Fantômes du passé
La capitaine Ana Amari était une membre respectée de l’armée égyptienne, s’étant distinguée contre les Omnics. Elle fut envoyée rejoindre l’escouade de Gabriel Reyes, regroupant les membres fondateurs de ce qui deviendrait Overwatch. Comme tous les autres, elle entra dans la légende en mettant fin à la Crise des Omniums.
Lorsque Overwatch fut pérennisée, Ana Amari en devient la numéro deux. Son caractère affable, son professionnalisme et son souci du bien-être de ceux sous ses ordres, en firent une des personnes les plus appréciés de l’organisation.
Malheureusement, après dix-neuf ans de services, elle fut déclarée disparue lors d’une opération opposant Overwatch à l’organisation terroriste Talon. La plupart des experts s’accordent à dire qu’elle aurait été abattue par l’assassine surnommée « Widowmaker ».
Cette perte était précédée de peu par celle de Gérard Lacroix, un des meilleurs chefs d’opération et agents de renseignement d’Overwatch. Beaucoup voyaient en lui le futur remplaçant d’un Morrison vieillissant et à la politique de plus en plus contestée. Gérard avait lui aussi été assassiné par Talon.
Ces deux revers face à l’organisation terroristes ont beaucoup pesé dans la décision de l’ONU de lancer une enquête sur Overwatch et d’ensuite dissoudre l’organisation.
« Encyclopédie universelle d'internet »
*Il y a douze ans*
Morrison avançait à travers une rue dévastée. Les bâtiments portaient les stigmates typiques d’un tremblement de terre, associé à un manque d’entretien chronique. La ville semblait pauvre et délaissée.
Le commandant d’Overwatch détonnait dans ce décor, avec son uniforme bleu et ses cheveux blonds d’une propreté impeccable. Les quelques signes de vieillesse qu’il arborait, une poignée de mèches grises et quelques légères rides, ne diminuait en rien l’allure et le charisme que dégageaient l’homme.
Il rejoignit une escouade d’agents d’Overwatch qui était positionnée autour d’un bâtiment en ruine, encerclant ce dernier et le surveillant d’un air vigilant. Morrison s’approcha de deux femmes qui semblaient en charge, une portant un insigne de lieutenant et l’autre de capitaine. Morrison s’adressa à cette dernière :
- Qu’est-ce qu’on a, Ana ? demanda-t-il.
- Un groupe de pillards à l’intérieur, dit-elle d’un ton très sérieux. A notre arrivée, ils se sont retranchés avec des otages.
- Donnez juste l’ordre, commandant, et mon équipe se chargera de ces lâches, dit l’autre femme, d’une voix déterminée.
Les deux officières avaient à peu près l’âge de Morrison. Comme lui, elles avaient des mèches grises dans leurs chevelures et quelques rides au visage. Et tout pareillement, les deux portaient l’uniforme et l’armure pare-balle bleus d’Overwatch.
Ana avait une peau brunie et de long cheveux noirs qu’elle laissait pendre librement. Elle parlait anglais avec un léger accent arabe. Mais ce qu’on notait le plus chez elle, c’était le tatouage qu’elle avait sous l'œil gauche, représentant l’œil de Ra. Elle avait complété l’uniforme d’Overwatch avec un béret bleu sur lequel était agrafé un petit aigle doré, le même que celui du drapeau égyptien.
Son armement consistait en un revolver, associé à un impressionnant fusil de précision, une arme puissante et ancienne, sur laquelle figuraient nombre de barres rouges. Sans doute un compte de victimes.
La lieutenante elle, avait des cheveux roux coupés courts, à la militaire. Sa peau était très claire et son anglais laissait entendre un fort accent polonais. Elle portait le même armement que Morrison : fusil d’assaut et arme de poing.
- Vu les conditions tactiques, il n’y a aucune garantie que tous les otages survivent en cas de combat, répliqua Jack.
- Mais nous aurons à coup sûr les pilleurs, commandant, répliqua la lieutenante.
- Le premier but d’Overwatch est de protéger les innocents, pas de tuer des criminels.
- Qu’est-ce que tu vas faire alors, Jack ? demanda doucement Ana.
Il posa son arme par terre.
- Négocier.
Il commença à dégrafer son holster en ajoutant :
- Je compte sur toi pour me couvrir, Ana.
L’intéressée sourit.
- Toujours, Jack.
Une fois l’arme de poing par terre, Morrison attendit que la capitaine se positionne en hauteur, de sorte à pouvoir surveiller son avancée. Puis il se dirigea vers le bâtiment, les mains en l’air. Une réaction ne tarda pas à se faire entendre :
- Qui va là ?! tonna une voix masculine, avec un ton anxieux et autoritaire.
- Le commandant Jack Morrison. Je suis venu négocier.
- Bordel…le commandant d’Overwatch est ici, réagit un autre homme, impressionné et terrifié.
- La ferme ! cria le premier au second. Avancez ! poursuivit-il vers Jack. Et pas de coup fourré ou on vous plombe !
Morrison put bientôt voir ses deux interlocuteurs et le reste de la bande. Ils étaient jeunes, certains n’ayant même pas encore vingt ans et aucun plus de trente. Leurs habits étaient crasseux et déchirés.
Quant à leur armement, c’était un ensemble d’équipements obsolètes, qui paraissaient mal entretenus. Rien que des gamins idiots, poussés au crime par la misère causée par le tremblement de terre. Mais ces idiots avaient actuellement leurs armes pointées sur des civils désarmés et terrifiés. Ces derniers regardaient désormais Jack avec un immense espoir dans les yeux.
- C’est vraiment lui, dut admettre le premier homme, sans doute le chef. Bigre, ça je n’y attendais pas.
Le second baissa la tête de honte, pour éviter d’avoir à croiser le regard de Morrison.
- Qu’est-ce que vous avez à proposer ? demanda le chef.
- Laisser les otages ici et mes agents vous laisseront partir.
- Pff, et qu’est-ce qui me dit qu’une fois qu’on aura quitté le bâtiment, vous allez pas tous nous tuer ?
- Vous avez ma parole, répondit Jack très dignement.
- Bah ! La parole d’un homme ne vaut plus rien ici.
- Mais…c’est le commandant Morrison, réagit l’autre pillard. Tu crois vraiment qu'il va nous faire abattre par traîtrise ? Lui ?
Le chef sembla hésiter quelques instants. Son regard passa de Jack à sa bande, puis de sa bande aux agents d’Overwatch. Même de loin, il était possible de voir les armures et armes modernes des soldats de la paix.
- Ok, finit-il par dire.
Il se tourna vers le reste de sa bande.
- On se bouge d’ici, les gars !
- Overwatch offre de l’argent ou une reconversion pour les citoyens qui acceptent de rendre leurs armes, ajouta Morrison. L’offre est accompagnée d’une amnistie pour les délits mineurs. Vous avez juste à aller au camp humanitaire.
Le second pillard leva la tête vers le commandant, les yeux plein d’espoir. Le chef se montra plus circonspect :
- On va y réfléchir, dit-il.
Morrison hocha la tête puis repartit vers ses agents.
- Alors ? demanda la lieutenante.
- Les pillards vont bientôt sortir, normalement sans les otages. Si c’est bien le cas, laissez-les partir.
- Commandant, si on ne s’occupe pas d’eux maintenant, ils reviendront perturber nos opérations plus tard.
- Je n’en suis pas si sûr. Et même si c’était le cas, cela vaudrait le coup.
La femme ne dit rien. Elle ne semblait pas approuver mais, disciplinée, elle fit transmettre les ordres.
Quelques minutes plus tard, les pillards sortirent du bâtiment, sans les otages. La plupart avancèrent prudemment vers un autre quartier de la ville, les agents les laissant passer sans les lâcher du regard. Un petit groupe resta en arrière.
- Est-ce qu’on peut se rendre maintenant, commandant ? demanda l’autre pillard avec qui avait parlé Morrison.
- Bien sûr.
- Heu…alors on se rend, commandant, dit-il en posant son arme par terre. Rapidement imité par les autres.
- Toi et tes amis avez fait le bon choix, fils.
- Si je puis me permettre…c’était un honneur de vous rencontrer, commandant.
L’escouade de la lieutenante se chargea de raccompagner les otages et les pillards s’étant rendus vers le camp humanitaire. Ana revint de sa position pour parler à Morrison :
- Je suis contente que tu aies pris cette décision, Jack, dit-elle. Sauver des vies est bien plus important que de punir des coupables.
- Merci Ana. Ton approbation compte beaucoup pour moi.
- Et je suis ravie de voir que tu fais de ton mieux pour soutenir ce programme de réinsertion, ajoute-t-elle d’un ton plus taquin.
- Eh bien…je n’aime toujours pas le français, mais je dois reconnaître qu’il a de bonnes idées.
- Qu’est-ce que tu es borné, Jack.
Le très sévère commandant Morrison s’autorisa un léger sourire.
- Allez, viens, dit-il. Il y a encore beaucoup de choses à faire dans cette ville.
*Aujourd’hui*
- Jack, hé, réveille-toi Jack !
La voix d’Ana tira Morrison du sommeil. Il se redressa en grognant.
Ils se trouvaient dans un petit salon de style oriental, doté de quelques chaises, d’un canapé, sur lequel dormait Morrison, et d’une télévision. Cette dernière était allumée mais diffusait de la publicité.
- Notre cible ? demanda-t-il à sa coéquipière.
- Toujours pas en vue. Il sera là dans quinze minutes selon notre contact. J’ai pensé que c’était le bon moment pour te réveiller.
- Je n’aurais pas dû dormir autant.
- Tu n’aurais surtout pas dû passer toute la nuit à poursuivre des criminels, dit Ana, un brin moqueuse.
L’ancienne capitaine Amari se retourna vers lui. Elle avait changé depuis sa période de gloire. Ses cheveux étaient totalement blancs, de nombreuses rides parcouraient son visage et son orbite droite était désormais recouverte par un cache-œil.
L’uniforme d’Overwatch avait été remplacé par des vêtements épais, grisâtres et un peu déchirés. L’ensemble faisait ressembler Ana à une criminelle cherchant à se cacher, bien loin de la brillante officière qu’elle avait été.
Mais cet apparence était amplement compensée par le large sourire avec lequel elle accueillait son co-équipier :
- Sinon…j’ai fait un peu de thé, dit-elle d’un ton joyeux. Tu en veux ?
- Pourquoi pas ? répondit Morrison en haussant les épaules.
Ana saisit une théière, versa le liquide dans une tasse et la tendit à l’ancien commandant. Ce dernier but une gorgée. Le breuvage était très bon, quoi qu’un peu trop tiède à son goût.
Pendant ce temps, à la télévision, la chaîne d’information avait recommencé à émettre. Les titres indiquaient : « Winston et Tracer : héros ou criminels ? ». Le présentateur se mit à parler :
- Le monde s’interroge encore sur les deux anciens agents d’Overwatch, Lena Oxton, dite « Tracer » et Winston. Il y a quelques semaines, le monde les a vu empêcher un cambriolage, perpétré par des agents de Talon, visant à récupérer une arme très dangereuse. Mais de nouvelles informations font de plus en plus apparaître que le but réel de ces deux individus serait de recréer Overwatch malgré la loi dite « Petras Act » qui interdit toute activité liée à l’ancienne organisation. Ces deux personnes sont-elles en train de reproduire les erreurs du passé ? C’est ce que notre équipe va tenter de déterminer.
Amari regarda toute l’intervention avec une expression songeuse.
- Jack, pourquoi est-ce que nous faisons ça ?
- Faire quoi ?
- Traquer pour un peu d’argent des trafiquants d’armes à la petite semaine, qui seront de toute façon remplacés deux semaines après leur capture ?
- Et que voudrais-tu donc faire ?
- Nous pourrions essayer de retrouver Tracer et Winston pour les aider à reconstruire un semblant d’Overwatch. Si nous nous montrions tous les deux, cela serait bien plus facile pour eux.
- Et quel intérêt ? Tu as entendu ce journaliste. Le monde ne veut plus de nous. Autant qu’ils nous croient morts.
- D’accord…mais pourquoi s’en prend on aux petits poissons plutôt qu’au gros ?
- Une receleuse affirme pouvoir vendre des informations sur la conspiration qui à mener à la chute d’Overwatch. Il nous faut la prime sur ce trafiquant d’armes pour pouvoir payer le prix demandé.
Ana fronça les sourcils :
- Tu penses vraiment que c’était une conspiration ? D’après le récit que tu m’en a fait, j’ai surtout l’impression que c’est juste Gabriel qui a tenté de te renverser et qui a raté son coup.
- Reyes n’a sûrement pas provoqué une explosion qui le toucherait aussi lui et ses agents. Mon intuition me dit que c’est une tierce partie qui s’en est chargée. Et que cet inconnu a aussi révélé l’existence de BlackWatch. Je dois savoir qui c’est.
- Es-tu au moins sûr que cette receleuse a bien ces informations ?
- Assez pour tenter le coup. Et si elle ment…eh bien, il y aura une receleuse de moins dans ce pays.
- Bon…notre cible devrait bientôt se montrer. Nous devrions y aller.
Morrison hocha la tête et tous deux se préparèrent pour le combat. Leur équipement avait beaucoup changé depuis la période où ils servaient au sein d’Overwatch.
Ana avait troqué son imposant fusil de précision contre une arme plus fine et légère, qui tirait des seringues plutôt que des balles. Son arme de poing avait été changée de la même manière. Elle avait également accroché à sa tunique des petites fioles remplies d’une mixture dorée, rappelant l’énergie qui se dégageait des générateurs de champs biotiques.
Cet équipement était d’ailleurs toujours porté par Morrison. En revanche, son fusil d’assaut avait changé. A l’inverse de sa co-équipière, l’arme de l’ancien commandant était devenu plus massive et disposait d’un second canon.
Quant à l’armure et l’uniforme bleus de Morrison, ils avaient été remplacés par des vêtements ordinaires, portés par-dessous une veste blanche et bleue, sur laquelle était marqué dans le dos un gros « 76 », écrit en rouge.
Les deux vétérans ne firent pas que s’armer : ils cachèrent leurs visages. Ana mit un masque épais, recouvrant totalement sa tête, d’un noir mat et lisse, avec juste un triangle bleu en son centre. Elle dissimula ses cheveux sous une capuche.
Morrison lui préféra un objet plus petit, qui laissait son front découvert. Le masque avait une couleur d’un gris métallique, sauf pour la partie haute, celle recouvrant les yeux, qui formait une ligne rouge horizontale.
Ces deux objets étaient visiblement d’un haut niveau technologique, fournissant à leur porteur nombre d’avantages, dont un moyen de voir malgré leurs yeux masqués.
Ana et Jack sortirent de leur logement. Ils se trouvaient dans une petite ville d’Egypte, le genre de bourgade isolée que le gouvernement, affaibli par les récentes crises que traversait le monde, n’avait plus les moyens de couvrir efficacement. Armée et police n’étaient plus que de lointains souvenirs. C’était un lieu idéal pour un trafiquant d’armes…ou pour les chasseurs de prime qui le traquaient.
Amari et Morrison se faufilèrent à travers de petite ruelles vides de monde. Puis ils arrivèrent à la périphérie d’une grande place centrale, occupée par un large marché à ciel ouvert, grouillant de monde.
- Notre cible est là, dit l’ancien commandant.
Tout en parlant, il montra du doigt un gras individu, vêtu de vêtements confortables et occupé à mener une discussion très animée avec un autre homme du même acabit. Les deux étaient entouré d’une vingtaine de portes-flingues, en train de surveiller nonchalamment l’échange, certains adossés à un mur de pierres situé juste derrière.
- Je n’aime pas ça, Jack, dit Ana d’une voix préoccupée. Il y a trop de monde sur place. Nous risquons de tuer quelqu’un par accident.
« Faites tout votre possible pour ne jamais engager le combat près de civils », règlement d’Overwatch, chapitre 4, paragraphe 12, alinéa 3. Morrison s’en souvenait parfaitement. Pour cause, c’est lui qui l’avait écrit.
- Nous sommes suffisamment doués pour éviter de tirer sur des civils par erreur, dit-il néanmoins.
Ces règles avaient été établies pour empêcher les nouvelles recrues de commettre une bavure. Autrefois, Morrison les respectait pour montrer l’exemple. Il n’avait plus à le faire aujourd’hui.
- Mais pas ces bandits à la petite semaine, fit remarquer Ana.
- Alors, neutralise-les avant qu’ils puissent ouvrir le feu.
Que pouvaient-ils faire d’autres ? Rien. Il avait une mission. Combattre ici était le seul moyen de la remplir.
- Tu as repéré un bon poste de tir ? ajouta-t-il.
- Oui.
- Parfait. Je vais les contourner. Garde ton communicateur allumé.
Et il se mit en route.
Malgré son masque, on put entendre un clair soupir venir d’Ana Amari. Puis elle se mit à escalader une échelle située sur un bâtiment proche avant de s’installer sur le toit de ce dernier.
Jack, de son côté, contourna la place centrale jusqu'à se retrouver derrière le mur sur lesquels étaient adossés quelques-uns des gardes du trafiquant d’armes.
- Soldat 76 en position, dit-il à son communicateur, intégré dans son masque.
- Fantôme en position, lui répondit la voix d’Ana.
Jack pointa son arme vers le mur, enleva la sécurité et activa une gâchette secondaire. Trois roquettes miniatures furent alors projetées du deuxième canon de son arme.
L’explosion qui en résultat provoqua une brèche dans le mur, en plus de projeter dans les airs les portes-flingues qui y étaient adossés. Jack profita de l’ouverture ainsi créée pour attaquer par derrière les gardes du trafiquant.
Il enchaîna trois rafales, tout en fonçant vers l’avant à une vitesse surhumaine. Chacun de ses tirs abattit une cible différente. Arrivé au contact, il expédia une violente frappe de la crosse de son arme sur un garde, avant d’enchaîner d’un coup de tête vers un autre.
Au même instant Ana se mit à faire feux. Les fléchettes tirées par son fusil de précision atteignirent leurs cibles, les portes-flingues s’effondrant de manière quasi-immédiate lorsqu’ils étaient atteints. L’égyptienne ne manqua aucun de ses coups.
Surpris par l’attaque et effrayés par la fureur de Morrison, les portes-flingues furent incapables d’organiser une riposte efficace. Une petite partie paniqua et s’enfuit immédiatement. Les autres tentèrent de répliquer. Mais ils n’étaient que de vulgaires criminels, sans entraînement digne de ce nom. Leur médiocrité et le manque d’organisation les empêchèrent de toucher Jack, sans même parler d’Ana dont ils n’avaient pu deviner la position.
De nombreuses balles perdues parcoururent la place remplie de monde. Certaines des personnes présentes s’enfuirent immédiatement en criant, d’autres se terrèrent derrières des abris improvisés. Et quelques-uns furent touchés par des projectiles venant des portes flingues, causant une poignée de morts et de blessés.
Le trafiquant d’armes, lui, avait conservé son sang-froid. Dès l’explosion provoquée par les roquettes il s’était mis à courir, accompagné de ses plus fidèles et compétents gardes, sans même un regard en arrière.
- Mais qui est-ce qui nous attaque ? cria-t-il à ceux qui l’accompagnaient.
- C’est ce justicier qui se fait appeler soldat 76, lui répondit une porte-flingue tout en courant. Haaa ! cria-t-elle quand une fléchette d’Ana l’atteignit dans le cou.
- Soldat 76, ils ont pris une ruelle à ta gauche, indiqua Amari.
- Bien reçu, fantôme, répondit Morrison.
Il envoya à terre un garde d’un puissant coup de poing, avant de ressaisir son arme et d’abattre un autre adversaire d’une rafale à la tête. Puis il se mit à courir à la suite du trafiquant. Sa vitesse surhumaine lui permit de rapidement gagner du terrain.
Il dépassa les corps des derniers gardes, neutralisés par Ana avant de passer devant un large et grand immeuble d’habitation. Puis, il entraperçu sa cible en train de se cacher derrière un coin de mur. Morrison pointa son arme dans cette direction, prêt à tirer sur l’homme dès qu’il sortirait de son couvert.
- Vous savez…combien d’habitants…vivent dans cet immeuble ? demanda le trafiquant, tout essoufflé d’avoir autant couru.
- Je m’enfiche, répondit Morrison.
- Plus de quatre cents, dit le criminel. Et vous allez…rapidement vous en soucier…j’ai déjà entendu parler de vous, Soldat 76…et de votre façon d’agir.
Morrison entendit un bip de mauvais augure dans la direction de l’immeuble. Par réflexe il tourna la tête dans cette direction.
Le trafiquant avait posé un pack d’explosif sur le bâtiment…et il venait d’enclencher le détonateur. Dans dix secondes, quatre cents personnes risquaient de mourir.
Morrison perdit une de ses précieuses secondes à hésiter entre poursuivre la cible et agir.
- Le premier but d’Overwatch est de protéger les innocents…lui dit son ancienne voix, résonnant dans son esprit.
Il se mit à courir vers l’immeuble.
Cinq secondes lui furent nécessaire pour l’atteindre. Une de plus fut requise pour arracher le pack et le jeter en l’air, dans une direction vide de toute structure humaine. Trois secondes plus tard, l’explosion se produisit, totalement inoffensive pour quiconque.
Mais Jack ne vit pas cela. Il était trop occupé à retourner en courant vers la dernière position de sa cible.
Qui avait bien entendu disparu. Le trafiquant avait utilisé le temps gagné pour s’enfuir.
Une douleur brûlante s’empara du corps de Morrison. La même qu’il y a six ans, lorsqu’il avait regardé la liste des victimes de l’explosion et compris que les coupables étaient impunis. Il se sentait tellement impuissant.
- Fantôme, j’ai perdu la cible, cria-t-il dans son communicateur.
Pas de réponse. La brûlure se fit plus forte.
- Fantôme ?
- Qu’est-ce que tu ferais sans moi ? lui répondit alors la voix d’Ana, d’un ton moqueur.
La douleur retomba brusquement tandis que Morrison poussait un léger soupir de soulagement.
Quelques minutes plus tard, il retrouva sa co-équipière dans une ruelle déserte. Ana lui montra le trafiquant d’armes, endormi et ligoté.
- Heureusement, j’avais anticipé l’itinéraire de fuite qu’il a employé. J’ai donc pu lui envoyer une fléchette somnifère juste après ton exploit. D’ailleurs, bravo d’avoir su réagir aussi rapidement pour neutraliser cette explosion.
À la vue de cet homme, la brûlure réapparut brusquement. Mais Jack n’était plus impuissant désormais. Il pouvait laisser libre court à sa rage.
Il saisit le trafiquant d’arme par le col et le plaqua contre le mur. Puis, il lui envoya un grand coup de poing, en plein sur le nez. La douleur réveilla instantanément le criminel.
- Espèce…de…salopard ! cria-Morrison, ponctuant chacun des mots par un nouveau coup.
C’était des frappes violentes, conçu pour faire mal mais laisser la cible consciente. Le visage du trafiquant vira au rouge puis au bleu, tandis qu’il poussait de pitoyables cris de douleur. Puis Jack le laissa tomber et l’homme ne tarda pas à s’écarter de lui en rampant. L’ancien commandant arma de nouveau son bras tandis que le trafiquant se mit à implorer pitié.
Ana posa alors sa main sur l’épaule de Morrison. C’était un geste simple et rassurant, celui qu’on adressait à une personne en souffrance pour lui dire qu’on était là pour lui, prêt à le soutenir.
Morrison arrêta son geste, avant d’abaisser son bras. Sa colère disparut brusquement pour ne plus laisser que…non, il ne voulait pas subir ça. Cela le rendrait faible et il avait un devoir à accomplir. Il devait se concentrer.
Amari sortie une seringue de sa réserve et s'en servit sur le trafiquant d’arme. Celui-ci s’endormit instantanément.
- Allons livrer cette pourriture, dit sobrement l’ancien commandant.
- Jack…juste une chose.
- Oui, Ana ?
- Lors de la fusillade…malgré tous nos efforts…certains civils ont été blessés. Et d’autres tués.
Jack baissa la tête. Il n’avait pu empêcher certains criminels de tirer. Un échec de plus à ajouter à son fardeau.
- Ces raclures de criminels n’ont aucune morale, dit-il. Je les exterminerais tous si je le pouvais.
Après avoir dit cela, Soldat 76 souleva le corps du trafiquant avant de se mettre en route.
Si Ana n’avait pas porté de masque, et s’il avait pris la peine de la regarder, Jack aurait pu voir la tristesse sur le visage de l’ancienne capitaine.
* *
*
La receleuse finit d’examiner les billets et les plaça dans un de ses tiroirs.
- Le compte y est, dit-elle avec un grand sourire.
C’était une femme entre deux âges, ni maigre, ni grosse, au physique plutôt commun. Mais le maquillage accentué qu’elle utilisait, associé à des vêtements voyants et de bonne qualité, lui donnait une certaine beauté « m’as-tu-vu », un brin artificielle.
- Bien sûr que le compte y est, dit Morrison avec agressivité. Vous pensez que nous sommes des voleurs ?
Les deux mercenaires qui gardaient la pièce ébauchèrent un geste vers leurs armes à ces paroles. Mais ils s’arrêtèrent bien vite devant la réaction de leur employeuse :
- Pas du tout, dit la receleuse d’un ton mielleux. Vous me semblez l’image même de l’honnêteté.
- Où sont les informations ? demanda Morrison, sans changer de ton.
- Ici même. Je vais vous les montrer de suite.
Il s’était passé plusieurs jours depuis la fusillade qui avait mené à la capture du trafiquant d’arme. Ce dernier avait été livré aux forces de l’ordre par un contact des deux vétérans, ces derniers étant également des individus recherchés. Puis Ana et Jack avaient organisé au plus vite un rendez-vous avec la receleuse.
Cette dernière avait tourné un écran d’ordinateur vers ses deux invités et était désormais en train d’ouvrir précautionneusement un coffre-fort, d’où elle tira une clé de données.
- Je dois vous avouer que je m’attendais à ce que ces informations soient achetées par des agents des services secrets ou des employés d’une grande firme. Si je puis me permettre, qu’est-ce qui motive un justicier ambulant et une chasseuse de primes à s’intéresser à un tel sujet ?
Pour toute réponse, Morrison la fixa silencieusement du regard. La ligne rouge de son masque était directement face aux yeux de la femme.
- Bien sûr, si vous voulez ne rien me dire c’est votre droit, enchaîna précipitamment la receleuse.
Elle mit la clé de données dans l’ordinateur, tout en expliquant :
- Il y a une poignée de jours de cela, une employée d’Enki Corporation a tenté de publier de nombreuses données prouvant des crimes commis par son employeur. Malheureusement, les données avaient une sécurité intérieure qui les ont fait s’effacer au bout de quelques micros-secondes de présence sur internet. Mais sur le web…rien ne disparaît totalement. Quelques fragments ont subsisté et ont été récupérés par quelqu’un qui me les a revendus. Regardez donc ce que cette idéaliste a écrit.
L’écran de l’ordinateur affichait : « 4 : Enki a été impliqué dans plusieurs conspiration troubles, dont une relative à la chute d’Overwatch. Voici les preuves : »
S’ensuivait plusieurs fragments de fichier dont la plupart des données étaient corrompues. Mais on pouvait encore lire quelques mots.
- Il y a là-dedans des noms de politiciens, hommes d’affaires, de directeurs grandes firmes et de certains membres clés d'Overwatch, déclara la receleuse d’un ton tentateur. Tous pourraient être potentiellement impliqués dans cette fameuse conspiration.
- Et la totalité des données pourrait permettre d’apporter les preuves de son existence, dit Morrison d’une voix rêveuse.
- Probablement, admit la receleuse. En attendant, vous avez cela.
Elle retira la clé de données et la remit à Jack.
- Qu’est-ce qui est arrivé à cette employé d’Enki ? demanda soldat 76 à la femme.
- Je pourrais vous le dire. Contre paiement.
Jack négocia rapidement et paya le prix demandé. Fort heureusement, la dernière prime leur avait laissé une marge confortable.
- Elle est toujours dans sa ville natale, en fuite et probablement pourchassée par des mercenaires engagés par Enki. Je vous fournis toutes les coordonnées exactes dans quelques secondes.
La receleuse partit dans une autre pièce. Ana en profitant pour murmurer à son co-équipier :
- J’imagine que ton prochain mouvement va être de retrouver cette femme ?
- Et comment. Cela fait six ans que j’attends une occasion pareille. Il est plus que temps de faire payer ceux qui ont fait chuter Overwatch.