Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 4 : Celui qui changea la donne

4052 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/12/2020 13:20

Pifeuil bâillait à s’en décrocher la mâchoire. Cela faisait deux semaines que son protégé habitait Bourg-Tranquille. D’habitude, le trentenaire quittait la maison avant même que Salamèche n’ouvre les yeux. Mais depuis quelques jours, c’est le petit garçon qui enfilait son sac à dos en premier.

— T’es déjà paré… ? lui demanda-t-il en se frottant les yeux.

— J’ai tout ce qu’il me faut, lui répondit-il le sourire. À ce soir !

Il ferma la porte, déposa la clé sous le paillasson et rejoignit Pikachu pour une nouvelle journée.


Chapitre 4 : Celui qui changea la donne


Ce matin-là, en cette rafraichissante matinée d’octobre, le professeur Canarticho organisa des travaux de groupe. Les deux amis s’associèrent naturellement, bien que d’un air curieux, le petit lézard lorgna les autres équipes.

Il se souvenait du nom de Riolu, celui à la fourrure bleu qui avait toujours un bouquin entre les pattes. Il semblait étonnamment bien s’entendre avec Arcko, le verdâtre à la queue crochue qui lui en avait fait voir de toutes les couleurs.

Il y avait ensuite les deux bambins, comme tout le monde les appelait, Rattata le rongeur violet et Chenipan le lépidoptère vert. Plus jeunes que le reste de la classe, ils se laissaient surtout influencer par les plus grands.

Enfin, les deux du premier rangs travaillaient seuls. La jeune fille ressemblait à Pifeuil, du fait de sa peau verte et de la grande feuille qui lui servait de chevelure. Elle s’appelait Germignon. L’autre, la tortue bleue agressive, se nommait Carapuce. Ces deux-là restaient dans leur coin et le professeur semblait n’y voir aucun problème.

Alors que chaque groupe avançait sur son projet, quelqu’un toqua à la porte. Toujours aussi souriante, la directrice Flotoutan entra. Les élèves se levèrent pour l’accueillir.

— Bonjour, madame ! exclamèrent-ils en harmonie.

— Bonjour les enfants. Navrée de vous déranger, mais c’est à votre professeur que je suis venue parler.

— Oh vraiment ? s’étonna le volatile.

— Oui, c’est à propos d’une affaire d’explorateur.

— Oula… marmonna-t-il en se grattant le plumage. Est-ce que c’est grave… ?

Salamèche zieuta les autres écoliers. Eux aussi, semblaient préoccupés.

— Ne vous inquiétez pas, affirma une voix inconnue, tout va bien !

Une imposante figure entra dans la classe. Il mesurait près d’un mètre quarante et accoutrait une combinaison en tissus qui moulait ses muscles ainsi que des gants, des bottes et une grande cape rouge. Autour de son cou était attaché un foulard couleur or d’une lueur sans égale. Sa peau était jaune et ses yeux ronds d’un noir profond. Sur son front luisait une grande perle rouge. Mais le plus impressionnant était son sourire, aussi grand que réconfortant.

— Ce village porte vraiment bien son nom ! Si je n’étais pas en mission, j’en ferai mon lieu de vacances numéro un !

Il tendait la patte à Canarticho, l’air amusé. Ce dernier la lui serra sans trembler.

— Monsieur Pharamp, c’est ça ? Je suis ravi de faire votre connaissance.

— Moi de même, j’adore votre… poireau ? Bref, sacrée poigne pour un volatile !

— Merci ! rigola-t-il finalement.

Lui, comme le reste de la classe, ne craignait plus quoi que ce soit. Carapuce tremblait même sur sa chaise.

— Bien, reprit l’étonnant bonhomme, allons discutailler dans le couloir ! Ce sera rapide, une minute top chrono !

— Top chrono… ? répéta le professeur d’un air perplexe.

— Quoi, les chronomètres ne sont pas encore arrivés chez vous ?

— Vous voulez parler des horloges marines ?

— La technologie évolue si vite à Loliloville, s’esclaffait-il, vous en tomberiez des nues !

— Monsieur Pharamp… grommela la directrice.

— Oui, pardon ! C’est vrai que je parle beaucoup, mon équipe me le fait souvent remarquer. N’hésitez pas à me demander de me taire si jamais je parle excessivement longtemps pour ne pas dire grand-chose, je n’imagine pas à quel point cela peut vous ennuyer !

— Effectivement, clama-t-elle en lui montrant la sortie.

Alors que les adultes s’éclipsèrent, la tortue bleue bondit de sa chaise.

— J’y crois pas ! Pharamp est ici !

— C’était qui ? demanda naïvement Salamèche.

Le regard de tous les garçons l’assassinat.

— T’es sérieux ?

— Laissez-le, il veut juste faire l’intéressant.

— Quel gros débile…

— Je t’expliquerai tout à l’heure, lui murmura Pikachu.

Le professeur rentra peu après, seul.

— Bon, reprenons !

— Il est parti ?! s’offusqua la tortue.

— Il a autre chose à faire que signer des autographes, bon sang ! Allez, au boulot !

Et ainsi reprit l’enseignement, jusqu’à la sonnerie de la cloche à midi. Carapuce s’éclipsa en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tandis que les autres profitèrent du zénith chatoyant pour descendre tranquillement la colline menant à la place du village. Les deux amis s’expliquèrent.

— Un explorateur, commença le rongeur, c’est quelqu’un qui dédie sa vie au bien commun. Il aide les civils, parcourt les territoires sauvages et combat les hors-la-loi !

— Ce sont des sortes de héros ? répliqua le lézard orange.

— Exactement ! Et Pharamp, c’est le meilleur d’entre eux ! Le numéro un incontesté ! Il dégage des éclairs capables de vaincre n’importe qui en une fraction de seconde !

— Ah ouais ? Il avait l’air cool.

— Il l’est. C’est dommage qu’il vive loin d’ici.

— Et à Bourg-Tranquille ? Est-ce qu’il y a des explorateurs ?

— Il y a des secouristes, c’est à peu près la même chose mais en moins pro. Les gens les aiment pas trop, ici. En tout cas, ma mère m’interdit de faire ça plus tard. Selon elle, c’est un métier violent, entrepris par des mal-élevés qui ont raté leur vie.

— Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?

Pikachu hésita.

— Ça me permettrait d’approcher encore plus de sauvages… marmonna-t-il.

Ils arrivèrent sur la place du village. Mais l’allée est, le droit chemin vers la boulangerie dans laquelle ils se rendaient quotidiennement, se voyait bloquée par une petite foule d’habitants.

— Yo ! tenta de s’introduire Pikachu. Il se passe quoi ?

Personne ne lui répondit. La jeune Germignon, s’impatientant à fixer d’un regard effrayé la même allée que les adultes, se tourna brusquement vers l’un d’entre eux.

— Monsieur Lombre, il faut faire quelque chose !

— Navré, minette, mais on peut rien y faire. C’est trop dangereux, de se baguenauder hors du village.

— Raison de plus pour aller le chercher au plus vite ! Carapuce est en grand danger !

— Attends, répéta le rongeur, Carapuce a quitté le village ?!

La jeune fille grogna.

— Oh tais-toi ! Évidemment qu’il a quitté le village, sinon pourquoi serions-nous tous réunis ici, à ton avis ?!

— Ok ok, pardon…

— Il est passé par-là à toute vitesse, reprit Lombre en pointant d’une griffe le seul chemin caché par des arbres, et ce dès qu’on lui a indiqué la direction par laquelle le gars avec la cape est parti !

Les deux jouvenceaux écarquillèrent les yeux.

— Il est allé dans les marécages ? s’inquiéta Pikachu. Il va pas bien, lui !

— C’est Pharamp qu’il cherche ? demanda Salamèche.

— Il veut sans doute un autographe ou un truc du genre, lui répondit son ami. Enfin de là à transgresser les règles…

— Est-ce que les marécages sont dangereux ?

— Ouais, bien plus que les Petits Bois ! C’est pas si loin, mais même moi je ne m’y tente pas.

— Monsieur Lombre, insista la jeune fille, s’il vous plaît !

— Aïe aïe aïe, pas moyen que j’aille là-bas, moi ! Demandez aux secouristes, ils vous le ramèneront en quelques minutes !

— Mais ils ne sont jamais là ! Vous savez très bien qu’on ne peut pas compter sur eux !

— Je sais, mais… j’ai la frousse, moi !

— Donc quoi, personne n’y va ? Et s’il se fait tuer ?!

De lourds frissons parcoururent soudainement le corps du jeune amnésique.

— Il faut prévenir l’père Mégapagos ! s’entêta l’homme au chapeau nénuphar. C’est son mioche, après tout !

— Peu importe ! Il faut quelqu’un, n’importe qui, pour venir à son secours !

— Salamèche ?! s’affola Pikachu en le voyant s’éloigner. Salamèche, tu fais quoi ?!

— Non, minot, reviens !

— C’est bon, assura-t-il en accourant, je vais le ramener !

Germignon le dévisageait, dubitative.

L’atmosphère changea drastiquement. Finit la fraîche brise et la verdure étincelante, place aux couleurs ternes, aux ruminements lointains des sauvages et à l’odeur putride. Dès son entrée, Salamèche se prit la patte dans une branche et trébucha tête la première dans une flaque de boue. Il se redressa et toussa à répétition en s’essuyant le visage. Il arrêta de courir et avança d’un pas plus méfiant.

— Carapuce… ? marmonna-t-il en espérant se faire entendre.

Les arbres semblaient morts, les lianes encombraient et les nénuphars moisissaient à vue d’œil. Le lac derrière lui ruminait, alors qu’il se frottait le bras en zieutant les alentours. Il se retourna en sursautant, reculant à la vue d’une ombre qui grandissait dans l’eau. Puis, il cogna quelque-chose de solide.

— Dégage ! cria la tortue bleue en le bousculant.

Tous deux se dévisagèrent dans un silence palpable. Salamèche soupira finalement.

— Tu es là…

Mais Carapuce crispa le visage.

— Toi… ? Qu’est-ce que tu fiches ici ?!

Il recula d’un pas.

— Je suis venu te chercher ! répondit l’autre en avançant d’un même pas.

— Quoi… ? De quoi j’me mêle ? Va-t’en !

Il recula à nouveau.

— Mais… bégaya-t-il en avançant à son tour, tout le monde s’inquiète pour toi !

— C’est pas mon problème ! exclama-t-il, immobile.

— Comment ça ? C’est dangereux ici, il faut qu’on rentre maintenant !

— Ne me dit pas ce que je dois faire, espèce de lèche-cul !

Salamèche s’immobilisa, bouche bée.

— Pardon… ?

— Voilà ce que t’es, un pouilleux de lèche-cul, ignorant au possible et incapable de rester à sa place !

— Mais… bégaya-t-il en reculant d’un pas.

— T’as toujours pas compris que personne ici en avait quelque-chose à faire de ta tronche ?! Arrête de vouloir t’intégrer, Bourg-Tranquille ne sera jamais ta piaule !

Il en postillonnait ses fins de phrases. Cette fois, c’est lui qui avança d’un pas.

— Je voulais juste aider…

— C’est raté, tu sers toujours à rien !

Soudain, le lac gronda si fort que les deux enfants se firent arroser de moisissure. En son centre se levait une figure bleue, ronde et imposante. L’eau coulait de ses épais bras et transperçait les fibres de ses gants blancs, noircis par la crasse des marécages. Sur son ventre se dessinait une spirale. Plaquant un pied sur la terre ferme, il s’extirpa du lac en défigurant ses deux visiteurs d’un rire effronté.

— Parfait, je commençais à avoir faim !

Paralysé par un gloubi-boulga d’émotions, le reptile rouge était incapable d’y répondre quoique ce soit.

— Vous êtes qui ? harpailla cependant le bleu sans vergogne.

— Tu ne sais pas ? pouffa-t-il. Mon nom est Tartard et je suis le maître des lieux !

— Le maître de quoi ? Du tas d’excréments qui nous entoure ?!

— Pardon ? Tu n’as pas idée de…

— Mon œil ! T’es qu’un hors-la-loi qui se réfugie dans les marécages pour fuir les explorateurs ! Ça fait quoi de survivre dans un marais de caca pour pas avoir à se faire humilier devant tout le monde ?!

Oui, Salamèche aussi le dévisageait avec de grands yeux. Le dénommé Tartard serra les poings, alors qu’une veine gonflait sur son front. Il esquissa un rire névrosé.

— Alors celle-là ! Je suis sacrément bien tombé, aujourd’hui ! Il paraît que les sales mioches ont meilleur goût !

— T’as même pas de bouche ! continua Carapuce. Par où tu les bouffes, les baies pourries que tu chopes dans le coin ?!

— Tu vas très vite le savoir, espèce de sale petit… !

— Non, arrêtez ! s’interposa Salamèche. Il est comme ça avec tout le monde, je vous assure !

— Ferme-la ! hurla-t-il en élançant ses deux poings musclés.

Le jeune amnésique bondit en arrière, non sans oublier d’emporter son camarade de classe dans sa chute. De peu, ils esquivèrent l’attaque du grand Pokémon, qui frappa le sol d’une puissance telle qu’il se fissura sur un large périmètre.

— Lâche-moi ! grogna la tortue en bousculant son sauveur.

Tous deux fixèrent l’eau vaseuse remplir les fissures qui se répandaient autour d’eux. Au centre du petit cratère qu’il s’était créé, Tartard les dévisagea d’un regard morbide.

— Là, j’ai vraiment la dalle !

Les larmes aux yeux, Salamèche se releva en premier.

— Va-t’en, Carapuce !

— Quoi… ? grommela-t-il en le toisant le protéger. Tu t’prends pour un héros ? J’ai pas besoin de toi pour m’en sortir !

— T’as aucun instinct de survie ou quoi ?! Pour une fois dans ta vie, écoute-moi et fuis !

— Ne me donne pas d’ordre, pouilleux de lèche-cul analphabète !

— Mais sur quelle bande d’abrutis je suis tombé ? Allez, ça suffit !

La montagne de muscles bondit vers ses cibles, prêt à les attraper.

— Je n’aurais pas dit mieux ! affirma une voix bien connue.

Entre les deux enfants se faufila un scintillement fulgurant, percutant de plein fouet sa cible sans même lui laisser le temps de réagir. Tartard s’écroula, inconscient. Lorsqu’ils rouvrirent les yeux, c’est la figure d’un grand homme accoutrant une combinaison en tissu qui moulait ses muscles ainsi que des gants, des bottes et une grande cape rouge qui leur faisait face. Les rayons du soleil se reflétaient sur son foulard couleur or.

— Pharamp ! exclamèrent-ils en même temps.

— Ne vous inquiétez pas, les enfants ! Je… ! Euh… J’ai réagi à son « allez, ça suffit » hein, pas à sa remarque désobligeante !

C’était bien lui, le numéro un des explorateurs et son grand sourire réconfortant.

— C’est vrai que c’était plutôt ambigu, j’aurais dû balancer autre chose… bref ! Vous allez bien ?

— Oui, soupira Salamèche, merci beaucoup…

— Pas de soucis, mon grand, je suis là pour ça.

— Ouais enfin ça allait, rétorqua Carapuce, je gérais.

— Tu gérais… ? répéta Pharamp.

— J’aurais pu m’enfuir rapidement. Je suis plutôt agile et endurant, vous savez ?

— Oh, vraiment ?

— Carrément ! En fait, je m’entraîne depuis longtemps dans un dojo ! Je sais faire des choses qu’aucun autre enfant de mon âge sait faire ! J’ai beaucoup d’avance dans tout ce qui est performance sportive et art martial ! Mais c’est normal, puisque j’ai l’intention de devenir explorateur ! Nan, pas juste explorateur ! Je veux devenir le prochain numéro un ! Je veux vous détrôner, Pharamp !

— Mais non ! Incroyable !

— Et rien ne m’en empêchera ! C’est pour ça que je suis ici, je voulais vous prouver que j’étais à la hauteur de vous suivre ! C’est qu’une question de temps avant que j’vous dépasse !

— Mais je te souhaite de réussir, mon grand !

— C’est vrai, vous pensez que j’y arriverai ?!

— Non, jamais.

Sa voix était devenue ferme et glaçante. Le souffle de Carapuce se coupa brusquement.

— Quoi… ? nia-t-il d’un léger mouvement de tête.

Pharamp croisa les bras.

— Effectivement, c’est du jamais vu ! Un hors-la-loi d’au moins un mètre trente et soixante-dix kilos, affamé car se réfugiant dans un marécage répugnant tente de vous dévorer, et toi tu le provoques au lieu de t’enfuir en courant !

— Il n’allait pas vraiment nous manger, si ?

— Vous dévorez bien des Magicarpe en brochette, non ? Les tissus que vous portez ne vous protègent pas.

— Mais j’avais le pouvoir de lui échapper, je vous assure !

— Et lui ? demanda le numéro un en pointant Salamèche du doigt.

— Bah demandez-lui directement !

— Tu l’aurais abandonné à son sort ?

— C’est pas mon problème.

— Ça devrait.

Il s’approcha du garçon à la queue enflammée et s’agenouilla face à lui.

— Tu t’es senti obligé d’aller le secourir, hein ?

— C’était irresponsable, répondit Salamèche, j’aurais dû m’y prendre autrement…

— Pour un gamin effrayé, c’était pas si mal.

Il détacha le foulard de son cou et le ficela autour du sien.

— Les choses allaient dégénérer, mais tu es resté toi-même. Ce n’est pas grand-chose, mais il en faut peu pour reconnaître un héros. Tu peux être fier de toi, fiston !

Yeux dans les yeux, ils s’échangèrent un simple regard. L’un des deux se mit peu à peu à trembler.

— Hé, tiqua l’adulte, ça va aller ?

— C’est… c’est ce que j’aime !

— Quoi donc ?

— Aider les Pokémon ! cria-t-il de tout cœur. Je veux faire ça, j’en suis sûr !

— Soit ! rigolait Pharamp. Pourquoi ne pas s’engager sur la voie de l’exploration ?

— Vous pensez que je suis capable de devenir comme vous ?

— Qui sait ? Peut-être qu’un jour, tu me rendras ce foulard ?

Il se tourna vers Carapuce. Ce dernier détournait le regard.

— Je… marmonnait-il, je voulais juste…

D’un léger soupir, Pharamp dégaina d’une proche un second foulard couleur or.

— Tiens, c’est pour toi.

Hésitant, Carapuce le récupéra malgré tout.

— Tout le monde commet des erreurs, il n’y a rien de grave. Mais tu dois écouter les adultes et respecter les règles de ton village. Le monde extérieur est dangereux et morbide, crois-en mon expérience. Dis-moi, est-ce que tu souhaites vraiment me surpasser ?

Le garçon à la carapace hocha la tête.

— Alors rentre-toi ça dans le crâne : tu n’y arriveras jamais seul. L’exploration, c’est avant tout un travail d’équipe.

Salamèche aussi hocha la tête.

— Bon, il est temps de rentrer ! Je vous raccompagne.

— Et qu’est-ce qu’on fait de lui ? demanda le type Feu en direction de Tartard.

— Laissons-le ici, il ne vaut pas la peine qu’on fasse se déplacer une équipe d’aussi loin pour l’appréhender. Tant que vous n’approchez pas les marécages, ce lâche ne devrait faire de mal à personne. Allez, dépêchons-nous, je n’étais déjà pas bien en avance, moi…

Et ainsi s’acheva cette courte excursion hors du village.

De retour à Bourg-Tranquille, beaucoup d’adultes s’étaient regroupés face à l’allée les séparant de la civilité. Rapasdepic, la maire du village, s’était déplacée non sans manquer de faire savoir son mécontentement.

— Vous voulez dire que le lézard enflammé nous cause déjà des problèmes ? nargua-t-elle en fixant Pifeuil.

— Je comprends pas, s’excusa-t-il, il sait pourtant que le monde extérieur est très dangereux…

— C’est également ma faute, ajouta la douce voix d’une vieille tortue âgée. Je vous prie de nous excuser pour le désagrément, madame la maire.

Grand et fin, il portait une robe éreintée et se déplaçait avec une canne. Sa peau était plus foncée et sa carapace d’une matière tout autre que celle de celui dont il avait la charge.

— Monsieur Mégapagos, reprit-elle, vous ne pouvez pas être partout à votre âge. Ne vous inquiétez pas, les secouristes que j’ai contactés devraient être là d’une minute à l’autre.

— Regardez, exclama Germignon, ils sont là !

Les deux garçons sortaient de l’ombre, couverts de boue et d’une odeur irritante. L’un souriait, l’autre détournait le regard, les pattes dans les poches. Alors que leur père respectif fonçait les débarbouiller, Rapasdepic s’éloigna en ruminant, défigurant le jeune lézard d’un air ennuyé.

— Mais qu’est-ce qui vous a pris ?! questionna la vieille tortue d’un air inquiet. Ça aurait pu très mal finir, les enfants !

— Ouais ouais, remâcha son petit, c’est bon on a compris je pense…

— Nous sommes désolés, rattrapa le jeune amnésique. Je ne sais pas comment nous nous en serions sortis, sans Ph…

En se retournant pour le présenter aux adultes, Pharamp n’était plus là.

— Viens mon p’tit gars, il va falloir nettoyer tes fringues avant le retour à l’école. Sur ce, mon brave Mégapagos…

— Rentrez bien, Pifeuil.

La foule se dispersa peu à peu.

La lune se levait, lorsque le bonhomme vert faisait griller des baies tout en préparant deux assiettes de salade verte.

— Explorateur ? rigolait-t-il en récupérant la marmite dans la cheminée. Alors ça, pour une surprise !

De son côté, Salamèche attachait de différentes manières le cadeau que lui avait fait le numéro un. Autour de son cou, de son bras ou attaché en nœud à sa ceinture, il hésitait longuement.

— Je sais que la mère de Pikachu lui interdit d’en devenir un… marmonna-t-il.

— Ouais, c’est pas très bien vu dans les p’tites bourgades. Paraît-il que Bourg-Tranquille touche vraiment l’fond, d’ailleurs.

— Mais aider les autres, je… c’est ce que j’ai envie de faire, Pifeuil !

— Tu te sens redevable de ce qu’on fait pour toi, hein ?

— C’est normal, non ?

— Faut croire que c’est pas évident pour tout l’monde. Mais si tu deviens explorateur, tu passeras forcément par-là.

— Alors… vous n’y voyez aucun inconvénient ? Je peux devenir explorateur ?

— Si c’est ce qui te plaît vraiment, alors je t’encouragerai de tout mon cœur !

Il l’attacha finalement autour de son cou. Puis, il rejoignit Pifeuil dans le salon et l’enlaça, la tête plongée dans ses tissus.

— Wow ! Ça va, j’suis pas un monstre non plus !

— Merci, Pifeuil ! Merci pour tout !

— Allez mon p’tit gars, lui sourit-il en lui choyant la tête, le dîner va être prêt !

Et ainsi s’acheva cette journée si particulière. Salamèche se couchait avec le sourire, désormais. Il avait hâte que la nuit passe pour raconter à Pikachu tout ce qui lui était arrivé. Il avait hâte que les semaines et les mois passent pour que l’école se termine. Il avait hâte de grandir, pour aider les autres Pokémon en devenant explorateur. Sa vie avait un sens, désormais.

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