Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 5 : Dream Team

4564 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/02/2021 14:48

« Pharamp face à dix braqueurs de banque, il gagne avec le petit doigt », « le record d’athlétisme battu par Pharamp, alors en pleine course-poursuite », « attentat à la bombe : un immeuble entier évacué par Pharamp en quinze secondes » ; Salamèche déposa cet énième journal, alors entouré d’archives datant des dix dernières années. Toutes avaient pour gros titre les exploits du numéro un des explorateurs.

— Oh ! s’exclama Pikachu. J’étais comme un fou quand j’ai vu celui-là !

Il lui tendit un autre journal : « Seul contre tous, Pharamp remporte son propre test RS ».

— RS pour Reckless Smash, le nom de son équipe.

— Ça veut dire quoi ?

— Je sais pas, on n’étudie plus les étranges dialectes depuis bien longtemps. Bref, il faisait passer un test à tous les explorateurs volontaires. Tous dans une arène, le premier qui arrivait à le toucher remportait une place au sein de l’équipe ! Il avait mis tout l’monde K.O ce jour-là…

— Vraiment ? C’est fou qu’il offre une place dans son équipe !

— Ouais enfin elle n’était pas gratuite ! rigolait-il en déposant le journal au milieu de tout le bazar.

La lune se levait alors que Raichu, la mère de Pikachu, avait accepté que Pifeuil et son petit viennent dîner à la maison. Alors que les adultes discutaient dans le salon, les deux amis s’étaient précipités dans la chambre du rongeur.

— Je ne savais pas que tu étais fan de lui, avoua le jeune reptile.

— Quel petit garçon ne l’était pas ? À l’époque, m’dame Kecleon vendait une rubrique « actualité mondiale » dans ses journaux, c’était le seul moyen de rêver un peu. Depuis, on est tous passés à autre chose. Riolu et Arcko veulent devenir ingénieurs, moi je m’suis concentré sur les sauvages et Carapuce…

— Carapuce veut devenir le prochain Pharamp.

— Ouais, lui n’est pas passé à autre chose. Je m’demande ce qu’en pense m’sieur Mégapagos…

Salamèche détourna le regard. Il ne lui avait pas encore tout révélé.

— Dis, commença-t-il d’un ton hésitant, tu me vois devenir explorateur ?

— Quoi… ?

— Toque toque là-dedans ! s’introduisait Pifeuil en ouvrant la porte. On va y aller p’tit gars, on s’lève tous tôt demain !

— Ah… ! Oui, j’arrive ! On en reparle demain, ok ?

Le garçon au pelage jaune hocha la tête, l’air perplexe.

— Bonne soirée ! salua la mère de l’enfant à ses voisins.

Semblable à son fils, sa peau était d’un jaune orangé, ses oreilles plus grandes et sa queue d’une tige plus mince et élargie. Elle se pressa de fermer la porte à clé.

— Alors, lui demanda son fils, tu les trouves comment ?

— Oh, je m’attendais à bien pire. Pifeuil a au moins le mérite d’être bon cuisinier. Mais franchement, cette allocution, ça se voit que lui et le lézard ne viennent pas du même milieu. Quelle famille dysfonctionnelle…

— Maman…

— Hé, j’ai été plutôt sympa de les accueillir après le fiasco de la dernière fois ! Et toi, range ta chambre et débarrasse-moi de tous ces vieux bouts de papiers ! Vous n’avez plus six ans, bon sang !

— Oui, oui…

Le jeune garçon s’enferma dans sa chambre et jeta ses journaux dans un coin de son placard. Il s’affala sur son lit, pensif.


Chapitre 5 : Dream Team


La cloche sonna midi. Tandis que les écoliers se pressaient d’aller à la cantine, Salamèche approcha le bureau du professeur.

— Reckless Smash ? s’interrogea le volatile en dévisageant le chatoyant foulard couleur or de son élève. Tu parles de l’équipe de Pharamp ?

— Oui, je voulais juste savoir ce que ça voulait dire.

— Hm.

— Euh… vous ne savez pas ?

— Si si, bien sûr, on pourrait traduire ça par : « Fracas Téméraire », même si je préfère parler d’imprudence.

— Fracas Téméraire… c’est moins impressionnant dit comme ça.

— Tu m’étonnes. Pourquoi tu t’intéresses à eux ?

— Euh… j’étais juste curieux.

— Mouais. Écoute, Salamèche, nous n’avons jamais eu l’occasion de parler de cet incident, dans les marécages. Cela va faire deux semaines et j’ai l’impression que depuis, tu fais une fixette sur Pharamp.

— C’est normal, non ? Il est… plutôt cool.

— Ne perds pas de vue les études, s’il te plaît. Je te rappelle que ton amnésie est sévère. Tu consacres déjà beaucoup d’énergie aux révisions et je t’en félicite, mais tu pars de beaucoup trop loin. Tu as encore trop de connaissances à rattraper avant les examens de fin d’année, ce n’est pas le moment de se consacrer à une autre discipline.

— C’est juste une passion, rien de plus.

— L’exploration n’est pas une passion, c’est une déviation. Tu vaux bien mieux que ça.

D’une aile avisée, il lui tapota l’épaule.

— Allez, va profiter de ta pause !

— Oui monsieur… marmonna-t-il en sortant de la classe.

À la cantine, Pikachu mangeait lentement.

— T’as pas faim ? lui demanda le lézard au foulard doré.

— Pas trop, nan. Tu veux mes haricots ?

— Hm… plutôt ta clémentine, si t’en veux pas.

Il la déposa sur son plateau sans hésiter.

— Merci, lui sourit Salamèche. Alors, t’as trouvé les cours de ce matin intéressants ?

— Je sais pas, j’ai pas trop écouté. Et toi ?

— Carrément ! La Grande Guerre est passionnante ! Je ne savais pas qu’il existait des Pokémon divins !

— Sérieux ? T’étais au courant qu’il y avait eu une guerre, quand même ?

— Euh… oui, oui bien sûr. Les détails, euh… m’échappaient juste. Bref, tu sais ce que le professeur m’a dit tout à l’heure ?

— Dis-moi.

— Que Reckless Smash voulait dire Fracas Téméraire !

Pikachu cligna deux fois des yeux.

— C’est dingue, non ?

— Faut qu’j’aille pisser, assura-t-il en se levant brusquement.

— Ok… ? s’inquiéta l’autre écolier en le fixant s’éloigner.

En passant la porte des toilettes, le rongeur croisa le regard d’Arcko, en train d’uriner dans l’une des deux latrines.

— Tiens, voilà le cas social de la classe !

Il se contenta de l’ignorer et commença son affaire.

— T’as eu combien au dernier contrôle déjà ? Le prof balance plus les notes à voix haute, tu dois bien en être la raison. Ça doit être humiliant de ne pas réussir à faire apprendre, même aux plus nuls !

— J’ai eu la moyenne, alors ça va…

— Ça reste faible, tu crois que tu vas réussir avec des résultats pareils ?

— De quoi j’me mêle, Arcko ?

— Wow, on est pas content ?

— Nan, c’est pas ma journée là !

— Tu m’étonnes ! Plus le temps passe et plus tu commences à comprendre que t’as pas d’avenir par rapport à nous, ça doit être difficile ! Mais faut être réaliste, quelle grande école voudra de toi, à Loliloville ? Franchement, ta mère se berce d’illusion. Tu devrais peut-être envisager l’exploration ?

— Ferme-la !

— Parle-moi mieux !

— Nan, ferme-la vraiment !

Sans pudeur, le garçon vert se tourna droit vers son interlocuteur, l’arrosant de ses dernières réserves.

— Hé ! sursauta Pikachu. T’es dégueu, espèce d’abruti !

— Fallait pas m’chercher !

La tunique trempée, le garçon au pelage jaune se pressa d’utiliser l’eau du seau à disposition pour se nettoyer. Arcko ne manqua pas de le bousculer en passant derrière lui.

— Traîne pas, minable !

Et Pikachu se retrouva seul dans les toilettes. Il essuya ses tissus, son pelage ainsi que les larmes qu’il avait aux yeux.

Le soleil se couchait, lorsque la dernière cloche sonna. Sur le chemin du retour, il était toujours aussi silencieux.

— On peut annuler si tu veux ? proposa Salamèche.

— Non non, t’inquiète. J’aimerai juste passer chez moi pour me changer.

— Ok, je te rejoins là-bas.

Arrivés sur la place du village, ils se séparèrent et le rongeur déverrouilla la porte de sa maison. Il ne prit pas même le temps de la fermer et ouvrit directement son placard, à la recherche d’un bout de tissu sentant autre chose que l’urine. Alors qu’il se changeait, son regard se posa sur le journal au sommet de la pile, dans le recoin du placard. Datant d’il y a six ans, le gros titre indiquait : « Pharamp incite à voter contre l’exploitation sauvage ». Il le zieuta quelques instants, lorsque quelqu’un toqua à sa porte.

— Pikachu ? s’introduisit le jeune amnésique. T’as pas fermé la porte !

— Je sais, j’arrive…

Salamèche en avait profité pour faire leur détour quotidien à la boulangerie, rapportant du pain qui servait à nourrir les sauvages des Petits Bois. Arrivant proche de la colline au grand arbre, ils s’installèrent aux côtés des arbustes et buissons qui les séparaient du territoire sauvage et attendaient que l’odeur alléchante de la baguette chaude attire plusieurs Pokémon. Ce jour-là, c’est le lézard à la queue enflammée qui s’occupait de les nourrir. Pikachu, de son côté, observait en se maintenant la tête.

— Tu es sûr que ça va aller ? demanda rhétoriquement son ami.

— Je sais pas. Est-ce que je sens encore la pisse ?

— Un peu, admit Salamèche, ça a dû s’incruster dans le pelage.

— Pfff… la douche de ce soir va être horrible.

— Arcko est vraiment une ordure. Je suis désolé de ne pas avoir été là…

— Ça aurait pu être pire, j’imagine.

Deux autres sauvages sortirent des buissons. Pikachu récupéra un bout de pain pour ne pas surcharger son ami.

— Dis, reprit-il, tu sais pourquoi je respecte encore Pharamp ? Quand j’étais petit, je faisais acheter à ma mère tous les journaux qui parlaient de lui, mais en vrai je ne relisais que ceux qui mettaient en avant ses exploits. Un jour, alors que je jouais avec Riolu, Arcko et Carapuce, on s’est aventuré un peu trop loin dans les Petits Bois et j’ai fini par me perdre. J’étais terrorisé, j’avais peur de m’faire manger par les sauvages, comme n’arrêtaient pas de le prétendre les adultes. Sauf que non seulement ce sont eux qui m’ont réconforté, mais en plus ils m’ont ramené jusqu’ici, tu t’rends compte ? Des êtres qui agissent par instinct, des êtres qui devaient mourir de faim ; ils se sont pourtant occupés de moi.

— C’est à partir de ce jour que tu as arrêté d’avoir peur d’eux ?

— Et que j’ai commencé à m’éloigner des autres, j’imagine. Mais avec du recul, je ne regrette pas, bien au contraire. Je me sens tellement mieux ici qu’en classe.

— Oui, c’est pas difficile à remarquer.

— Je suis retombé sur l’un de mes journaux, récemment. Pharamp a utilisé son rôle d’explorateur et son influence de numéro un pour protester contre le braconnage. J’avais totalement oublié que je l’avais, celui-là. J’ai dû le lire qu’une fois, à l’époque où je n’avais aucune idée de ce que ça impliquait. Mais être explorateur, c’est aussi avoir le droit de protéger la nature ! Et je… c’est ce que je veux faire de ma vie, Salamèche.

— Tu souhaites devenir explorateur ?

— Honnêtement, je m’en moque. Mais si c’est le seul moyen de les protéger comme ils m’ont protégé, alors je deviendrai explorateur, quoiqu’il advienne !

Son ami lui afficha un grand sourire. Soudain, le sol gronda. Les buissons remuèrent et les feuilles valdinguèrent.

— C’est quoi, ça ?! s’affola le jeune reptile.

— Oh non, pas encore !

Alors qu’ils se relevaient, une fissure se dessina autour des sauvages. Rangeant son morceau de pain dans sa poche, Pikachu en attrapa un, avant de courir en direction du sommet de la colline au grand arbre.

— Venez vite !

Salamèche le suivait d’un air apeuré. La terre palpitait, alors qu’au loin s’entendaient des cris depuis Bourg-Tranquille. Arrivés face à l’arbre, ils s’agrippèrent au tronc et les sauvages les imitèrent.

— Bougez pas, assurait le garçon au pelage jaune, c’est bientôt terminé !

Au village, les habitants se mirent à paniquer. Rapasdepic battit des ailes, prenant suffisamment de hauteur pour atteindre le plus de monde possible.

— Ne restez pas à l’intérieur ! Éloignez-vous des infrastructures et couvrez-vous la tête ! Ceux qui peuvent voler, écartez-vous du sol !

Plusieurs adultes, dont Lombre ou Mégapagos, sortaient du bar pour attendre sur la place centrale. De son côté, Pifeuil s’accroupissait sous son atelier. Les baguettes qu’il avait préparé à l’avance tombaient une à une. Peu à peu, l’intensité diminua et presque deux minutes après son premier grondement, le tremblement de terre cessa. Sur la colline au grand arbre, le silence s’imposa. Seul l’essoufflement de ceux qui s’étaient accrochés au tronc anima cette pesante atmosphère.

— Est-ce que tout le monde va bien… ? demanda Pikachu en zieutant les sauvages.

Tous s’éloignèrent, bondissant jusque dans les Petits Bois. Salamèche s’agenouilla en s’agrippant le ventre.

— Qu’est-ce qui vient de se passer… ? marmonna-t-il en tremblant.

— On a été victime d’une secousse. Encore.

— C’est déjà arrivé ?!

— Ouais, c’est la deuxième fois. Crois-moi, c’est bien plus impressionnant quand tu découvres le truc. Ça va, rien de cassé ?

— Non non, tout va bien…

— À l’aide ! hurla soudainement une femme.

S’extirpant des Petits Bois, sa peau violette égratignée, ses antennes mouvementées ainsi que ses grandes ailes tremblantes attirèrent immédiatement l’attention des deux garçons.

— M’dame Papilusion ?! s’écria Pikachu en accourant vers elle.

— Mon bébé ! larmoyait-elle essoufflée. Mon bébé a besoin d’aide !

Salamèche la reconnaissait, il l’avait déjà vu se balader sur la place auprès de Chenipan. Malgré la douleur, il se releva et rejoignit son ami.

— Du calme, rassurait le rongeur. Respirez et expliquez-nous doucement la situation !

— Nous étions partis cueillir des baies, lorsque la secousse est survenue ! Mon… mon bébé est tombé dans une fissure ! J’ai essayé de l’aider, mais mes bras ne sont pas assez longs pour l’atteindre ! Ensuite, un sauvage s’en est pris à moi ! Il faut à tout prix demander de l’aide aux secouristes !

Salamèche et Pikachu s’échangèrent un simple regard. D’un hochement de tête mutuel, ils bondirent tous les deux en direction des Petits Bois.

— Non, clama la mère, c’est trop dangereux !

— On sera de retour en un rien de temps, promis !

Passant les arbustes, buissons et premiers troncs qui leur barraient la route, les deux amis quittèrent Bourg-Tranquille pour atteindre cette petite forêt chatoyante à l’atmosphère orangée et chaleureuse. Les volatiles beuglaient et les quadrupèdes couraient un peu partout autour des nombreuses petites fissures que cachaient les hautes herbes.

— Chenipan ! l’appelait Pikachu. Hé, Chenipan, tu m’entends ?!

Salamèche avançait plus lentement, sursautant à chaque mouvement brusque d’un sauvage. Au pied d’un buisson, il discerna plusieurs petites baies d’un bleu éclatant. Il approcha, s’agenouilla et les récupéra. Puis, il s’arrêta. Son regard se tourna peu à peu vers la source d’un bruit qu’il peinait à identifier. Entre plusieurs hautes herbes ruminait une faible voix.

— S’il vous plaît… ! Pitié… !

Il écarta les tiges et découvrit une fissure, petite mais profonde.

— Chenipan, c’est toi ?

Ce dernier sursauta, en levant les yeux vers le jeune lézard.

— Salamèche… ?

— Pikachu, exclama-t-il en se tournant vers lui, je l’ai trouvé !

— Non ! cria le petit garçon en le voyant s’éloigner. Pars pas, steuplé !

— Hein ? Non non, t’inquiète pas, je reste là !

— Pitié… ! J’veux ma maman, par pitié…

— Tu vas la retrouver, je te le promets ! Est-ce que tu es blessé ?

— Non, mais j’arrive pas à remonter !

— On va trouver un moyen, ne t’inquiète pas !

Le rongeur arriva, une branche entre les pattes.

— Ta da ! Rien d’mieux qu’un bon bout d’bois pour nous sortir de toutes les péripéties !

— Il m’a l’air cassé, ton bout de bois.

— Tu trouveras pas moins épais, mec ! Hé, Chenipan, essaie de t’accrocher à ça !

Il la faufila dans la fissure, jusqu’à son camarade de classe.

— Tu l’as ?

— Oui…

— Ok, accroche-toi bien !

Il commençait à le remonter, lorsque la branche céda sous le poids de la chenille. Chenipan s’écrasa à nouveau au fond de la fissure, explosant en sanglots sous le regard inquiet de Salamèche.

— Bon sang, Pikachu !

— Mince ! Désolé, j’étais persuadé que ça passerait !

— J’y arriverai jamais ! pleurait-il à chaudes larmes. J’vais pourrir ici !

— Non ! Hé, ne pleure pas…

Rien à faire, le petit était complètement paniqué. L’observant se morfondre sans ne pouvoir lui tendre une simple patte, le jeune amnésique en détourna honteusement le regard. Un regard qui se plaça sur sa queue à l’embout enflammée. Il écarquilla les yeux.

— Chenipan ! Hé, Chenipan !

Attirant son attention, il lui afficha un grand sourire.

— Tu me fais confiance ?

— O… oui !

— Bien. Je vais faufiler ma queue et tu vas l’attraper, d’accord ?

— Quoi… ? Mais je vais brûler !

— Non, ne t’en fais pas.

— Mais elle brûle constamment !

— Elle ne te brûlera pas toi, Chenipan. Je t’en fais la promesse.

Le petit se recroquevilla dans un coin et Salamèche s’exécuta. Il colla son popotin contre la fissure et y plongea la queue. La voyant pendre proche de lui, le lépidoptère soupira d’un air gêné, avant de bondir et de s’y accrocher.

— C’est bon, j’ai !

— Oui, je sais !

En le remontant, Chenipan glissait. Il se maintenait de toutes ses forces, alors que son corps plongeait dans la flamme de son camarade de classe. Il ferma les yeux, persuadé d’avoir mal. Puis il les rouvrit, ne sentant rien d’autre qu’une agréable chaleur. Finalement, la lumière du soleil l’agressa bien plus que cette petite flammèche, lorsque Salamèche extirpa sa queue de la fissure et que Pikachu le récupéra dans ses bras.

— Hé voilà ! s’extasia le rongeur. Sauvetage accompli !

— Vous… beuglait-il, vous m’avez…

Brutalement, deux ailes agiles bousculèrent Pikachu, alors qu’un bec féroce agrippa la chenille. Salamèche sursauta, en tentant d’attraper cet agressif volatile brun, au plumage hérissé et au regard froncé. De ses pattes acérées, il manqua de le griffer. Alors il l’esquiva, le laissant s’envoler hors de sa portée.

— Non, il a Chenipan !

Il bondit à sa poursuite, tandis que Pikachu se redressa simplement. Il fixa le sauvage, le pointa du doigt et inspira profondément. Dans tout son corps, la chaleur augmentait.

— Désolé, ça va te déplaire autant qu’à moi !

C’est alors qu’une petite étincelle s’extirpa alors de son doigt. Salamèche ne perçut qu’une brève lumière jaune percuter le sauvage. Il s’écroula en lâchant sa proie à plusieurs mètres du sol.

— Oh oh… s’affola le garçon au pelage jaune.

Mais de justesse, le garçon à la tunique usée le rattrapa dans sa chute. Ils s’écroulèrent ensemble, roulèrent au sol pendant plusieurs secondes puis se retrouvèrent l’un sur l’autre. Chenipan dévisagea son sauveur, qui le fixait d’un grand sourire aux lèvres. Il s’effondra dans ses bras, les larmes aux yeux. Pikachu les rejoignit rapidement.

— Désolé, j’avais pas pensé à la chute !

— T’inquiète ! lui sourit son ami. C’est pour ça qu’on forme une équipe !

— Ouais… soupira-t-il d’un profond soulagement.

Le calme revint, dans les Petits Bois. Alors que le reptile à la queue enflammée raccompagna la chenille auprès de sa mère, le rongeur approcha plutôt le volatile blessé. Fixé agressivement, il leva les bras en guise de passivité.

— Tu as juste faim, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu as attaqué Chenipan ?

De sa poche, il dégaina le bout de pain qu’il lui restait.

— Tiens, goûte plutôt ça.

D’abord méfiant, il refusa d’y approcher le bec.

— C’est la secousse qui t’a mis sur les nerfs, pas vrai ? Moi aussi, j’aurais préféré que ça n’arrive qu’une seule fois.

Poussant la miche jusqu’à lui, il commençait à la renifler.

— Je suis conscient que parfois, la violence est le seul moyen de vous faire face. Mais vous êtes aussi des Pokémon.

Finalement, il croqua à plein bec dedans. Il le dévora en un rien de temps.

— Je lutterai contre les injustices commises envers les sauvages. Et si ça implique de devenir explorateur…

Il se tourna vers l’horizon, en direction de la colline au grand arbre.

— Alors c’est maintenant ou jamais !

Le soleil se couchait, lorsque Papilusion s’inclinait à répétition face aux deux garçons. En plus de lui avoir ramené son petit, Salamèche lui avait offert les nombreuses baies qu’il avait récolté sur le chemin.

— Merci mille fois !

— Tranquille ! rassura le rongeur. C’était une promenade de santé !

— Vous deux, s’extasia Chenipan, vous êtes trop cool en fait !

Il se tourna vers Salamèche, qu’il peinait à regarder droit dans les yeux.

— Du coup, euh… j’suis désolé pour la dernière fois. Dans les bains publics, là…

— Ça va aller, je te pardonne.

— C’est vrai… ? Merci beaucoup !

— Et dire que j’ai mis des enfants en danger ! Je présenterai mes excuses auprès de vos parents…

— Pas la peine ! Des journées comme celle-là, croyez-moi, on va en vivre un paquet à partir d’aujourd’hui !

— Que voulez-vous dire ? s’inquiéta la mère.

— Salamèche et moi, on va devenir secouristes !

— Quoi ?! se stupéfia Papilusion.

— Quoi ?! s’épata Chenipan.

— Quoi… ? bégaya Salamèche.

— Tu m’as convaincu ! J’ai envie de former une équipe de secours avec toi !

— Les enfants, c’est extrêmement dangereux. Et puis je ne sais pas si on peut vous l’interdire, mais il est évident que si le reste du village l’apprend…

— Ouais, on sait, on va morfler. Mais c’est ce qui nous plaît ! Et puis avec des secousses pareilles, les gens auront forcément besoin d’un peu d’aide !

— Peut-être bien, raisonna-t-elle. Si nécessaire, je soutiendrai votre initiative, bien que je vous encourage à laisser les missions les plus compliquées aux adultes. Mais… il est clair que de braves secouristes ne feront pas de mal à Bourg-Tranquille. Bien. Rentrons à la maison, mon bébé.

— Maman, m’appelle pas comme ça devant les copains…

— Rentrez bien ! rigolait Salamèche.

— Bonne soirée à vous, ma chère Dream Team !

Elle en imposa le silence. Les deux amis s’échangèrent un regard perplexe.

— Dream Team ?

— Cela signifie « Équipe de Rêve ». Fichtre, vous perdez vraiment à ne pas apprendre les anciens dialectes à l’école !

— Dream Team…

— Allez, ne traînons pas !

La petite famille rentra chez elle, laissant les deux enfants bouche bée au bord de la colline au grand arbre. Alors que le soleil terminait de se coucher, tous deux observèrent, assis dans l’herbe, le lumineux village s’éclairer.

— Il va nous falloir un nom d’équipe, demanda Salamèche, n’est-ce pas ?

— Il te plaît aussi ?

— Carrément.

— J’m’en doutais ! s’esclaffa Pikachu. Va pour Dream Team, dans ce cas !

— Donc c’est officiel, on forme une équipe de… secours ? Tu as bien dit qu’on allait devenir des secouristes ? Quelle est la différence avec les explorateurs ?

— Si tu veux devenir explorateur, il va falloir passer par le secourisme. C’est le niveau un : aider suffisamment son territoire jusqu’à se faire remarquer par la Guilde d’Exploration. Le niveau deux, c’est passer leur examen pour obtenir le diplôme officiel. C’est ce bout de papier qui te permet d’agir à plus grande échelle. Le niveau trois, c’est vivre de l’exploration.

— Ce qu’on cherche à atteindre.

— Et on va y arriver ! Plutôt on commencera, plus vite on aura nos chances d’être remarqué par la Guilde ! Demain à l’aube, j’irai nous enregistrer à la poste Bekipan.

— Déjà ? Tu veux qu’on mélange école et secourisme ?

— On obtient notre diplôme scolaire à la fin de l’année. Si la Guilde nous prend pour septembre prochain, on enchaînera direct ! Et honnêtement, ça me semble tellement plus faisable que d’essayer de rejoindre je ne sais quelle grande école à Loliloville. Ouais… ! Là, je suis motivé !

— Mais, euh… est-ce que ta mère sera d’accord avec ça ?

Pikachu haussa les épaule.

— Aura-t-elle le choix, quand la Guilde nous aura acceptés ?

— D’accord, donc on garde le silence…

— Tu comptais pas l’faire ?

— Non. En fait, j’ai l’impression que Pifeuil m’encourage vers cette voie.

— Hm. T’as de la chance.

— Je suis désolé, soupira-t-il en lui tapotant le dos.

Le jeune rongeur zieutait son village. Depuis le sommet de la colline au grand arbre, il apercevait sa maison, la place centrale, la mairie ainsi que le long chemin qui menait à l’école. Finalement, il trouva plus de réconfort en fixant le ciel.

— Je suis content que tu sois là.

— On ira à la poste ensemble, ok ?

— Ouais, ok…

Il essuya une larme, et ainsi s’acheva cette longue journée.

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