Cœur d'Émeraude
Et on est au chapitre 19 :-)
Je vais espacer mes publications, notamment parce-que j'ai moins de temps pour écrire. Je pense publier les mercredis et samedis à partir de maintenant
En attendant, bonne lecture à toutes et à tous :-)
Tatsumaki se réveillera encore deux fois durant son cinquième jour de sevrage. Chacune des deux périodes de conscience fut très brèves, Tatsumaki ne restant éveillée que quelques secondes seulement. À chaque reprise de conscience Fubuki l'annonçait comme un crieur publique claironne l'événement de l'année, mais les soignants étaient loin du sentiment d'urgence de la plus jeune télékinésiste , ce qui avait le don de l'agacer. Cependant Hinata était formel : Tatsumaki réagie très bien au sevrage, et elle ne peut rien faire de plus que de s'assurer que ses constantes sont bonnes.
Lorsque Fubuki demanda pourquoi Tatsumaki ne s'éveillait qu'un court instant, Hinata expliqua que ses périodes de conscience sont très épuisantes à cause du sédatif encore présent et perfusé, même en moindre quantité, et drainent son énergie à une vitesse faramineuse. Mais pour autant son corps et son esprit gagneront aussi rapidement en endurance au fur et à mesure que les doses seront réduites, et ainsi elle pourra reprendre conscience de plus en plus longtemps, et de plus en plus souvent.
Au sixième jour, trois heures après la première réduction quotidienne, Tatsumaki s'éveille à nouveau. Fubuki, loin de se douter que sa sœur reprendrait conscience si tôt, dort paisiblement, du moins jusqu'à ce que Tatsumaki tousse faiblement, incommodée par le tube endotrachéal. Réveillée en sursaut, Fubuki se jette sur sa sœur dès qu'elle comprend :
"Grande Sœur, hey, ça va ? Demande Fubuki en caressant la joue de Tatsumaki. La blessée, l'air hagard, regarde faiblement autour d'elle, tentant de comprendre, malgré son esprit encore embrumé, où elle se trouve.
-Tatsumaki ? La voix de Fubuki, douce et teintée d'inquiétude joue le rôle du phare dont l'aînée a besoin pour s'accrocher à la réalité. Elle tente de parler, de sortir un son, mais le tube endotrachéal l'en empêche à nouveau et la fait tousser. Encore trop engourdie pour s'en rendre compte, Tatsumaki reste concentré sur ce qu'elle perçoit clairement : la lumière vive de la chambre et la voix étouffée de sa sœur.
-Docteur Müller ! Crie aussitôt Fubuki, consciente que Tatsumaki vient de franchir un nouveau palier dans son sevrage.
-Tout va bien, ça va aller, murmure-t-elle ensuite en caressant délicatement le front de sa sœur qui semble la regarder sans la voir, comme si un voile perturbait sa capacité à visualiser et reconnaître. Tatsumaki tente à nouveau de s'exprimer, mais ne sort qu'une petite quinte de toux. La jeune femme souhaite porter la main à sa gorge, mais ne parvient même pas à lever le bras, ce qui attise sa frustration et son malaise. En conséquence sa respiration et son rythme cardiaque commencent à s'agiter, causées par le stress de l'inconnu et une sensation de faiblesse qui l'enserre comme un étau.
-Non non, ne parle pas, ça va aller, tout va bien, je suis là Grande Sœur, dit Fubuki, les larmes aux yeux, tout en continuant de caresser la tête de son aînée pour palier à ses premiers signes d'agacement. Hinata arrive quelques secondes plus tard, et un coup d'œil suffit pour qu'elle comprenne ce qu'il en est. Elle bip aussitôt des infirmiers, puis procède à ses contrôles quotidiens, mais cette fois en parlant directement à Tatsumaki d'une voix douce et posée.
-Bonjour Mademoiselle Tatsumaki, je suis le docteur Hinata Müller, je me doute que vous devez avoir beaucoup de questions, aussi je vais tâcher d'y répondre. Je vais cependant vous demandez de ne pas essayer de parler, vous n'y arriverez pas à cause du tube endotrachéal dans votre gorge, explique-t-elle en parlant doucement. Fubuki discerne clairement les traits de sa sœur se tendre, témoignage d'un intense moment de réflexion et de traitement des informations qu'elle reçoit. Hinata, après avoir rapidement évaluée sa patiente, attend calmement sa réaction suite à ses propos. Fidèle à elle-même, la Classe S tente de répondre, mais ne s'ensuit qu'une quinte de toux. Les bips des moniteurs s'affolent alors de plus belle tandis que Tatsumaki s'agite de plus en plus malgré son état de fatigue très avancé.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? Demande aussitôt Fubuki en guettant les courbes et chiffres des écrans qui, selon elle, n'annoncent rien de bon.
-Une réaction de stress, c'est normal, répond distraitement Hinata. Le médecin, d'habitude enjoué et souriant, affiche un visage on ne peut plus sérieux. Les infirmiers arrivent à ce moment-là, et au son et résultats des moniteurs, ils n'attendent pas que la doctoresse leur dise quoi faire.
-Crise de panique, vous savez quoi faire, dit-elle simplement.
-Ok, Mademoiselle Tatsumaki, regardez-moi, regardez-moi, tout va bien, vous êtes en sécurité, et votre sœur est là, parlez-lui, il faut qu'elle se calme, dit ensuite Hinata en laissant sa place à la cadette.
-Grande Sœur, c'est moi, Tatsumaki, tout va bien, je suis là. Tatsumaki lance alors un regard qui brise le cœur de sa sœur. Ses yeux verts, d'habitude si assurés, ne communiquent qu'un puit de détresse devant laquelle Fubuki ne sait comment réagir.
-Le ventilateur ne suit plus, son rythme respiratoire s'emballe, prévient un infirmier.
-Préparez 1,96 mg de Midazolam, immédiatement, décrète Hinata.
-Mademoiselle Fubuki, je ne veux pas en arriver là, mais si elle ne se calme pas, je vais devoir lui administrer un calmant, explique ensuite discrètement Hinata à l'oreille de Fubuki. Cette dernière déglutit. Elle n'a jamais eu besoin de rassurer Tatsumaki, ça a toujours été l'inverse, et elle ne sait pas si elle en sera capable.
-Grande Sœur, ça va aller, tu me reconnais ? C'est Fubuki, ta petite sœur, je suis avec toi, alors calme-toi je t'en prie, je suis là, tout va bien, tu n'as rien à craindre, murmure la Classe B en caressant les cheveux de son aînée. Tatsumaki fixe intensément sa sœur dans les yeux, et la lueur paniquée qui y brille s'estompe peu à peu, la fréquence des bips se fait plus espacée et moins oppressante. La jeune Classe S semble détailler le visage de sa cadette, comme si elle l'a redécouvrait et cherchait à se souvenir des moindres traits de son visage, et à mesure que Fubuki la rassure à grande renforts de chuchots et de caresses, Tatsumaki se calme, puis sombre à nouveau dans l'inconscience. Fubuki ne retient plus ses larmes. Voir sa sœur dans un tel état de vulnérabilité est trop dur pour elle, trop intense. Et cet éclat de panique, de peur qu'elle a vu briller dans les yeux de sa sœur, jamais elle n'a vu un tel regard chez elle, et elle sait dorénavant que cette expression dans son regard alimentera ses cauchemars et ses angoisses pour les nuits à venir. C'est avec cette image tournant en boucle dans son esprit que Fubuki dépose un baiser humide sur le front de son aînée, et pleure à nouveau, sa tête posée contre celle de sa sœur, le visage désormais paisible.