L'inconnu du train Chicago - Los-Angeles

Jack avait passé le reste de sa journée chez Ana pour travailler sur quelques articles qu'il prévoyait pour son retour de vacances. Sa journée avec Gabriel, la veille, l'avait mit de bonne humeur et après avoir fait un résumé enthousiaste et très détaillé à Ana devant une bonne tasse de thé, il ne pouvait se résoudre à imaginer une autre journée sans envoyer un petit message à Gabriel. Cet homme avait tout pour lui. Il était beau, gentil, avec un certain caractère que Jack appréciait beaucoup. Jack se surprit à soupirer de contentement en écrivant sur ses feuilles de notes, et en voyant le petit dessin de Gabriel qu'il avait esquissé inconsciemment dans la marge. Son béguin commençait à devenir relativement sérieux, alors que cela ne faisait que quelques jours. Les émotions de Jack variaient presque à la seconde. Pendant un moment il pouvait être si heureux qu'il avait l'impression qu'il pourrait décrocher la lune, et quelques secondes plus tard, il se sentait si triste de l’indifférence de Gabriel qu'il pourrait rester sous sa couette pendant des jours sans bouger. Heureusement qu'Ana et sa fille étaient là pour le faire sortir de sa chambre et découvrir Los-Angeles, qui était une ville bien plus active que Bloomington et sa campagne, il devait se l'avouer. Malheureusement, il n'avait toujours pas eu le courage d'avouer à Gabriel qu'il était l'Inconnu qu'il cherchait ou de dire à Ana que Gabriel l'ignorait. Il redoutait le moment ou il allait finir par l'apprendre, mais le journaliste voulait être sûr des sentiments de Gabriel avant de lui avouer quoi que ce soit. Il savait d'ores et déjà que Gabriel n'était pas hétérosexuel comme il l'aurait pu penser, ce qui avait été un véritable soulagement pour Jack. Mais cela ne voulait toujours pas dire que le latino était intéressé par lui.

« Oncle Jack ? Tu viens ? Maman veut aller faire des courses ! » Fit Fareeha en laissant sa tête dépasser de la porte de la chambre de Jack.

« J'arrive tout de suite, ma puce ! » Dit-il en se levant et en se dirigeant avec sa filleule jusqu'au salon ou attendait Ana, déjà armée de son manteau et de sacs de courses.

« J'ai failli vous attendre... Dépêchons ! Ou il y aura encore trop de monde sur la route. C'est bientôt l'heure de pointe. »

« Mais maman, on aurait pu y aller plus tôt, et l'on ne serait pas si pressés ! » Rétorqua sa fille.

Avec un petit sourire et une légère tape sur la tête, Ana lui répondit.

« Pas si on va manger dehors juste après les courses ! »

Il n'en fallu pas plus à la jeune fille de huit ans pour sauter au cou de sa mère, criant de joie. Leurs petits moments à eux n'étaient que trop rares à cause du travail d'Ana. Et pour une fois, Jack serait là pour en profiter autant qu'elles. C'est environ une heure plus tard, alors qu'il devait être midi et demi que le trio avait enfin fini leurs achats et qu'ils se dirigeaient gaiement vers le petit restaurant japonnais qu'ils appréciaient tellement. Jack appris ainsi que « Shimada's » était l'un des endroits préférés de Fareeha qui n'arrêtait pas de se vanter de leur ramen. A peine eurent-ils posés leurs affaires à une petite table près de la fenêtre qu'un serveur, très jeune et certainement encore mineur, avec de courts cheveux d'une étrange couleur verte, une fine silhouette et le visage typé asiatique, vint les accueillir énergiquement.

« Bienvenue chez « Shimada's » ! Salut Fareeha ! Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu ! Que puis-je vous servir aujourd'hui ? »

« Coucou Genji ! C'est vrai ça fait longtemps ! Moi je veux un ramen. Maman, Tonton Jack, qu'est-ce que vous voulez ? »

« Ce sera un plateau spécial saumon pour moi. Jack ? »

Ne connaissant absolument pas l'endroit, Jack se fia aux goûts de sa bonne amie.

« Pareil pour moi... »

Le jeune homme nota tout sur son petit calepin avec un grand sourire qui semblait être habituel chez lui, les remercia et se dirigea vers la cuisine pour apporter la commande.

« C'est vraiment joli comme endroit. Je vois que vous y venez souvent pour que le serveur connaisse le nom de Fareeha ! » Fit remarquer Jack.

« Oui ! Il est gentil avec moi ! Il s'appelle Genji, il est le fils cadet du propriétaire ! Son frère aîné, Hanzo, travaille en cuisine avec son père ! J'ai toujours trouvé que Genji était plus amical que lui d'ailleurs... »

« Dit-donc, jeune fille ! Cela ne se fait pas de juger les gens ainsi ! » Repris sa mère, la pointant du doigt d'une façon autoritaire.

« Pardon maman... » Fit la fillette en semblant s'enfoncer dans le siège moelleux sur lequel elle était assise.

Jack, quand à lui, ne faisait pas vraiment attention à la scène de ménage qui se déroulait devant lui, et était plutôt attiré par la vue sur le grand boulevard que lui donnait la fenêtre. C'était vraiment une jolie ville. Il était d'ailleurs tellement bluffé par la beauté de l'endroit qu'il n'eut même pas remarqué que son plat était arrivé et attendait devant lui.

« Gabriel te regarde, Jack. »

« Quoi ?! » Fit-il en relevant la tête en une fraction de seconde, les joues rouges, vers Ana, qui avait énoncé ces mots.

Cette réaction fit éclater la mère et la fille de rire devant la moue boudeuse du journaliste qui venait de comprendre qu'Ana s'était moquée de lui.

« Sérieusement, Jack ! » Fit-elle en essayant de calmer son rire et en essuyant les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. « Je plaisantais ! Mais tu semblais tellement dans les nuages... Je m'étais dit qu'il n'y avait que ce genre de mots pour te faire réagir et revenir parmi nous. Ce n'est pas parce que le sushi est, par nature, froid que tu dois le laisser reposer sur la table ! Manges ! »

« Oui, tu as raison... En fait j'étais en train de me dire que la ville était... Un cow-boy ? »

« Quoi ? Oncle Jack, ça va ? »

Voulant suivre le regard du journaliste qui semblait être scotché à quelque chose qui se trouvait derrière elles, les deux femmes se retournèrent sur leur siège pour y voir un jeune homme, qui semblait asses jeune lui aussi, avec un chapeau de cow-boy, rentrer dans le restaurant. Un cri enthousiaste de « Genji » se fit entendre alors que le serveur sorti de la cuisine et fit une tape virile sur l'épaule de celui qui semblait être son ami. Quelques secondes plus tard, un jeune homme aux longs cheveux couleur geais sorti de la cuisine lui aussi et se jeta dans les bras du cow-boy, dans un étreinte amoureuse. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Jack qui trouvait la scène adorable. Que c'était beau les amours de jeunesse...

« Maman, on est pas Halloween aujourd'hui... Pourquoi il est déguisé, le garçon ? »

« Je ne sais pas Fareeha. Tu sais, on rencontre des gens bien étranges dans cette ville... »

Jack du se retenir de rire pour ne pas attirer l'attention des trois jeunes hommes sur eux. La suite du repas se fit sans encombres, et Jack n'avait même pas remarqué que le japonnais aux cheveux longs et le cow-boy étaient partis. Après avoir fini leur repas et avoir payé leur dû, le trio se leva, prit leurs affaires et se dirigea vers la porte... Quand celle-ci s'ouvra juste devant Jack, alors qu'en face de lui ne se trouvait nul autre que Gabriel. Les deux hommes étaient tellement surpris que Gabriel en oublia ce qu'il voulu faire juste auparavant, et que Jack en avait la respiration coupée.

« Heu... Jack ? » Fit remarquer Ana pour qu'il sorte de sa transe, ce qui eut pour double effet de réveiller Gabriel par la même occasion.

« Ça alors, quelle surprise, Jackie ! Je ne m'attendais pas à te trouver ici... Tu es en sortie avec... Ta- »

« Ana Amari, et voici ma fille, Fareeha Amari. Je suis la meilleure amie de Jack. D'ailleurs il nous a beaucoup parlé de toi, Gabriel Reyes, c'est ça ? » Fit-elle en lui serrant la main précipitamment, ayant peur que le latino ne se fasse de fausses idées sur la relation qu'elle entretenait avec le journaliste. Il faudrait que Jack pense à la remercier un jour pour cela.

« Oui c'est bien moi. » Répondit-il avec un sourire naturel. « Beaucoup parlé de moi ? Jackie, c'est vrai ? » Fit-il avec un sourire taquin pour embêter un peu le blondinet.

Et sa réaction ne manquait pas d'être à la hauteur des attentes du professeur, puisqu'il rougissait du cou jusqu'aux oreilles alors qu'il balbutia pour se défendre, chose inutile, puisque Gabriel éclata de rire en tapant dans le dos de Jack amicalement.

« Ne t'en fait pas, je te taquine ! D'ailleurs, puisque tu es là, tu n'aurais pas vu un jeune homme avec un chapeau de cow-boy passer dans le coin ? Je le cherche partout... »

« Le garçon qui était en avance pour Halloween ? »

« Chut, Fareeha ! Laisse les adultes parler ! » Rétorqua sa mère.

Gabriel, quand à lui, éclata de rire.

« Oui, en quelque sorte. Il s'agit de mon fils, il est parti de la maison, et j'étais persuadé de le trouver ici. Mais vous l'avez sûrement vu puisque vous réagissez ainsi... »

« Hum, Jack, Fareeha et moi rentrons à la maison déposer les courses, tu nous rejoindra à la maison... A tout-à-l'heure ! Avance s'il te plaît, Fareeha... »

« A tout-à-l'heure Oncle Jack ! »

Sur ce, les deux jeunes femmes étaient parties, laissant seul les deux hommes qui se faisaient toujours face. Gabriel se dit d'ailleurs que Jack n'avait jamais été aussi beau ainsi, avec la lumière du soleil d'été sur son visage, faisant briller ses yeux océans.

« Hum... Du coup, tu saurais dans quelle direction il est parti ? »

« Oh ! Heu... En fait, je l'ai vu venir ici, et un autre jeune homme, japonnais avec des cheveux noirs arrivants jusqu'en bas des épaules, lui a sauté dans les bras... »

Gabriel soupira longuement en se pinçant l'arrête du nez. Son petit-ami Hanno, ou Hanzo, il ne savait plus...

« Je lui avait pourtant interdit de sortir de la maison... Mais quel sale gosse ce gamin... »

C'est lorsqu'il entendit Jack rire qu'il releva la tête, perplexe.

« Qui a-t-il de si drôle, Jackie ? »

« Tes paroles n'ont pas l'air de suivre ta pensée. Tu l'appelle sale gosse et tu as l'air de prétendre qu'il est une plaie pour toi, mais on dirait que tu aime cet enfant plus que tout... »

La clairvoyance de Jack surpris le latino. Évidemment qu'il aimait Jesse. Ce n'était peut-être pas son fils du point de vue de la génétique, mais pour lui c'était tout comme. Il donnerait tout ce qu'il a pour Jesse. Un petit sourire en coin apparu sur les lèvres mattes de Gabriel.

« Oui, c'est vrai, tu as raison... Il s'appelle Jesse Mccree. Enfin, Reyes maintenant. C'était un garçon des rues, je l'ai adopté il y a un peu plus de deux ans. Il a dix-spet ans aujourd'hui. Ce n'est plus un enfant, mais il continue d'agir comme tel... »

« Oh, je vois... Et... Tu es son seul parent ? Je veux dire, tu m'as dit que tu étais aussi... Comme moi, alors je me disais que tu devait avoir aussi quelqu'un dans ta vie pour l'élever ou... Enfin- »

« Non, je suis seul pour élever Jesse. Mais cela n'as jamais été une fin en soi... Je l'ai adopté parce qu'il me faisait penser à moi plus jeune. Un petit garçon, un peu paumé, qui traînait dans la criminalité et... »

« Sans attaches ou endroit sécurisé pour s'épanouir et être libre. »

« … Oui, c'est exactement ça... Comment tu le sais ? »

Ce fut au tour de Jack de donner un petit sourire narquois à Gabriel.

« Je suis journaliste, j'ai dû interviewer quelques délinquants pour mes reportages. Cependant j'ai toujours eu le contacte facile avec les enfants turbulents, alors je n'ai jamais eu de problèmes... »

« Je vois... Au fait, je me demandais... Ça te dirais qu'on se voit un de ses quatre ? Je sais que tu dois être occupé avec ton travail, même si tu es en vacances, et je comprendrai très bien que tu ne puisse pas, d'autant plus que tu veux retrouver cet inconnu du train que nous avons pris, mais je ne sais pas, j'ai l'impression que ça se passe bien entre nous, mais je ne veux pas me faire de fausses idées, je sais que je suis intéressé, mais toi, je ne sais pas, et je voulais savoir si je pouvais, enfin, si j'avais une chance de- »

« J'adorerais ! » Répondit précipitamment Jack, mettant fin aux doutes de Gabriel dont le cœur s'était accéléré à cause de l'appréhension. Jack, quand à lui, était complètement aux anges, et il se retenait fermement pour ne pas pleurer devant le latino.

« Oh... C'est génial ! Alors, disons... Dans deux jours ? Pourquoi pas... Heu... »

« Pourquoi pas le cinéma ? J'ai vu un nouveau film canadien sur une affaire d'espionnage, il a l'air sympa... »

« Oui... Oui ! C'est super ! Alors à Jeudi, Jackie ? » Fit Gabriel en se retenant fermement de prendre Jack dans ses bras tellement la joie le consumait.

« Alors à Jeudi, Gabe... » Jack dû prendre sur lui pour ne pas trembler alors qu'il se pencha vers la joue de Gabriel pour l'embrasser délicatement.

Il prit alors ses affaires et s'en alla à son tour, laissant Gabriel pétrifié, sur le perron du restaurant japonnais, alors qu'il effleura sa joue du bout de ses doigts comme si il ne voulait jamais s'enlever le souvenir de la pression des lèvres de Jack de son esprit. Il lui fallu quelques secondes avant de sourire béatement et de se retourner en direction de Jack.

« A Jeudi ! » Lui cria-t-il alors que Gabriel savait qu'il était déjà bien loin. « Jackie... »