Le Poids de nos Erreurs
- …les membres d’Overwatch ont alors rompu le combat. Depuis, je suis resté avec mon frère et l’ai aidé dans les entreprises du clan, bien que je sache quelles sont immorales. Voilà toute l’histoire, maître.
Genji se trouvait dans un temple des Shambalis, une élégante structure en bois construite dans un style humble. L’endroit l’emplissait de sérénité.
L’interlocuteur du cyborg était un omnic, vêtu d’un pantalon de moine oriental. Assis en tailleur, il lévitait à quelques dizaines de centimètres du sol. Cela était aussi surprenant que les neuf sphères métalliques qui gravitaient autour de lui. De la taille d’une balle de tennis, ces objets avaient une couleur dorée, agrémentée de quelques lignes bleutées.
- Tu traverses une rude épreuve mon apprenti, dit l’omnic. Sache que tu as tous mon soutient.
- Merci maitre. Je…hum…que pensez-vous de tout ceci ? Ai-je tort de rester avec Hanzo, au service de Talon ?
- Genji, voudrais-tu m’obliger à endosser le rôle du vieux mentor sénile, forcé de dire des évidences telles que « la vengeance est une quête vaine », « il ne faut pas juger un groupe sur un seul de ses membres » ou encore « rien ne peut justifier un acte de mal ». Tu sais déjà tout cela.
- Vous désapprouvez, dit tristement le cyborg.
- Oui. Mais je comprends tes actes Genji. Cette épreuve est d’une rare violence. Il est normal que, en y faisant face, tu aies pu trébucher. À toi de te relever maintenant.
- Je n’ai pas envie d’abandonner mon frère.
- Alors ne le fait pas.
- Mais rester avec lui m’obligerait de continuer à servir Talon.
- En es-tu sûr ?
- Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.
- L’adversité est une opportunité pour changer. En changeant, ce qui était impossible, devient possible.
Genji prit le temps de réfléchir. Il comprenait bien que son maître tentait de le guider vers quelque chose. Mais il ne voyait pas quoi. Le silence s’installa pendant une petite minute.
- Je ne pense pas que tu aies la moindre chance de convaincre ton frère si tu te contentes de lui obéir aveuglement, reprit l’omnic.
- Mais si j’entre en confrontation avec lui, les conséquences seraient catastrophiques.
- N’y a-t-il aucun entre deux ?
- Et bien...Hanzo a une vision du monde très codifiée. Et ça ne s’est pas arrangé avec ces révélations. Mais…
Genji hésita quelques secondes.
- Il était prêt à faire une exception pour moi. À ce que nous soyons en paix sans que je sois obligé de rejoindre le clan. Peut-être cela est-il encore possible.
Zenyatta ne pouvait sourire mais il fit un signe de tête bienveillant envers le cyborg. Celui-ci se sentais plus détendu. Genji avait encore du chemin à parcourir mais il voyait désormais comment agir.
- Merci maitre, dit-il.
- Je suis heureux de pouvoir t’aider à retrouver l’harmonie.
Le cyborg commença à se lever, mais s’interrompit lorsque son maître reprit la parole.
- As-tu réussie à pardonner à ceux qui t’on causer du mal ?
Genji prit quelques secondes pour y réfléchir. Toute la souffrance qu’il avait subie lui revient alors en mémoire. Son ancienne existence, heureuse et insouciante, détruite. Et à la place, la douleur des mutilations, la rage de la vengeance…puis se vide, qui avait failli le détruire. La colère et l’indignation lui firent serrer les poings.
Il avait pu pardonner à Hanzo. Ce dernier avait agi par contrainte, piégé par ses devoirs envers le clan. Et puis, c’était son frère.
Gérard en revanche, n’avait aucune excuse. À cela s’ajoutais la duplicité dont il avait fait preuve. Il s’était fait passer pour l’ami de Genji, juste après avoir tué son père et laisser Hanzo le mutiler. Non, il n’arrivait pas à le pardonner.
- Ça n’a pas d’importance, dit le cyborg. Tous les responsables sont morts. Je préfère ne pas y penser.
- Oublier, ce n’est pas être en paix.
Genji fut bien forcé d’admettre que l’omnic avait raison. Il ne fallait pas que se ressentiment l’empoissonne.
- Vous avez raison, maitre. Je travaillerais là-dessus. Après avoir amélioré la situation avec mon frère.
Cette fois Zenyatta n’ajouta rien. Genji se leva.
- Portez-vous bien, maître.
- Puisse tu retrouver l’harmonie, mon bien aimé apprenti.
Genji ne pouvait que l’espérer également.
*Quelques temps auparavant*
Un agent de renseignement devait toujours anticiper.
Il fallait que la surprise soit une sensation inconnue. Que toutes les possibilités soient prédites. Puis ensuite, on transmettait ses conclusions à ses supérieurs, qui décidaient comment agir.
Ou alors, on agissait sois même. C’était l’option que Gérard préférait.
Il était à la base du Guatemala, dans ses appartements, devant un projecteur holographique. Ce dernier affichait actuellement une frise chronologique : toutes les actions effectuées par le criminel Soldat 76 et rapporté par la presse.
Gérard soupira. Dans le cas présent, il aurait préféré ne pas avoir à agir.
- Monsieur, commença Assistant, j’ai pris la liberté de constituer une documentation qui, je pense, devrait vous intéresser.
Le drone tapota sur le clavier du projecteur. Une autre frise s’afficha. Celle des actes attribués à Widowmaker. Gérard éteignit brusquement l’appareil.
- Tu fais erreur Assistant, dit-il. Ceci ne m’intéresse pas.
Malgré tous ses efforts, il ne put camoufler la souffrance dans sa voix.
- Si vous le dites, monsieur.
Ce drone était parfois bien trop intelligent. Gérard aurait pu y remédier, mais il ne le voulait pas. Faire taire un avis critique n’était jamais une bonne solution.
- Fait en sorte que tout le matériel essentiel puisse être déplacé, ordonna-t-il. Sauf le projecteur et l’ordinateur.
- Vous comptez partir de cette base, monsieur ?
- Non. Mais il est possible que nous y soyons contraint.
Le drone n’ajouta rien et se mit au travail.
Gérard s’approcha d’un petit coffret et l’ouvrit. La première chose qu’il vit fut un poster L’affiche représentait les membres de la première escouade d’Overwatch et portait la signature de Reinhard. Gérard n’y toucha pas. Pas plus qu’à un badge des services secret français et à un autre d’Overwatch.
En revanche, il sortit deux livres qui se trouvaient à l’intérieur : un traité de psychologie et un autre de science politique.
- Ajoute cela au reste, dit-il à Assistant, en montrant les livres.
Le drone se retourna dans sa direction.
- Vous ne voulez pas prendre votre poster, monsieur ?
- Je n’ai pas besoin du symbole de ma naïveté d’enfant.
- Et vos badges ?
Gérard balaya la question d’un geste de la main.
- Juste des rappels de mes échecs.
- A votre guise, monsieur.
Il ouvrit un second coffret. Il vit tout d’abord une petite boite noire, devant lequel il resta très longtemps hésitant. Avant de finalement la laisser à l’intérieur. En revanche, c’est le regard curieux qu’il prit en main un autre livre, à la couverture totalement lisse.
- Assistant, une idée de ce que c’est ? demanda-t-il en lui montrant le livre.
- Non, monsieur.
Le français ouvrit le livre, jeta un coup d’œil sur une des pages. Il vit une image le représentant…ainsi qu’Amélie.
Un album photo…leur album photo. Gérard avait oublié jusque à son existence. Ses mains refermèrent brutalement le livre. Il ne voulait pas se rappeler. Ah quoi bon se torturer avec les souvenirs d’un bonheur perdu, qu’il ne pourrait jamais retrouver ?
Mais il est difficile de contrôler sa mémoire.
*Il y a dix-neuf ans*
- Mais qu’est-ce que tu regardes donc ? demanda Amélie.
Gérard fit revenir son regard vers elle. Sa compagne était habillée d’une tenue de sport, très seyante. Lui-même portait un discret vêtement de travail.
- J’essaye de repérer tes gardes du corps, dit-il. C’est plutôt facile.
Un homme à gauche un peu trop bien habillé pour la banlieue, une chauffeuse de taxi sans client depuis vingt bonnes minutes et une jeune femme dont les écouteurs ne diffusaient aucune musique. Ils n’étaient pas mauvais en camouflage. Mais bien au deçà de son niveau.
- Tss, commenta Amélie. Mes parents sont vraiment trop envahissant. Je n’ai jamais eu de problème en venant ici.
Gérard ne répondit pas. Il ne se souvenait que trop bien des terribles émeutes qui avaient secoué les banlieues pendant la Crise Omnium et des troubles qui avaient suivi. Le gouvernement faillit même être renversé.
Le français n’avait que onze ans à cette époque et lui n’avait pas de garde du corps. La peur l’avait tenaillé des jours et des jours. Jusque à ce que Gabriel et son escouade sauve la situation. À l’époque, le soulagement de Gérard était aussi immense que son admiration pour Overwatch.
- Pourquoi donnes-tu ces cours bénévoles ? demanda-t-il, tandis qu’ils approchaient de la mairie.
- Et pourquoi pas ? lui répondit-elle avec un air de défi.
Gérard sourit. Amélie avait son caractère. Le soir de leur rencontre, il avait eu un court instant de frayeur en la voyant par la fenêtre. Cela eu été trop bête d’être arrêté juste pour faire signer un livre, ce qu’il n’avait d’ailleurs même pas pu faire. Mais cette malchance s’était transformé en occasion intéressante.
- Et bien, parce que tu perds une après-midi que tu pourrais passer à faire autre chose, dit-il.
- Comme quoi ? Aller à des réceptions ennuyeuses pour y être exposée comme un trophée ?
- Je suis d’ailleurs surprit que tu acceptes de te rendre à ce genre d’événement.
- Je n’avais aucun contrôle sur ça…jusque à ce que tu passes cette fenêtre.
Elle posa délicatement une main sur son épaule en lui faisant un sourire charmant, qu’il lui renvoya. Malgré tout, Gérard ne se faisait pas d’illusions. Il n’y avait aucune chance qu’une célèbre danseuse, héritière d’une richissime famille, ait une relation sérieuse avec un agent de renseignement issus des classes moyennes. Amélie sortait avec lui pour agacer ses parents et être libre de ses mouvements. Il n’était qu’un caprice passager.
- Tu ne t’es jamais révoltée ? Ce genre de restriction mènent souvent à des crises d’adolescences plutôt violente.
- Oh, c’était violent. Je me souviens avoir brisé toute la collection de vase de ma mère.
Elle eut un sourire amusé. Qui se mua en une grimace de frustration.
- Mais mes parents m’ont empêché de me rendre à mes répétions de spectacle. Une autre fille allait avoir le rôle principal, qui m’était destiné, dit-elle, indignée à cette seule pensée. J’ai dû rentrer dans le rang pour empêcher cela.
- Mais c’est seulement partie remise, n’est-ce pas ? répondit Gérard d’une voix charmante.
Cela la refit sourire.
- Oui. Seulement partie remise.
Elle ouvrit la porte de la mairie, un imposant bâtiment blanc construit dans le style classique des édifices gouvernementaux. Quelques employés la saluèrent.
- Je donnes ses cours parce que j’aime ça, expliqua-t-elle finalement. Être respecté pour son savoir, avoir le contrôle de la situation et, parfois, voir un élève briller.
- Et pourquoi faire ça bénévolement ?
- J’ai eu une vie de luxe et de privilège, grâce à ma seule naissance. Il faut bien que je paye ma dette à la société. Et puis, les élèves présentent un meilleur défi. Ceux de mon quartier m’idolâtrais déjà avant même de me rencontrer. C’était trop facile.
C’était exactement les raisons que Gérard avait anticipées. Il était vraiment doué en lecture de personnalité. Mais ça en devenait ennuyeux. Par exemple, il savait déjà comment aller évoluer sa relation avec Amélie. Elle allait finir par se lasser, obtenir de lui un moyen de tromper les gardes de ses parents, puis le quitter. Jamais ils ne dépasseraient le stade de la main sur l’épaule. En attendant, il pouvait en profiter pour observer de près le monde des hautes castes. Et leurs systèmes de sécurité notamment.
Ils atteignirent la salle prêtée à Amélie par la mairie. L’endroit était large et espacé, avec de beau mur blanc et quelques bancs au fond. Les élèves étaient déjà présent. Il y en avait une trentaine, âgés d’entre dix et quatorze ans. Ils étaient habillés de jeans et de t-shirt. La majorité paraissaient passablement ennuyés, occupé à tapoter sur leurs téléphones ou à discuter. Gérard et Amélie se placèrent face à eux.
- Bonjour, dit cette dernière, d’une voix soyeuse. Je serais votre professeur de danse et je vous garantis que je suis bien plus intéressante que vos téléphones. Mais si vous voulez gâcher cette occasion, libre à vous.
Cette tirade lui valut leurs attentions.
- Et c’est qui lui ? demanda un élève en montrant Gérard.
- Je suis un employé de la mairie qui vient voir comment se déroule le cours, dit l’intéressé en souriant.
Amélie lui envoya un regard moqueur en entendant ce mensonge, avant de se retourner vers ses élèves.
- Bon, allons-y carte sur table. Qui est venu ici dans le cadre d’un programme de réinsertion sociale ou je ne sais quelle idiotie équivalente ?
Il y eu une poignée de sourires tandis qu’un tiers des mains se levaient.
- Et combien sont venus ici à la demande de leurs parents ?
Un autre tiers des mains se leva.
- Les parents peuvent être vraiment très énervant, n’est-ce pas ? dit Amélie, ce qui lui valut d’autres sourires. Enfin…qui est venu ici parce qu’il avait envie d’apprendre à danser ?
Le dernier tiers leva la main.
- Bien, vous, vous n’allez pas être déçus.
Elle marqua une courte pause avant d’ajouter.
- Pour les autres…et bien vu que vous êtes forcé d’être ici, autant que vous en profitiez. Ou vous pouvez passer les heures suivantes à vous ennuyer. C’est vous que ça regarde.
- Pff, la danse classique, c’est nul de toute façon, dit une élève.
Amélie planta son regard dans celui de la fille.
- Est-ce que j’ai l’air d’être habillé pour faire de la danse classique ?
L’élève baissa la tête en rougissant.
- Eh…je sais pas, madame.
- Alors pourquoi parles-tu ? Reste silencieuse si tu n’as que des bêtises à dire.
Il y eu quelques rires dans la salle.
- Nous allons faire de l’Electro, précisa Amélie.
- Mais vraiment madame, à quoi ça sert la danse ? demanda un garçon.
- A beaucoup de chose. Mais pour vous, ce sera surtout vous défouler et vous amuser. Et peut-être qu’à toi cela te permettra de trouver une copine.
Nouveau rire. Gérard était impressionné. Amélie faisait face à un public majoritairement hostile mais elle arrivait facilement à gagner leur respect. Elle avait un bon instinct pour ça.
- Genre, vous savez ce que c’est d’être en couple, dit une élève, d’un ton crâneur.
- Et pourquoi je ne le saurais pas petite maline ?
- On vous voit dans des tas de magazine, mais jamais avec un mec.
- Peut être que j’aime être discrète sur ça.
- Ou peut être que vous êtes trop chiante et que personne veut de vous.
Amélie eu un sourire amusé. Puis, soudainement, elle se retourna vers Gérard, fit un pas dans sa direction, prit sa tête d’une de ses mains et l’embrassa avec fougue.
Il y eu des « oh » et des « ah » dans la salle, ainsi que d’autres rires. Quelques jeunes sortirent leur téléphone et prirent une photo. Gérard lui, était tellement surprit qu’il restât cinq bonnes secondes sans réagir, avant de répondre au baiser.
Puis Amélie mit fin au contact.
- Je vous présente mon petit ami, dit-elle en montrant Gérard. Excusez-le d’avoir menti. Il est timide.
- He, hum…je… bafouilla Gérard.
Il n’arrivait pas à organiser ses pensées. Et Amélie ne l’aidait pas avec son sourire charmant. Elle était si belle.
- Je vais aller m’asseoir là-bas, dit-il finalement, en montrant les bancs au fin fond de la salle.
- Bonne idée, ta présence me distrait, répondit-elle.
Nouveau rire. Gérard se dépêcha de rejoindre l’arrière de la pièce. Les pensées bourdonnaient dans sa tête.
Elle avait fait ça pour impressionner ses élèves. Ça ne voulait pas dire qu’il s’était trompé. Juste un paramètre qu’il ignorait. Quelle l’ait embrassée ne signifiait pas que s’était sérieux.
Pourtant elle avait mis tellement de passion dans ce baiser.
Et que s’était agréable. Depuis quand une femme l’avait-il embrassé comme ça ? Jamais. Ses études l’avaient toujours trop pris pour qu’il puisse consacrer du temps à ce genre de chose.
Peut-être devait-il arrêter de tout analyser. Juste vivre cette relation. Voir jusqu’où cela allait le mener. Au pire, tout se déroulerait comme il l’avait prévu. Sinon, il aurait peut-être d’autres bonnes surprises.
*Aujourd’hui*
Lentement, Gérard rouvrit le livre, à la page qu’il avait entraperçu.
La photo montrait Amélie en train de l’embrasser, tenant sa tête d’une de ses mains. Lui-même arborait une mine totalement stupéfaite, et c’est vrai qu’il était hilarant à voir dans ces moments. Il n’y avait qu’un mur blanc derrière eux.
Plusieurs élèves avaient publié la photo sur internet, qui avait ensuite atterrit dans les mains de la presse people. Fort heureusement, Gérard faisait un travail d’analyse au sein des services secrets, sans besoin d’anonymat. Ce qui n’avait pas empêché les plaisanteries de ses collègues.
Lentement, le français ferma et reposa le livre. Une douleur sourde lui ravageait la poitrine. Il allât se servir un verre de vin. Mais même la chaleur du breuvage ne suffit pas à dissiper son mal-être. La mélancolie le ravagea le reste de la journée et il se maudit mille fois d’avoir ouvert cet album. Finalement, Gérard effectua des exercices d’aïkido pendant plusieurs heures, avant d’aller se coucher. La fatigue le fit s’endormir rapidement.