Amalya

Chapitre 19 : Chapitre 19 : de la confiance naît la trahison

5758 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:53

18 ans plus tôt sur une île inconnue

- Ne baisse jamais ta garde, regarde mes yeux et non ma partie du corps que tu vas frapper sinon je te contrerai facilement !

- Compris !

Agée de neuf ans, Amalya apprenait depuis plusieurs mois l’art du combat. Après mûre réflexion, William avait décidé de l’entrainer malgré cette puissance terrifiante qui sommeillait en elle. Depuis sa perte de mémoire, aucun événement étrange ne s’était produit. Pour son équilibre psychologique, il lui avait inventé un passé afin qu’elle oublie totalement ce qu’elle avait réellement vécu. Petit à petit, la jeune fille se comportait comme une personne normale même s’il lui arrivait encore d’avoir des réflexes issus de son ancienne vie. Amalya s’accroupit, montra ses dents et poussa un grognement avant de sauter sur son grand père qui la stoppa d’une grosse gifle.

- Tu fais quoi !? Tu n’es pas un animal !

- Je n’ai pas fait exprès ! Cria-t-elle en se tenant la joue.

Ils s’apprêtèrent à reprendre le combat lorsque William ressentit une présence en contrebas de l’île, sur la plage. Amalya courut sur la corniche qui dominait l’île et vit une partie de la mer gelée.

- Amalya, retournes à la maison et attends mon retour.

William partit à la rencontre de ce visiteur qui l’attendait, allongé sur le sable.

- Bonjour William, ça fait un bail !

- Kuzan, mon ami ! Que vient faire un amiral dans ce trou perdu ?

- Je venais vérifier que tu étais encore en vie… Comment se porte-t-elle ? Demanda Kuzan en créant une stalagmite au bout de son doigt.

- Amalya va bien, nous menons une petite vie paisible loin du chaos de ce monde.

- Une vie paisible… Mais pour combien de temps ? Alors tu lui as donné ce nom… Que signifie-t-il ?

- Espoir.

- … Quelle ironie quand on sait ce qu’elle est capable de faire… Me permets-tu de la voir ?

- Je ne préfère pas Kuzan. Elle ne sait rien.

- J’ai participé à son évasion d’Impel Down, tu peux bien me laisser jeter un coup d’œil à la plus grosse erreur de ma vie, non ?

- Suis-moi mais dis en le moins possible !

- Pas de problème, tu sais à quel point je suis feignant quand il s’agit de parler…

                                                         *************

J’aime cette vie solitaire même si je me sens très seule. Faire partie d’un équipage n’a jamais été un but, plus un tremplin pour atteindre un seul et unique objectif. Celui de comprendre ce que je fais sur cette terre. Je ne suis pas à ma place parmi vous. Je me sens vide de sens comme si une partie de moi-même avait disparu. Je suis fatiguée de traverser tant d’épreuves. Je veux juste une réponse. Une simple réponse à ma question.

Amalya se redressa et regarda l’empereur Kaïdo.

- Je suis las de toutes ces conneries. Faire partie de l’équipage de Shanks ou du vôtre ne m’intéresse pas. Répondez juste à ma question et je n’importunerais plus aucun d’entre vous. S’il vous plait, dites-moi seulement qui je suis ?

- Amalya… Murmura Shanks calmé par cette révélation.

- Tu fais donc parti de l’équipage du roux… Shanks, je vais t’enlever une épine du pied, il n’y aura aucun affrontement si tu me laisse l’emmener avec moi. Il semblerait que cette gamine se soit servie de toi.

- … Cette proposition est tentante… Je dois reconnaitre que la vie serait beaucoup plus simple sans elle…

Amalya se raidit. Elle n’avait pas prévu cette éventualité. Elle pensait que Shanks la défendrait si cela tournait mal avec Kaïdo, mais voilà qu’il envisageait de l’abandonner. La jeune femme recula de plusieurs mètres, effrayés par le retournement de situation. D’un œil sévère, Shanks la dévisagea longuement.

- Mais elle reste avec nous, Kaïdo.

- Cette femme s’est fichue de toi au point de risquer vos vies pour obtenir ce qu’elle veut et toi, pauvre idiot, tu la gardes dans ton équipage. N’as-tu donc aucune fierté ?

- Ces actions ne seront pas sans conséquences. Mais à présent, je comprends enfin ce qu’elle souhaite et je l’aiderai dans sa quête.

- L’aider ? Avec ton fruit du démon ? Tu n’as donc pas la moindre idée de qui elle est n’est-ce pas ?

- Quel fruit du démon ? Intervint Amalya qui se rapprocha de son capitaine.

- Ah ah ah ! Quelle tragédie ! S’esclaffa Kaïdo hilare. Vous êtes vraiment dans le même équipage ? Gamine, ton capitaine possède le pouvoir du fruit du souvenir. D’un simple contact, il peut voir et te montrer chaque seconde qui se sont écoulés depuis ta naissance. Ta réponse se trouve à portée de main. La sienne en l’occurrence !

Le cœur déchiré, Amalya se rapprocha de Shanks, lui prit la main et la posa sur son visage.

- Shanks, je t’en prie, dis-moi qui je suis, gémit-elle le regard brouillé par les larmes.

Distante et souvent insensible, Amalya n’était pas le genre de personne qui laissait paraitre sa peine. Dérouté mais touché par son imploration, le pirate se concentra, s’attendant à voir défiler dans son esprit une série de milliers d’images mais rien ne vint.

- C’est ridicule, tu sais très bien qu’il ne se passera rien, rajouta Kaïdo amusé. Aucun fruit du démon ne fonctionne à ton contact. Quel pathétique spectacle mais quelle belle paire vous faites !

- Je t’en supplie Shanks, dis-moi qui je suis… Répéta Amalya en descendant la main sur son cœur.

- Je ne peux pas… Murmura Shanks impuissant.

La jeune femme posa son visage sur le torse de son capitaine et ferma les yeux. Malgré leurs multiples disputes, elle avait passé de bons moments à ses côtés. Jamais aucun équipage n’avait été si bienveillant à son égard. Parmi eux, son existence lui avait paru moins difficile à supporter. Mais ils ne pouvaient plus rien lui apporter. Deux fois moins nombreux face aux hommes de Kaïdo, ils étaient condamnés à mourir.

- Merci… Chuchota-t-elle avant de faire demi-tour. Elle marcha vers Kaïdo avant de s’arrêter à côté de lui.

- J’accepte votre proposition.

- Le problème est réglé. Désormais, tu es à moi ! Jubila-t-il en brandissant son sabre.

Tous ces hommes dégainèrent et crièrent en chœur avant de se lancer sur l’équipage adverse. A travers le fracas des épées et le sifflement des balles, les deux empereurs se toisèrent un instant avant de se jeter à leur tour l’un contre l’autre. Jamais Amalya n’avait vu pareille bataille. Elle s’éloigna de la mêlée pour ne pas être blessée et monta à bord du navire de Kaïdo sans se retourner.

Peu importe les conséquences, je vais enfin savoir ce que je cherche depuis tant d’années. Tout le reste n’a aucune importance. Ces pirates n’ont jamais rien représenté pour moi. Ils n’étaient que des pions sur l’échiquier. Je crois. Je ne sais plus. Ferme les yeux, ne regarde pas, ne réfléchis plus. Tout est plus simple dans le noir. Comme au fond de l’océan, seule, toujours seule.

Amalya fut projeté au sol par une onde de choc qui percuta le bateau de plein fouet. Chaque coup que se portaient les deux capitaines était d’une violence rare. La force inouïe qui s’en dégageait dévastait tout sur son passage, remodelant ainsi le paysage de cratère et de tranchée. C’est pourquoi les deux hommes s’éloignèrent de leurs équipages pour éviter de blesser leurs compagnons.

Amalya, du haut de ce nouveau bateau où elle vivrait désormais, regarda finalement cette terrifiante bataille dans laquelle se jouait son avenir. Elle avait déjà connu de multiples affrontements entre équipages pirates et la vue de tant de violence ne la touchait aucunement. La mort avait cheminé à ses côtés tout au long de son existence, emportant avec elle de nombreux hommes, et cela sans jamais l’affectait le moins du monde. Pourtant, cette fois ci, cet énième spectacle, déjà vécu maintes fois, comme un perpétuel recommencement, renversa, tel un raz de marée, les dernières fondations qui soutenaient fébrilement son indifférence face à la vie des autres. Ainsi, voir ses anciens compagnons se battre pour elle, dans l’espoir de la garder auprès d’eux, l’ébranla plus qu’elle ne l’aurait jamais cru. Une nouvelle onde de choc heurta le navire lorsqu’elle aperçut Kaïdo se métamorphoser en un énorme dragon rouge, sans grâce, mais dont émanait une puissance phénoménale.

Quelle hideuse créature ! Rien à voir avec celui qui veillait sur moi à Boratora. Issus d’un fruit du démon, il n’est qu’une pâle copie de la splendeur de ces êtres légendaires. C’est une véritable insulte envers les vrais dragons !

En effet, son corps trapu et terne, ses petites ailes grotesques firent frémir le jeune dragon d’Amalya qui, malgré sa petite taille dû à son jeune âge, était bien plus majestueux et scintillant que son pseudo congénère.

Pour avoir déjà combattu Kaïdo auparavant, Shanks rangea son sabre sachant qu’il était à présent inutile. Aucune arme ne pouvait pénétrer l’épaisse peau de son adversaire puisqu’une fois transformé, Kaïdo devenait indestructible. C’est donc à ce moment qu’intervenait son pouvoir du souvenir afin de le déstabiliser de l’intérieur. Son fruit du démon ne lui servait pas seulement à connaitre le passé de la personne qu’il touchait, il pouvait également lui faire revivre un événement déjà vécu. Ainsi, il attendit que le dragon rouge l’attaque d’un coup de queue qu’il prit de plein fouet dans le torse. Malgré plusieurs côtes cassées, Shanks s’agrippa à l’appendice et vit défiler dans sa tête une partie de la vie de Kaïdo, dans le but de découvrir ce qu’il savait sur Amalya. Quelques secondes suffirent pour obtenir l’information puis il choisit un douloureux souvenir d’une précédente blessure qu’il lui projeta ensuite dans l’esprit. C’est alors que Kaïdo hurla de douleur avant de se retransformer en humain.

- Enfoiré… Grogna Kaïdo, la main sur la cicatrice de sa poitrine.

Le fruit du démon augmentait considérablement la force brute de kaïdo mais diminuait sa vitesse. De ce fait, il était moins difficile pour Shanks d’entrer en contact suffisamment de temps pour fouiller ses souvenirs, au risque de subir des dégâts physiques importants. Tandis que l’un encaissait de gros dommages corporels, l’autre malmené psychologiquement, goutait amèrement aux profondes douleurs du passé. C’est pourquoi aucun des deux n’était jamais ressorti victorieux de leurs affrontements. Shanks sourit malgré sa difficulté à respirer. Il chercha Amalya du regard et la vit sur le pont du bateau en train de les regarder.

- Alors c’est ça que tu veux ?! Que l’on s’entretue ? Lui hurla-t-il plein d’amertume. Veux-tu être ce genre de personne qui laisse insensiblement ses amis mourir ?!

- Des amis !? Je ne vous ai jamais considéré comme tel ! Vous ne représentez rien pour moi ! Cria-t-elle à son tour.

- Je n’y crois pas une seconde !

- Cornaq, toi, les autres, je me fous de vous depuis le début !

- Amalya ! Regarde les se battre ! Regarde leurs visages !

La jeune femme observa ses anciens compagnons lutter pour leurs vies et repensa à tous les bons moments passés ensemble. Son mauvais caractère, son égoïsme, son entêtement, ils l’avaient accepté telle qu’elle était, sans jamais se plaindre. Pire encore, ils lui avaient tout donné. Un toit, de la nourriture, des vêtements, de la chaleur humaine et de la douceur de vivre. Et sans jamais rien demandé en retour.

- Regarde-moi dans les yeux et ose encore me dire qu’ils ne représentent rien pour toi !

- … Représentent rien… Gémit-elle en s’éloignant davantage vers l’arrière du pont.

- Alors explique-moi ce que signifient tes larmes !?

Amalya toucha ses joues et récolta du bout des doigts ses larmes qui n’avaient rien à faire là.

- Vous ne vous en sortirez jamais ! Ils sont beaucoup trop nombreux ! Tu ne peux pas m’aider Shanks alors que lui, si !

- Cet homme ne porte aucune valeur à la vie des autres et il ne se bat que pour la sienne ! Ce n’est pas toi qu’il veut mais ta faculté ! Il ne te laissera jamais repartir ! Que feras-tu s’il te dit ce que tu veux savoir ?! S’écria Shanks déterminé à la faire changer d’avis.

- Laisse tomber le roux, elle a fait son choix. Et elle a choisi le plus fort ! Rugit Kaïdo en se retransformant.

Leur combat reprit plus violemment qu’avant et Amalya se retrouva à nouveau seule avec elle-même. Inconsciemment, elle continuait de reculer pour s’éloigner de la main que lui tendait Shanks lorsqu’elle trébucha sur un seau d’eau. Le cul par terre, un pied dans le récipient, elle plongea ses mains dedans et s’aspergea le visage. Il suffisait qu’elle retourne là-bas, dans les profondeurs, loin de tous ces fous. Loin de ce monde insensé. A nouveau seule. Toujours seule.

Tino, Fredo, William, Shanks… Je ne veux plus être seule…

Une foudroyante douleur déchira son esprit. Elle saisit sa tête et hurla ses tourments qui l’a torturait lentement. Inexorablement.

- ARRETEZ !!!

Une nouvelle onde de choc, qui ne provenait d’aucun des capitaines, fit chanceler tous les pirates dont certains tombèrent, inconscients. Amalya se redressa et marcha vers eux, doucement, tranquillement. Comme si le temps s’était arrêté, chaque pas lui semblait durer une éternité. Des dizaines de battements de cœur assourdissant l’irradièrent telle une explosion de palpitations. Mais elle ne les entendait pas. Elle les ressentait à travers chaque cellule de son corps. Le tumulte de la vie était partout, ici comme là-bas, à l’écart de la plage. Le noir de ses iris dégoulina de ses yeux et se mêla aux larmes et aux gouttes d’eau sur ses joues, assombrissant ainsi son visage. En transe et les yeux également devenus noirs, le petit dragon se connecta psychiquement à la jeune femme.

« Petite sœur »

Amalya sourit et répondit mentalement :

« Mahakala »

C’était son nom. Ca l’avait toujours été. Elle l’avait juste oublié.

- Le haki des rois… Murmura Shanks, surpris.

- C’est ça… Ses yeux… Ils étaient comme ça… Montre-moi ta vraie nature ! Rugit le dragon rouge en se rapprochant d’elle.

La pirate s’accroupit en position d’attaque, montra ses dents et poussa un long grondement du fond de ses entrailles avant de bondir sur Kaïdo. Elle tenta de planter ses dents dans le cou de son adversaire et réussit à lui arracher un morceau de chair que lorsqu’il se métamorphosa en humain. Kaïdo, pas du tout impressionné, l’attrapa par les cheveux et l’écrasa violemment contre le sable.

- Un chien n’attaque jamais son maitre, dit l’empereur en la dominant de toute sa puissance.

Du haut de son arrogance, Kaïdo ne vit pas Mahakala régurgiter, au-dessus de lui, un liquide épais et noir. Il se retourna brusquement et frappa le jeune dragon avant de ressentir une intense brûlure sur sa peau. L’acidité du vomi noirâtre commença par dissoudre ses cheveux et ses cornes avant d’entamer son crâne et son cerveau lui-même. Terrassé par la douleur, Shanks en profita pour dégainer son sabre afin de lui porter le coup de grâce lorsque Kaïdo se retransforma en dragon.

- Je ne partirais pas seul… Grogna-t-il avant de refermer sa mâchoire sur Shanks et sauter dans les airs.

A nouveau elle-même, le sang qui coulait de son front recouvra rapidement ses larmes noires. La tête en vrac, elle se leva et oscilla vers la mer. Déjà très loin de la côte, l’énorme dragon rouge s’évapora et les deux hommes tombèrent dans l’eau. Amalya plongea et nagea difficilement jusqu’à eux mais l’obscurité des profondeurs l’empêchait de voir leurs corps. Ne pouvant pas se permettre de nager à l’aveugle, elle s’arrêta et se concentra pour capter leur présence.

Un battement de cœur. Non, deux ! Cinq cents mètres plus bas. Ils sont déjà si loin…

Elle se dépêcha de rejoindre l’un des battements et tomba sur le corps inerte de Kaïdo. Elle attrapa son poignet et nagea jusqu’au second battement. Shanks, également inconscient, n’attendait que d’être sauvé. Elle remonta les deux corps lorsqu’une suggestion la stoppa dans son élan.

Ils ne survivront pas à la pression si je les remonte trop vite… Et ils ne vont pas tarder à mourir noyé… Merde ! Je ne peux en sauver qu’un…

Amalya pensa à Kaïdo. La réponse était juste là. Si elle l’abandonnait, tout ce qu’elle avait entreprit n’aurait servi à rien. Puis elle pensa à Shanks. Non. Elle n’avait pas perdu son temps. Elle lâcha le poignet de Kaïdo, sacrifiant ainsi le but de sa vie. Blotti contre Shanks, elle posa ses lèvres sur les siennes et partagea son oxygène. Une minute s’écoula lorsqu’il ouvrit enfin les yeux. Surpris par l’étrange contact, Shanks s’agita et recula instinctivement. Amalya lui attrapa la main et la posa sur son visage pour lui faire comprendre qu’il s’agissait d’elle. Puis elle l’emmena cinquante mètres plus haut où elle s’arrêta de nouveau. Comprenant la raison pour laquelle ils avaient nagé seulement jusque-là, Shanks pressa la jeune femme contre lui et ouvrit la bouche.

L’un contre l’autre, les deux pirates partagèrent un déroutant mais agréable moment durant dix minutes puis nagèrent jusqu’au prochain palier de décompression où ils reprirent le bouche à bouche. Malgré son état critique, Shanks ne s’était jamais senti aussi vivant. Exalté par cette intime promiscuité avec Amalya, il se raidit et sourit, perdant ainsi la moitié de son apport en oxygène. Déconcertée par sa soudaine ardeur, Amalya lui pinça furieusement le ventre et lui attrapa le visage pour l’empêcher de bouger. Cinq autres paliers plus tard, ils atteignirent la surface où une barque les attendait.

- Bon dieu de merde ! Ca fait plus d’une heure que vous êtes dans l’eau ! Cria Yasopp en hissant les deux pirates. Vous allez bien ? Vous êtes si rouge ! S’exclama-t-il en voyant son capitaine euphorique, le sourire jusqu’aux oreilles.

- … C’est rien, c’est l’ivresse des profondeurs, son cerveau a manqué d’oxygène… Répondit Amalya, embarrassée. Et moi qui croyais que l’eau vidait de leur force les possesseurs du fruit du démon…

- Qu’en est-il de Kaïdo ? Demanda Yasopp.

- … Désormais, il ne reste que trois empereurs… Murmura Shanks, la respiration sifflante.

- Capitaine ! Ça n’a pas l’air d’aller fort !

- J’ai quelques côtes cassé et j’ai du mal à respirer… Répondit-il en suffocant de plus en plus.

- Merde ! Il y a peut-être un poumon perforé ! Retournons immédiatement au Red Force.

Lorsque Shanks et Kaïdo tombèrent dans l’eau, une quarantaine de moines du Muséion vinrent en renfort et mirent fin à la bataille. Etrangement, aucun des deux équipages n’avaient subi de pertes, mais il y avait beaucoup de blessés plus ou moins dans un état grave en attente de soin. Tandis que Doc soignait ses compagnons les plus amochés, Ben – qui avait pris le commandement en l’absence du capitaine- ligotait et surveillait l’équipage de Kaïdo sur la plage avec l’aide des moines.

Une fois à terre, Amalya et Yasopp soutinrent Shanks jusqu’au dortoir où ils l’allongèrent dans un lit. Doc arriva aussitôt et fit les premiers soins en ordonnant à son capitaine de ne pas bouger d’un centimètre jusqu’à nouvel ordre. Un poumon perforé pouvait vite se dégradait s’il était trop sollicité. Une chance que la côte en était ressortie. Amalya regarda tous ses amis blessés allongé tant bien que mal sur les lits et recula vers la sortie.

- Amalya ! Qu’est-ce que tu fous ! S’énerva le doc dépassé par les événements. Dépêche-toi de les panser ! Tu es capable de faire ça quand même !?

- … Euh oui oui… Marmonna-t-elle impressionnée par Doc qui n’avait jusqu’à présent jamais élevé la voix contre elle.

Elle nettoya et banda chacune de leurs plaies durant deux heures sans jamais oser lever les yeux vers leurs visages, accablée par la honte de ses actes. Quand elle eut fini, elle s’échappa rapidement de cet hôpital de fortune et courut dehors pour respirer à plein poumon. Les deux siens étaient intactes… La nuit était tombée depuis peu et le pont était désert.

Que devait-elle faire ? Elle était effrayée à l’idée d’affronter Shanks face à face, que ferait-il d’elle dorénavant ? Peut-être le moment était-il venu de quitter le navire et de recommencer à zéro ? Alors qu’elle descendait la passerelle en réfléchissant au moyen de fuir ses responsabilités, une main saisit son bras et la tira vers l’arrière.

- Où comptes-tu aller comme ça ?

- Ben ! S’exclama-t-elle en baissant aussitôt les yeux.

- Ai au moins les couilles de me regarder en face ! Traitresse et lâche qui plus est… Tu ne quittes pas le bateau tant que le capitaine ne t’aura pas convoqué. Et que l’idée de filer en douce ne t’effleures même pas l’esprit car je te promets que je ne me retiendrais pas… Souffla-t-il en serrant fortement son bras, tenté par le désir de lui broyer littéralement.

Amalya serra les dents et repoussa Ben.

- Je ne te laisserai pas ce plaisir… Répondit-t-elle avant de rejoindre sa chambre, Mahakala sur les talons.

Après avoir claqué la porte derrière elle, folle de rage, elle s’attaqua aux meubles en les brisant et les éclatant contre les murs. Une fois la pièce sens dessus dessous, elle s’assit par terre et mit la tête entre ses genoux en attendant le verdict de Shanks.

Amalya ne sortait de sa chambre que pour utiliser la salle de bain au bout du couloir, laissant les plats de nourriture inentamés s’accumuler devant sa porte. Shanks, obligé de rester alité, ordonna à ses hommes de laisser partir l’équipage de Kaïdo, qui, anéanti par la mort de leur capitaine, n’avait plus aucune combativité. Il aurait aimé parler avec Amalya mais se ravisa après le sage conseil du doc de laisser du temps à la réflexion. Après tout, la nuit porte conseil. Il en fallu quand même trois pour que Shanks prenne sa décision.

La première nuit, rassuré par le fait qu’aucun de ses hommes n’avaient succombé à ses blessures, il n’en voulait finalement pas tant que ça à Amalya. Avant la bataille, son imploration l’avait touché. Ainsi, elle cherchait à savoir qui elle était, elle avait alors contacté Kaïdo qui était soi-disant à même de lui répondre. Sans en connaitre la raison, Shanks avait conclu qu’elle préférait chercher par ses propres moyens plutôt que lui demander de l’aide. Elle ne devait donc pas connaitre ses origines mais il était nécessaire pour elle de les retrouver seule. Comme l’avait dit le doc un mois auparavant, cette femme portait un lourd fardeau qui l’éloignait des autres. Elle devait se sentir bien seule, et Shanks désirait vraiment lui apporter son aide et la soutenir.

La seconde nuit, la colère l’envahit en repensant au comportement totalement égoïste, arrogant et sournois d’Amalya. Elle n’en faisait qu’à sa tête et ne réfléchissait jamais aux conséquences de ses actes. Malgré sa tolérance, son indulgence et sa clémence, elle continuait de se foutre de lui et de le manipuler. Il avait tenté plusieurs fois de lui tendre la perche qu’elle lui rejetait en pleine figure après l’avoir cassé en deux… Incontrôlable, elle mettait en danger la vie de ses compagnons et ça, il ne pouvait plus le supporter. Cornaq était mort en l’aidant… mais n’étais-ce pas plutôt la volonté d’Amalya qu’il meurt après s’être servi de lui ? Comment pouvait-il obliger son équipage à supporter une telle femme ? Il s’en voulait d’être un si piètre capitaine… Et puis cette bataille était la cerise sur le gâteau. Kaïdo mort, le faible équilibre qui, jusqu’à maintenant, avait permis aux quatre empereurs de régner sur le nouveau monde, était rompu. Son décès aurait de graves répercussions sur le monde. Le gouvernement et la marine chercherait à savoir ce qu’il s’était passé.

C’est ainsi que la troisième nuit, il convoqua chacun de ses hommes pour demander leur avis sur ce que représentait, à leurs yeux, Amalya. Honnêtement et sans détour, ils répondirent tous à sa requête, en bien comme en mal. Doc souhaita passer en dernier à cause de sa surcharge de travail, mais en réalité, il voulait que son opinion soit celle qui terminerai la concertation sur une note favorable. Pour finir, Shanks se remémora la traduction de Chilon sur le dragnix, une créature sacrée qui ressuscitait éternellement. Puis il pensa au dragon de Boratora, à l’œuf dans ces cendres et à la petite créature noire qui en était sortie, collant et protégeant Amalya à chaque instant. Y avait-il un rapport entre cette légende et la réalité ? Et puis toutes ses aptitudes extraordinaires qu’elle possédait… Annulation des pouvoirs du fruit du démon, respiration sous l’eau, Haki des rois ! C’était complètement insensé… Elle avait de bonnes raisons de rechercher ses origines… Peut-être était-elle une cousine lointaine des hommes-poissons, et qu’à défaut de ne pas avoir le physique, elle en avait hérité la respiration aquatique ? Et ses étranges yeux qui devenaient noirs sous l’effet de la colère… Shanks était très intrigué et sa curiosité le poussait à en découvrir davantage. Soudain il se remémora le monologue de Tino au clair de lune, l’ami d’Amalya. « Je souhaite un jour détruire son masque fait de colère et de haine, et faire apparaitre l’ange animé par la joie et la compassion que je vois depuis toujours » avait-il dit… Puis ce jeune gamin, Fredo, qui avait perçu derrière son mépris une femme au cœur juste. C’était une personne meurtrie par la vie qui avait besoin qu’on lui redonne le goût de vivre. Mais arriverait-il à lui faire de nouveau confiance ? C’est ainsi que le jour se leva et que Shanks appela Yasopp.

- Amène la moi.

 

 

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