Overwatch : Recall

Chapitre 6 : Amy Dearan

4874 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/04/2020 17:56


Précédemment : Alors qu’Ana échappait aux griffes de Faucheur, Jack rencontrait Torbjörn et Hakim leur glissait entre les doigts. Ils réussirent à partir du Riad et poursuivirent la camionnette ensemble, avant de se rendre compte qu’ils étaient tombés dans un piège. Ils décidèrent donc de se séparer... 

 

Si leur Jeep n’avait pas été volante, ils se seraient empalés sur la rangée d’arbres qui séparait la route transversale à la leur dans sa longueur. Le véhicule se contenta de tourner docilement avec une célérité impressionnante et ripant la moitié de sa carrosserie contre un platane. La voiture rebondit de l’autre côté contre des voitures garés, et continua cahin-caha son chemin, à toute allure, se balançant légèrement de droite à gauche comme si elle sortait d’une soirée bien arrosée. Arrosée, elle l’était, mais de balles qui mettaient à l’épreuve son blindage. Derrière elle, ses sœurs conduites par les soldats de la Griffe firent un vacarme beaucoup plus conséquent qui avait dû s’entendre au centre-ville tant l’écho devait retentir dans la nuit froide et silencieuse. Un moment, les voitures s’empilèrent et se cognèrent comme dans une conserve de thons qu’on secoue, mais les espoirs de Jack moururent dans l’œuf. Leurs poursuivants étaient toujours là, prêt à en découdre. 

Ana n’était plus au volant. Elle avait mystérieusement disparu du siège conducteur après avoir fait rouler le volant comme gouvernail d'un bateau. Enfin, mystérieusement était un grand mot : La portière de la voiture était grand ouvert. La voiture intelligente se rendant compte que ses mains n’étaient plus là, elle reprit elle-même les choses en main, et le volant se mit à virer à toute allure dans un sens puis dans l’autre pour retrouver son équilibre, s’aidant des marquages blancs au sol pour se guider.  

Après le virage, Jack ouvrit sa portière et sortit en faisant face à ses opposants, un point fermé sur la barre du toit, et l’autre sur le fusil qui reposait sur son épaule. Il sauta vers l’arrière du véhicule où son ami avait fini de paramétrer sa tourelle meurtrière, et à l’abri de son armure pour armer son fusil laser. Lorsqu’il se releva, c’était pour appuyer sur la détente faire pleuvoir trois roquettes LX juste devant le plus proche véhicule. Les déflagrations éclatèrent en éteignant plusieurs lampadaires sur la fin. Les vitres des voitures aux alentours explosèrent, alors que le goudron déformait et se déchirait. L’avant de la Jeep sauta en l’air, et les capteurs de sol placés là où se trouvaient normalement les roues avant furent détruits, ainsi que les mécanismes d’anti gravité. La carrosserie crissa sur la route en projetant une pluie d’étincelles dans l’obscurité, et qui s’accentua lorsque les véhicules derrière l’empalèrent par derrière. Le son crissant suivant l’explosion associé au bruit de déformation de métal blindé perça leurs tympans.  


Jack s’empara du fameux pistolet à traceurs de Lindhölm qui était accroché à sa ceinture, à côté de mini-armures, de Ventoline de soin ou encore de son pistolet à rivet et visa le camion qu’ils étaient en train de poursuivre plutôt. Ils pourraient le rattraper s’il le voulait, mais le faire ce soir relevait d’une stupidité terrible. Peut-être voulaient-ils les emmener dans un piège. Le soldat avait un pincement de cœur en pensant qu’Hakim et probablement Faucheur étaient probablement dans le véhicule et qu’ils ne pouvaient pas tout de suite les appréhender. Il dégaina avec l’arme du suédois, et envoya une minuscule traceuse qui se colla sur les portières arrière du camion. Plus loin, la route, désormais à deux voies, se séparait en deux arcades, l’une allant vers le centre-ville, et l’autre, sur la gauche, vers un centre-commercial. Ce dernier se trouvait à côté d’un autre quartier dont le nom en arabe rappelait ce qu’il y avait écrit sur le petit papier d’Ana.  


— Tu iras à gauche à l’intersection, hurla-t-il à Lindhölm, alors que ce dernier traversait la vitre qu’il avait lui-même brisé et qui séparait la cabine du coffre à toit ouvert. 


Il acquiesça du pouce et bascula comme un sac de pommes de terre de l’autre côté, sur le siège conducteur. Son fessier cogna le klaxon et un long tintement puissant traversa l’atmosphère pendant un instant. Jack posa un genou à terre devant la moto volante aux métal noire comme de l’obsidienne, et bardée d’une barre de Leds bleus qui lui donnait l’air tout droit sortie de Tron. Lindhölm l’avait déjà hachée, il n’aurait qu’à accélérer pour l’utiliser. Il fit pendre son fusil à son épaule par la lanière qui y était attachée, et attrapa le deux-roues par ses cornes comme s’il était aussi léger qu’une plume. Un dernier coup d’œil en arrière à travers son casque lui apprit que malgré le carambolage provoqué, quelques gros tanks volants avaient survolé les petites Jeep pour continuer leurs courses. Du pied, Jack actionna un levier qui mit la tourelle en marche dans un ronronnement de moteur qui aurait fait frissonner tout amateur de mécanique, puis un autre coup dans l’armure trouée et désormais inutilisable de Torbjörn qui l’avait protégé jusque-là.  

Le bout de métal rouge et jaune s’envola et se planta dans la vitre d’un gros quatre-quatre qui dévia de sa trajectoire en faisant une sortie de piste, alors que Jack sautait dans le vide, avant d’enfourcher sa moto dans les airs et de la faire vrombir. Lindhölm vira à gauche, Jack dévia à droite. 

C’est à ce moment-là que Faucheur se réveilla. Il était encore groggy, et entendait vaguement un concerto de voix avec un accent arabe très prononcé débattre au-dessus de sa tête : Trois de ses hommes étaient restés prêt de lui en essayant en vain de le réveiller.  


— Faucheur, vous êtes réveillés ! 


Il grogna en frottant légèrement sa cuisse, là où la seringue était entrée.  


— Amari ? demanda-t-il, sachant déjà la réponse. Vous l’avez attrapé ? 

— Elle a réussi à nous échapper, lâcha l’un deux d’une voix nerveuse. Mais le reste des troupes sont en train de les poursuivre dans le quartier.  

— Ils se sont enfuis ? 

— Non, ils suivent le camion, comme prévu. Oh, excusez-moi, j’ai un appel du chef de la gestion de cette mission.  

— Sérieusement, comment une vieille mamie a pu vous filer entre les doigts... !  


Les deux autres soldats restèrent silencieux, suffisamment intelligent pour ne pas mentionner qu’il s’était fait humilier par cette même mamie, et pour ne pas, de manière générale, dire n’importe quoi à n’importe qui au risque de manger une salve de balles dans le crâne : Avec le temps, Faucheur avait la gâchette facile et le caractère de plus en plus difficile.  


— Heu... alors, d’après le chef... Jack Morrison suit le camion avec une moto, et Ana serait donc allés à l’opposé avec son véhicule. On dirait que les Jeep blindés de résistent pas à une tourelle lance-flamme qu’elle a posé à l’arrière.  

— Une tourelle ?  


Faucheur se rappela alors les drones qui planaient dans les environs du Riad et n’eut pas à réfléchir longtemps.  


— Il ne fait pas mention d’un nain dans son rapport ?  

— Si, s’exclama le soldat, visiblement surpris. Mais avec l’obscurité, je me disais qu’ils avaient mal vu et... 

— C’est Torbjörn. Le ronchon est là aussi. Concentrez-vous sur ce nain et Ana. Quant à Jack, oubliez. Vous ne l’aurez pas ce soir.  

— Entendu. Mais Doomfist... ! 

— Nous l’aurons, anticipa Faucheur en se relevant mollement, avec dans la voix un ronronnement grave plus menaçant que jamais. Nous les aurons tous. Il suffira de verser une goutte de miel ici et là pour que les ours sortent de leur cachette et se découvrent comme cette nuit. On va rester proche d’Hakim jusqu’à Numbani. D’ici là, au moins l’un d’eux ne sera plus de ce monde.  


 

**** 


 

Hakim, justement, était confortablement installé sur le siège passager de la camionnette que conduisait sa chauffeuse. La moto qui les avait poursuivis un temps avait disparu, et ils se dirigeaient tranquillement vers leur deuxième base. Derrière eux, un convoi de véhicules d’allure militaire le suivait. Il fut arrêté maintes fois sur le bord de la route, mas il lui suffit d'écraser quelques billets dans les paumes gantés des agents de la paix pour qu’ils ferment les yeux sur la violation du couvre-feu. Alors qu’ils arrivaient dans une zone industrielle derrière un petit village déjà endormi, ils entrèrent dans l’antre d’une entreprise qui avait fait faillite depuis longtemps. Les murs gris et ternes étaient tagués ou troués, des véhicules ici ou là étaient renversés sur le côté ou brûlés, signe de la jeunesse qui s’était réapproprié l’endroit pour des concours de drift. Ils contournèrent un premier bâtiment d’accueil, et entrèrent dans un hangar abandonné en face d’une zone de livraisons des produits.  

Le dealer sortit avec une grimace, encore endolori de son combat avec Jack. Depuis son partenariat avec La Griffe, ses capacités physiques avaient été augmenté par des implants bioniques, et l’ancien commandant d’Overwatch était la plus grande opposition qu’il ait jamais eu à affronter. Il réfléchit un instant en claquant la portière derrière lui, alors que les soldats de la Griffe et quelques-uns de ces hommes faisaient de même avec des lampes torches à la main, leur donnant l’allure d’un public de concert. Il ordonna à deux de ses hommes de vérifier que la marchandise était en bonne état, et envoya la moitié des soldats de la Griffe en position pour éviter les intrusions.  

Il allait rappeler Faucheur dans quelques minutes, puis prendrait un taxi pour monter en Irak. Il revint vers sa chauffeuse qu’il surprit en train de se masser les poignées, et lui dit en arabe qu’une fois le contrôle fini, elle recevrait automatiquement une carte à suivre qui l’emmènerait au Tchad dans un premier temps. Elle acquiesça d’une manière hésitante, et Hakim nota un accent qu’il reconnaissait.  


— Espagnole ? s'enquit-il brusquement avant de fermer la portière. 

— Mexicaine, rectifia-t-elle avec un sourire après un court moment dû à sa surprise.  


Elle était une très belle femme, trop pour avoir ce genre de job, ne put s’empêcher de remarquer alors le dealer d’armes, malgré l’obscurité relative. Dans ce job, on avait que des sales têtes, des sales passés, et des sales ambitions. Avec son regard qu’il trouvait doux, et son sourire à la dentition parfaite, elle aurait plus fait l’affaire dans une pub pour les lingettes hygiéniques que comme conductrice d’un gros commerce d’armes africain. Quoique, un rapide coup d’œil de ses longues jambes à ses bras musclés indiquait un passé sportif ou militaire. Il ressentit alors un petit pincement au cœur à l’idée de la quitte : Cela faisait bien longtemps que son job l’avait empêché de faire de véritables rencontres.  


— Je suis trilingue, arabe, espagnol, russe, l’informa-t-il sans vraiment savoir pourquoi.  


Il alluma les lampes au plafond pour mieux la voir, prétextant qu’il en avait marre d’avoir la tête dans le noir. Il n’en fut pas déçu. Elle avait des cheveux blonds mi-longs, dont la queue de cheval ressortait par le trou de sa casquette.  


— Oh, vraiment, répondit-elle en espagnol avec un petit rictus.  

— Si vous n’êtes pas native d’ici, qu’est-ce que vous faites là ? 


Elle se pinça les lèvres, et baissa le regard, visiblement gênée. 


— J’ai mes raisons, finit-elle par dire.  

— Ici, personne ne me cache rien, répliqua Hakim en croisant les bras.  


Elle hésita encore un instant pour la forme, puis dit à voix basse.  


— Mon enfant est un esclave ici. J’ai dû le vendre lorsque j’étais prostituée au Mexique pour acheter de la drogue quand j’étais addict. Maintenant, je l’ai trouvé, et je cherche le fils de pute qui me l’a enlevé il y a six ans. C’est bon ? 


Ses joues étaient devenues légèrement écarlate, et elle semblait à la fois vexée et en colère. Les lèvres pincées, elle recadra son attention sur le volant comme pour éviter son regard qu'elle pensait plein de jugement. Hakim se sentit comme un idiot sans savoir pourquoi. Cette femme avait trop d’influence sur lui. Il ne pouvait s’empêcher d’être triste pour elle, mais une petite voix interne lui disait de ne pas lui montrer. 


— Désolé pour ça, finit-il par dire, au détriment de sa petite voix. J’espère que tu le retrouveras. Mais ton job de chauffeur passe avant tout, entendu ? 


Elle acquiesça, évitant toujours son regard.  


— Hé, s’exclama-t-il. 


Elle finit par tourner un regard rouge vers lui. Visiblement, cracher quelque chose d’aussi intime et honteux à un inconnu l’avait profondément affecté, et il eut un serrement de cœur en y pensant, mais en même temps, il ressentit un intense plaisir à l’idée de pouvoir regarder ses yeux une dernière fois.        


— Il y en a des millions qui ont fait des erreurs à la con comme toi, mais combien qui continuent de se battre ? Je préfère avoir une prostituée repentie qu’un enfant de cœur dans mes rangs, sache-le.  


Elle eut un petit sourire qu’il savoura comme le bout de croquette qu’on donne à un chien après une petite pirouette. Maintenant, il ne la quittait plus des yeux. Lorsqu’il s’en rendit compte, il se donna intérieurement une gifle retentissante. Ne la laisse pas rentrer dans ta tête ! J’irais aux putes une fois arrivé à Oasis, une bonne grosse party, finit-il par se dire pour se rassurer. La simple idée d’en avoir dix comme elle à moitié dénudée le conforta déjà un peu plus, et il eut moins de regret à lui souhaiter bon voyage avant de claquer la porte derrière elle. Cela ne l’empêcha pas, quelques minutes plus tard, de demander son nom à celui qui allait l’accompagner sur le siège passager.   


— Heu... Karla Bénitez, répondit l’un de ses plus anciens lieutenants. Ouais, c’est ça. Pourquoi ? 

— Non, pour rien... 

— Elle est bonne, hein ? s'enquit-il avec un sourire carnassier. 

— Ouais... répondit Hakim avec le plus de conviction possible.  


En tapant le numéro de Faucheur, il se promit de choisir quelqu’un d’autre pour accompagner Karla, se donnant intérieurement de fausses raisons afin de justifier sa jalousie naissante. 

Dans la cabine de la camionnette, Karla faisait jongler un cure-dent entre ses doigts, attendant patiemment que son GPS s’allume mystérieusement avec une destination transmise par La Griffe. Apparemment, ce Hakim semblait être tombée sous son charme. Cela dépassait toute ses espérances... ! Elle ne put s’empêcher de sourire. Elle ne faisait pas partie de ces femmes qui soupirait trois fois par jours “Ah, les hommes...” en maudissant leur simplicité à la fois touchante et méprisable, mais elle ne pouvait s’empêcher de sentir un sentiment de satisfaction et de pouvoir à la façon dont les choses se passaient lorsqu'ils se perdaient dans ses yeux. Le numéro de la prostituée qui cherchait son enfant marchait toujours, et sa formation d’actrice entre autres rendait le tout imparable pour quiconque avait un cœur et ne pensait qu’avec celui-ci. Cela faisait d’elle une espionne hors pair.  

Soudain, la porte de la cabine s’ouvrit sur un visage juvénile. Il devait avoir une vingtaine d’années.  


— Qui es-tu ? s'enquit-elle dans un arabe approximatif. Où est mon accompagnateur ? 

— C’est moi, maintenant, dit-il d’un ton peu assuré, le regard voletant nerveusement partout sauf sur elle. Hakim m’a dit de le remplacer pendant qu’il fera l’inventaire.  

— Ah... 


Il est déjà jaloux alors, finit-elle par deviner avec un sourire encore plus grand. Bah, tant mieux : l’autre était un gros lourd et elle n’avait qu’une envie, c’était se couper les veines à l’idée de faire des heures et des heures de voyages avec lui. Cela la toucha qu’il fût déjà attentionné. Son nouvel accompagnateur semblait un peu plus timide : Peut-être voyait-il une femme non voilée pour la première fois, dépendant de là où il avait grandi. Mais avec le temps, elle sentait qu’ils s’entendraient bien. Le GPS s’alluma quelques secondes plus tard, et elle redémarra immédiatement le véhicule.  


 

***** 


 

Ana s’allongea sur le canapé en poussant un soupir de soulagement. Elle avait troqué son uniforme Bastet pour un gros pull de laine en coll roulé blanc, un pantalon sombre et de grosses chaussettes confortables. Ses jambes étaient croisées sur la table basse devant elle, et ses yeux fermés pointaient vers le plafond. Un feu ronronnait et craquelait en face d’elle et constituait la seule source de lumière du petit salon cosy. Des tableaux accrochés aux murs noisette clair et faits par le propriétaire la regardaient avec bienveillance. Un homme entrouvrit alors une porte derrière elle, et vint s’asseoir à ses côtés. Il avait un visage bienveillant agrémenté d’un léger sourire sur ses fines lèvres, une barbe mal rasée et un regard vif sous des sourcils broussailleux. Il s’appelait Amset. Lorsqu’il vint s’asseoir à côté d’elle, Ana posa sa tête sur son épaule, et il l’enserra d’un bras autour de ses épaules.  


— Tes amis seront bientôt là ?  

— Oui. De ce que j’ai vu sur mon traceur, Jack n’est pas loin.  

— Que s’est-il donc passé ? Je pensais que ce n’était qu’une simple patrouille nocturne ? Et surtout, je ne savais pas que tu avais retrouvé des amis de ton ancienne vie.  

— C’est une longue histoire... En fait, je suivais un dealer d’armes depuis quelques jours qui sévit dans la capitale. C’est dans cette chasse que j’ai découvert Jack et Torbjörn... 


 

***** 


 

Quelques heures après leur départ, Karla arrêta leur voiture au milieu d’une route solitaire dans un environnement aride, dans le parking d’un restaurant solitaire. Elle ne s’était pas trompée. Son accompagnateur était un bon garçon et il avait pleins d’histoires intéressantes à raconter. 


— Que fais-tu ? lui demanda-t-il doucement en voyant qu’elle ouvrait la portière. 

— Je n’en ai pas pour longtemps, répondit-elle. Je dois aller... faire mes besoins... ! 

— Oh, désolé ! s'exclama-t-il, tout embarrassé. Je t’attendrai, tu peux y aller. 


Elle alluma sa lampe torche et entreprit de contourner rapidement le restaurant en faisant crisser ses bottes sur le gravier pourpre. Avec cette excuse, elle était sûr que le timide Habib ne le suivrait pas. Il faisait un froid glacial. Dans l’obscurité, elle tendit l’oreille pendant plusieurs secondes avec la concentration d’un loup pendant une chasse en meute, puis jeta un dernier coup d’œil en arrière. Elle sortit ensuite un talkie de la poche de sa veste.  


— Chillwell ? chuchota-t-elle, la voix tremblante.  

—Amy ? T’étais où putain ?! 

— j’ai pris la place de la chauffeuse. C’est désormais moi qui conduis l’arme massive conçue par La Griffe et transitée par Hakim ! 


Il y eut un petit silence.  


— Comment t’as fait, putain ? 

— Je t’expliquerai. Je n’ai pas beaucoup de temps.  

— Ok, pourquoi La Griffe utilise Hakim ? 

— Ils se savent surveiller à l’international, ça aurait été impossible de traverser les frontières. Hakim est un dealer mondial, mais discret, qui connaît les bonnes routes et les bonnes personnes à corrompre.  

— Tu connais l’objectif final ?  

— Là, on part du Caire vers le Tchad, et on verra. Si tu veux mon avis, on va aller à Numbani.  

— Ouais, j’ai le même pressentiment. En camion plutôt qu’en avion bien sûr, pour pas se faire repérer trop facilement. Je vais aller faire un tour là-bas. Tu as pu voir l’arme ? 

— Non, mais ça ne saurait tarder, expédia-t-elle nerveusement en regardant à nouveau derrière elle.  

— Le succès de notre mission en dépend, Amy. Te plante pas.  

— T’inquiète, je te dis !  

— Bon, je te laisse. Je sors d’une réu’ avec Siffleur, là je vais faire un tour chez un ex-agent d’Overwatch dans le centre de New York, histoire de lui poser quelques questions. Puis je m’envolerai en Australie. J’attendrai ton appel. A bientôt.  


Il raccrocha avant même de la laisser parler. Georges Chillwell avait raison sur une chose : Les choses s’accéléraient, et il lui faudrait absolument en découvrir la nature. Cela s’avérait difficile, avec le chien de garde qui était dans la cabine aussi, et trois soldats armés dans le coffre qui protégeait le trésor. L’un d’eux étaient d’ailleurs descendu et lui cria de repartir, avant de lui demander ce qu’elle faisait. Amy alias Karla reprit le volant après avoir lancé un coup d’œil au petit Habib, et continua sa route vers le Tchad en essayant de trouver une solution.  

Georges Chillwell avait rencontré Amy Dearan une semaine après la réunion de celui-ci avec son agent de KKK, Siffleur. Il l’attendait sur la piste d’atterrissage d’un G.Q secret au fin fond des déserts du Nouveau Mexique. De loin, l’ensemble des bâtiments formaient un centre de recherches local impressionnant à l’accès protégé. Les gens qu’on voyait rarement entrer étaient en blouse blanche et un masque sur la quasi-totalité du visage. Pour y aller, de gros camions devaient traverser un village paumé dans le nord du pays, et les enfants, qui rentraient précipitamment en voyant les gros engins volants aux bruits menaçants s’approcher de la rue principale. On pouvait voir des drones de temps en temps sur lesquels les petits chenapans jetaient des bouts de pierres, avec des hélicoptères et des avions de chasse. 

Georges semblait aussi petit et fragile qu’un Mikado au milieu de tous ces monstres aériens qui atterrissaient comme des brutes en faisant vibrer le goudrons tout neuf sous ses pieds. Plusieurs dizaines de mètres plus loin, au dernier étage d’une fenêtre de bureau d’affaires, une jeune femme le regardait la tête penchée et les yeux légèrement froncés, comme s’il elle essayait de le sonder. 


— C’est vous ma coéquipière ? 

— Bonjour... ! S'exclama-t-il surpris de son ton froid et brusque. Oui, c’est bien moi.  


Il lança un scan rapide de ses chaussures à talons jusqu’à ses cheveux blonds attachés en queue de cheval, ce qui eut pour effet de la mettre directement sur la défensive. Elle détestait qu’on la jauge, particulièrement devant elle, sans aucune gêne, mais elle avait la lucidité de se rappeler qu’elle faisait la même chose il y a de cela une poignée de secondes. 


— Hum... grogna-t-il finalement avec un haussement d’épaules. On t’a fait le debrief ? 

— Non, on m’a juste dit de te retrouver ici et que tu m’expliqueras tout, répondit-elle, la mine de plus en plus sombre. On est que deux ? 

— Ouais, le moins possible. J’étais censée être seul, mais ils ont décidé de... enfin, bref.  

— Cachez votre joie... railla-t-elle en haussant les sourcils. Moi non plus, on ne m’a pas demandé mon avis. 

— Vous faisiez quoi avant ? s'enquit Georges, toujours sans montrer le moindre signe de gêne. 

— J’ai un passé d’espionne.  


Elle n’en dit pas plus, mais il ne se démonta pas pour autant. Après quelques secondes de silence, silence tout relatif si on prenait en compte le ronronnement des moteurs supersoniques, les cris des travailleurs qui essayaient de s’organiser, et le vent qui soufflaient en levant des vagues de poussière digne d’un tsunami terreux, il leva un sourcil suspicieux, attendant la suite.  


— Et puis, il y a eu un incident, conseil de discipline, et voilà ma punition.  


Pas de surprise, ni de mépris de sa part. Elle ne s’y attendait pas de la part d’un “petit caïd avec de sérieux problèmes d’auto-gestion”, comme elle l’avait lu dans son dossier.  


— Je vois. Moi aussi, j’suis un gars à problème. En tout cas, je suppose que c’est comme ça qu’il me surnomme dans leurs grands bureaux luxueux, bien au chaud...  

— Et donc, vous êtes le fameux gars qui a retrouvé plusieurs agents d’Overwatch.  

— J’ai encore capturé personne, répondit-il humblement. Pour ça, on va devoir travailler en équipe. Notre avion est arrivé, viens.  


Elle suivit du regard son doigt, qui était pointé sur un petit avion privé blanc et sobre. Ils montèrent prestement dans le véhicule aérien et s’affalèrent dans les confortables canapés, avec un bureau plein de dossiers les séparant. 


— Tu vas avoir pas mal de lectures à faire... En fait, comment tu t’appelles ? 

— Amy Dearan, répondit-elle d’un ton évasif en prenant le premier dossier étiqueté “Gibraltar”.  

— C’est là que tout commence, fit-il en montrant la pile de documents d’un mouvement de tête. Et c’est là qu’on va. J4espère que tu sais parler espagnol.  


À sa grande surprise, Ay se mit à baragouiner rapidement en espagnol sans quitter des yeux le document qu’elle lisait.  


— Ah ouais... ! Fit-il avec une moue impressionnée. Et l’arabe ? Étant donné qu’on devrait traverser la Méditerranée. 


Louchant toujours sur son texte, elle entreprit de lui répondre en arabe avec une facilité déconcertante.  


— Faire équipe a peut-être du bon, au final, concéda-t-il avec un sourire.  


Elle lui rendit, avant de répliquer : 


— Pour toi, oui, mais pour moi ? Qu’est-ce que tu apportes au moulin ? 


D’un mouvement du menton, il montra la pile de papier qui couvrait toute la table basse vitrée, avant de plonger de nouveau dans les yeux ambre d’Amy. 


— Mouais... La paperasse, c’est pas trop mon truc.  

— C’est le truc de qui, en vérité ? railla-t-il. 

— Siffleur ? Hasarda-t-elle en ayant regardé au préalable autour d’elle.  


Georges eut un petit rire et fut bientôt accompagné d’Amy dans on son hilarité. Peut-être allaient-ils mieux s’entendre que prévu, se demander Amy. Alors qu’ils continuaient de discuter, l’avion décolla et prit la route aérienne pour aller à Gibraltar. 


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