Le Poids de nos Erreurs
- Angela, est-ce que ça va ? demanda Ana.
La docteure avait les yeux rougis par les pleurs et regardait un coin du mur, l’air vide. Elle sursauta aux paroles de l’égyptienne.
- Eh...pas vraiment Ana…
- Qu’est-ce qui se passe ?
- C’est Widow...madame Lacroix. Elle m’a…
Angela baissa la tête.
- ...rappelé de mauvais souvenirs, acheva-t-elle.
Ana jura intérieurement. Toutes ces années passé à craindre le fusil de Widowmaker lui avait fait oublier à quel point sa langue était acéré. Mais elle avait depuis croisé un Winston confus, puis une Lena en rage. Et maintenant, c’était Angela qui pleurait… Elle allait avoir une sérieuse conversation avec l’autre snipeuse.
- Est-ce je peux aider ? demanda-t-elle à Mercy.
- Non...je...je suis désolé Ana mais...ce n’est pas quelque chose dont j’ai envie de parler.
- D’accord. Tu m’as demandé de venir à quel sujet alors ?
Angela ferma les yeux et prit quelques secondes pour se recomposer un visage.
- En analysant tes données médicales et celles de madame Lacroix, j’ai trouvé quelque chose.
Elle se tourna vers son bureau et y activa un écran, montrant une vue en 3D d’une tête humaine.
- Vos deux cerveaux présentaient des traces de...perturbations récentes, poursuit-t-elle. Aux endroits qui s’occupent de recevoir et traiter les informations extérieures, comme la vue, les sons, le toucher et la douleur.
Être de nouveau dans son domaine de prédilection avait rendu à Angela la majorité de son assurance. Ana, elle, affichait une mine stupéfaite.
- Donc, Bianca manipulait nos cerveaux pour que nous pensions être en train de l’affronter ?
- C’est la théorie la plus probable.
- Mais alors pourquoi nous a-t-elle juste fait combattre des doubles d’elle-même ? Elle aurait pu faire croire que nous étions perdus dans un labyrinthe, en train de nous noyer dans l’océan ou face à un titan omnic…
- Tu sais Ana, le cerveau humain est incroyablement complexe. Le “pirater” en temps réel doit être effroyablement difficile. Et chaque type “d’illusion” demande d’envoyer des “informations” différentes, chacune représentant une masse de donnée à maintenir et ajuster constamment. Bianca n’est sans doute pas capable de crée d’autres effets que celui auquel toi et madame Lacroix avaient fait face.
- Ou alors, elle gardait en réserve ses meilleurs atouts pour un moment où elle en aurait davantage besoin. C’est ce que ferait tout bon militaire.
- C’est aussi une possibilité.
Les deux femmes restèrent songeuses un instant, pensant à tout ce que cette sombre probabilité sous-entendait.
- Merci beaucoup pour cette information Angela, dit finalement Ana. Cela aide beaucoup de savoir comment notre ennemi combat.
- Je vais continuer mes analyses pour voir si je peux obtenir d’autres informations.
- Et moi je dois aller voir notre prisonnière.
Angela eut un frisson.
- Fais attention, dit-elle.
- Ça devrait aller. Je commence à la connaître. Aller, à tout à l’heure.
Ana se dirigea vers les prisons de la base. Lorsqu’elle approcha de la cellule de Widowmaker, elle vit celle-ci entrer dans la salle destinée aux conversations avec ses visiteurs. Elle avait entendu son arrivé.
L’autre snipeuse arborait un air de profond contentement. S’être ainsi joué de Winston, Lena et Angela semblait l’avoir grandement amusé. Cela énerva Ana.
- Pour qui vous prenez vous ?! dit-elle en guise de salutation, sans prendre le temps de s'asseoir.
- Plaît-il ? répondit Widowmaker, avec une politesse impeccable.
- Vous jouez ainsi de Winston est d’une mesquinerie indigne. Et ce que vous avez fait à Lena et Angela est inadmissible !
- Oooooh. Et qu’est-ce que vous allez me faire, vieille femme ? Me mettre en prison ?
Cette pique rappela à Ana son manque d’emprise sur l’autre snipeuse. Elle avait trop besoin d’elle. Ses pensées avaient dû se traduire sur son visage, car Widowmaker afficha un air à la fois amusé, satisfait et moqueur.
- Pour quelqu’un venue ici chercher des alliés, reprit Ana. Vous vous y prenez plutôt mal.
- Vous confondez amis et alliés. Mais après tout vous confondiez déjà collègues et familles… À propos, comment va Soldat 76 ?
Ana souffla profondément. Discuter avec cette peste ne servait à rien. Autant aller droit au but et en finir au plus vite.
- Winston m’a demandé de vous parler. Pour vous convaincre de renoncer à partir avec nous libérer Gérard.
- Et vous avez pris la peine de venir ici pour apprendre quelque chose que vous saviez déjà ? Je serais de la mission, vieille femme. Ou il n’y en aura pas. Mais nous savons déjà toute les deux ce que vous allez choisir. Alors arrêtez ces vaines tentatives et libérez-moi que nous puissions nous mettre au travail.
- Ce serait plus simple pour tout le monde si vous mettiez votre fierté de côté et nous laissiez agir.
- Non. Ce serait plus simple pour vous. Pas pour moi.
- Les autres seront bien plus efficace s’il n’avait pas à craindre en permanence que vous leur tiriez dans le dos.
- C’est bien ce que je disais : plus simple pour vous. Pas pour moi.
- Nous allons attaquer un ennemi dangereux et inconnu dans son propre repaire. Nous avons besoin que tout le monde soit au meilleur de sa forme.
- Et vous aurez donc aussi besoin de la meilleure tireuse actuellement sur cette base. Quant à l’état de vos anciens agents...vous n’avez qu'à les materner pour qu’il soit à l’aise. C’est bien votre spécialité, non ? Vu que ce n’est pas le tir…
Elle tentait de l’énerver… Non en fait, elle y arrivait.
- Je n’ai pas envie de sauver Gérard pour que vous lui mettiez ensuite une balle dans la tête !
Le visage de Widowmaker passa de la satisfaction intense à la plus glaciale des froideurs.
- Et je ne le ferais pas. Combien de fois devrais-je vous le dire ?
- Vous pouvez le dire un millier de fois, je ne vous croirais pas ! La passion du meurtre a remplacé celle de l’amour dans votre cœur. Et vous avez toujours aimé la vengeance. Ce serait bien votre genre de tuer Gérard, pour couper tout lien avec votre passé et le punir de sa lâcheté.
- Laissez la psychologie aux psychologues, vieille femme.
- Qu’est-ce que vous pouvez me donner comme assurance que ce que cela n’arrivera pas ?
- Aucune, répondit Widowmaker. Vous allez devoir prendre le risque.
Ana serra ses deux poings. La tentation de lancer une remarque incendiaire lui traversa l’esprit. Mais à quoi bon ? Cela ne changera pas la réalité. Finalement, sans un mot de plus, l’égyptienne tourna les talons et partie.
Elle allât retrouver Winston. Le scientifique était occupé à tracer des équations à la craie sur un grand tableau noir.
- Elle ne donnera rien si nous ne la relâchons pas, annonça Ana.
Cela fit se retourner Winston.
- Qui ça ? Ah oui...hum...cela complique notre affaire…
- Et comment.
- Nous devrions rassembler tout le monde pour en discuter.
Ana acquiesça.
Quelques minutes plus tard, tous les membres d’Overwatch étaient dans la salle de briefing.
- Madame Lacroix n’acceptera pas de compromis pour son récepteur, commença Winston. Etienne, quand est-il du décryptage ?
- J’ai fait appel aux meilleurs informaticiens que je connaissais. Ils ont bien décelé la patte de Sombra sur les protections. Il est impossible de décoder ça à court terme. Cela ne nous laisse plus que deux choix…
- Renoncer à secourir un camarade ou libérer une meurtrière, dit Reinhard.
- C’est un peu plus compliqué que ça, grand dadais, fit remarquer Torbjörn.
- Laissons cette psychopathe pourrir en cellule ! s’exclama Tracer. Nous arriverons bien à coincer Bianca un jour ou un autre !
Ana soupira.
- Et si ce n’est pas le cas, Lena ? Nous n’aurons peut-être jamais de meilleure chance.
- Cap, le commandant aussi voulait se venger. Faites attentions à ne pas devenir comme lui.
- Je ne tuerais pas d’innocent pour atteindre son but, Lena.
- Mais si Widowmaker en tue après que nous l’ayons libéré, ce sera notre faute.
- Et si Bianca en tue, ce sera aussi la nôtre. Mais il n’y a pas qu’elle. Le superviseur de la BDI faisait partie des conspirateurs. Il a ordonné à ma fille de nous tuer, moi, Jack et Gérard. Combien d’autres morts commandera-t-il pour couvrir ses traces ? Et il n’est même pas le seul.
L’égyptienne marqua une pause avant d’ajouter :
- C’est une criminelle en liberté d’un côté, des dizaines de l’autre. Le choix...me parait clair.
Ana savait qu’elle allait regretter ses paroles. Dès qu’elle verrait Widowmaker faire un sourire arrogant à sa libération. Ou si on lui annonçait un nouvel assassinat commis par la femme bleuté. Ce genre de choix était toujours douloureux.
- Est-ce que vous êtes sûr de vous, capitaine ? demanda Winston.
- Non. Je déteste cette femme, même maintenant. De plus, rien ne dit que tout ça n’est pas un piège élaboré de Talon. Enfin, j’ai peur qu’elle s’en prenne à Gérard si elle le retrouve. Mais...c’est le moindre mal.
Personne n’ajouta rien après ces paroles. Le silence régna pendant plusieurs minutes.
- Équipez-vous, dit finalement Winston. Nous partons en mission.
***
- Vous savez que je ne mords pas, dit Amélie d’une voix douceâtre.
- Pas pour autant qu’on veut supporter ta présence, répondit Tracer.
- Quelle dommage chérie. Tu es tellement charmante.
Elle avait parlé d’une voix extrêmement sensuelle et eut la satisfaction de voir Tracer rougir et bafouiller en baissant la tête. Amélie s’autorisa un petit sourire satisfait.
La snipeuse se trouvait dans un transport d’Overwatch, assise sur un des sièges de la salle principale. Les autres membres de l’organisation se trouvait à l’autre bout de l’appareil, bien à l’écart.
Ils l’avaient enfin libéré, avant de lui rendre tout son équipement. Le transport était parti quelques minutes après. Tous savaient que le temps comptait. Et ni elle ni eux n’avaient envies de maintenir cette collaboration très longtemps.
Leur destination était une petite ville de campagne du nord de l’Italie. Mais Amélie ne leur avait pas dit. Elle se contentait de donner des indications au fur et à mesure. Il y avait peu de chance que ses alliés trahissent leur parole…mais mieux valait être prudente.
Pendant le voyage, Ana l’avait rapidement briefé sur les capacités de Bianca. L’idée que l’on manipule encore son cerveau énervait profondément Amélie. Mais elle allait devoir faire avec.
- Déposez moi là, dit finalement la snipeuse, lorsque le transport aérien fut proche de la ville. Je vous donnerais les coordonnés finales une fois que je serais au sol.
- C’est pas trop tôt, maugréa Torbjörn.
L’appareil s’approcha du sol avant d’ouvrir ses portes. Amélie en descendit, avant de transmettre les coordonnés de son mouchard, qui n’avait plus bougé depuis quelques heures, à Overwatch. Ensuite, elle activa son communicateur.
- Athéna, Etienne, qu’est-ce que vous pouvez nous trouvez sur cet endroit ? demanda Winston.
- C’est le siège d’une compagnie de sécurité de haut niveau, répondit en premier l’intelligence artificiel. Ils sont spécialisés dans la protection de personnalités, d’événements et de convois.
- Une bonne couverture pour un groupe de mercenaire, ajouta Etienne. Bianca doit avoir installé sa base dans les souterrains. Athéna, tu peux nous obtenir un plan des égouts de la ville ?
- Affirmatif. Le transfert est déjà en cours.
Pendant qu’ils parlaient, Amélie avançait, passant de toit en toit grâce à son grappin. L’aube approchait doucement et la ville dormait encore. Elle fut bientôt en vue du bâtiment en question.
C’était une grande structure faite de murs en verres et de poutres métalliques. Cela donnait l’impression que l'endroit n’avait rien à cacher en plus d’évoquer la modernité. L’ensemble faisait davantage penser au siège social d’une entreprise de nouvelles technologies qu'à une place forte. Néanmoins...
- Il y a des vigiles tout autours des lieux, dit Amélie dans son communicateur, tout en observant avec son fusil de précision. Ils portent des gilets pare-balles sous leurs costumes et ont des armes de poing. Le verre de certains bureaux est blindé.
Elle activa sa visière, avant de se remettre à regarder.
- Oh, quels petits cachotiers… Il y a des drones de combats cachés non loin des entrés. Et j’aperçois en effet des traces de chaleurs dans les sous-sols.
- Quel genre de traces ? demanda Ana.
- Le genre qui trahit une installation de grande taille.
- J’ai finis d’analyser les plans des égouts, dit Etienne. Il y a suffisamment d’espace sous ce bâtiment pour abriter un vaste complexe.
- Je doute que Bianca n’est que des vigiles et des drones pour défendre sa base, intervient Ana. Elle doit cacher d’autres surprises plus loin dans le bâtiment.
- Je préfère connaître ce que nous allons affronter, dit Winston.
- L’improvisation c’est pourtant la spécialité d’Overwatch, non ? répondit Widowmaker.
- Nous n’obtiendrons rien d’autre à court terme, déclara Etienne. Avec plus de temps, j’aurais pu mener une enquête mais là...vous allez devoir y aller en aveugle.
- Capitaine, dit le scientifique. Je vous passe le commandement.
Amélie ressentie une pointe d’agacement en se disant qu’elle allait devoir obéir à Ana. En même temps, c’était toujours mieux que d’être commandé par un singe.
- Très bien, répondit l’égyptienne. Voilà le plan…