Le Poids de nos Erreurs

Chapitre 11

2326 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/06/2017 15:25

- Docteure, nous avons un problème.


- Oui, Athéna ? répondit Angela.


- L'armée locale et Helix Security ont détecté la fusillade contre Talon. Ils ont bouclé le quartier et sont en train de ratisser la zone. Vous ne pourrez pas atteindre votre transport sans faire face à un barrage.


- On devrait arriver à passer, dit Tracer.


- Je ne veux pas risquer de blesser des soldats gouvernementaux ou des membres d'Helix, répondit Mercy. Le mieux est de se cacher et d'attendre. Ils ne pourront pas maintenir indéfiniment un tel déploiement de force. Tu pourrais nous trouver un lieu sûr, Athéna ?


- Bien sûr, docteur.


L'IA les mena à un appartement qui venait d'être récemment vendu à une agence immobilière. Il ne devait pas y avoir de visite avant un mois.


Les deux membres d'Overwatch placèrent Gérard et Assistant, qui les suivaient silencieusement, dans une chambre avec salle de bain, qu'elles prirent soin de verrouiller auparavant. La confiance d'Angela avait des limites. Puis elles se retrouvèrent toutes les deux dans le salon.


- Vous allez bien, doc ? demanda de suite l'anglaise.


Elle s'était assise en tailleur sur le canapé, balançant ses jambes de gauche à droite.


- Non, Tracer. Je pensais que capturer Gérard m'apporterait…


Angela soupira.


- Je ne sais même pas ce que j'espérais en fait. Mais tout ce que j'ai obtenu, c'est le sentiment d'un immense gâchis.


Elle marqua une courte pause avant d'ajouter.


- Toi tu n'as pas vraiment connu Gérard, n'est-ce pas ?


- Non, doc. Je l'ai croisé quand j'étais pilote. J'avais alors tenté de lui faire une farce en remplaçant son emploi du temps. Mais il a tout découvert et en représailles, il a envoyé à Adelardo des lettres d'amour en mon nom, poursuivit-elle, avec une figure mi-amusée, mi-gêné. Ensuite, j'ai disparu avec le Slipstream. Le temps que Winston me soigne, Gérard était mort…enfin, apparemment.


- Je t'envie, avoua Angela. Ce serait tellement plus facile s'il était un inconnu.


- Eh…à ce propos, doc.


- Oui, Tracer ?


- Vous lui avez demandé s'il vous avait séduite ?


Angela se maudit pour son inconscience. N'aurait-elle pas pu réfléchir avant de poser cette question ?!


- Est-ce que vous voulez en parlez, doc ?


Angela réfléchit pendant quelques secondes. C'était des souvenirs gênants. Très gênant. Mais il était vrai que leurs poids lui pesaient et que se confier la soulagerait grandement. Et puis, elle n'avait pas grand-chose d'autre à faire.


- Oui, répondit-elle. Mais jure-moi de ne rien répéter aux autres. Ce n'est pas une histoire dont je suis fière.


- Promis doc. Je dirais rien.


Angela savait qu'elle pouvait faire confiance à Tracer. L'anglaise était certes très espiègle. Mais il y avait une différence entre faire une farce et trahir une promesse.


- Est-ce que tu te souviens de cette opération que j'ai menée en Europe centrale ?


- Bien sûr, doc ! Ce que vous avez fait là-bas est fantastique. Vous étiez devenu ma deuxième héroïne, juste derrière Amari.


- Sur le moment, je peux t'assurer que tout n'était pas si fantastique. J'ai déjà raconté ça à Mei. Est-ce qu'elle t'en a parlé ?


- Non, doc.


- Pour faire simple, cette opération était considérée comme impossible.


- Ah bon ? Mais pourquoi a-t-elle était autorisé alors ?


- Parce que je n'arrêtais pas d'harceler Morrison pour qu'il fasse quelque chose contre l'épidémie. Vois-tu, quand je me suis engagé à Overwatch, il m'avait promis que mon travail ne servirait pas qu'à des fins militaires mais aussi pour aider toute la planète. Alors je lui renvoyais cette promesse à la figure tandis que lui essayait de m'expliquer que nous n'avions pas les moyens d'agir.


- Pourtant, Overwatch en a mené des opérations humanitaires !


- Oui, car après le succès de celle en Europe Centrale, nos financements ont été augmentés. Mais sur le moment, nous étions juste dix ans après la crise omnic et Overwatch n'avait rien fait de plus que quelques opérations de secours après des catastrophes naturelles. Endiguer une épidémie, c'est un tout autre niveau.


- Oh, d'accord.


- Malgré tout j'insistais. J'étais jeune et idéaliste. Finalement, Morrison a fini par céder. Il s'est sans doute dit qu'un échec m'apprendrait à lui faire confiance ou quelque chose dans le genre.


- Pourtant vous avez réussi l'opération, doc. Tous les journaux ne parlaient que de vous et de votre succès. C'était donc possible, hein ?

- Non, c'était impossible. Morrison avait raison. Nous n'avions pas assez de ressource. Pour compenser, je me suis tué au travail, dans le froid et la faim. Sans que cela fasse une grande différence.


- Mais… alors qu'est-ce qui s'est passé ?


- Gérard a sauvé l'opération. Normalement, il devait juste s'occuper du renseignement. Mais en plus de ça, il a rassemblé suffisamment d'argent pour rendre la mission réalisable. À l'époque il disait que ça venait d'une collecte de fond. Maintenant, je sais qu'il en a aussi obtenu une partie avec son réseau, via des opérations boursières illégale.


- Oh, réagit Tracer, une pointe de déception sur le visage.


- Je sais, ce n'est pas très glorieux. Mais ça a marché. Gérard a aussi pris soin de moi lorsque j'étais au plus mal. Et je peux te dire qu'entre le stress, la fatigue et la faim… j'étais dans un sale état. Son soutien m'a été très précieux.


Ses souvenirs réapparurent à Angela. Des moments simples, heureux. C'était agréable. Il n'y avait plus de douleur, plus de regret. Juste ce sentiment de gâchis.


- Nous sommes devenus proches. Alors Gérard s'est confié à moi. Il m'a parlé de ses échecs lorsqu'il était dans les services secrets français. Sa relation exécrable avec Morrison. Toutes ses blessures qu'ils cachaient derrière son sourire confiant. Et juste après… nous avons eu une liaison.


- C'était avant qu'il soit marié, hein doc ?


- Non. C'était après. Et c'est moi qui l'ai embrassé la première.


- Oh…eh.


Tracer eut le tact de ne rien ajouter. Mais son regard trahissait sa surprise.


- Aujourd'hui, je vois bien que c'était une folie. Mais à l'époque, j'étais jeune. Je suppose que nous faisons tous des bêtises lors de cette période-là.


- Ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire, doc, répondit Tracer, avec un regard compatissant.


- Oui… mais ce n'est même pas le pire. À la fin de l'opération…


Angela marqua une pause et poussa un lourd soupire.


- …Je lui ai demandé s'il était prêt à quitter sa femme pour venir avec moi.


Tracer afficha un visage totalement stupéfait. Angela se doutait bien qu'elle avait dû baisser dans l'estime de sa co-équipière. Et elle comprenait.

Déjà à l'époque, elle-même avait eu honte de cette demande. Mais Angela n'avait pu s'empêcher de la faire.

Bien sûr, Gérard avait refusé.

« J'ai apprécié chacun de ces moments passés avec toi, Angela » avait-il dit d'un ton très doux. « Nous traversions une période difficile et avions tous les deux besoin d'un peu de tendresse. Mais maintenant ce temps est terminé et nous devons retrouver notre vie normale. Je suis sûr que tu y trouveras quelqu'un de meilleur que moi. »

À l'époque, ce « meilleur que moi » résonnait comme une banalité. Aujourd'hui, Angela se demandait si Gérard ne pensait pas vraiment ce qu'il disait.


- Je suppose que maintenant, tu comprends mieux pourquoi je lui ai posé cette question.


- Oui doc… Et c'est vrai que ça aurait été plus facile s'il vous avait juste manipulée.


- C'est toujours plus facile de pouvoir accuser une seule personne de tous les maux. Et beaucoup plus dur d'admettre ses propres responsabilités. Même pour moi… Mais maintenant, je n'ai plus d'excuse.


Un petit sourire amusé apparut sur ses lèvres tandis qu'elle ajoutait :


- Ce détecteur de mensonge aura finalement bien joué son rôle.

**

*

- Le point positif, dit le scientifique de Talon, c'est que les blocages restant ont tenus bons. Widowmaker est restée loyale malgré les paroles de la cible. Notre manœuvre a parfaitement fonctionné.


- Il aurait tout de même était préférable qu'elle réussisse sa mission, répondit l'Agent 49. Ou que Lacroix soit mort.


Les deux se trouvaient dans leur salle de briefing, juste devant le communicateur.


- Notre équipe a exhumé le cercueil de la tombe de Gérard, poursuivit-il. Il est vide.


- Donc c'est probablement le vrai, dit la voix.


- Oui, répondit 49. Et maintenant qu'il est avec Overwatch, il y a un risque réel qu'il leur donne accès à… vous savez quoi. Ce serait catastrophique.


- Widowmaker demande des renforts, déclara le scientifique. Avec, elle devrait bien être capable de le récupérer, non ?


- Vu les forces en présence, rien n'est garanti. Il serait plus simple de laisser la BDI le tuer. Vu les moyens dont Zarya dispose, cela ne devrait pas être trop difficile. Nous pourrions même discrètement lui indiquer où trouver Lacroix.


- Je ne sais pas comment réagirait Widowmaker si nous ne poursuivons pas l'opération. Mais il est très probable que cela compromette son blocage de loyauté.


A ces paroles, 49 eut une expression agacée.


- Nous lui enverrons des renforts, dit finalement la voix. Mobilisez quatre autres escouades. Contactez Reaper et Sombra.


- Ce sera fait, dit l'agent 49.


- Vous partez également, dit la voix. Cette opération sera délicate. Nous ne sommes pas encore sûrs que Sombra soit fiable. Il ne faut pas qu'elle parle avec Gérard.


- Je la surveillerais.


- S'il n'y a pas d'autres options, laisser la BDI tuer Gérard. Observez alors la réaction de Widowmaker et éliminez-la si nécessaire.


- À vos ordres.


L'Agent 49 n'était pas sûr de pouvoir vaincre Widowmaker. Elle n'était pas la meilleure assassine de Talon pour rien. Mais combattre ne serait pas nécessaire. Il avait un moyen bien plus simple de tuer Amélie Lacroix : une puce explosive, implantée dans son corps au niveau du cœur.


En cas de besoin, il aurait juste à appuyer sur un bouton.

**

*

- Je suppose que quitte à mourir, le plus noble serait de d'abord faire face à mes crimes, dit Gérard d'une voix hésitante.


- Je ne sais pas, monsieur, lui répondit Assistant. Ce que vous autres humains appelez noblesse a des dizaines de définitions et d'interprétations différentes. C'est très dur pour moi de m'y retrouver. Je préfère des mots aux significations plus claires. Comme « chaise ».


Gérard partit sur un léger rire. Lui et son drone était dans la chambre où Mercy les avait enfermés. Le français était assis sur le lit, tandis qu'Assistant se tenait debout à côté de la porte, droit comme un i.


- Ils vont tous me poser des questions, dit Gérard. Winston, Torbjörn et… Reinhardt.


Il poussa un gros soupir.


- C'est trop dur. Je pensais que je pourrais le faire. Mais déjà rien que de voir Angela…


Son visage afficha une expression de pure souffrance.


- Vous avez tout mon soutien, monsieur. Je suis programmé pour ça.

Gérard resta silencieux quelques minutes de plus.


- Partons, dit-il finalement. Mieux faut que je me fasse assassiner dans les rues par la BDI ou les Shimadas. Ce sera plus facile pour tout le monde.


Il se saisit d'une feuille et d'un stylo, Tracer avait eu l'amabilité de les lui laisser, et se mit à écrire.


« Angela,

Je suis sincèrement navré pour tout ce que je t'ai infligé. Je n'ai jamais voulu faire souffrir quiconque.

Il serait plus juste que je passe devant un tribunal pour mes actes. Mais le faire m'est beaucoup trop difficile. Je ne demande pas ton pardon car je sais que je n'en suis pas digne.

Oublie-moi Angela. D'ici quelques jours, je serais mort et mon passé n'aura plus d'importance.

Je ne t'ai jamais mérité. »


Il laissa la feuille sur une table, avant de tendre la main vers Assistant.


- Donne-moi la trousse à outil.


Le drone dégagea la plaque qui cachait son compartiment secret, avant d'en donner le contenu à Gérard. Ce dernier s'approcha de la fenêtre. Il lui facile de crocheter la serrure installée par Mercy. Un peu d'escalade plus tard et il fut dans la rue.


- Quel est le comble pour un français ? demanda alors une voix féminine, marqué par l'âge et un léger accent arabe.


Gérard se retourna dans la direction du bruit, pour voir pointer sur lui un fusil lance seringue.


- C'est de filer à l'anglaise, conclut la femme.


- Ana ? demanda-t-il, une authentique surprise sur le visage.


Assistant arriva alors près de lui, après avoir emprunté le même chemin.


Immédiatement, Soldat 76 sortit des ombres et tira une rafale vers le drone, endommageant celui-ci au torse. Gérard s'interposa entre les deux et 76 cessa de tirer.


- Cours Assistant ! cria le français. Nous ne pourrons pas vaincre ces deux-là !


Ana fit feu de son arme de poing et une fléchette soporifique atteignit Gérard au cou, le faisant s'effondrer immédiatement. Entre temps, le drone disparut dans la nuit.

Soldat 76 ramassa le corps de Gérard et s'enfuit. Le temps que Tracer et Mercy réagissent, les deux vétérans avaient déjà disparut.

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