Le Poids de nos Erreurs

Chapitre 8

3316 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/11/2017 21:33

- C’est…c’est bien lui, n’est-ce pas ? demanda Amélie.


- Nous enquêtons pour en être sûr. Mais la ressemblance est frappante, lui dit l’Agent 49.


Quelques heures auparavant, on avait annoncé à Widowmaker qu’elle devait effectuer une opération médicale. Elle avait suivi les instructions. Et dès la fin de l’opération, ses souvenirs étaient revenus, l’assaillant avec une intensité qu’elle n’avait pas ressentie depuis des années.

Amélie était bien plus satisfaite de sa vie actuelle que de l’ancienne. Mais la pensée de son mari disparu l’avait tout de même empli de tristesse. Elle n’avait jamais eu l’occasion de faire son deuil.


Mais c’était avant qu’elle ne voie cette vidéo.


Amélie approcha de l’écran et toucha l’image de Gérard. Cela était-il possible ? Après si longtemps…son bien aimé mari, vivant ?


- Pourquoi n’est-il jamais venu me voir ? demanda-t-elle.


- Peut-être ne pouvait-il pas s’échapper de cette base, avança prudemment l’Agent 49.


- Peut être…


Amélie se retourna pour lui faire face. L’inquiétude se lisait sur son visage. Elle connaissait la haine que portait Talon à Gérard. D’ailleurs…n’y avait-il pas un lien avec sa mort ? Des picotements se firent sentir dans tête. Mieux valait ne pas trop penser à cela.


- Que va-t-il se passer ? demanda-t-elle.


- Votre prochaine mission est de ramener Gérard. Vivant. Nous ferons ensuite en sorte qu’il rejoigne nos rangs.


Amélie arbora un large sourire satisfait. Elle ne pouvait espérer mieux.


- Je me chargerais de le convaincre moi-même, dit-elle.


L’Agent 49 leva un sourcil circonspect.


- Hum. Le plus prudent serait de le neutraliser et de l’amener ici inconscient, dit-il.


- Ce ne sera pas nécessaire. J’ai toujours sur lui faire entendre raison.


*Il y a seize ans*


- Alors, de quoi souhaitez tu me parler ? demanda Gérard, son sourire habituel sur le visage.


- Je voulais savoir comment c’était passé ta rencontre avec tes idoles, dit Amélie d’une voix douçâtre.


Son mari perdu brusquement son sourire.


Ils étaient tous les deux dans le salon de leur résidence parisienne, une belle pièce décorée avec un luxe discret. Gérard et Amélie étaient assis dans de confortable fauteuil, se faisant face à quelques mètres de distance.


- Qui t’as informé ? questionna Gérard.


- J’ai mes sources. Et je n’ai pas envie de les perdre, vu que tu ne me tiens pas au courant.


- Et qu’est-ce que tu sais exactement ?


- Que tu as mécontenté tes supérieurs des services secrets en faisant du chantage contre des députés. En représailles, ils t’ont transféré à Overwatch, après avoir envoyé au commandant Morrison un message te décrivant comme un traitre. Et je sais aussi que tout cette affaire a débuté il y a deux semaines et que tu ne m’as toujours rien dit.


Gérard arbora une mine effondrée.


- Je cherchais un moyen d’aborder le sujet, dit-il.


Cette réponse surprit Amélie. Gérard était généralement bien plus disert, et bien plus désolée, quand elle le prenait en faute.


- Et bien commence par répondre à ma question, dit-elle d’une voix plus incisive.


Il baissa les yeux, fuyant son regard.


- Imagine, commença-t-il d’une voix triste, que tu rencontres enfin tes héros, des personnes que tu as érigé comme symboles et modèles. Et que ces gens-là te traite comme le pire criminel, à cause de mensonge ?


- C’est pour éviter ce genre de déception que je n’idolâtre personne, répondit Amélie avec arrogance.


Il rit faiblement.


- J’aimerais être aussi sage que toi, dit Gérard.


Amélie commençait à s’agacer.


- Mais qu’est-ce qui t’a pris de te mêler de cette loi sur les réfugiés ? Ta carrière se déroulait parfaitement et tu as tout gâché pour quelques omnics.


Gérard redressa la tête, lui faisant face de nouveau. Il reprit la parole d’une voix plus déterminée.


- Parce que ce sont des êtres doués d’émotions et qu’ils méritent que nous les traitions comme telles. Parce que dans cent ans, il sera marqué dans les livres d’histoire que la France a fait preuve de bonté envers ceux qui en avait besoin et que notre nation en sortira grandit.


- Et n’aurais tu pas pu attendre d’avoir une position mieux assuré avant de marquer l’histoire ? Tu as perdu tout ce pour quoi nous avons travaillé ces dernières années.


Amélie n’avait pas pu s’empêcher d’utiliser son influence pour accélérer la carrière de Gérard. Ce dernier ne s’en était pas vraiment plain, bien au contraire.


Il baissa de nouveau la tête.


- Tu as raison, dit-il d’une voix brisée. J’ai été arrogant et stupide. Je pensais être plus malin que tout le monde, que personne ne m’attraperait jamais. Je ne pouvais pas plus me tromper.


Amélie ne parvient pas à cacher sa stupéfaction. Elle n’avait jamais vu Gérard dans cet état. Il arborait toujours un air si confiant, si sûr de lui.


- Il n’y a plus rien à espérer pour moi, continua-t-il. Morrison me déteste déjà. La mission auquel j’ai été affecté est irréalisable. C’est juste un placard où m’oublier. Je vais démissionner d’Overwatch et passer dans la clandestinité. Continuer ce que je faisais avec mon réseau. C’est le mieux pour tout le monde.


Cet fois, Amélie était choquée. Comment Gérard pouvait-il aussi vite baisser les bras ? N’avait-il donc aucun courage ?


- Ce qui m’amène au point le plus délicat, poursuivit son mari. Notre relation. Je vais devenir un boulet pour toi, Amélie. Ma réputation va nuire à ta carrière. Il faut être réaliste : pour assurer ton futur, il vaut mieux que nous nous séparations. C’est…


- Tais toi ! lança-t-elle sèchement.


Cela le coupa net. Amélie se leva, sa colère clairement visible sur son visage.


- Tu me déçois Gérard. Un échec, un seul échec et tu veux tout jeter ! Et pour devenir quoi ? Un hors la loi jouant au Robin des Bois ! Combien de temps passera avant que tu te fasses tuer par tes anciens collègues ?


Il ne répondit pas, se contentant de fixer le sol. Elle s’approcha de lui et saisit son menton, le forçant à redresser la tête pour qu’elle puisse le regarder dans les yeux.


- Il est hors de question que tu abandonnes, que tu m’abandonnes, parce que tu as fait une erreur ! Tu vas te ressaisir et rester à Overwatch.


- Amélie…bredouilla-t-il. J’ai échoué…ils me détestent…mieux vaut que je disparaisse.


C’était dur. Elle voyait bien qu’il souffrait. Pour lui qui était si brillant, qui se considérait comme si intelligent, être confronté à l’échec était horrible. Et juste après, il devait faire face à la haine de ceux qu’il admirait.

Amélie ne voulait pas qu’il souffre. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait faire ? Le prendre dans ses bras, lui murmurer qu’elle l’aimait, que ce n’était pas grave, qu’il était toujours brillant et que rien ne pourrait leur arriver s’ils restaient ensembles ?

Ce genre de niaiserie lui donnait la nausée. Et elle était incapable de faire preuve d’une telle tendresse. Non, cela était difficile mais il allait falloir qu’elle le blesse davantage pour qu’il se ressaisisse.


- Et qu’est-ce que tu espérais ? Tu tentes de manipuler un gouvernement à toi tout seul et tu penses qu’il n’y aura aucunes conséquences ?


Pas de réponse, mais sa figure se décomposa encore plus. Amélie faillit arrêter là ces réprimandes. Mais non, c’était le mieux pour lui.


- Et maintenant tu veux fuir et tout abandonner pour éviter de payer ton erreur ? Je ne pensais pas que tu étais aussi lâche !


Gérard voulut baisser la tête pour échapper de nouveau à son regard mais elle l’en empêcha. C’était facile. Amélie était la plus sportive des deux et elle avait donc toujours été plus forte que lui.


- Je n’ai pas dit que tu pouvais baisser le regard.


Cela le fit redevenir immobile. Au milieu de la peine qu’Amélie ressentait, elle ne put s’empêcher de sentir une bouffée de plaisir, à avoir un tel contrôle sur la situation.


- Tu vas abandonner cette idée stupide et ne plus jamais l’évoquer.


Il resta silencieux, totalement tétanisé.


- D’accord ? ajouta Amélie.


- D’accord, dit-il aussitôt.


Elle lâcha son menton et retourna s’assoir.


- Cette mission auquel tu es affecté, en quoi cela consiste ? demanda-t-elle.


Gérard prit quelques secondes pour rassembler ses esprits.


- Une opération humanitaire dirigée par la docteure Angela Ziegler, dit-il, citant mécaniquement. Le but est d’éradiquer l’épidémie en Europe centrale.


Son visage afficha de nouveau une expression désespérée tandis qu’il poursuivait.


- Mais Ziegler n’a pas les ressources suffisantes pour réussir. Je te l’ai dit, cette affectation est un placard.


- Alors fais en sorte de la transformer en succès. Tu dois avoir des idées, non ?


Gérard ferma les yeux et posa la main sur son front. Le désespoir qu’il affichait fut remplacé petit à petit par un air de profonde réflexion.


- Oui, dit-il finalement. Il y a moyen de faire quelque chose…


*Aujourd’hui*


Amélie ne put retenir une grimace à ce souvenir, particulièrement désagréable. Les mois suivant avaient été les plus difficiles de leur mariage. Gérard s’était fait distant. C’est à partir de cette époque qu’il avait pris la sale manie de se plonger dans son travail, au point de parfois négliger leur vie de couple.


Mais elle avait supporté tout cela, sachant que la situation s’améliorerait avec le temps. Et cela avait été le cas. L’opération en Europe Centrale avait été un succès retentissant. Gérard en était revenu apaisé, débarrassé du désespoir qui le rongeait. Amélie et lui n’avaient pas tardé à retrouver leur complicité passé. Des années plus tard, Gérard l’avait même remercié d’avoir agi comme elle l’avait fait.


Ce cas-là n’allait pas être différent. Gérard allait sans doute refuser de rejoindre Talon. Il invoquerait de grands principes, aussi idéalistes que stupides. Mais il finirait par comprendre qu’Amélie savait ce qui était le mieux pour eux deux. Elle en était persuadée.


- Si vous voyez que parler ne marche pas, commença l’Agent 49, n’hésitez pas à recourir à la violence. Nous ferons en sorte qu’il vous pardonne.


Amélie hocha distraitement la tête.


- Du nouveau matériel vous a été assigné, poursuit-il. Vous pouvez aller le récupérer à la section ingénierie. De plus, une escouade sera sous vos ordres pour cette mission. Elle sera prête au départ dans une dizaine de minute. Votre transport est dans le hangar trois.


- Parfait.


Elle salua rapidement l’Agent 49 avant de se diriger vers ses appartements, où elle récupéra son équipement habituel. Cela faisait longtemps qu’Amélie avait exigée de garder son arme avec elle, au lieu de la stocker dans l’armurerie commune. Puis, elle se rendit dans la section ingénierie.


La technicienne en chef, une imposante femme aux habits salis par le travail, était occupée à travailler sur un imposant moteur.


- Saleté de passe-muraille ! se plaignit la mécanicienne, passablement énervée, en retirant un objet de la machine.


- Quel est le problème ? demanda Amélie.


- C’est déjà chiant que les soldats français aient un appareil leur permettant de traverser les murs, mais maintenant ils l’utilisent pour mettre des mouchards au cœur de nos moteurs.


Elle montra à Amélie l’objet qu’elle venait de retirer : un mouchard aux circuits totalement grillés. Puis elle désigna l’endroit où il se trouvait juste avant : au point d’origine d’un conduit d’échappement, au cœur du moteur.


- À cet endroit-là c’est totalement indétectable, reprit la mécanicienne. J’ai dû envoyer une décharge aux moteurs qui pouvaient être infectés. Et maintenant je dois tous les vérifier puis remplacer leurs circuits !


- Hum, commença Amélie. Pas besoin d’un appareil de passe-muraille, il est possible d’atteindre cet endroit en tirant le mouchard.


- Réussir à toucher le cœur d’un conduit d’échappement large de quatre centimètre…même pour vous ça parait impossible.


- Vous en êtes sûr ? demanda Amélie d’une voix doucereuse.


La mécanicienne eut un petit air inquiet, chassant au passage sa frustration.


- Hum, non…j’y connais rien moi… Bref, je vais vous donner votre matériel.


La technicienne sortie plusieurs objets d’une caisse proche, avant de les poser sur sa table de travail.


- Tant qu’on parle de mouchard…en voici plusieurs. Ceux-là, c’est des classiques, poursuivit-elle en montrant certains objets. À poser ou jeter à la main. Les autres, sont conçu pour être tirés par votre fusil, finit-elle en montrant un chargeur.


La mécanicienne montra ensuite d’autres chargeurs, qui portaient une marque différente.


- Et ça là, ce sont des balles paralysantes. Elles se désagrègent au contact de la peau tout en y implantant un somnifère. Un tir suffit pour endormir quelqu’un.


- Cela conviendra, dit Amélie.


Elle récupéra le matériel, fit un bref signe de tête à la technicienne puis partie au hangar trois. Cela ne faisait que trop longtemps qu’elle n’avait pas vu son mari.


**

*


- Je ne comprends pas monsieur, commença Assistant. Si vous êtes en cavale, ne devriez-vous pas fuir ?


- Cela ne servira à rien, répondit Gérard. Ceux qui me pourchassent possèdent trop de ressources. Je n’arriverais pas à leur échapper par moi-même.


Il s’était passé quelques jours depuis l’attaque de la base. Mais Gérard et Assistant se trouvaient toujours au Guatemala. Ils étaient actuellement dans un immeuble en construction. Le bâtiment était quasiment terminé, comptant déjà portes, fenêtres et salles de bain. Il ne manquait que le réseau électrique, qui, selon les informations qu’avaient obtenu Gérard, ne devait être installé que dans une semaine.


C’était bien plus de temps qu’il ne lui en fallait. Ne rester qu’à tromper les alarmes et la police locale. Une simple formalité.


La pièce où ils se trouvaient était dépourvu de meubles. Sur le sol, se trouvait une large caisse métallique, un sac de couchage et un projecteur holographique. Gérard était sur une échelle. Il avait retiré une dalle du plafond et était occupé à installer une petite machine dans l’espace ainsi dégagé.


- Alors pourquoi ne demandez-vous pas l’aide de vos anciens collègues, monsieur ? Il vous serait facile de les contacter via des lignes cryptées.


- Tu te souviens de ce flash info, où les médias ont annoncé que Winston et son groupe s’était introduit dans mon appartement ?


- Monsieur, vos capacités mentales sont-elles défaillantes ? Je vous rappelle que j’ai un ordinateur comme cerveau. Je me souviens de tout.


- Le fait est qu’il a été annoncé qu’Overwatch a volé une base de données chez moi. C’était mes archives. Winston et les autres n’ont pas dû aimer ce qu’ils ont trouvé à l’intérieur. Après ça, ils voudront sans doute m’amener devant un tribunal. Je ne ferais appel à eux qu’en dernier recourt.


Il arrêta son travail et appuya sur un bouton du bracelet qu’il portait au poignet. La machine au plafond produisit un bourdonnement et activa un mécanisme. Satisfait, Gérard sortie quelques disques métalliques de ses poches et les introduisit dans la machine, avant de remettre la dalle à sa place.


- Alors quel est le plan, monsieur ?


- Dès que j’ai finis de préparer les lieux, je contacterais l’ONU et leur demanderait de venir m’extrader. Leurs bases ont la meilleure technologie de brouillage qui existe. Cela me permettra de disparaître de nouveau.


Il dévissa une dalle dans le sol et commença à y cacher le projecteur holographique.


- Pourquoi ne pas les avoir contactés avant, monsieur ?


- Je n’ai pas de canal crypté pour parler à l’ONU. Mon message sera public et pourrait attirer des personnes inamicales. Mieux vaut être prudent. D’ailleurs…


Il remis la dalle en place, se leva, s’approcha de la caisse et en sortie une trousse à outil qu’il tendit à Assistant.


- Cache ça dans ton compartiment secret.


Le drone dégagea une plaque métallique au niveau de son ventre, révélant une petite cavité. Il y cala la trousse à outil, avant de remettre la plaque métallique.


Un petit bip se fit alors entendre du bracelet de Gérard. Ce dernier, les yeux plein d’espoir, regarda l’écran de l’appareil. « Diagnostique terminé » était-il écrit. « Paramètres en cours de calcul. Temps estimés : plusieurs jours ». Gérard soupira.


- Toujours non-fonctionnel, monsieur ?


- Oui…Cela aurait pu faire toute la différence. Mais il va s’en passer.


Le français sorti de la caisse deux autres objets : un communicateur longue distance et un petit radar à courte portée. Il utilisa le premier pour écrire un message, qu’il envoya aussitôt.


- Voilà, dit-il. Avec un peu de chance, l’ONU sera la plus rapide et je pourrais mettre fin à cette parenthèse déplaisante.


- Et si ce n’est pas le cas, monsieur ?


Le regard de Gérard s’assombrit.


- Et bien j’aurai de sérieuses chances de mourir dans les prochains jours. Ou de connaître un sort encore pire.


- Quelle hypothèse préférez-vous, monsieur ?


- Celle où je remonte le temps et fait des choix différents.


- Monsieur, j’ai le devoir de vous informer que cela est impossible.


- Merci, Assistant, je ne l’aurais pas deviné sans toi.


- De rien, monsieur. Je suis à votre service.


- Surveille ce radar et prévient moi dès qu’un appareil approche.


Le drone s’exécuta tandis que Gérard s’assis contre le mur en sortant un livre.


- Un transport arrive vers nous, monsieur, annonça le drone au bout d’une dizaine de minute.


- Tu peux identifier à qui il appartient ?


- Oui, monsieur. C’est un appareil de Talon.

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