Le Poids de nos Erreurs
Amélie se retourna vers Ana. La vieille femme l’observait d’un air méfiant, même si son fusil était pointé vers le bas.
- Est-ce que vous allez m’attaquer ? demanda l’égyptienne.
- Ce n’est pas dans mes intentions, répondit sèchement Amélie.
- Alors ça ne vous dérange pas si nous posons toutes les deux nos armes par terre ?
La snipeuse rapprocha instinctivement son fusil.
- Hors de question.
Ana redressa un peu son arme.
- Qu’est-ce que vous comptez faire maintenant ?
- Ça ne vous regarde pas, vieille femme.
Elle ne voulait pas se battre avec la vétérane, sincèrement. Mais il lui était impossible de ne pas être hostile avec elle. Il y avait eu trop de combats passés. Trop de temps à la considérer comme une rivale.
Malgré tout, Amélie réfléchit à la question. Depuis la destruction du blocage mentale, elle avait agi par instinct, sans plan préétabli. Que faire maintenant ?
L’évidence était d’aller délivrer son mari. Le mouchard allait lui indiquer où Gérard serait retenu.
Le problème était que Bianca commandait une petite armée de mercenaires, bien équipés et bien entraînés.
Pour ses missions habituelles, ça n’aurait pas effrayé Amélie. Au contraire même, elle préférait travailler seule.
Mais tirer une balle sur une cible à trois cents mètres, c’était bien plus facile que de s’introduire dans une base lourdement gardée, y libérer quelqu’un et ressortir avec lui. Elle n’allait pas pouvoir y arriver seul.
Faire appel à Talon était bien évidemment impossible. Le nom d’une demi-douzaine de mercenaires passa dans sa tête. Mais il y avait plusieurs difficultés : il faudrait du temps pour les réunir, or Gérard risquait d’être déplacé à n’importe quel moment. En plus, Bianca pourrait sans doute surenchérir sur son offre pour que les mercenaires se retourne contre Amélie. Sans même parler du fait que Talon devait être en train de récupérer l’argent de ses comptes.
La solution lui apparut soudainement.
- Je vais aller voir Overwatch, dit-elle à Ana.
La vieille femme eut une mine stupéfaite.
- Pardon ?
- J’ai besoin de leur aide pour récupérer mon mari. Et ils ont besoin de la mienne pour obtenir ces preuves.
C’était parfait. Elle les tenait à la gorge. Winston et ses compagnons seraient prêt à tout pour punir ceux qui avaient détruit leur organisation. Et seule Amélie savait où trouver Bianca désormais.
- Vous allez m’aider, poursuivit Amélie. Vous le devez à Gérard. Sans compter que vous avez sans doute dix fois plus envie que moi de retrouver Bianca.
- Et comment allons-nous...oh...vous avez tiré un mouchard c’est ça ?
Amélie répondit par un grand sourire satisfait.
- Vous seriez prête à donner l’emplacement de Bianca à Winston s’il sauvait Gérard pour vous ? demanda prudemment Ana.
- S’il m’aide à le sauver. Je ne compte pas rester assise à rien faire tandis que mon mari est retenu prisonnier.
Ana fronça les sourcilles.
- Winston ne vous laissera pas combattre.
- Moi je ne le lui laisserais pas le choix. C’est ça ou rien. Et les données de mes mouchards sont cryptés. C’est Sombra qui a créé la protection. Donc s’il veut passer outre...je lui souhaite bonne chance.
La snipeuse s’autorisa un nouveau sourire satisfait. Elle adorait ça. Cette sensation de contrôle.
Ana serra les dents.
- Gérard m’a dit que vous souffrez d’une maladie mentale. Votre place est dans un hôpital, pas sur un champ de bataille.
Amélie eut une image terrifiante : elle-même, enfermé dans une pièce aux murs blanc, privée de toute liberté. Elle frissonna.
- Essayez donc de m’y placer ! répondit-elle avec colère.
- J’essaye juste de vous aider !
- Alors aidez-moi à récupérer mon mari !
- Pour que vous puissiez le tuez ?
Amélie écarquilla les yeux.
- Quoi ?! Non ! Qu’est-ce qui vous fait pensez ça, vieille folle ?!
- Vous l’avez frappé.
Amélie eut une petite moue agacée, comme une gamine prise en faute.
- J’étais en colère. Il venait d’avouer m’avoir abandonné pendant six ans. Je déteste quand il agit aussi lâchement. Ce n’est pas la première fois…
- Et maintenant, je dois croire que tout est arrangé et que vous allez vivre le parfait bonheur une fois que vous vous serez retrouvés ?
- Oui.
Ana la scrutant attentivement, détaillant chaque trait de son visage.
- Arrêtez ça, dit Amélie. C’est agaçant.
- Oh parce que vous n’êtes pas agaçante peut être ?
Amélie resserra la prise de son arme.
- Je suis votre seule chance d’obtenir la vengeance que vous et votre meilleur ami cherchez depuis si longtemps. Alors vous ferez mieux de me ménager, vieille femme.
L’égyptienne parut hésitante.
- C’est pour ça que vous suiviez Morrison comme un brave petit toutou, non ? reprit Amélie. L’aider à trouver et punir les coupables. Allez-vous abandonner ce pour quoi il est mort ?
- Jack n’est pas mort ! protesta Ana.
- Ooooh. Vous m’en voyez ravis. Mais vu qu’il n’est pas actuellement avec vous, je pense qu’il n’est pas vraiment indemne non plus.
L’égyptienne baissa la tête. Amélie crut voir une larme.
- Allez-vous l’aider lui en poursuivant son œuvre, ou m’aider moi en essayant de me mettre contre mon gré dans un asile, alors que mon mari est retenu prisonnier et que votre traîtresse court toujours ?
L’égyptienne se redressa et, à son expression, Amélie sut qu’elle avait gagné.
- Allons retrouvez Winston, dit Ana.
***
- Tu ne parais pas aller très bien, dit Bianca.
- Peut-être parce que j’ai été kidnappé par une meurtrière impitoyable ? répondit Gérard.
- Ta femme t’a kidnappé ? Oooh, non…tu parles de moi. Désoler. Juste que je ne me vois pas vraiment comme “impitoyable”. Je trouve que c’est vraiment dommage tous ses agents qui sont mort. C’étaient des types bien. Mais que veux-tu ? Le monde est comme ça. Soit on s’adapte, soit on subit.
Les deux se trouvaient dans le transport des mercenaires, un peu à l’écart des sbires de Bianca, ces derniers étaient en train de soigner leurs blessures ou de vérifier leur équipement. Outre Gérard, Assistant aussi avait été récupéré.
- J’aurais pensé que tu détruirais ces données, dit l’espion, tout en montrant la cache du menton.
- Ça ? Tu plaisantes ! Tu imagines ce que je vais pouvoir gagner en chantage avec ?
- Il n’y a vraiment que l’argent qui t’intéresse ?
- Eh ! De un, c’est toi qui m’as appris cette méthode. De deux, non. J’aime beaucoup la technologie aussi. Et les bons défis. Sinon, j’aurais pris ma retraite depuis longtemps.
Gérard eut un léger soupir.
- Qu’est-ce que tu vas faire de moi ? demanda-t-il.
- Déjà, te donner un nouveau costume. Tu n’imagines pas à quel point c’est déstabilisant de te voir en porter un déchiré.
Gérard eut une mine profondément agacée.
- Si, j’imagine très bien.
- Ensuite...et bien on pourra reprendre notre collaboration. Comme au bon vieux temps !
- Sérieusement ?
- Non. En vrai, tu es un outil de chantage supplémentaire. Il y a beaucoup de personne qui ne voudrait surtout pas que tu reviennes dans le monde. Mais j’ai bon espoir qu’avec le temps, et l’ennuie, l’envie de travailler te reprenne.
- Amélie t’aura tué avant.
- Moi je pense que Talon s’en occupera avant qu’elle me trouve. Mais même si ce n’est pas le cas...et bien, je t’ai dit que j’aimais les défis ?
Gérard s’adossa contre le mur derrière lui en soupirant.
- Je suppose que tu as gardé Assistant pour t’emparer de sa technologie ?
- Exactement. Un drone de cette qualité, se serait dommage de l’envoyer à la casse. D’ailleurs, aucun moyen que tu me dises où est sa créatrice, je suppose ?
- Non.
- Bon. L’avoir est déjà bien. Par contre, tu l’as un peu sous-équipé. J’ai quelques petites idées d’améliorations... Ça va être du tonnerre !
***
Ana était mal à l’aise.
Il y avait de quoi. Elle était en route pour Gibraltar...dans un transport de Talon.
Ayant été réduit à l’état de fumée, Reaper n’était jamais retourné dans son appareil. Cela avait laisser à son ancienne coéquipière l’occasion de le récupérer. Et maintenant, Ana voyageait dedans. En compagnie de Widowmaker.
L’égyptienne avait essayé de penser à elle en tant qu’Amélie ou madame Lacroix. Comme autrefois. Mais c’était impossible. Sa manière d’agir, de parler, cette façon d’agripper son arme… C’était exactement la même que celle de Widowmaker. Briser le blocage mental n’avait enlevé que sa loyauté à Talon.
Et elle allait devoir convaincre Winston de collaborer avec cette femme. Ana avait déjà dû mal à s’en convaincre elle-même.
Au fond l’égyptienne ne pouvait se départir de l’idée que tout ça allait mal finir. Que Widowmaker allait les trahir d’une façon ou d’une autre.
Mais elle devait aller jusqu'au bout. Pour Jack.
Elle jeta un coup d’œil sur Widowmaker, assise juste en face d’elle, tandis que le transport était en pilotage automatique.
L'assassine regardait son arme, une moue ennuyée sur le visage.
- Vous pourriez au moins vous excusez, dit Ana.
Le visage d’Amélie se durcit tandis qu’elle leva la tête.
- M’excuser de quoi ?
- De m’avoir pris un œil et d’avoir assassinés mes agents. Sans compter tous les autres que vous avez tués.
- J’étais forcé d’obéir. Gérard a dû vous le dire, non ? Alors je n’ai pas à m’excuser d’acte que j’ai accomplis quand j’étais privée de libre arbitre. Ce serait plutôt à vous de s’excuser pour me rappeler des mauvais souvenirs.
- S’agit-il vraiment de mauvais souvenir ?
Elle ne répondit pas et baissa la tête. Ana prit cela pour un non. Ce n’est pas comme si elle avait vraiment besoin de réponse. Elle savait que Widowmaker ressentais un intense plaisir en tuant, blocage mentale ou non.
Un nouveau silence s’installa. Il dura une bonne dizaine de minute.
- Bianca est parvenu jusqu'à moi et Gérard, dit Widowmaker. J’aurais pensé que vous l’auriez arrêtée.
- Je l’ai fait. Je l’ai touché deux fois avec des seringues empoisonnées. Elle était à terre, vaincue et désarmée...puis elle a disparu.
L'assassine n’ajouta rien.
- A vous aussi c’est arrivé, n’est-ce pas ? demanda Ana.
- Oui. Elle a pris un tir à la tête qui aurait dû la tuer. Mais il n’y avait pas de corps et…
- Les blessures qu’elle a faite ont disparu.
Widowmaker hocha la tête. Ana se sentait un peu rassuré. Elle n’était pas folle, ou sénile. Une piste à écarter.
Quelle technologie Bianca avait donc utilisé lors de ce combat ? Un téléporteur incroyablement discret doublé d’un système de soin instantané ? Mais alors comment expliquer que les dégâts qu’elle causait disparaissait ? Il faudrait aussi en parler avec Winston.
Le reste du voyage se passa dans le silence. Arrivé près de Gibraltar, Ana s’approcha de la console de commande. Ses anciens agents se demandaient sans doute pourquoi un appareil de Talon se dirigeait vers leur base.
Elle allait devoir le leur expliquer. Comme beaucoup d’autre chose…