Le Poids de nos Erreurs

Chapitre 20

2669 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/10/2017 14:36

- Cible repérée, annonça Amélie.


Il avait fallu recourir à de considérables ressources. Mais cela avait payé. Un informateur de Talon avait aperçu Gérard et Ana sur une autoroute reliant Paris à Bordeaux. Reaper et Widowmaker s'étaient immédiatement lancés à leurs poursuites.


Situé sur le toit d'un centre commercial, Amélie apercevait un camion primitif. L'engin utilisait encore des pneus alors que l'antigravité était devenu la norme. Mais ce qui intéressait le plus la snipeuse était de voir à l'intérieur Gérard et Ana.


- Demande permission d'attaquer, dit Amélie.


- Pas maintenant, lui répondit Reaper.


- Pardon ?


Amélie en avait assez d'attendre. Elle avait eu son compte de recherches, de combats et d'échec. Cette affaire l'agitait trop. Cela faisait des jours qu'elle ne s'était pas sentie apaisée.


- Le connaissant, Gérard doit mener Ana à une de ses caches d'informations, expliqua Reaper. Si nous mettons la main dessus, cela pourrait faciliter nos futures opérations…et me donner les emplacements de quelques noms sur ma liste.


La tentation de tirer était grande. Que pourrait faire Reaper après tout ? Amélie n'avait pas peur de lui.


Mais Talon…Talon ne serait pas content. Elle devait obéir. Même si cela signifiait attendre.


À contrecœur, Amélie éloigna son doigt de la gâchette.


**

*


- Tu es sûr que ça va ? demanda Ana.


- Oui maman, répondit Gérard.


- Arrête de m'appeler comme ça.


- Oui maman.


Ana soupira d'agacement.


Elle s'était réveillée quelques heures plus tôt, assise dans le camion, totalement indemne. Gérard l'avait placée là, après avoir installé la roue de secours. Il lui avait raconté tout ce qui s'était passé avec Genji.


Ce récit avait été une agréable surprise pour Ana. Elle se souvenait du cyborg comme un jeune homme mélancolique, en proie au doute et à des coups de colères. Qu'il ait réussi à devenir quelqu'un d'aussi sage, c'était un peu comme… voir ses enfants grandir.


Un léger bip attira son attention. Il venait du bracelet de Gérard. Ce dernier tourna l'écran dans sa direction. Il y avait quelque chose de marqué dessus. Mais c'était en français et Ana ne lisait pas cette langue.


- Qu'est-ce qui est écrit ? demanda l'égyptienne.


- Que le calcul des paramètres est terminé et que tous les systèmes sont opérationnels. Et je dois dire que ce n'est pas trop tôt.


- Et ces systèmes servent à quoi ?


- À se défendre. Ce bracelet est une arme. Je l'avais fait concevoir il y a sept ans. Mais il a été achevé seulement deux jours après ma « mort ». Il n'aurait pas changé grand-chose à l'époque. Maintenant, si.


Ana hocha la tête et n'ajouta rien. Cela ne l'inquiétait pas de savoir Gérard armé. Il avait eu quantité d'occasions de lui faire un coup en traître, qu'il n'avait pas saisies.


Quelques heures passèrent. Ana dormit un peu. Puis, elle prit le volant pour que Gérard fasse de même.


À un moment, une silhouette sur la route attira son attention. C'était un robot qui faisait de grand signe de main dans sa direction. Assistant.


Ana réveilla Gérard et lui montra le drone.


- Ah parfait, réagit l'espion. Il a bien reçu mon message.


- Tu lui avais envoyé un message et tu ne me l'as pas dit… Je ne suis même plus surprise.


- Désolé Ana. Mais tu sais que dans ma profession, cloisonner les informations est un réflexe.


- Tu n'es plus un espion, tout comme je ne suis plus capitaine.


- D'accord, d'accord… arrête toi près de lui s'il te plaît.


C'est ce qu'elle fit. Assistant s'approcha d'eux. Il s'était totalement remis des dégâts que lui avait causé Jack, tout comme il avait retrouvé une arme.


- Bonjour monsieur, dit-il. Il est surprenant que vous soyez encore en vie. À mon départ, vos chances de décès étaient de 83,17%.


- Il y a eu quelques nouveaux paramètres en court de route, répondit Gérard. Allez monte, je risque d'avoir besoin de toi sous peu.


Assistant grimpa à l'arrière du camion et ils reprirent la route.


Le reste de leur voyage se passa sans incident. Finalement, ils atteignirent leur destination : un petit entrepôt, situé dans une friche industrielle de la banlieue de Paris.


- Plutôt classique comme cachette, commenta Ana.


- Classique mais efficace, répondit Gérard. L'originalité, c'est très surfait.


Ils entrèrent dans l'entrepôt. C'était un endroit sombre, remplis de caisses vides qui formaient des larges piles ou des grandes pyramides.


Gérard s'approcha d'un mur et pressa sa main sur une brique. Cela ouvrit l'accès à un panneau, sur lequel se trouvaient neuf boutons. L'espion composa un code et une porte cachée apparut juste en face.


- Et voilà, dit-il. Les données sont à l'intérieur.


Il y eut une détonation et Gérard s'effondra sur le sol.


Ana se mit immédiatement à couvert, tout en revêtant son masque. Elle chercha ensuite d'où venait le tir et aperçut alors la silhouette de Widowmaker, la surplombant du haut d'une pile de caisse. La vétérane baissa la tête tandis qu'un autre tir passait au-dessus d'elle.


Assistant lui, s'était précipité vers le corps de Gérard, qu'il avait ramassé, avant de rejoindre Ana.


- Il est inconscient, annonça le robot. Vos nanites, couplés à un choc physique, devrait permettre de le réveiller. Mes analyses indiquent que vous devriez être contente de procéder au choc vous-même.


Ana utilisa une de ses seringues sur Gérard, avant de le gifler violement. L'égyptienne ressentit effectivement le petit plaisir coupable de trouver ça défoulant.


Gérard cligna des yeux.


- Derrière toi, marmonna-t-il.


Ana se retourna, pour voir les fusils de Reaper, pointés dans sa direction. Elle se jeta au sol. Assistant tira sur le terroriste. Mais Reaper passa en forme spectrale et les décharges d'électricités passèrent à travers lui. Puis, il se rematérialisa et fit feu. Il y eut un bruit de choc métallique et le bras droit d'Assistant vola dans les airs, la main tenant toujours le pistolet.


Au même instant, Ana jeta une grenade vers la position de Widowmaker, forçant cette dernière à reculer. Gérard se retrouva alors face à Reaper.


- Couche toi au sol en attendant que ça se finisse, dit le terroriste. Et estimes toi heureux que je ne te tue pas. Ce n'est pas l'envie qui m'en manque.


- Pas cette fois, Gabriel, répondit Gérard, tout en appuyant sur un bouton de son bracelet.


Puis, il pointa son poing vers Reaper. Il y eu un bruyant « crac », accompagné d'un violent flash lumineux. Une méchante odeur de brulure se fit sentir.


Reaper cria de douleur, avant de tirer vers l'espion. Gérard brandit alors la paume de sa main. La zone autour se mit à onduler, comme sous l'effet d'une forte chaleur. Et les balles de Reaper partirent littéralement en fumée. Un autre tir de Widowmaker fut annihilé de cette façon. Gérard en profita pour rejoindre Ana, qui s'était réfugiée derrière une pile de caisse toute proche. Assistant, lui, avait disparu.


- Comment as tu fais ça ? demanda la vétérane.


- Le corps humain peut produire de la chaleur ou de l'électricité. Ce bracelet amplifie ce phénomène, m'en donne le contrôle et m'immunise aux hautes températures. Je peux alors produire des éclairs pour attaquer ou créer une zone de température assez forte pour désintégrer des balles.


Des bruits de pas se faisait entendre. Reaper se rapprochait.


- Mais quelle source d'énergie utilises-tu ? demanda Ana.


- Celle de mon corps.


Le son des bottes était encore plus proche. Les deux fugitifs n'avaient plus beaucoup de temps.


- Tu utilises l'énergie de ton corps pour produire des éclairs ?! Tu vas tomber inconscient en moins d'une heure !


- Je ne prévois pas de combattre plus d'une heure.


Le zip d'un grappin se fit entendre alors même que Reaper jaillissait sur eux. Gérard recréa un bouclier pour absorber les tirs du terroriste tandis qu'Ana pointa son fusil dans la direction du grappin. Widowmaker apparut… et se prit aussitôt une fléchette somnifère.


Reaper s'approcha plus près de Gérard, esquivant un éclair au passage. Il donna à l'espion un violent coup de pied dans le ventre, qui l'envoya au sol.


- Utilise tous les gadgets que tu veux, dit Reaper. Ça ne te permettra jamais d'atteindre mon niveau.


Gérard roula sur le sol pour éviter un autre coup de pied avant d'envoyer un nouvel éclair sur Reaper, qui esquiva tout aussi facilement. Un autre tir de fusil à pompe fut bloqué, mais pas le coup de tête qui vint derrière. L'espion se retrouva encore au sol.


- Essaye avec ça ! cria Ana.


Et elle envoya son nano-boost sur Gérard.


- Toute cette puissance…dit l'espion. Je… déteste ça.


Mais ce sentiment ne l'empêcha pas de se relever pour attaquer Reaper.


Ce dernier parvint à esquiver un nouvel éclair. Mais lorsqu'il répliqua d'un coup de pied, Gérard encaissa sans broncher. L'espion envoya alors un crochet du droit, qui arracha une grimace à Reaper.


- Voyons si tu peux parer ça ! cria le terroriste.


Un nuage de particule noirâtre se mit à émerger autour de lui tandis que sa silhouette s'effaçait. Puis, des dizaines de tir sortirent de l'amas. On aurait dit que Reaper était devenu vingt fois plus rapide. Ou que ses bras s'étaient démultipliés.


Gérard dû maintenir son bouclier de longues secondes pour se protéger d'un tel déluge. Son visage vira au rouge, se couvrant de sueur, tandis qu'il haletait. « Alerte, niveaux d'énergie corporels proche d'un point critique » pouvait-on lire sur l'écran de son bracelet. « Extinction de l'appareil recommandé ».


Finalement, Reaper reprit sa forme normale, devant un Gérard épuisé. Il envoya l'espion au sol d'un coup de pied… et se prit une décharge électrique, tiré par Assistant. Le drone était apparu juste derrière lui, tenant son pistolet de la main gauche. Sans doute venait-il juste de récupérer son arme.


Le terroriste hurla de douleur. Profitant de cette diversion, Ana lui lança une grenade, avant de tirer. Son fusil projeta une seringue chargée d'un liquide violet qui atteignit Reaper au torse. Gravement blessé, le terroriste s'enfuit sous sa forme spectrale.


Puis un bruit de tir se fit entendre et Ana s'effondra.


Assistant aperçut Widowmaker, qui venait juste de reprendre conscience. Il tira aussitôt dans sa direction, forçant la snipeuse à se mettre à couvert. Gérard en profita pour se relever et s'approcher d'Ana. Le masque de cette dernière avait été brisé en deux et une grosse tache violette se faisait voir sur son visage. Cette fois, Widowmaker avait utilisé une vraie balle.


Gérard prit une des seringues médicales d'Ana, l'injecta sur la vétérane et, faisant fi de sa fatigue, souleva le corps de la vieille femme.


- Allez viens mon vieux, dit-il à Assistant. Il est temps de quitter cet endroit. J'activerais l'autodestruction de ma cache dès qu'Amélie ne nous menacera plus.


- Monsieur, normalement, je ferais bien une remarque sur le fait que je n'ai que sept ans d'existence et suis donc cinq fois plus jeune que vous. Mais actuellement, il est plus important de vous signaler que vous avez là une occasion de sauver votre femme. Et que si vous fuyez, elle ne se représentera peut-être plus jamais.


Tout en parlant, le drone regardait d'un air vigilant le dernier endroit où Widowmaker se trouvait. Mais la snipeuse ne semblait pas vouloir réattaquer du même endroit.


- Assistant, la dernière fois que j'ai été face à Amélie, elle a tenté de m'assommer avant de me battre à plate couture. Comment veux-tu que je fasse quoi que ce soit maintenant, alors que je n'ai quasiment plus d'énergie ?


- Je suis sûr que vous trouverez un moyen, monsieur.


- Mieux vaut fuir. Allez viens !


- C'est sans doute votre dernière chance de réparer vos erreurs, monsieur.


Gérard hésita. Il repensa au commandant, prenant un tir à sa place pour lui sauver la vie. Il repensa à Genji, renonçant à la vengeance malgré tous les torts qu'il avait subi.


- Mets-là en sécurité, dit Gérard à Assistant, en lui passant le corps d'Ana.


Même avec un seul bras, le drone était capable de porter la vétérane. Une fois qu'il l'eut passée, Gérard toucha à certains boutons de son bracelet, reconfigurant quelque chose.


- Il est temps que je revois ma femme, dit-il ensuite.


Et il se dirigea vers le cœur de l'entrepôt.


**

*


C'était presque trop facile.


Amélie avait craint que Gérard ne cherche encore à s'enfuir. Mais à la place, il avançait droit vers elle.


Tout ce qui lui restait à faire, c'était d'arriver derrière lui, tirer une balle incapacitante et Amélie n'aurait plus qu'à le ramener à Talon. Elle avait déjà changé le chargeur de son fusil.


Grâce à sa visière, elle savait exactement où l'espion se trouvait. Amélie n'eut aucun mal à arriver dans son dos. La snipeuse pointa son fusil et tira.


Gérard se retourna et utilisa son bracelet pour absorber le tir.


- Tu es trop prévisible, lui dit-il.


Puis il se mit à courir vers elle.


Oh, il voulait régler ça au corps à corps ? Très bien, Amélie allait lui rappeler ce qui s'était passé la dernière fois.


Elle activa son grappin et le chargea, jambe en avant. Gérard subit le choc de plein fouet et se retrouva de nouveau au sol, tandis qu'Amélie se réceptionnait élégamment. Persuadée qu'il ne se relèverait pas, la snipeuse sortit des attaches.


Mais Gérard se releva.


- Tu as appris à encaisser finalement, dit Amélie.


Il ne répondit que par quelques halètements épuisés. Puis, Gérard se mit en garde. Amélie lui fonça dessus.


Elle était toujours la plus rapide. Elle était toujours la plus forte. Et son adversaire était épuisé. Gérard ne pouvait compter que sur une maîtrise supérieure des arts martiaux.


Et pourtant, il esquiva coup sur coup trois attaques d'Amélie, anticipant chaque attaque comme s'il lisait dans ses pensées. Puis il riposta. Son poing effleura Widowmaker, près du cœur. Une légère décharge électrique en sortit, bien moins puissante qu'auparavant. Amélie sentit à peine un frisson.


Malgré tout, cette défaite lui fit peur. Amélie sauta vers l'arrière, avant d'utiliser son grappin pour atteindre le sommet d'une pile de caisse.


- Tu ne peux pas gagner, dit-elle.


- Je n'ai jamais cherché à le faire, répondit Gérard.


Il ne chercha pas à l'attaquer. Il ne chercha pas à se protéger. Il ne chercha pas à fuir. A la place, il se tenait juste devant elle, totalement immobile, un demi-sourire aux lèvres. Ses yeux étaient fixés droit dans les siens.


Amélie pointa son fusil vers lui.


- Mieux vaut mourir que vivre sans toi, ajouta-t-il.


C'était forcément une ruse. Et Amélie ne pouvait prendre aucun risque. Ces balles paralysantes lui feraient mal. Mais il survivrait.


- Je t'aime, dit Gérard.


Amélie tira.


Sa balle atteignit son mari en pleine tête. Gérard s'écroula sur le sol.

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