Fantômes du passé

Chapitre 13 : Epilogue

Chapitre final

1413 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/02/2019 23:45

6
Style/Orthographe
5
Scenario
6
Note globale

290 point(s)

Aujourd’hui, je fais une entorse à mes beaux principes tout neufs en reviewant une fic dans un fandom que je ne connais pas. Cela à la demande expresse de l’auteur qui m’a assurée que son histoire tenait lieu d’introduction à l’univers d’ Overwatch , accessible aussi bien aux experts qu’aux béotiens néophytes.

Alors, publicité mensongère ou immersion réussie dans un fandom qui fleure bon les aventures héroïco-militaires des G.I. Joe de mon enfance ? Vite, mon fusil hypodermique, mes nanites régénérants, et guerroyons, mes bons !


Style/Orthographe


Nous avons affaire ici à un auteur au style simple mais correct, qui connaît ses règles de français et sait presque toujours les appliquer. Les phrases sont souvent courtes et concises, elles vont à l’essentiel. Le vocabulaire employé est adapté à l’environnement militaire sans pour autant tomber dans l’incompréhensible et le discours tactique à outrance. La gestion des scènes de combat est dynamique sans être foutoir, on s’y retrouve facilement, même quand ça canarde dans tous les sens. Les dialogues sont bien rédigés, avec l’adjonction d’incises permettant d’avoir une idée de l’état d’esprit de l’interlocuteur ou de ses actions en cours. Un bon choix de verbes aussi dans ces incises, ce qui n’est pas toujours évident. Ça fait largement oublier l’utilisation du trait d’union à la place du tiret cadratin.

En ce qui concerne les fautes, elles restent peu nombreuses mais on retrouve de façon trop récurrente des problèmes d’accord et de conjugaison et des étourderies, notamment des confusions de mots : avec enthousiaste, chartres éthiques . Quelques erreurs typographiques, surtout avec l’espace insécable des points de suspension. Ça ne gêne pas vraiment la lecture, mais le texte mériterait de passer au scanner d’un correcteur humain pour traquer ces petits points noirs.

Pour autant, si le style semble de prime abord tout à fait décent, il se révèle rapidement très scolaire au fil des chapitres, avec notamment une répétition de certains schémas narratifs, comme la façon de présenter les personnages dès leur apparition ; cette habitude m’a donné l’étrange impression d’une tâche un peu pénible dont il faut s’acquitter bon gré mal gré pour en être rapidement débarrassé. Du coup, les personnages sont présentés une bonne fois pour toute lors de leur première intervention et l’auteur ne revient presque jamais dessus. Dommage.

L’autre problème de ces introductions éclairs, c’est leur maladresse. L’auteur veut nous informer en très peu de mots sur l’apparence physique de ses personnages et bazarde tout en vrac, de la description des cheveux et du visage à celle des vêtements, et le rendu est parfois… aléatoire : une combinaison moulante violette qu’elle portait au corps et au haut de ses jambes, ses yeux étaient d’un noir commun et avaient une forme plutôt discrète .

Ce qui m’amène à souligner que, si l’auteur ne prend guère de risques dans ses structures de phrases et évite généralement les fioritures inutiles, il n’est pas rare de se trouver face à des tournures hasardeuses et une manie quasi-systématique de placer l’adjectif avant le nom : une sombre silhouette, un gras individu, un clair soupir, ses plus fidèles et compétents gardes, cela la fit adopter un air lugubre, n’avait rien besoin de plus, l’expression de Winston redevint d’une profonde tristesse, un autre corps dénué de vie toucha le sol , etc… Il y aurait quelques retouches à faire ici aussi.

Enfin, un dernier point m’a ennuyée tout le long du récit. Je préviens tout de suite que c’est ridicule de ma part et sans doute dû à des relents d’éducation patriarcale, mais tous les grades militaires et autres désignations guerrières sont féminisés : la lieutenante, l’officière, la snipeuse, l’assassine , etc.

C’est…

C’est bien. Je ne vais pas râler qu’un représentant de la gent masculine défende ardemment le féminisme, mais ça sonne bizarre quand même. J’ai demandé à une experte en la matière qui m’a confirmé que ça existait et que, du point de vue du respect de la langue française, c’était correct, mais qu’en fin de compte seuls les civils s’amusaient à ça. Parce qu’à l’armée, madame, c’est que des machos (si, si, elle l’a dit).

En bref, un style simple et plutôt efficace mais avec de petites maladresses ; une pierre brute qui mérite d’être travaillée et ciselée pour en tirer un meilleur parti.


Histoire/Personnages


L’auteur m’a vendu l’affaire en me certifiant que sa fic était accessible aux néophytes. Sur ce point, il n’a pas menti : même sans connaître le fandom, je n’ai eu aucune difficulté à suivre le récit et ses rebondissements. Il a d’ailleurs publié une courte introduction à l’intention des novices, qui reprend avec concision la trame du jeu Overwatch . Bon, je n’allais de toute façon pas tenter de chercher midi à quatorze heures. On parle d’un FPS… Mais c’est une bonne initiative qui permet de nous immerger dans l’univers en quelques phrases.

L’histoire elle-même est limpide : après la chute d’Overwatch, Jack Morrison, devenu le Soldat 76, souhaite se venger et cherche des informations susceptibles de le renseigner sur ceux qui ont fichu sa vie en l’air.

L’auteur va droit au but et c’est là que son style direct et précis joue en sa faveur : on sait à chaque moment où on va. Pas de digression, pas de détournement foireux ou de perte de contrôle, non, l’histoire est maîtrisée de bout en bout et le lecteur n’a qu’à se laisser guider. C’est reposant. Je passerai sur les ficelles parfois un peu grosses, l’humour carambar (les gars font partie de l’élite et ils se marrent en cachant les pots de beurre de cacahuète, les petits filous !), les petites facilités scénaristiques et autres ellipses équivalent au cinéma à un fondu au noir, parce que, finalement, on se laisse porter par l’histoire. Elle suit son cours et, comme l’action est rapide, on ne s’arrête pas trop sur les détails. On sent que l’auteur aime le cinéma, son récit est monté un peu comme un scénario de film, avec des flasbacks, des scènes qui s’emboîtent et se recoupent. C’est du bon travail.

Je serai plus mitigée en ce qui concerne les personnages. Evidemment, je ne connais pas le jeu et je ne peux pas juger du respect du fandom, mais la fic m’ayant été vendue comme une introduction à l’univers, je m’attendais justement à faire intimement connaissance avec les héros.

Hors, nous l’avons vu, les présentations sont succinctes et uniques. Pas question d’en rater une, sinon, on ignore à quoi ressemble le personnage concerné tout le reste du récit. Le problème principal, c’est que cette présentation est essentiellement physique. Et, même si l’auteur tente de distiller quelques détails sur la personnalité de ses protagonistes dans ses paroles ou ses actions, on ne sait finalement pas grand-chose d’eux. En tout cas pas assez pour s’attacher. Et, du peu qui en ressort, on se rend vite compte qu’on a affaire à des stéréotypes sur pattes : l’ancienne capitaine très maternelle qui s’inquiète du bien-être de tout le monde, le sombre héros (je sais, je sais, je devrais avoir honte) qui fait passer sa vengeance avant le bien-être de tout le monde (mais que font-ils ensemble ??), le méchant très méchant qui annonce à sa victime qu’il est « la mort en mouvement » (sic), la méchante-pas-si-méchante-mais-il-ne-faut-pas-que-ça-se-sache, le gorille génétiquement modifié et un peu naïf qui ne veut rien tant qu’être accepté parmi ses compagnons humains, la petite rigolote qui cache le beurre de cacahuète…

Ce qui manque cruellement ici, c’est de l’introspection. On connaît grâce aux incises l’état d’esprit des personnages pendant les dialogues, mais ça s’arrête là. Jamais de description des sentiments ou des doutes, les personnages sont superficiels et trop plats pour susciter une réelle empathie. Là aussi, il y a encore du travail.

Je vais prendre l’exemple du personnage principal, Jack Morrison, devenu le très recherché Soldat 76. C’est le symbole même du personnage tourmenté, en conflit permanent avec son passé et ses convictions. Il a à l’origine juré de défendre le monde, il apparaît dans les flashbacks comme le vrai G.I. Joe modèle, défendant bec et ongles la veuve et l’orphelin, et il devient par la force des choses un hors-la-loi sans scrupule, une crapule prête à sacrifier quelques innocents pour obtenir les informations indispensables à sa vengeance. Ça doit faire le grand écart dans sa tête et j’imagine que, parfois, il y a des fusibles qui sautent là-haut. Mais ça n’est jamais évoqué. Ou alors très brièvement et de façon indirecte, lors d’une discussion entre deux autres protagonistes. Du coup, la fin tombe un peu à plat sans la mention de ce combat intérieur et son utilisation comme levier de suspens. Il bascule du Côté Obscur, mais on ne savait même pas qu’il y songeait…

D’une manière générale, on ignore tout sur les protagonistes : leurs motivations, leurs objectifs, leurs rêves, leurs peurs… Difficile de s’y attacher dans ces conditions. C’est d’autant plus frustrant que ce sont des personnages qui pourraient être riches en étant un peu exploités. Je trouve que Widowmaker a un potentiel extraordinaire. Qu’est-ce qui l’anime, à part le kiff de tuer des gens ? C’est quoi ce blocage cérébral vaguement évoqué dans le chapitre 6 ? Il aurait été intéressant de développer tout ça. Peut-être l’auteur a-t-il voulu traiter trop de personnages à la fois. Le seul personnage que j’ai trouvé à la hauteur est Winston. L’auteur a su lui donner une vraie personnalité et une sensibilité. Il est touchant et crédible. Mais les autres restent désespérément creux.

Donc oui, la gestion des personnages m’a clairement laissée sur ma faim. J’attendais plus de ce côté-là.


En résumé


La note peut paraître dure pour un récit que j’ai qualifié de correct tout au long de ma review, mais n’oublions pas que nous avons sur le site un certain nombre d’auteurs talentueux et aguerris, à la plume aiguisée par des années d’écriture. Ce sont leurs textes qui me servent de référence. Et force est de constater que Fantômes du Passé , même si elle fait le job , ne soutient pas la comparaison avec ses aînées.

Il lui manque un souffle de vie, une étincelle qui embraserait l’intérêt du lecteur et le pousserait à se préoccuper davantage du sort des personnages. Ceux-ci sont trop survolés, trop creux, et l’histoire n’a du coup réussi à m’arracher que de vagues haussements de sourcils en guise d’émoi. Je conçois qu’un fan puisse y trouver son compte en suivant ses personnages fétiches, mais l’ambition de l’auteur était d’accrocher n’importe quel lecteur. Et pour ça, il faut que les protagonistes suscitent un tant soit peu d’empathie…

Mais c’est une première fic, et elle reste honnête et de bonne facture. Nul doute que, si l’auteur corrige ces détails, il gagnera en maturité et sera bientôt à même de publier des textes plus aboutis qui sauront nous prendre aux tripes et nous mettre la larme à l’œil.