrit les yeux. Mais le gigantesque donjon dans lequel il s’était enfoncé lui coupait le souffle. Alors il les referma, enfonçant ses griffes dans le sol pour ne pas avoir la nausée.

— C’est trop… marmonna-t-il, c’est beaucoup trop pour moi. Je n’y arriverai jamais, pourquoi je suis ici… ?

— Salamèche ! Je l’ai trouvé !

Il les ouvrit à nouveau, apercevant Rototaupe gesticuler au loin, sur une plateforme dont il peinait à y voir le contenu. Il décrocha les griffes du sol mais trébucha en tentant de se relever. Il avait envie de vomir.

— Qu’est-ce que vous faites ici ?! paniquèrent trois grands Taupiqueur collés les uns aux autres.

Recouverts d’égratignures, la petite plateforme sur laquelle ils étaient maintenus craquelait à vue d’œil.

— On est venus vous sortir de là, m’sieur !

— Rototaupe, ton ami toi devez partir sur le champ !

— Hein ? Attendez, on sait que le monstre vous retient prisonnier ! Mon ami est secouriste, il va…

— Tu ne comprends pas, il s’attendait à ce qu’on vienne me chercher !

En se redressant, Salamèche aperçut une figure se déplacer à vive allure dans le ciel. À peine eut-il le temps de comprendre, qu’une grande aile pointu bouscula Rototaupe hors de la plateforme.

— Non ! cria-t-il en le voyant chuter deux étages plus bas.

Accourant à son secours, il traversa une grande partie de l’allée montante pendant qu’au sommet du donjon rugit la puissante créature.

Sa peau était constituée d’un acier lourd et tranchant, ses dents étaient pointues et ses yeux cernés assassinaient du regard. Pire encore que le dessin qui le représentait, le hors-la-loi Airmure réveilla de terreur tous les sauvages du donjon, le fuyant jusque dans les mines.

— Voilà donc tes secouristes ! nargua-t-il en direction de Triopikeur. Je savais que Bourg-Tranquille était un lieu idéal pour les gens comme moi, mais de là à être confronté à des enfants ! Il faut croire que je suis béni des dieux !

Il éclata d’un rire narquois qui résonnait dans la montagne, pendant que Salamèche sortait Rototaupe des débris.

— Hé ! Reste avec moi !

Trop tard, le jeune mineur était tombé inconscient. Il lui ôta son casque quelques instants, constatant qu’il n’avait aucune grave égratignure. Une ombre les couvrit peu à peu.

— Tiens tiens tiens, qu’avons-nous là ? Vous formez une véritable petite équipe, dites-moi !

Le garçon au foulard doré se retourna en sursaut, mais d’un simple battement d’aile, le hors-la-loi l’envoya paître contre la paroi. Ses deux pattes crochues se posèrent sur la plateforme et son long bec en acier se rapprocha de son petit museau orange.

— Tu espérais m’arrêter, hein ? Pour la gloire et la reconnaissance, tu étais prêt à te servir de ma notoriété pour enrichir la tienne ? À quoi bon épargner les enfants ? Après tout, la tentation commence dès le plus jeune âge.

— Vous… vous croyez que je fais tout ça pour la gloire et la reconnaissance… ?

— Oh ? Un fruit qui n’a pas encore pourri, comme c’est rare de nos jours !

— Airmure ! hurlait Triopikeur depuis sa plateforme. Arrêtez, je vous en supplie !

— Tu veux savoir pourquoi je me suis réfugié ici ? Tu veux savoir ce que les explorateurs m’ont fait… ?

Salamèche le fixait avec de grands yeux tremblants. Airmure esquissa un léger sourire, avant d’agripper son cou avec l’une de ses pattes crochues.

— Attends, je vais te montrer !

— Non ! angoissa Triopikeur.

Trop tard. Le hors-la-loi déploya ses ailes et s’envola jusque dans les cieux. Étouffé, le jeune garçon aperçut défiler à toute vitesse les nombreux étages du donjon qu’il lui restait à grimper. Puis, il passa à travers un nuage et observa Bourg-Tranquille et son territoire depuis une hauteur ahurissante.

— Ils m’ont montré à quoi ressemblait le monde ! Alors que je me rendais, alors que je m’avouais vaincu… !

Il descendit en pic, augmentant brutalement sa vitesse de pointe.

— Ils m’ont montré ce qu’était la vraie justice !

Il descendit tous les étages en suivant l’allée descendante. Frôlant la paroi, Salamèche manqua de s’y éclater la figure. Arrivé au rez-de-chaussée, Airmure l’envoya paître si fort au centre de la pièce qu’il rebondit plusieurs fois, avant de rouler et de s’arrêter, étalé immobile contre la roche du Mont Acier. L’endroit de son premier impact était marqué par du rouge vif. Et lorsque le jeune secouriste releva la tête, essoufflé et incapable d’ouvrir l’œil droit, un liquide rouge coula le long de son visage jusqu’à s’égoutter au sol.

— Sans même chercher à comprendre la raison pour laquelle j’avais volé ce sac de course, ils m’ont envoyé à l’hôpital uniquement pour ne pas avoir à justifier ma mort ! Je me suis enfui en mauvaise santé, espérant trouver repos loin de Loliloville. Tout ça pour quoi… ? Pour qu’un foutu type Sol fasse trembler le territoire entier à chaque fois qu’il se déplace ?!

— Ce n’est pas vrai ! criait Triopikeur. Airmure, nous ne sommes pas responsables des tremblements de terre !

— Silence ! rétorqua-t-il sèchement. Vous me mettez tous hors de moi, habitants de Bourg-Tranquille ! Si je dois éliminer tous les types Sol du territoire pour retrouver un sommeil paisible, je n’hésiterai pas une seule seconde ! Quant à vous, explorateurs, vous mourrez en essayant de m’en empêcher !

Il se posa au sommet d’une roche de plusieurs mètres et y planta les griffes. Puis, il battit des ailes, de plus en plus fort, de plus en plus vite. Et petit à petit, la roche s’envola avec lui. Alors qu’il peinait à se relever, une ombre bien plus imposante que la précédente submergea le lézard à la queue crépitante d’une flammèche incontrôlable. Sa respiration s’intensifiait, sa vue se troublait, son sang coulait. Malgré tout, une douleur subsistait. Ses bras brûlaient de l’intérieur, il le sentait. Il crispait les dents à se les briser, souhaitant plus que tout mettre un terme à ce calvaire. Alors quand Airmure lâcha le rocher, il tendit simplement les bras en direction des cieux. Les poings fermés, les muscles fermement contractés.

— Arrêtez ! hurla Triopikeur.

Le son de sa voix, voilà la dernière chose qu’il entendit avant que son ouïe ne soit envahie par un sévère acouphène. Sa vue se troubla également, lorsqu’un aveuglant mur de flammes lui brûla la peau. Du rez-de-chaussée jusqu’au sommet du Mont Acier, un torrent enflammé s’extirpa des bras du jeune garçon et fit fondre le gigantesque débris qui s’apprêtait à l’écraser. Airmure fut propulsé en dehors du donjon, inconscient et recouvert de flammes. Toutes les parois, quant à elles, avaient été noircies par les cendres de l’attaque. Salamèche s’écroula, les deux bras brisés et recouverts de sang.

Une série de petits bruits stridents se faisait de plus en plus remarquer, telle une bombe qui décomptait seconde après seconde. Il sentait son cœur battre au même rythme. Tout était calme, trop calme.

Sa vue peinait à s’adapter à la lumière naturelle de la pièce. La fenêtre était grande ouverte, laissant un air rafraichissant se faufiler aussi impunément que ce chaleureux rayon de soleil. Avec difficulté, il arrivait à bouger les jambes, enfouis sous d’épais draps. En revanche, il ne sentait pas même un bras. Sa vue s’affina sur du blanc. Le blanc du doux tissu qu’il portait. Le blanc du drap dans lequel il avait été déplacé. Le blanc du plâtre qui enroulait chacun un bras. Il zieuta cette machine au bruit strident, il s’agissait d’un moniteur.

Salamèche écarquilla les yeux, reprenant pleinement conscience à la vue de ses battements par minute. Il était cloué dans un lit d’hôpital, couvert d’une chemise blanche pendant que son accoutrement reposait sur une chaise à côté. Bien que sa tunique usée ait déjà des manches courtes, elles avaient encore un peu raccourci, avec des embouts noircis et déchirés. Son badge aussi sentait le brûlé. Son foulard couleur or, en revanche, était en parfait état.

— Te voilà de retour parmi nous… intervint l’infirmière Nanméouïe en entrant dans la pièce.

— Où suis-je… ?

— À l’hôpital de Bourg-Tranquille. Tu as été retrouvé inconscient et blessé au cœur du Mont Acier.

À l’entente de ces deux mots, le jeune secouriste sursauta si soudainement qu’il se débrancha du moniteur.

— Oh bon sang ! Monsieur Triopikeur ! Rototaupe !

— Calme-toi, le rassura-t-elle, tout le monde est en sécurité.

Elle le rallongea sur son lit et tenta de le rebrancher à la machine. Cela fut sans compter sur Pifeuil, qui débarqua en percutant la porte de la chambre.

— Boudiou ! s’inquiéta-t-il en entendant le bruit strident et continu du moniteur. Qu’est-ce qui s’passe ?!

— Mon dieu ! râla-t-elle en éteignant finalement la machine.

— Pifeuil ! larmoya Salamèche.

— Mon p’tit gars ! l’imita son père en le prenant dans ses bras. Boudiou, j’ai eu si peur pour toi ! Ce brave Taupiqueur nous a tout raconté ! Tu devais lui trouver de l’aide, pas aller confronter ce piaf tout seul !

— Je sais, je suis désolé de vous avoir inquiété. Mais… qu’est-ce qui s’est passé ?

— Eh bien… on espérait l’apprendre de toi.

— Hier soir, reprit Nanméouïe, le jeune Taupiqueur a profité de notre réunion sur la place du village pour nous informer de ta décision d’aller confronter seul un hors-la-loi. Ce fut à peu près au même moment, qu’une dangereuse explosion est survenue au Mont Acier.

— On aurait dit une éruption volcanique !

— Sous l’ordre de madame la maire, les secouristes du village se sont alliés pour te venir en aide. Ils vous ont trouvé, le jeune Rototaupe, sieur Triopikeur et toi, tous les trois inconscients et sévèrement brûlés. Paraît-il que le donjon était recouvert de flammes.

Le jeune garçon zieuta ses deux bras, bouche bée.

— Est-ce que c’est moi qui… ?

— Impossible, le coupa l’infirmière. Soyons réalistes, tu es un Salamèche. Si cette explosion était naturelle, elle ne pouvait qu’être le fruit d’un puissant Pokémon expérimenté. Qui d’autre était là ?

— Personne, enfin… à part Airmure. D’ailleurs, qu’est-il advenu d’Airmure… ?

— Oh, t’en fais pas pour ce sale malfrat ! Il se repose dans une cellule provisoire !

— Il s’est écroulé dans le village, recouvert de flammes. On a pu l’éteindre et le prendre en charge rapidement, mais il a quand même été brûlé au second degré. Il semblerait que des débris rocheux aient empêché le torrent enflammé de l’attaquer de plein fouet, c’est la seule explication plausible à sa survie. Son type acier aurait dû le faire fondre sur place…

— Quoi… ?

— Oui, il aurait pu en mourir. Je te repose la question, qui d’autre était là ?

— Euh… bégayait-il en détournant le regard.

Pifeuil se râcla la gorge.

— M’dame Nanméouïe, est-ce qu’on pourrait laisser notre p’tit champion respirer un peu ?

— Et par « le laisser respirer », vous voulez dire parler seul à seul avec lui ?

— C’est pas comme ça qu’on l’dit poliment ?

— Soit. Du souffle, il va en avoir besoin.

Elle quitta la pièce sans se retourner. Le bonhomme vert soupira en s’affaissant au bout du lit.

— J’ai l’impression qu’elle est remontée, confia Salamèche.

— Beaucoup de gens le sont, affirma-t-il en fixant les affaires de son petit, même ceux qui n’ont pas vu ton badge.

— Oh, mince, je n’aurais pas dû le prendre. J’espère que Pikachu n’aura pas de problèmes…

— Espérons-le. Alors, mon gars, comment tu t’sens ?

— Mal. C’est moi qui suis responsable de ce désastre, Pifeuil.

— Au moins, on a trouvé la source des picotements.

— Je suis sérieux ! Si de mes bras s’extirpent une éruption volcanique à chaque fois qu’ils me font souffrir, alors je deviens un véritable danger public ! J’avais raison d’avoir peur…

— Peur… ? De ton propre pouvoir ?

— J’ai blessé tout le monde !

— Parce que tu ne le maîtrises pas.

— Non, je suis maudit !

— Mon grand… murmura l’adulte en lui choyant les joues. Hé, je t’assure que tu n’as pas à t’en faire. Honnêtement, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une malédiction ou d’un truc du genre. En revanche, je suis absolument persuadé qu’un jour viendra où ton pouvoir sauvera bien plus de vies que tu ne puisses l’imaginer. Tu dois juste apprendre à le maîtriser et tout ira pour le mieux, d’accord ?

Les larmes aux yeux, Salamèche hocha la tête et Pifeuil le consola.

Le soleil se couchait, alors que la dernière cloche venait de sonner. Le premier à déguerpir était Pikachu, qui quittait l’école d’un air inquiet. Alors qu’il se dirigeait vers l’hôpital, il rencontra celui qu’il cherchait sur le chemin.

— Salamèche ! exclama-t-il en constatant ses deux gros plâtres. Qu’est-ce qui s’est passé ?!

— Excuse-moi, marmonna-t-il en continuant d’avancer, j’aurais dû te prévenir…

Il titubait en direction de l’école. Le rongeur se faufila sous son épaule, l’aidant à rejoindre leur salle de classe.

— Espèce… d’imbécile ! T’aurais pu te faire tuer !

— Oui, comme face à Abo…

— Exactement ! On aurait dû faire ça ensemble !

— Je sais…

Ils entrèrent dans le bâtiment et traversèrent le couloir chatoyant.

— Oh mon dieu… s’horrifia Germignon.

— Regarde-moi ça ! se moqua Arcko auprès de Riolu. Toutes les excuses sont bonnes pour sécher un contrôle !

— Salamèche… ? s’inquiétèrent Chenipan et Rattata.

Le professeur Canarticho fermait la porte de la classe, lorsque son élève absentéiste se présenta dans son dos.

— Bonsoir monsieur… plaça-t-il d’une voix tremblante.

— Tiens tiens tiens, le nargua-t-il d’un air méprisant, mais regardez qui voilà !

Il se retourna et le dévisagea d’un air soudainement terrifié.

— Oh bon sang ! se reprit-il. Alors c’était vrai ?! Est-ce que tout va bien… ?

— Oui, je n’ai aucune blessure grave.

— Alors tu peux remercier Arceus de t’avoir accordé une seconde chance. Lorsque nous avons appris que tu t’étais élancé au secours des pères Triopikeur, je n’y croyais pas. Je me suis couché sans avoir la réponse à cette histoire. En réalité, je crois que j’aurais préféré faire face à un sécheur.

— Désolé de vous avoir inquiété. Euh… à propos du contrôle d’aujourd’hui…

— Ce sera zéro.

Salamèche, Pikachu et les autres qui écoutaient s’effarouchèrent.

— Vous êtes sérieux ?! protesta le rongeur.

— Les rumeurs s’ébruitent, Salamèche. J’ai cru comprendre que ce fiasco aurait pu être évité et toi, tu as fait le choix d’enfreindre une énième fois le règlement du village la veille d’un examen. Je suis désolé, mais je ne prévoirai aucun rattrapage.

— Mais… ! tenta-t-il d’argumenter.

— Tes actes entraînent des conséquences. J’espère que tu feras le bon choix, la prochaine fois.

Il quitta les lieux sous le regard perdu des deux amis.

— Alors quoi, grommela le jeune amnésique, j’aurai dû ignorer Taupiqueur… ?

La lune se levait, alors que Pifeuil chantonnait tout en cuisinant des baies grillées au-dessus de la cheminée. Salamèche était allongé sur son lit, dans l’incapacité de faire quoi que ce soit d’autre. Soudain, quelqu’un toqua à la porte.

— Madame la maire ! exclama nerveusement Pifeuil en lui ouvrant. Quel bon vent vous amène ?

Salamèche déboula dans le salon, bouche bée face à la grande femme qui lui jeta un regard noir.

— Je n’ai guère de temps à perdre avec vous, Pifeuil. J’imagine que vous êtes au courant des agissements de votre fils ? Il me semblait avoir été claire, je ne voulais plus entendre parler de vous.

— Ah ouais ? Même en bien… ?

— En bien ? Votre enfant a mis des vies en danger, en plus de porter atteinte à l’environnement sauvage ! En envoyant les secouristes fouiller le Mont Acier, j’ai misé sur le fait qu’Airmure n’avait aucun complice, sinon le village tout entier aurait pu être pris en otage !

— Attendez, je suis en train de m’faire enguirlander parce que vous avez pris une mauvaise décision ?

— Vous vous croyez en position de me provoquer ? s’irrita-t-elle en s’imposant dans la maison. On m’a montré son badge, je sais qu’il est secouriste ! Être d’insupportables étrangers ne vous suffit pas ?! Il vous fallait avoir le culot de devenir ce que je cherche le plus à éradiquer ?!

— Hé, s’énerva le bonhomme vert, vous n’êtes pas chez vous !

— Ce village est à moi ! C’est vous qui n’êtes pas à votre place ! Moi qui attendais la moindre occasion pour vous déloger en toute légalité…

— Un instant ! intervinrent trois voix que le jeune secouriste connaissait.

L’attention se porta sur les quatre Pokémon qui avançaient en direction du conflit.

— Nous ne pouvons pas vous laisser dire que cet enfant a mis des vies en danger ! commencèrent les pères Triopikeur. S’il n’avait pas été là, nous serions toujours les otages d’Airmure !

— Moi aussi, poursuivit Rototaupe, il m’a sauvé la vie ! Un jour ou l’autre, j’aurai fini par lui faire face à ce monstre !

— Peut-être que si les autres secouristes travaillaient correctement, ajouta Taupiqueur, il n’aurait pas eu à prendre autant de risques !

— Je vous demande pardon… ? bégaya Rapasdepic. Pour qui vous prenez-vous ?!

— Pour le chef des mines du village, s’imposa le fameux Minotaupe.

D’une carrure similaire à celle de son fils, si ce n’est son regard plus froncé, son museau plus allongé, sa bedaine et ses muscles plus prononcés ainsi que ses griffes, non, ses lames d’acier nettement plus acérées, il devança les trois autres Pokémon Sol et fit directement face à la maire de Bourg-Tranquille.

— N’êtes-vous pas notre première cliente, madame la maire ? Maintenant que le Mont Acier n’est plus sous la domination de ce piètre hors-la-loi, vous devriez vous réjouir de la reprise de nos excursions. Moi qui comptais sceller à jamais l’accès à ce donjon, je dois une fière chandelle à ce brave secouriste, si on peut l’appeler ainsi. Autrement dit, il vient de grandement aider Bourg-Tranquille et ses habitants.

Rapasdepic crispa les dents et le mineur esquissa un sourire narquois.

— Les déloger en toute légalité, vous disiez ?

— Vous jouez à un jeu dangereux, vous tous…

Elle se retourna une dernière fois vers Pifeuil et son petit.

— Je n’en ai pas terminé avec vous, étrangers !

Puis, elle battit férocement des ailes et s’éclipsa hors de leur vue. Salamèche pouvait enfin reprendre son souffle, tandis que les deux autres enfants l’approchaient, le sourire aux lèvres.

— Hé ! commença Taupiqueur. Merci beaucoup de m’avoir aidé jusqu’au bout.

— Ouais, suivit Rototaupe, merci énormément ! Je m’suis fait enguirlander par papa, mais je pense que ça valait l’coup !

— Ah et euh… on a repensé au surnom qu’on t’a donné et… bah c’était pas cool quoi…

— Même si c’est un peu vrai…

— Rototaupe !

— Euh… pardon ! Ouais, nan, c’était pas sympa ce qu’on t’a fait dans les bains publics. Je suis désolé aussi, Salamèche, et je te promets de plus jamais t’appeler p’tit zizi !

— C’est gentil, mais je ne mérite pas vos remerciements. J’ai failli tout ruiner…

— Hé petit ! approcha Triopikeur. Arrête de t’en vouloir, tu veux ?

— Vous osez me dire ça avec ces bandages ? Ce n’est pas Airmure qui vous a infligé ces blessures, je me trompe ?

— Non, tu ne te trompes pas. Et pourtant, je viens te féliciter pour ta bravoure et ton héroïsme. Je dois être fou, qui sait ?

Salamèche détourna le regard d’un air morose. Pifeuil vint lui tapoter le dos.

— Merci bien d’être passé lui clouer l’bec, à notre maire détestée ! Difficile de faire comprendre à mon petiot qu’il a bien agi, quand tout le monde lui reproche d’avoir risqué sa vie pour en sauver une autre.

— Ne m’en parlez pas ! râla Minotaupe. Éduquer un môme seul, c’est infernal.

— Surtout des têtes brûlées comme les nôtres ! rigola Pifeuil.

Finalement, les trois familles dînèrent ensemble. Salamèche se coucha avec moins de regrets qu’il n’en avait eus au fil de la journée, et cette dernière s’acheva pour de bon. Il connaissait son prochain objectif : apprendre à contrôler ce dangereux pouvoir.

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