Le Poids de nos Erreurs

Chapitre 9

2953 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/06/2017 01:51

- Nous sommes arrivés, madame, dit le sbire de Talon.


Amélie avait du mal à masquer son impatience. Lors de son arrivé au Guatemala, elle comme ses supérieurs avaient espéré localiser Gérard rapidement. Mais son mari n’avait pas fait de nouvelles apparitions, tandis que des soldats locaux et des agents d’Helix avaient été déployé en masse pour traquer Soldat 76.

Elle et son escouade avait été forcé à se cacher, attendant que le renseignement de Talon découvre une nouvelle piste. Puis, ils avaient intercepté une transmission : un individu, qui disait être un résident de la base détruite, demandait à l’ONU de l’extrader.

C’était Gérard, elle en était sûr. Qui d’autre aurait possédé le savoir-faire nécessaire pour envoyer ce message ?


- Madame, une communication cryptée est émise depuis le bâtiment, l’informa le pilote de son transport, via un communicateur.


- Bien reçu, répondit Amélie.


Ledit bâtiment était un immeuble d’habitation, encore en chantier selon un panneau proche. Elle activa sa visière. Il n’y avait qu’une seule personne à l’intérieur. Amélie aurait reconnu sa silhouette entre mille. Gérard.


- Cernez le bâtiment et ne laissez personne entrer, ordonna-t-elle à son escouade, tout en désactivant sa visière.


- À vos ordres.


Amélie entra dans l’immeuble. Il ne lui fallut pas longtemps pour atteindre la salle où elle avait vu son mari. Avec un peu de chance, il n’avait pas bougé. Elle ouvrit la porte de la salle.


- Bonjour, Amélie.


Gérard se tenait face à elle, arborant son air habituel et la regardant droit dans les yeux. À cette vue, Amélie sentis le bonheur envahir son corps. C’était encore plus fort que lorsqu’elle tuait quelqu’un.


- Bonjour, Gérard, dit-elle, un sourire aux lèvres.


- Tes cheveux sont superbes, dit-il. Les porter longs te réussit beaucoup.


Le compliment fit redoubler le sourire d’Amélie. Elle contempla Gérard. Il était aussi élégant que dans ses souvenirs. À un détail prêt…


- Ton costume est déchiré, fit-elle remarquer.


Il eut un sourire amusé.


- Merci, Amélie. Mais je m’en étais rendu compte.


Gérard marqua une courte pause avant d’ajouter.


- Donc tu te fais appeler Widowmaker maintenant. Ce n’est pas très originale pour une assassine.


- Dis celui qui nomme son drone « Assistant », répondit-elle, moqueuse.


- Ah, ah, un point pour toi. Enfin…d’où te vient cette soudaine passion pour les araignées ? Tu les détestais auparavant.


Mais pourquoi lui parlait-il de sujet si badin ? Après six années de séparations, ils avaient des choses bien plus importantes à se dire.

Plus que tout, Amélie voulait lui demander pourquoi il n’était pas revenu la voir. Et pourquoi, même maintenant, il préférait se faire de nouveau enfermer plutôt que de la rejoindre.

Ces questions lui brulaient les lèvres. Mais Amélie avait peur des réponses et de leurs conséquences. Son désir actuel était d’avoir de nouveau Gérard à ses côtés. Ensuite, il serait possible d’évoquer les sujets difficiles.


- Gérard, commença-t-elle d’un ton très sérieux. Talon est prêt à oublier les conflits passés et à t’offrir une place en son sein. Nous allons de nouveau être ensemble, plus proche que jamais.


Il garda son sourire amusé.


- Ils me donneront aussi une peau bleue et nous deviendrons le couple d’assassin le plus glamour sur Terre ?


Amélie se remit à sourire.


- Exactement, dit-elle.


Le sourire de Gérard se crispa. Il resta silencieux.


- Viens, dit-elle. Cela fait trop longtemps que nous sommes séparés.


Le sourire disparut totalement du visage de son mari, ne laissant qu’une détermination fataliste.


- Jamais je ne servirais Talon, Amélie. Jamais.


Elle avait beau s’y attendre, Widowmaker ne pouvait s’empêcher d’être déçue. Elle aurait espéré que Gérard la rejoigne de suite, sans qu’elle ait besoin d’argumenter. Mais tant pis. Amélie s’était préparée à ce cas de figure.


- Ne me sort pas tes grands principes, Gérard. Je sais qui tu es réellement. Sombra a récupéré dans tes archives tous les détails de ton opération contre les Shimadas.


Le visage de son mari s’assombrit.


- Ce que j’ai fait au Japon…je n’en ai tiré aucun plaisir. Et j’aimerais ne jamais avoir à le refaire.


- Allons Gérard, pas à moi. Je sais ce que l’on ressent dans ces moments-là. Lorsque tes ennemis sont englués dans les fils de ta toile.


Sa voix devenait de plus en plus douce à mesure qu’elle parlait.


- Tu les regarde au loin, se débattant inutilement. Alors que toi, tu te prépares à porter le coup fatal. Et tu le ressens alors. Ce doux frisson…celui du chasseur qui a acculé sa proie.


Il ne répondit rien. Mais Amélie vit de la honte passer dans ses yeux.


- N’en soit pas honteux, Gérard, lui dit-elle. Sois en fier. C’était un plan si brillant. Tu es si brillant. Et quand tu seras chez Talon, tu pourras exprimer tout ton talent.


Toujours aucune réponse.


- Quels autres choix te restent-t-ils ? Tes anciens collègues ne voudront plus de toi. Et le reste du monde n’est pas plus sûr. Tu connais trop de secrets. Les puissants voudront te faire taire pour limiter les risques.


Il eut un soupire triste.


- Je ne le sais que trop bien, Amélie.


- Alors arrêtes de te faire limiter par des idéaux stupides. Tu sais qu’ils sont incompatibles avec le monde. Que tous les discours d’Overwatch n’étaient que de la propagande camouflant une réalité bien plus sombre.


De nouveau le silence.


- Tu as déjà fait des concessions pour faire avancer ta carrière. Tu vas en faire une maintenant pour survivre et rejoindre ta femme, dit Amélie d’une voix impérieuse.


Quelques secondes passèrent. Amélie ne doutait pas que sa tirade aurait l’effet escompté. Gérard ne lui avait jamais rien refusé lorsqu’elle employait ce ton.


- Tu sais que Talon t’a lavé le cerveau pour te forcer à me tuer ? dit-il soudainement.


La surprise fit écarquiller les yeux d’Amélie. Il n’était déjà pas normal de voir son mari lui refuser quelque chose. Mais en plus pour dire ça…


- C’est impossible, dit-elle. Jamais je n’aurais fait une chose pareille.


- Ils ont posé des blocages mentaux pour que tu ne puisses pas t’en souvenir. Réfléchis : te rappels tu seulement du moment où j’ai disparu ? Sais-tu pourquoi c’est arrivé ?


Amélie se rendit compte avec horreur qu’il avait raison. Elle avait toujours prise la mort de son mari comme un fait accompli, sans comprendre le pourquoi du comment. Le simple fait d’y penser lui donnait mal à la tête.


- Je n’aurais jamais fait ça, répéta-t-elle. Et puis tu es là… Donc ce n’est pas arrivé.


- C’est bien plus compliqué que ça, Amélie. Mais tu as raison, ce n’est pas toi. Ils t’ont forcé à le faire. Ils ont…


Gérard marqua un temps d’arrêt. La tristesse ravageait son visage.


- Ils ont éveillé ce qu’il y a de pire en toi, compléta-t-il.


De pire ? Mais de quoi parlait-il ? Amélie ne comprenait pas.


- Mais je peux t’aider, Amélie, poursuivit-il. Te permettre de guérir. Pose ton fusil par terre et viens avec moi.


Il lui tendit la main, comme pour l’inviter à danser.

Amélie resta quelques secondes immobiles. Son visage trahissait la confusion et la douleur. Puis, lentement, cette expression laissa place à un visage heureux. Elle posa son fusil par terre, avant de s’avancer vers Gérard, tendant ses bras vers lui.


Il sourit à son tour. Elle continua de s’approcher. Leurs doigts se touchaient presque…

Puis, Amélie tendit son bras vers l’arrière, avant de frapper de sa paume, son visage affichant une détermination féroce.


Talon lui avait donné une mission et elle devait l’accomplir. Rien d’autre n’avait d’importance.


Gérard ne parut pas surprit. Mais Amélie le fut lorsque son bras traversa le corps de son mari, comme si ce dernier était inconsistant.


- Je savais que ça ne marcherait pas, dit-il avec fatalisme.


Amélie baissa la tête et vit un projecteur holographique, soigneusement caché dans le sol. Puis elle entendit quelqu’un arriver derrière. Elle eut juste le temps de tourner la tête pour voir Gérard, le vrai cette fois-ci, la pousser de ses deux mains. Amélie se retrouva projeté vers l’arrière.


- Je ne te laisserais pas me livrer à Talon, dit-il.


Gérard avait sans doute changé de salle après qu’elle eut utilisé sa visière, parlant via l’hologramme tout en se trouvant juste derrière. Et maintenant il se tenait entre Widowmaker et son arme.


Amélie oublia brusquement avoir attaqué la première. A l’inverse, les émotions revinrent en elle. Et il y en avait beaucoup : l’humiliation d’avoir été bernée. Celle de s’être faite rejetée. La colère d’être séparée de son précieux fusil. L’excitation devant un défis.


Gérard voulait jouer à ça ? Très bien. Elle allait jouer.


- Oh que si je vais te livrer, dit Amélie d’une voix soyeuse, tout en se relevant.


Il se mit en garde, jambe écarté, paumes ouvertes et bras tendus vers le bas.


- Tu crois donc que ton aïkido va marcher contre moi, Gérard ? Ha ha ha.


L’idée de faire appel à son escouade lui traversa l’esprit mais ne resta guère. Amélie s’en occuperait elle-même. Ce serai plus amusant.

Elle attaqua de ses poings. Gérard tenta de les saisir mais Amélie était tout simplement trop rapide. Il reçut deux coups en plein ventre. L’impact fut atténué par l’armure qu’il portait, ce qui ne l’empêcha pas de reculer avec un léger grognement de douleur.


- Il est encore temps de t’excuser, dit Amélie, mielleuse.


- Je m’excuse de ne pas vouloir me faire laver le cerveau par une bande de terroriste, répondit-il.


- Tss. Quelle insolence.


Elle repartie à l’attaque. Ses coups portèrent de nouveau. Mais cette fois, Gérard encaissa sans broncher et en profita pour aller au bout de sa prise. Il attrapa Widowmaker par les poignets avant de la projeter contre un mur.


Mais Amélie se réceptionna avec ses mains, fit une roue avant de se redresser, totalement indemne.


- Qu’est-ce que tu espérais ? se moqua-t-elle. J’étais déjà la plus forte de nous deux avants même que Talon n’améliore mon corps.


Il ne répondit pas, se contentant de se changer sa garde : jambe resserré, poing fermé et proche de la tête. Amélie rigola.


- Tu veux tenter de la boxe contre moi ? Allons Gérard…


Elle frappa en plein sur sa garde. C’était un coup violent, lancé avec toute la force de son corps augmenté. Gérard cria de douleur et tomba à terre.


- …tu n’as jamais su encaisser, compléta-Amélie.


Elle l’immobilisa de son genou alors qu’il tentait de se relever, puis bloqua ses mains lorsqu’il voulut se dégager.


- Pourquoi te débattre ? Tu aimais bien lorsque je te frappais, quand nous faisions nos petits jeux, le soir.


- Justement, Amélie…réagit-il. J’ai une idée brillante : et si nous innovions et que pour cette fois, je prenais ton rôle ?


- Hum…non.


Profitant d’avoir immobiliser Gérard, Amélie repartie à l’attaque. Dans cette situation, elle aurait pu facilement lui briser un os, malgré l’armure. Mais elle retenait sa force pour éviter que ce soit le cas. Son but n’était pas de le blesser mais de le neutraliser…et de l’humilier au passage pour se venger du tour qu’il lui avait fait.


Son poing s’abattit sur le ventre de Gérard, puis son torse, avant de s’approcher de sa tête. Mais elle arrêta son attaque à un demi-centimètre de la peau.


- Hum, non…Je ne voudrais pas abimer ton joli visage, dit-elle moqueusement.


A la place, elle redonna un coup au ventre, avant de se relever. Gérard resta au sol, sonné par la douleur. Amélie en profita pour récupérer son fusil.


- Ne t’inquiète pas, dit-elle en retirant la sécurité de l’arme. Il est chargé de balles paralysantes.


Gérard appuya sur un bouton du bracelet qu’il portait tandis qu’Amélie pointait son arme sur lui.


- Dors bien, dit-elle.


Un petit disque métallique jaillit alors du plafond. Si Amélie avait pu voir l’attaque, il lui aurait été facile de la parer. Mais elle fut prise par surprise et le disque aimanté allât se coller à son arme, avant de la neutraliser d’une explosion électrique.


- Tu devrais pourtant savoir que je déteste les armes à feux, dit Gérard d’une voix toujours marqué par la douleur.


La surprise, associée à la colère, laissa Amélie sans voix. Puis elle se précipita de nouveau vers Gérard. Mais ce dernier roula sur le côté, avant d’appuyer un autre bouton. Une trappe s’ouvrit au sol, pile à sa position, et Gérard disparut. Amélie se précipita pour sauter mais la trappe se referma juste devant elle.


- Investissez le bâtiment et retrouvez la cible ! ordonna-t-elle à l’escouade de Talon.


- Bien reçu, madame. Attendez…contact inconnu en approche !


Il y eu un bruit de décharge électrique et la communication fut coupée. Amélie comprit qu’elle ne recevrait aucun renfort : Assistant y veillerait.


Qu’importe. Elle activa sa visière et repéra rapidement Gérard. Une traque s’engagea. Son mari disposait de la connaissance du terrain et de plusieurs raccourcis qu’il s’était aménagés. Mais Amélie avait sa visière et était bien plus rapide.


Une poignée de minute lui suffirent pour piéger Gérard, qui se prit un méchant coup de fusil en tournant à l’angle d’un couloir. Malgré tout, il resta debout. Un autre coup fut esquivé mais le troisième l’envoya de nouveau au sol. Amélie posa son pied sur le torse de Gérard pour l’empêcher de se relever.


- Vraiment, dit-elle, tu pensais que ta pathétique auto-défense de gratte-papier et tes pièges minables suffiraient à me vaincre ?


- Non…je voulais juste gagner du temps.


Amélie fronça les sourcilles.


- Gagner du temps pour quoi ?


Du coin de l’œil. Elle aperçut un flash bleuté.


- Pour que la cavalerie arrive.


- Youhou ! cria-Tracer, surgissant derrière Amélie en tirant, forçant cette dernière à esquiver précipitamment.


- J’ai toujours un coup d’avance, ajouta Gérard en se relevant.


Toute les pièces s’emboitaient désormais. Cette transmission codé, envoyée tandis qu’Amélie entrait dans le bâtiment, était un appel à Overwatch. Et toutes les actions de Gérard depuis, sa conversation badine, ses longs silences, ses petits pièges…des moyens de leur laisser le temps de venir.


Amélie s’était encore faite avoir. Et pire que ça, son mari, l’homme qu’elle aimait plus que tout, avait préféré mettre son sort entre les mains d’une poignée d’imbéciles naïf plutôt que de la rejoindre !


Gérard devait pourtant savoir que ses anciens collègues connaissaient toute l’histoire avec Genji. Tout ce qu’il allait gagner était de se retrouver en prison, si ce n’est pire !


Cette seule pensée horrifiait Amélie. Mais il n’y avait rien qu’elle puisse faire. Sans son arme, il lui était impossible de vaincre Tracer. Lorsque l’anglaise repassa à l’attaque, Amélie fut forcée de fuir.

Tracer partie tête baisser à sa poursuite…et rentra en plein dans une mine empoisonnée, que Widowmaker avait jetée pour couvrir sa fuite. L’anglaise fut obligée de remonter le temps, ce qui permit à la française de s’échapper via son grappin.


Alors qu’elle atterrissait dehors, Amélie se retourna, regardant le bâtiment dans lequel se trouvait son mari.


La rage emplissait son cœur. L’amertume de la défaite se faisait cruellement sentir. Mais plus fort que tout, il y avait la douleur d’avoir retrouvé l’être aimé…pour le perdre aussitôt.


Amélie se jura que ce n’était que partie remise. Elle sauverait Gérard. Et qu’importe si cela devait être de lui-même.

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